Un artista del neón (A2 / B1) Lecture d'un texte long publié le 16/12/2011  - mis à jour le 23/04/2019

Réflexion et projet pédagogique proposés par Michèle Bleau, formatrice IUFM et professeure d’espagnol au lycée Cordouan de Royan.

Projet pédagogique autour du texte long, niveau A2/B1

artista del neon

"Un artista del neón", de Agustín FERNANDEZ PAZ
Texte tiré du recueil "Cuentos por palabras"
Ed. SM., Madrid, 2006, 10 éme éd.
Coll. "El barco de vapor", N°108
Premio LAZARILLO 1990
Littérature de jeunesse.

Qu’est ce qu’un « texte long » et pourquoi faire lire un texte long ?

C’est un texte qui se caractérise par son volume, et par la dynamique qui le sous-tend, de la première à la dernière page, alors que la plupart des textes généralement proposés aux élèves sont des extraits choisis, courts, rapides, désolidarisés de l’ensemble auquel ils appartiennent.
C’est un texte qui peut impressionner, mais qui peut aussi et doit s’avérer valorisant.
C’est un « vrai récit » écrit par et pour des hispanophones, et dont la lecture initialement guidée par le professeur, favorise peu à peu l’acquisition d’une certaine autonomie.
S’offrent à nous par exemple les recueils de contes et nouvelles d’Espagne et d’Amérique, des romans de la littérature de jeunesse contemporaine (de plus en plus riche)…ou encore de courts romans accompagnés de leur lecture enregistrée (par une voix hispanophone).

Un texte long est en tous les cas un texte dont la compréhension nécessite un travail articulé sur plusieurs séances, qui suppose de la part du professeur une préparation spécifique, suivie d’ une mise en œuvre rigoureuse, avec la double intention de :
 ménager l’unité du texte en dépit de sa longueur, car sa dynamique interne sous-tend le sens et l’intérêt de l’œuvre.
 proposer au fil des séances des modes d’approche :

  • qui favorisent l’accès au sens avec efficacité
  • qui entraînent les différentes activités langagières
  • qui soient variés et chaque fois en cohérence avec l’intérêt du passage.

Quelques observations ou conseils préliminaires

Choisir judicieusement le texte

Choisir judicieusement le texte, en fonction de

  • son attractivité (sujet, mais aussi ton et rythme dès la première page…)
  • son thème (en rapport avec la maturité des élèves et les programmes)
  • son écriture (les registres de langue, les types de discours)
  • sa dynamique, ou sa composition, (qui doit aider les jeunes lecteurs à s’engager dans la longueur au lieu de les en dissuader),
    autrement dit ce qui fait sa spécificité et son intérêt par rapport aux textes habituels.

Quand l’aborder ?

L’aborder au moment où la classe est prête à le recevoir favorablement, c’est-à-dire prête à accueillir les activités proposées non comme des obstacles mais comme des défis valorisants, et le rôle du professeur est ici fondamental, qui consiste à rendre attractif et accessible un travail de lecture a priori impressionnant ou pour le moins inhabituel.
Ce travail n’interviendra pas soudainement, en rupture avec ce qui précède sous prétexte de son originalité, mais bien au contraire dans la continuité d’une ou plusieurs autres séquences « préméditées » par le professeur pour « poser des jalons »…sur le plan syntaxique, et/ou sur le plan lexical.
Ceci encouragera les élèves dès les premières séances, et de surcroît permettra de centrer leur attention sur des questions de modalités d’écriture, de structure du récit, de compréhension globale, plutôt que sur le décryptage littéral des mots, qui ne mène pas forcément au sens, contrairement à ce qu’ils croient spontanément.

Une ou des tâche(s) de fin de séquence

Comme dans le cadre d’une séquence habituelle, mais à une autre échelle, le professeur pourra déterminer préalablement une ou des tâche(s) de fin de séquence que cette lecture prépare et favorise, au-delà de la satisfaction - déjà fort intéressante et gratifiante en soi - d’avoir pu lire un conte, une nouvelle ou un petit roman, c’est-à-dire d’avoir acquis une certaine autonomie de lecture.


Proposition de lecture guidée

Choix du texte

Huit pages, découpées en 13 « parties » pour une approche engageante, pas trop « compacte ».
La dynamique du récit est rythmée par la structure répétitive « question / réponse » des treize parties qui lui confère une réelle vivacité ; on comprend d’ailleurs assez rapidement qu’il s’agit pour le narrateur- protagoniste d’expliquer les raisons pour lesquelles il a été congédié, afin de convaincre son lecteur -interlocuteur qu’il est victime d’incompréhension et d’incompétence généralisées.

