Du 11 octobre 2025 au 21 février 2026, la Villa Pérochon accueille pour la première fois l’exposition du Prix Photographie & Sciences avec deux lauréats : Julien Lombardi – lauréat 2024 –, et Richard Pak – lauréat de la première édition en 2021
Objectif : Aider un ou une photographe à finaliser un projet qui entremêle les deux disciplines.
Nous sommes convaincus que les sciences et les arts ont vocation à se rencontrer dans un dialogue intime et créatif qui donne à voir, à réfléchir et à s’engager. [...] Il est vrai qu’à première vue, tout oppose photographie et sciences : elles n’ont ni le même objet, ni les mêmes méthodes et finalités. Si la première convoque le sensible et les imaginaires, la seconde s’inscrit dans la raison et la réalité. Et pourtant, à y regarder de plus près, elles ont en commun de questionner le monde en rendant visible l’invisible, repoussant les frontières de la connaissance, donnant à voir autrement. Si la photographie raconte les circonvolutions du monde, les sciences nous aident à mieux les comprendre. [...]
Ce prix Photographie & Sciences souhaite s’inscrire pleinement dans cette dynamique partagée autour d’un·e photographe professionnel·le de la scène française : créer les conditions idoines permettant la fabrication de contenus sensibles, photographe et scientifiques partageant des réflexions et des ressources, composant des savoirs inédits dans une sorte de fabrique des possibles.
Philippe Guionie, délégué général du Prix Photographie & Sciences
Julien Lombardi
Julien Lombardi appréhende la photographie sous toutes ses formes, qu’il en soit l’auteur ou non, son rapport à ce médium se réinvente dans chacun de ses projets pour explorer nos environnements, nos identités et nos mémoires. Il s’inspire librement de sa formation en anthropologie et des outils d’investigation qu’elle offre pour conduire des enquêtes dont les finalités sont plus sensibles que scientifiques. Sa démarche s’apparente à celle d’un chercheur, il collecte des informations sur des sujets de société tels que le tourisme, le patrimoine ou la construction d’une jeune république puis ils les détournent en offrant une réflexion sur l’image.Ses travaux photographiques ne sont ni témoignages, ni preuves mais plutôt des fictions ouvertes qui questionnent des passés, des présents et des futurs possibles.
« L’espace est au centre de toutes les attentions, qu’il s’agisse d’observation, d’exploration ou de conquête, depuis l’avènement du New Space et l’arrivée d’entreprises privées dans ce secteur. Les représentations de l’Univers prolifère et notre relation au spatial a profondément changé, elle s’est anthropisée en reléguant cosmogonies et expériences astronomiques en périphérie d’un imaginaire libéral qui fabrique un « exotisme cosmique ». Alors que les scénarios d’une Terre inhabitable se multiplient, mon travail s’intéresse aux recherches spatiales qui élaborent des récits écosophiques des mondes et des altérités.
Le projet Planeta prend pour point de départ les missions Apollo simulées dans le désert de Sonora au Mexique dans les années 60-70 pour échafauder un contre-récit de la conquête spatiale. Avec la complicité d’astrophysiciens, de biologistes, de géologues et d’anthropologues mexicains, je prolonge cette simulation en considérant la Terre comme une planète analogue. Cette pratique est connue des exobiologistes et des planétologues qui travaillent par « résonance » cognitive et émotionnelle pour abolir les distances et relier connaissances scientifiques et expériences sensibles. Ils cherchent à produire des harmonies entre des corps étrangers qui, l’espace d’un instant, vibrent sur les mêmes fréquences. M’inspirant de cette technique, j’explore avec ma pratique photographique des protocoles associés à la recherche scientifique dans le champ du spatial au Mexique : documentation de paysages, prélèvements géologiques, preuves bactériologiques, recherches de signaux, fabrication de nanosatellites...
L’enjeu est de questionner nos représentations de l’espace et les imaginaires qui lui sont associés, car on ne voit pas l’espace, nos sens humains ne nous le permettent pas, nous ne percevons pas les ondes infrarouge, ultraviolet ou H alpha à partir desquelles sont réalisées les photographies des corps célestes. Pas plus d’ailleurs que nous ayons personnellement et physiquement accès à d’autres mondes. Il se joue dans ce trouble des questions fondamentales sur la nature des images, sans la compréhension des travaux scientifiques qui en sont à l’origine : que regarde-t-on ? »
Julien Lombardi
Richard Pak
Auteur pluridisciplinaire né en France. Vit et travaille à Paris.
