Réseaux professionnels : et si on échangeait sur nos métiers ? publié le 14/03/2014  - mis à jour le 06/04/2014

Entretien avec François Muller du Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation

La Création du département est le signe manifeste d’une évolution…

Le département de la recherche et du développement, de l’innovation et de l’expérimentation a été créé en 2010 au sein de la Degsco, il faut se réjouir qu’un tel service, éminemment stratégique dans une grande organisation telle que l’Éducation Nationale ait enfin vu le jour car les services « recherche et développement » existent dans toute autre organisation et en garantissent la vitalité.
Ce département assume un rôle nouveau au sein d’une structure traditionnellement bureaucratique, présentant un commandement jacobin et une gouvernance textuelle et descendante (les ordres viennent d’en haut). Le département compense cette organisation descendante par un travail d’analyse des informations qui remontent d’en bas et se fonde sur l’intelligence empirique du terrain en se demandant quel est l’état des pratiques. Ce travail s’effectue notamment par le biais d’enquêtes de terrain et vise à éclairer les prises de décision en alimentant un circuit plus vertueux tendant à inverser progressivement la gouvernance (bottom-up).

Quelle évolution du système ?

Pour aboutir à cette évolution culturelle (n’oublions pas que l’école a entrepris sa refondation), il faut commencer par se remettre en question et prendre toute la mesure du changement : notre organisation est d’un autre temps ! Elle s’apparente au modèle industriel et au Taylorisme : on accueille un grand nombre d’élèves, on les met au pas, on segmente le travail, on spécialise les acteurs… Il faut reconfigurer notre logiciel qui fonctionne souvent en perpétuant des routines. Il convient, pour y parvenir, de travailler ensemble, de se connecter les uns aux autres, de « déprivatiser » les pratiques et de regarder les difficultés en face plutôt que de les cacher. Faire comme si elles n’existaient pas n’arrange rien ! De toute évidence, ce qui fait question pour les uns peut également faire question pour d’autres, en débattre dans un échange professionnel est hautement enrichissant. C’est l’enjeu des réseaux, qu’ils soient numériques ou non.

Le Réseau RESPIRE1

Créé il y a deux ans le réseau d’échange professionnel RESPIRE (l’acronyme est judicieux) compte près de 10 000 contributeurs de statuts différents (enseignants, chefs d’établissements, inspecteurs, chercheurs…). Il est conçu comme un élément du système d’une autre nature : il s’agit d’un outil horizontal, informel et réactif. Cette altérité permet littéralement de « se donner de l’air », d’échanger sur des pratiques professionnelles en dépassant l’angoisse du jugement de valeur ou des formats idéologiques fermés par nature, de produire et de mutualiser des ressources. Dans ce réseau, les contributeurs mettent en place un pragmatisme pédagogique permettant de capitaliser les savoirs d’expérience afin d’être plus attentifs aux élèves. RESPIRE préfigure l’arrivée d’un réseau institutionnel à la rentrée prochaine.

L’innovation, un « attracteur étrange »

En général le terme « innovation » fait peur et est souvent mal compris car partagé par d’autres milieux (la recherche, les journalistes) avec des acceptions variées, mais dans le même temps, il attire, c’est pourquoi on peut parler "d’attracteur étrange". En réalité, Il ne faut pas partir de ce terme mais bien d’une situation qui pose problème. Le changement intervient quand le décalage entre les élèves et les pratiques n’est plus tenable et qu’en quelque sorte une masse critique est atteinte. Alors quelque chose devient explicite, on le dépose sur la table et une vraie dynamique collective du questionnement s’enclenche qui interpelle la routine en instaurant une ingénierie du changement. Voilà comment très souvent naissent les projets innovants.
Innover c’est au fond changer de regard sur les élèves.

Le réseau entre écoles, ça marche, une vidéo d’animation par François Muller

Bibliographie

 L’innovation, une histoire contemporaine du changement en éducation, éd. SCEREN, 2012
 Le Manuel de survie à l’usage de l’enseignant, même débutant, éd. L’Etudiant, 4ème éd, 2012, Prix de l’académie française
 Mille et une propositions pédagogiques pour animer son cours et innover en classe, avec André de Peretti, éd. ESF, 2ème éd., 2012
 Ecole : la Grande transformation ? Les clés de la réussite, avec Romuald Normand, éd. ESF, 2013

Sites web
 Respire : le réseau d’échange professionnel de l’Éducation nationale.
 Espace personnel de François Muller : autour de l’innovation, la créativité et la formation en éducation.
 Diversifier : un site d’auto-formation pédagogique en ligne, développé à partir des travaux d’André de Peretti -

(1) Réseau d’Échange de Savoirs Professionnels en Innovation, Recherche et Expérimentation