Le ton, enjoué, humoristique, plein d’allant, en dépit d’un sujet qui pourrait être grave. L’humour est perceptible dès les premières lignes, en fin de première partie, établissant une forme de complicité avec le lecteur.

L’écriture et l’intérêt linguistique :
 le mode du vouvoiement avec Usted, dans le cadre d’un « pseudo-dialogue » avec le lecteur

 une langue colloquiale, égrainée de nombreuses tournures idiomatiques = le narrateur raconte aussi pour se défouler, « desahogarse  » donc de manière spontanée,

 les formes interrogatives et exclamatives traduisant l’incompréhension, l’étonnement, l’indignation, prenant à témoin le lecteur,

 l’interaction naturelle de tous les temps verbaux, passé/présent/futur, articulés avec les connecteurs logiques et temporels, entre autres, puisqu’il s’agit d’un discours à caractère essentiellement explicatif.

Engagement liminaire de la classe dans la lecture

Les élèves auront manié et remanié depuis le début de l’année les principaux temps verbaux, et seront au moins capables de différencier les temps du passé de ceux du présent et du futur…

Ils auront aussi été entraînés à observer les verbes et leur sujet pour en déduire le statut du narrateur. Tel sera en tous cas l’objectif de la première séance : les élèves devront découvrir qu’ici le narrateur- protagoniste raconte sa mésaventure à un lecteur inconnu (Usted) qui est pris à témoin et devient récepteur de tout un argumentaire qui lui permet de se justifier et de se disculper.

Le suspens est créé avec la phrase « me despidieron por exceso de sensibilidad artística  », raison étonnante, voire suspecte, qui donne envie de savoir ce que l’on entend par là, renforcée d’une touche d’humour à la phrase suivante…
avec la « victimisation » amusante qui en découle.

Les « jalons » :
On entend par là que d’autres supports interviennent à étudier avant ou/et en parallèle, qui sont destinés à familiariser les élèves avec un registre lexical et avec un sujet, les préparent à accueillir la problématique du récit en situation de « confort » parce qu’ils « reconnaissent » beaucoup de mots, accèdent assez aisément au sens global, et par conséquent « dédramatisent » la quantité de texte …

Par exemple dans le cas qui nous occupe :

  • Pour le vouvoiement, la comparaison, la caricature :
    Quinoterapia, un dessin humoristique de Quino
  • Pour le thème du renvoi et du chômage (le lexique et les idées) :
    El paro, extrait d’un texte de Quim Monzo
  • Pour la langue colloquiale et certains ressorts de l’humour :
    une page bien choisie de "Yo y el imbécil", Elvira Lindo.
  • Pour la réflexion sur la langue publicitaire, les enseignes, les slogans :
    une affiche publicitaire ou vue d’une rue de Madrid ou Barcelone,
    mettant en évidence l’emprise de l’anglais…

L’acquisition progressive d’une confiance et d’une autonomie de lecture

Au terme de ce travail de lecture guidée, les élèves pourraient avoir envie de lire seuls un autre des dix récits du recueil, qui ont tous en commun -notamment- de se référer à une petite annonce parue dans un journal : on suggèrerait, choisis pour les raisons précédemment exposées, et graduellement, les titres suivants et l’annonce à laquelle ils répondent :
Una llave no es suficiente (p.14) “Duplicamos todas las llaves con o sin muestra”.
El caso del unicornio azul (p.21) “¿Desea Usted encontrar su pareja ?”.
Noches de luna llena (p.77) “Urge manicura”.

Faire écrire les élèves

On peut également envisager, au terme de cette lecture, de faire écrire les élèves :
A l’heure où le narrateur termine son récit, son collègue et lui-même ne sont pas encore remplacés dans l’entreprise qui les a congédiés, ils semblent même irremplaçables, ce qui ne laisse pas de procurer une certaine satisfaction à l’artiste incompris… Alors, imaginons qu’un mois de plus ayant passé, l’ex-employeur rappelle notre artiste et son compère…. l’entretien qui s’ensuit, à écrire, et/ ou à jouer.

Ou encore :
rédiger d’autres annonces, envisager la trame du récit qui s’y rapporterait…
(avec échanges entre classes ou deux groupes d’une même classe, en seconde par exemple.

La tâche de fin de séquence

Mais essentiellement, la tâche de fin de séquence qui est ici visée, c’est précisément la transposition au style direct, avec intention de mise en scène, de l’ensemble de ce « monologue/dialogue ». Pour cela, les élèves seront progressivement préparés à l’exercice au fil de la séquence au cours d’étapes intermédiaires.
MISE EN ŒUVRE DU PROJET PEDAGOGIQUE