« Organisée en séries ou en épisodes, l’oeuvre de Richard Pak se bâtit de façon empirique, entendons sans dogme ni programme, sans systématisme non plus. Force est toutefois de constater, comme chez tout artiste, que le corps de l’oeuvre est structuré autour de grandes notions et de recherches formelles adaptées. Il s’est ainsi imposé, de façon plus ou moins intuitive, une “manière” propre à Richard Pak. Pas d’effet, mais des rapports de corps à corps, l’oubli de sa présence pour la révélation de l’existence de l’autre. C’est l’idée même de photographie qui est travaillée sans qu’il ne soit question d’une cohérence stylistique de façade et encore moins d’un processus invariant qui vaut caution esthétique. Ici il faut être réaliste, là symbolique, ailleurs métaphorique, que l’approche soit expérimentale et plastique, classique et documentaire, sociologique et fictionnelle, Richard Pak affirme sa liberté d’écriture. Car ce qui se joue est souterrain, au plus profond de ce qui travaille sa représentation du monde : le sentiment océanique, la modernité tardive, la puissance des affects, l’incarnation par l’image. La nécessité de voir vivre pour exister. »
Michel Poivert, historien de la photographie
Richard Pak a publié trois monographies aux éditions Atelier EXB, journal et Filigranes. Il expose régulièrement en France et à l’étranger et ses photographies font partie de collections publiques et privées dont celles de la Bibliothèque Nationale de France, de la Collection Neuflize OBC et de nombreuses artothèques.
Il est représenté en Italie par la Galerie Spot (Naples).
Nauru, en Océanie, est passé en moins de vingt ans du pays le plus riche à l’un des plus pauvres au monde. Son histoire pourrait être une fiction littéraire où folie des grandeurs et cupidité ont transformé une île paradisiaque en un effondrement écologique, économique et social. L’île naufragée prend les atours d’un conte métaphorique de l’anthropocène pour figurer un des grands désastres du XXème siècle. La série pointe la dimension allégorique de la plus petite république du globe, cette île au trésor qui aurait peut-être mieux fait de le laisser enfoui sous terre.
À Nauru tout commence - et s’arrête - avec le phosphate qu’un géologue découvre par hasard au début du siècle dernier, intrigué par une pierre qui sert à caler une porte de bureau. L’exploitation démarre alors par des puissances étrangères qui se succèdent et qui vont appauvrir son sol pour enrichir le leur. À son indépendance en 1968 les centaines de millions de dollars de l’industrie minière font du nouvel état le plus riche du globe, qui les redistribue fort généreusement à sa population. Parallèlement Nauru investit sa fortune dans la spéculation immobilière et financière. Pendant deux décennies d’euphorie le petit peuple de pécheurs adopte le mode de vie occidental, se met à hyper-consommer et à dépenser sans compter.
Mais le jour des comptes arrive au milieu des années 90 quand le phosphate s’épuise et ainsi les revenus quasi-exclusifs de l’île. Entre folie des grandeurs, corruption et inexpérience des décideurs, les investissements immobiliers se révèlent catastrophiques et sont revendus à perte. Désastre économique et écologique, le pays sombre et devient l’un des plus pauvres de la planète.
Au tournant du XXème la totalité de l’île était recouverte d’une dense forêt tropicale ; aujourd’hui c’est en grande partie un désert inhabitable. La population est concentrée sur la mince bande côtière à l’allure trompeuse d’éden tropical. Mais topside, le plateau central qui constitue les quatre cinquièmes de l’atoll, ressemble à un champ de ruines où se dressent à perte de vue les pinacles, colonnes de corail reliquats d’un siècle d’extraction à coups de pelles mécaniques du phosphate qui les enserrait.
J’ai photographié la dichotomie du topos nauruan avec d’un côté le lagon à l’eau turquoise et les palmiers qui ceinturent l’île et de l’autre, juste derrière ces quelques arbres qui ne cachent plus aucune forêt, des paysages de désolation. À mon retour j’ai fait subir aux négatifs un traitement chimique à base d’acide phosphorique. Le procédé altère l’émulsion, n’épargnant que la seule gamme du rouge, produisant un rendu esthétique qui nous emporte vers la (science) fiction ou la fable mythologique. À l’image de l’île, ces originaux ainsi sacrifiés dans le phosphate en ressortent irrémédiablement transformés et appauvris, comme une alchimie inversée.
Infos pratiques
Exposition ouverte du 11 octobre 2025 au 21 février 2026 du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30 à la Villa Pérochon (64 rue Paul-François Proust à Niort).
ENTRÉE LIBRE & GRATUITE.
Vernissage vendredi 10 octobre 2025 à 18h30.
Causerie samedi 11 octobre à 15h à la Villa Pérochon avec Julien Lombardi et Richard Pak, modérée par Andreina De Bei, rédactrice en chef adjointe et responsable du service photo au magazine Sciences et Avenir – la Recherche (gratuit).
Ces événements sont proposés dans le cadre de la Fête de la Sciences 2025.
Plus d’infos www.cacp-villaperochon.com
mail : accueil@cacp-villaperochon.com
téléphone : 05 49 24 58 18