Formation SVT : La problématisation en Lycée publié le 25/08/2017

Compte rendu d'une formation réalisée le 23 mai 2017 au lycée Valin (La Rochelle)

Quelques apports théoriques sur la question de la problématisation

Comme l’a dit Jean-Jacques Rousseau (Emile, 1762) "On apprend bien que ce qui répond aux questions que l’on se pose".

Pourquoi l’élaboration de la problématique par les élèves est-elle cruciale ?

  • Parce que c’est la construction de la problématique qui permet la construction du concept !
  • Parce que ça permet de faire évoluer les conceptions des élèves.
  • Parce que cela guide les élèves pour construire leur raisonnement ensuite.

Comment impliquer les élèves dans la problématique ?

Les inducteurs de problématisation (ce que le professeur apporte pour faire avancer la discussion) reposent sur deux leviers principaux : générer du paradoxe « Le cerveau n’apprend pas si la réponse est conforme à la prédiction. » et créer des ruptures amenant à déconstruire le ou les modèles explicatifs initiaux (inoculer le doute…).

Quelques situations envisageables :
Bibliographie : "Faire vivre de véritables situations-problèmes" de Gérard de Vecchi, Nicole Carmona-Magnaldi, Hachette éducation.

 Renvoyer aux élèves leurs propres conceptions contradictoires : "en expirant on rejette du mauvais air…et le bouche à bouche ?". "Tous les animaux respirent…mais les poissons ne respirent pas puisqu’ils vivent dans l’eau...", etc.

 Confronter les représentations initiales de différents élèves.

 Relever plusieurs remarques d’élèves pour élaborer une problématique générale : « On dit souvent qu’un garçon a le caractère de son père et une fille de sa mère : qu’en pensez vous ?".

 Exposer des faits contradictoires en apparence ou des opinions opposées.

 Résultats d’expériences inattendus qui paraissent même impossible...

 Inciter les élèves à prendre position sur le choix d’un modèle analogique en se justifiant : "comment représenter le poumon ? un sac, une éponge, un ballon, du gruyère ?".

 Dévoiler une erreur trouvée dans les journaux /magazine et/ou dans l’histoire des sciences, un canular scientifique...

À retenir

La problématisation est certainement l’une des tâches les plus importantes du raisonnement scientifique, la plus difficile, la moins travaillée par les élèves. Elle fait partie des compétences à acquérir dans le cycle 4, elle est évaluable. Elle nécessite de la créativité et donne bien entendu du sens à la tâche complexe.


Exemple de situations de problématisation proposées aux stagiaires

L’objectif est de mettre les collègues présents à la formation en situation de problématiser, comme le seraient leurs élèves.

Premier exemple : en géologie

Cet exemple rentre dans le domaine de compétences de tout professeur de SVT. Un silex cassé et contenant une géode a été ramassé sur une plage de Normandie bordée de falaises calcaires. L’animateur pose la question : "Quels problèmes scientifiques peut-on formuler ?"

Problèmes formulés par les collègues

Deuxième exemple : la bouteille percée.

Cet exemple est volontairement éloigné des compétences courantes d’un professeur de SVT. Il est issu d’un article de la revue "Science in school", issue 39, p 37."
Nous avons proposé deux approches sensiblement différentes :

  • Première approche : une bouteille remplie d’eau est percée au niveau du bouchon et de son fond. Elle est tout d’abord lâchée d’une hauteur d’Homme, puis lancée en hauteur. Les collègues observent l’expérience puis l’animateur pose la question : "Quels problèmes scientifiques peut-on formuler ?".
  • Deuxième approche, l’animateur décrit l’expérience et demande aux collègues d’imaginer ce qui va se passer avant de réaliser concrètement l’expérience. L’animateur pose ensuite la même question que précédemment.
    Voici les propositions des deux groupes de collègues :

Problèmes du 1er groupe

Problèmes du 2ème groupe

Nous vous encourageons à réaliser par vous-même cette expérience et à constater de visu ce qui se passe quant à l’écoulement de l’eau...


Le choix de proposer les deux approches (avec ou sans préambule explicatif) correspond à deux façons d’aborder la problématisation avec les élèves. On remarque qu’il y a plus de questions sur les forces en présence, sur les différentes étapes, plus de "vocabulaire" scientifique (de physique) pour le deuxième groupe, qui a dû imaginer ce qui va se passer puis qui a été confronté à la réalité, que dans le premier groupe.

