"L'enfant de Schindler" ou l'histoire du plus jeune garçon sauvé par Oskar Schindler publié le 31/12/2014

La genèse du livre

C’est le film du grand réalisateur américain qui lui a délié la parole. Car jusque-là, Leon Leyson avait gardé ses secrets pour lui. Il avait en effet enseveli ses souvenirs douloureux au plus profond de son être. Mais l’envie de rendre lui aussi hommage à son héros, à son sauveur ne le quitta plus. Et il lui fallut vingt ans pour coucher son histoire sur le papier.

Le parcours de Leon Leyson

 Né en 1929 à Narewska en Pologne dans une famille de 5 enfants, Leib Lejzon (qui américanisa plus tard son nom), le petit dernier, apprend très tôt à ses dépens que sa "personne s’effaçait derrière son identité juive." (p.21). Objet de railleries mais protégé par l’amour de sa famille, Leib découvre la grande ville de Cracovie au printemps 1938. Son père, ouvrier dans une verrerie et mécanicien expert, y travaillait depuis 3 ans déjà. "On entendait parler de la violence et des troubles en Allemagne. C’était perturbant mais, emportés par les tâches du quotidien, nous n’avions pas le luxe de nous en soucier." (p.38) raconte-t-il.
 La famille de Leib, à l’image de la population de Cracovie, ne tarde pas à se préparer à la guerre. Confronté de plein fouet à l’antisémitisme ambiant, le jeune garçon voit son père se faire violemment passer à tabac. Ces scènes d’horreur qu’il décrit comme "les pires moments de sa vie" (p.53) le hanteront jusqu’à sa mort. Bientôt privé du droit d’aller à l’école (décembre 1939), le gamin entre en résistance : "de temps en temps, je m’asseyais sur un banc public pour me prouver que je pouvais faire ce que je voulais. C’était ma manière de résister aux nazis." (p.59)


 Dans cet enfer et ce déferlement de violence, son père est embauché dans une usine d’émaillage (Emalia) tenue par un homme d’affaires nazi, un certain Oskar Schindler. "Travailler pour Schindler signifiait que papa avait officiellement un emploi. (...) il pouvait présenter des papiers en règle. C’était ce qu’on appelait une Bescheinigung, une attestation, confirmant que papa travaillait pour une société allemande. Ce document constituait un véritable bouclier de protection." (p.62) Surtout lorsque (en mai 1940) les nazis décidèrent de "nettoyer" Cracovie de sa population juive. La famille connaît un court répit car dès mars 1941, elle est contrainte d’emménager dans le ghetto dans des conditions de surpopulation, de manque d’hygiène et de nourriture inimaginables. En mai 1942, la famille échappe encore une fois à la déportation grâce au travail du père. Ce ne fut pas le cas de l’un des frères de Leib qui par amour prend la direction d’un camp de la mort. Leib et sa mère survivent à une nouvelle rafle dont le récit glace le lecteur mais l’horreur ne s’arrête pas là. Son père et son frère sont envoyés dans le camp de travail de Plaszow tandis que Leib et sa mère, après avoir été transférés temporairement dans une autre section du ghetto, connaissent à leur tour le chaos de Plaszow livré à la merci du cruel Amon Göth : "Franchissant les portes de Plaszow, je me suis dit que je n’en ressortirais jamais vivant." (p.104). Affecté à l’atelier de fabrication de brosses, Leib apprend fin 1943 que Schindler a réussi à soudoyer Göth et d’autres responsables SS pour obtenir la construction d’une annexe du camp sur le terrain adjacent à Emalia. Son père et son frère David y sont assignés au printemps 1944. Leib parvient à les rejoindre avec sa mère, la peur au ventre. "Mais une fois les portes franchies, quel ne fut pas mon soulagement de constater que l’enceinte de l’usine était un leurre pour tromper les nazis ! " (p.122)

 Jusqu’au bout, Schindler leur sauvera la vie. L’arrivée des Russes n’est plus qu’une question d’heures. Dans ces circonstances, Schindler leur redonne leur liberté. La famille s’en retourne à Cracovie avec le statut de réfugiés. Elle y est accueillie avec une telle hostilité qu’elle décide de ne pas y séjourner plus longtemps. Après avoir traversé la Tchécoslovaquie, l’Autriche et passé trois ans dans le camp pour réfugiés de Wetzlar dans la zone d’occupation américaine, la famille s’exile en mai 1949 aux Etats-Unis, sa nouvelle terre d’accueil.


