Intégrer la réalité virtuelle en situation pédagogique, enjeux et limites publié le 05/03/2023  - mis à jour le 24/08/2023

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Les applications de réalité étendues (réalité virtuelle, augmentée et mixtes) se développent largement dans le domaine de la communication (commerce, tourisme) ou du jeu vidéo. Pour certains géants du numériques, elles constitueraient une véritable révolution dans l’enseignement avec le développement du/des métavers à vocation éducative :


Plein écran
The Impact Will Be Real

Digiview by La Digitale

Au delà des slogans publicitaires et des effets de modes, ils semblent que les dispositifs permettant une immersion représentent des outils intéressants pour l’apprentissage. Leur intégration dans un contexte scolaire pose cependant des défis matériels, pédagogiques et éthiques qui amènent à repenser l’espace et le temps des apprentissages, de même que la posture de l’enseignant.

Quels sont les enjeux et les limites des technologies immersives en classe ? Comment les intégrer de manière raisonnable dans nos pratiques pédagogiques ?

Les réalités étendues (XR), de quoi parle-t-on ?

Ce que l’on nomme communément "réalité étendue" (XR) est un ensemble de technologies permettant une expérience immersive plus ou moins intense, avec des interactions plus ou moins grandes avec l’environnement. Sur ce document réalisé par Romain Vasnier, on peut voir que la XR est un continuum entre la réalité et une immersion totale dans une autre réalité totalement reconstituée.

Réalité étendue
Romain Vasnier

Le tableau ci-dessous propose une typologie simple des environnements immersifs susceptibles d’être utilisés en classe.1 Cela va de l’environnement intégralement reconstruit (VR3D) à la vidéo 360°, média le plus facile à mobiliser pour débuter l’immersion avec les élèves. En fonction de ces environnements, l’expérience des utilisateurs varie sensiblement avec des degrés d’interactions très différents. L’intention pédagogique et l’exploitation des ressources sera elle-même différente.

Typologie simple des
environnements immersifs.

Quelques mots sur la recherche dans le domaine

Si le présent article ne vise pas à présenter l’état de la recherche dans le domaine2, il semble important de considérer quelques résultats qui peuvent guider les mises en œuvres en contexte scolaire.

Certaines études semblent montrer un effet positif des situations immersives sur les apprentissages mais nous resterons prudents car il n’existe actuellement pas de consensus scientifique.

Citons une étude britannique menée en 20183 largement reprise et diffusées chez les promoteurs de la réalité virtuelle. Celle-ci démontre en situation expérimentale que si la performance en compréhension n’est pas meilleure en immersion (VR) par rapport à un texte (ci-dessous à gauche) , les "émotions" et "l’engagement" des sujets dans les tâches cognitives sont bien meilleurs dans la condition VR (ci-dessous à droite). Soulignons cependant que la méthodologie de cette étude est critiquée par les auteurs eux-mêmes, du fait de la nouveauté technique introduite par la VR et par la condition "vidéo" peu pertinente (simple retranscription de l’expérience du casque).

Etude britannique 2018 VR
Devon ALLCOAT et Adrian VON MUHLENEN

Ces résultats sur les effets positifs des situations immersives dans l’engagement et le plaisir des apprenants dans les apprentissages sont cependant confirmés dans une revue de littérature menée par des chercheurs canadiens4. Celle-ci se base sur plus de de 2000 références mais les auteurs n’en retiennent que 29 correspondant aux critères de scientificité et à un contexte scolaire. Voici quelques-unes des conclusions de leur travail :

  • La majorité des articles mentionnent l’impact positif des technologies de la réalité virtuelle sur la motivation.
  • L’amélioration de la motivation est liée principalement à deux axes pour le participant, celui de conserver ce qu’il a effectué durant le jeu et celui de le partager avec ses pairs.
  • Le transfert de compétences est plus rapide lorsque l’apprenant apprend par essais et erreurs lors de manipulation, au lieu de suivre un processus formel avec des instructions détaillées.

Il faut souligner ici l’importance de la scénarisation pour articuler l’expérience individuelle et le collectif de la classe

Enfin, la littérature scientifique insiste sur certaines limites souvent évoquées comme la cyber cinétose5, de même que les risques psychiques pour les personnes fragiles qui peuvent ne plus distinguer les différentes "réalités". Il est donc important de considérer ces aspects dans nos pratiques, respecter un âge minimum (13 ans) et une durée limitée pour les expériences immersives (environ 10 minutes).

Documents joints

Devon ALLCOAT et Adrian VON MUHLENEN (Department of Psychology, University of Warwick, Coventry, UK)

François Lewis, Patrick Plante, Daniel Lemire. Université TÉLUQ, Canada. revue-mediations.teluq.ca No 5, 2021.