Avec des élèves, le fait de préparer la problématisation en proposant de réfléchir aux résultats attendus AVANT de montrer l’expérience permet de confronter leurs représentations initiales à la réalité. Cela a souvent pour conséquence un ciblage plus précis dans la formulation des problèmes, le repérage des paradoxes... Dans le cas où le point de départ de la réflexion est d’emblée l’expérience, on observe davantage des directions absolument inattendues dans les problèmes évoqués.

Il faut insister sur le fait que de ne pas avoir "la réponse" est le seul moyen de se retrouver dans un contexte qui ressemble à ce que peuvent ressentir nos élèves.


Analyse de situations de classe : implication des élèves dans la problématisation

Lors de la préparation de cette formation, nous avons cherché à illustrer nos propos à travers l’analyse d’un certain nombre de situations de classe. Nous avons alors constaté combien l’étape de problématisation est un préalable incontournable pour débloquer le raisonnement attendu dans certaines activités.

Par exemple, nous avons modifié une séance de seconde où nous faisions manipuler des modèles de circulation océanique et atmosphérique. A l’issu de cette séance, nous escomptions obtenir un schéma des circulations autours du globe terrestre.
Depuis quelques années, plusieurs versions de la séance, avec des images en accroche, un découpage différent de la séance, un questionnement, une présentation variables ne résolvaient pas le fait que seulement une toute petite minorité d’élèves parvenaient à proposer un schéma fonctionnel cohérent avec les observations des modèles. Même si de nombreux blocages avaient été levés, nous n’arrivions pas à diagnostiquer vraiment d’où venait le problème.
Cette année, en testant par écrit la problématisation en amont de la séance, nous nous sommes aperçus que les élèves qui ont su réaliser ce schéma fonctionnel étaient justement ceux capables de formuler le problème avant de réaliser leurs expérimentations. Nous pouvons donc supposer que les années précédentes, les élèves en situation de réussite étaient en fait ceux qui intuitivement avaient formulé et intériorisé la problématique (sans l’incitation du professeur).

Il semble aussi que la fréquence à laquelle les élèves sont confrontés aux situations de problématisation est primordiale.
Voici deux exemples dans des niveaux de classes différents :

Évolution des fréquences alléliques dans une population d’escargots des haies

Un exemple en classe de seconde, dans le thème 1, traitant de la biodiversité et plus précisément des mécanismes pouvant conduire à la spéciation. Il s’agit de réfléchir sur l’impact de la sélection naturelle et de la dérive génétique sur les escargots des haies. Un site Evolution MegaLab montre la répartition des différentes couleurs de coquilles de ces escargots en Europe essentiellement. On dispose également des données historiques...

Dans les séances précédentes, la biodiversité, la structure de l’ADN, la notion d’allèle ont été travaillées. En outre, on s’est assuré que la représentation graphique des allèles sous forme de camembert était comprise des élèves. Les deux documents suivants sont présentés au vidéoprojecteur, et la question posée est : "A partir de l’étude des données du document , formulez un problème biologique à résoudre. ".
Les réponses des élèves de deux classes préalablement triées ont été présentées aux collègues stagiaires (cf photo).

Le fonctionnement de l’œil : la camera obscura

Un exemple en classe de première S. Il s’agit d’une activité proposée à la fin de la première séance dans le thème 3 C (corps humain et santé) traitant de la vision. Les élèves y ont réalisé une dissection de l’œil de porc, ils devaient proposer un rôle probable, dans le processus de la vision, pour chaque élément anatomique repéré.
Un montage est présenté en fin de séance avec la méthode pour l’utiliser : placer la boîte de conserve dans la manche d’un blouson, le trou vers le côté "main" de la manche, le papier calque vers le côté "corps", puis regarder par la fenêtre, à travers la manche, en plaçant sa tête dans le blouson...

La question qui leur est posée est : "Quels problèmes scientifiques pouvez-vous formuler ?"
Leurs réponses ont été préalablement triées et présentées aux collègues stagiaires (cf photo)

Les deux classes de secondes concernées avaient été confrontées, régulièrement depuis de le début de l’année, à des situations de problématisation. Les premières S, par contre, découvraient cette façon de faire à l’occasion de la séance...
Quand on compare les problèmes scientifiques rédigés par les classes des deux niveaux, il est clair que le raisonnement et la réflexion sont plus poussés chez les secondes que chez les premières scientifiques.

On pourrait également retenir de cette formation que le passage à l’écrit est beaucoup plus efficace pour les élèves que lorsque la problématisation n’est abordée qu’oralement en classe entière...