Oskar Schindler : un héros à part entière

 Dans le prologue, Leon Leyson ne tarit pas d’éloges sur cet homme qui lui a sauvé la vie, lui, le miraculé de la Shoah. Il écrit : "Avec plus d’un millier d’autres personnes, nous lui devions la vie. Oskar Schindler avait pris d’énormes risques, organisé des pots-de-vin et des transactions secrètes pour sauver ses employés juifs des chambres à gaz d’Auschwitz : grâce à lui, nous avions réchappé de la Shoah. Il avait mis tout son coeur, son intelligence, et son incroyable habileté à flairer le danger, il avait engagé sa fortune pour venir à notre secours. Il avait berné les nazis, leur faisant croire que nous étions indispensables à l’effort de guerre, tout en sachant que beaucoup d’entre nous, dont moi, ne possédions aucun savoir-faire. En effet, je devais grimper sur une caisse à bois pour atteindre les commandes de la machine qui m’était attribuée. Cette caisse m’a permis d’être utile, et de rester en vie." (p.8,9)

 Il rend hommage à cet homme à plusieurs reprises dans son poignant récit. On peut lire par exemple : "Schindler avait laissé des instructions pour que je reçoive deux portions. Cela représentait un effort particulier de sa part et j’étais sidéré par sa gentillesse. Parfois, il s’arrêtait au poste de travail de papa et lui posait la main sur l’épaule : tout finira bien, Moshé, lui disait-il. (p.128)

 Le plus important à ses yeux se résume en une phrase : "En nous traitant avec respect, Schindler résistait à l’idéologie nazie." (p.129)

 Leyson se remémore leur dernière rencontre : "Je n’ai pas eu la chance de dire personnellement adieu à Schindler, mais je me suis joint à tous les autres ouvriers pour lui offrir une bague, fabriquée avec la dent en or d’un prisonnier, sur laquelle était écrit en hébreu une citation du Talmud : "Celui qui sauve une seule vie sauve le monde entier." (p.149)


Travailler en cours sur le personnage d’Oskar Schindler dans le cadre de la notion "mythes et héros" du cycle terminal

la définition d’un héros : réflexion et débat

Voici celle proposée par Leon Leyson : "Je ne suis pas philosophe, mais je crois qu’Oskar Schindler correspond à la définition même de l’héroïsme. Il a prouvé qu’une personne seule peut se dresser contre l’enfer et faire la différence. J’en suis la preuve vivante. (...) Campbell affirmait qu’un héros est un être humain ordinaire qui effectue "les meilleures choses au pire moment". Eh bien, Oskar Schindler est l’incarnation de ce héros." (p.190/191)

le portrait physique et moral du héros : étude d’extraits choisis

Au début du chapitre 4, Leon Leyson dresse un portrait nuancé d’Oskar Schindler. Ce passage fait ressortir l’immense avantage qu’il y avait à travailler pour l’homme d’affaires nazi. Ce portrait est étoffé pages 124,125 et126. La triste fin du héros est esquissée page 182.

le héros en action : étude d’une scène du film "La liste de Schindler"

Il s’agira de montrer aux élèves la scène du film évoquée par Leon Leyson à la page 87. On pourra dans un second temps faire imaginer aux élèves la mise en scène et le dialogue de la scène qu’il décrit juste après. On pourrait même aller jusqu’à leur faire écrire le storyboard de cette scène.


Documents et supports externes (en complément de ce travail basé sur le livre)
Pour ne citer qu’eux :

  • un travail intéressant d’une heure proposé par le centre international d’études sur la Shoah incluant l’étude d’un extrait du film "La liste de Schindler". Peut-on dire au regard de son action (documents historiques à l’appui) qu’Oskar Schindler faisait partie des Justes (Gerechte unter den Völkern) ?
  • une présentation de ces héros discrets dont fait partie Oskar Schindler sur le site de la Deutsche Welle à l’occasion de l’exposition "Gegen den Strom" qui s’est tenue en 2012 au musée juif de Francfort.
  • une présentation d’Oskar Schindler sur le site helles Köpfchen assortie de nombreuses photos.

L’enfant de Schindler en quelques mots

C’est :
 un témoignage incontournable accessible aux adolescents et aux adultes,
 un récit dur et poignant écrit dans une langue simple,
 une page de l’histoire que tout le monde gagnerait à revisiter,
 une note d’espoir.

N.B. Toutes les références données ici renvoient à l’édition française.

L’enfant de Schindler, Leon LEYSON (traduit de l’anglais par Juliette Lé), Pocket Jeunesse PKJ 2014, ISBN 978-2-2662-4692-7, 15,90 euros

Der Junge auf der Holzkiste. Wie Schindlers Liste mein Leben rettete. (Traduction de Mirjam Pressler) Fischer Verlag, ISBN : 978-3-7335-0048-1, 8,99 euros