Marketing : Nous ne naissons pas consommateurs, nous le devenons publié le 23/05/2015  - mis à jour le 25/05/2015

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INfluencia : comment un réflexe de préférence aussi incontrôlé peut-il se déclencher ?

Julien Intartaglia : tout vient du neocortex, grâce auquel on emmagasine des connaissances et des caractéristiques à propos d’un produit. Ainsi même un enfant de 2 ou 3 ans saura reconnaitre un logo et il est donc très intéressant pour une marque de créer de la notoriété auprès de lui, car dès qu’il se retrouvera au contact de ce dernier -y compris une fois adulte- tout sera inconsciemment et immédiatement réactivé. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’éducation d’un consommateur responsable. Car ce n’est pas une fois adulte ni à l’adolescence qu’il le devient, mais bien avant. Il faut donc le former et l’aider à intégrer les bonnes décisions au plus tôt.

INfluencia : à qui revient cette mission éducative ?

Julien Intartaglia : aux gouvernements et ONG ou institutionnels, en plus des parents bien sûr. Mais tout leur enjeu, lors de leurs campagnes de sensibilisation ou de prévention sera de ne surtout pas rester dans leur tour d’ivoire mais plutôt de coller à une réflexion bien concrète et en phase avec la réalité de la consommation. Et les sujets ne manquent pas, allant du surendettement à l’obésité en passant par le tabac, le tri sélectif… De plus, il est urgent de mettre en place de tels programmes, car les sujets citoyens ou sur la société de consommation, ses bienfaits et ses méfaits ne représentent que 0,4% du contenu des manuels scolaires. Or, par exemple, savoir qu’il faut recycler et comment le faire n’est plus du tout un thème secondaire… De même, en Suisse, faire de la publicité sur le tabac est autorisé et donc il est utile de se poser vite les bonnes questions à propos d’un produit qui « tue ».

INfluencia : comment aider un individu qui dès son plus jeune âge et durant toute sa vie sera sous influence des marques ?

Julien Intartaglia : concevoir un programme qui générera un comportement responsable ne passe pas par l’interdiction de la publicité. Au contraire, il faut armer les individus qui vont être exposés à un moment donné ou à un autre aux offres des entreprises. Pour qu’ils apprennent à dire non et à accepter la frustration qui fait partie des éléments essentiels à intégrer. Le mieux pour bien agir est de commencer par une étude ethnographique précise des familles des plus favorisées aux plus défavorisés bien souvent très matérialistes. Afin de bien discerner les leviers d’engagement pour un bon traitement de l’information. Ce dont nous sommes sûrs c’est que le statut de l’enfant comme acteur social en tant que consommateur au sein de la famille, est avéré.

Mais cela ne veut pas pour autant dire que cet acteur social aussi puissant soit-il ne peut et ne doit pas être l’enfant roi. Il doit pouvoir se confronter à un cadre qui va l’aider à se forger en tant qu’adulte responsable. Ce qui passe aussi par un pacte de consommation familial qui, sans être moralisateur, vise à donner aux parents un relais efficace. Pour les aider à épargner leur progéniture, à mettre en valeur leur propre expérience et à donner de la valeur à la notion d’autorisation.