Sérendipité publié le 11/07/2014  - mis à jour le 18/07/2014

ou comment une histoire de chamelier se retrouve au cœur de l'innovation.

S’il existe un terme à la mode depuis deux ou trois ans dans le domaine de la recherche et de l’innovation, c’est bien celui-ci. Et s’il en est un difficile à définir, c’est aussi celui-ci !

Il est entré dans nos dictionnaires de langue courante en 2011, mais il apparait pour la première fois au XVIIIe siècle dans le conte d’Horace Walpole, Voyages et aventures des trois princes de Serendip - terme persan qui désignait l’île de Ceylan. Dans ce conte, trois jeunes frères réussissent à décrire un chameau alors qu’ils ne l’ont jamais vu, par raisonnement et grâce à leur sens de l’observation. Accusés à tort d’avoir volé l’animal, ils échapperont de peu à la peine capitale. Pour Walpole, la sérendipité peut se définir comme le fait de "découvrir, par hasard et sagacité, des choses que l’on ne cherchait pas."

Nous avons tous fait l’expérience de découvrir la solution d’un problème par hasard et nous connaissons quelques exemples fameux : Fleming et la pénicilline, Archimède dans sa baignoire ou George de Mestral et le velcro. Mais considérer ces découvertes comme le fruit du seul hasard est un raccourci qui masque la partie essentielle de la sérendipité : le travail et l’intensité de l’implication du chercheur ! Désolé pour ceux qui espéraient pouvoir se laisser porter par les lois invisibles du destin ...

Cet aspect rappelle l’importance de l’imprégnation, première étape du projet de créativité en CiT : reformulation du problème, analyse du besoin, compréhension la plus large et la plus rigoureuse possible du sujet, autant d’approches qui vont permettre à nos élèves de s’impliquer et de les rendre capables de déceler la piste de solution qu’ils pourront croiser dans leur quotidien.

La sérendipité peut-elle être favorisée ? Sans aucun doute. L’entreprise l’a bien compris. Citons comme exemples le désordre que Boucicaut introduisit dans les rayons du Bon Marché et qui fit exploser ces ventes1, ou encore Google qui encourage ses salariés à jouer pendant leur temps de travail, ce qui augmente leur créativité. Et dans nos cours - particulièrement en CiT - comment favoriser cette sérendipité ?...

Le disparate a des vertus que la raison ne connaît pas. Pratique et rapide, l’ordre peut emprisonner pourtant ; il favorise le mouvement mais à terme le gèle. Indispensable à l’action, la check-list peut stériliser la découverte. Au contraire, de l’air pénètre dans le désordre, comme dans un appareil qui a du jeu. Or le jeu provoque l’invention.

Michel Serre, Petite Poucette, Editions le Pommier, 2012, page 44

Pour en savoir plus

  • Le n°27 de l’émission L’atelier intérieur, du 3 mars 2014 sur France Culture
  • Sérendipité, du conte au concept, de Sylvie Cattelin, Seuil 2014
  • Les Aventures des trois princes de Serendip, par Louis de Mailly, Éditions Thierry Marchaisse, 2011

(1) Emile Zola, Au bonheur des dames