Simuler les anomalies paléomagnétiques du plancher océanique publié le 22/09/2017

Paléomagnétisme - 1ère S - Modélisation. Montage simple reproduisant les mesures d'anomalies positives et négatives de part et d'autre d'une dorsale.

Place de l’activité dans la progression

La séance est exploitée dans le thème 1B (tectonique des plaques - histoire d’un modèle) pour illustrer l’apport du paléomagnétisme dans la théorie de l’expansion océanique suite aux théories de Hess.
Précédemment, les arguments de Wegener ont été passés en revue, l’apport des ondes sismiques dans la connaissance de la structure interne a été travaillé ainsi que la structure des roches du plancher océanique et l’identification de leurs minéraux caractéristiques.
Globalement, les élèves savent que les continents, enchâssés dans des plaques lithosphériques, bougent sur une asthénosphère plus chaude et plus dense constituée de péridotite. Ils savent aussi que le plancher océanique est formé de gabbros et de basaltes qui ont pour origine l’activité volcanique des dorsales. Par contre, même s’ils ont localisé ces dorsales, les animations montrant leur fonctionnement en double tapis roulant n’ont pas encore été montrées.

Motivation pédagogique

C’est la première année que je réalise cette activité. Auparavant, j’abordais le paléomagnétisme sous forme d’exercices et j’associais les alternances de bandes noires et blanches, figurant les anomalies magnétiques, aux animations flash qui montrent le fonctionnement en tapis roulant des dorsales. La similitude des deux représentations me faisait croire que tous les élèves comprenaient l’intérêt du paléomagnétisme et que "ma" démonstration prouvait bien qu’il y avait une expansion océanique, dont l’origine ne pouvait être qu’à l’axe des dorsales.

En montrant la schématisation simplifiée de la peau de zèbre en même temps que l’animation flash, j’expliquais et j’argumentais certes le fonctionnement des dorsales mais j’occultais complètement le raisonnement déductif, je donnais à la fois le résultat expérimental et la solution. Sans astuce manipulatoire, il était difficile de savoir quels élèves étaient capables de faire le lien entre une symétrie constatée de part et d’autre de la dorsale et l’accrétion de matière qui s’y déroule.


Un exemple d’animation associant les anomalies magnétiques et l’accrétion océanique.

On s’aperçoit que le problème n’est pas aisé quand on veut revenir aux enregistrements originaux des profils magnétiques et qu’on tente d’expliquer à la classe le lien (a priori simple) entre ce graphique plutôt chaotique qui indique des "anomalies" soit positives, soit négatives et la bande rectangulaire où alternent bien régulièrement des zones noires et blanches. Les questions fusent : "pour quelle raison parle t-on d’anomalie monsieur ?" "C’est positif vers le haut, mais par rapport à quoi ?" "Qu’est-ce qui est mesuré exactement ?"...

En général, aborder ces points délicats en cours, sans expérimentation en amont, c’est risquer de perdre une partie des élèves et semer le doute, alors qu’il serait tellement plus logique de leur demander de réaliser leurs propres mesures du champ magnétique et d’en tirer des conclusions.

Élaboration de la maquette de simulation

Ce montage n’est pas parfait, mais il permet une manipulation aisée par binôme et d’obtenir des résultats exploitables. En visualisant les variations de champ magnétique sur la boussole, il améliore notablement la perception du concept du paléomagnétisme par les élèves.

Dans le principe, une boussole est déplacée selon un axe précis, comme s’il s’agissait d’un bateau qui suit une trajectoire. On la fait donc glisser sur un fond de carte représentant la bathymétrie de l’océan Atlantique. Des rondelles métalliques, méticuleusement disposées et collées en alternance, de chaque côté du trajet tracé, sont masquées par le fond de carte. Elles vont attirer l’aiguille de la boussole soit vers le haut, soit vers le bas, au fur et à mesure de la progression.
Les élèves reportent dans un tableau les déviations de l’aiguille en fonction de la distance parcourue (en cm) puis ils construisent leur graphique.


Le montage papier avec les rondelles découvertes, puis le trajet du "magnétomètre" sur le fond de carte


Consignes manipulatoires

  • Vérifier que l’armature de la table, très souvent métallique, n’influence pas l’orientation de la boussole.
  • La boussole dans ce montage n’est plus une boussole ! On considère qu’elle fonctionne comme un magnétomètre, un autre appareil capable de mesurer l’orientation et l’intensité du champ magnétique de la zone traversée.
  • Quand on commence à utiliser notre "magnétomètre", l’aiguille doit indiquer 0°, c’est à dire un champ magnétique "normal", non dévié par le champ magnétique des basaltes sous-jacents.
  • Pour obtenir cette valeur de départ, orienter le fond de carte de façon à ce que l’axe des aiguilles soit parallèle au tracé.
  • Quand l’aiguille se déplace vers le haut, on mesure un champ magnétique supérieur à la normale, c’est une anomalie positive.
  • Quand l’aiguille se déplace vers le bas, on mesure un champ magnétique inférieur à la normale, c’est une anomalie négative.
  • Une simple soustraction entre la valeur pointée par l’aiguille sur le cadran du "magnétomètre" et la valeur pointée au départ (0 ou 180) donne une valeur du champ magnétique en unité arbitraire (UA).
  • Le point de référence pour noter le déplacement en cm est l’axe des aiguilles (le centre du magnétomètre)
  • Quand la variation dépasse les 90°, soulever le "magnétomètre" et le reposer quelques millimètres plus loin sur le trajet.
  • Bien suivre le bord de la règle en faisant coulisser le "magnétomètre".
  • Relever des valeurs pour un trajet d’Est en Ouest, puis d’Ouest en Est.

Une production d’élèves évaluée.

Un exemple de déroulé de séance

  1. Présentation de la théorie de Hess qui suppose la formation d’un plancher océanique au niveau des dorsales avec un éloignement des basaltes et gabbros émis, tel un tapis roulant,de chaque côté de cette même dorsale.
  2. Objectif du TP : En quoi les découvertes et les études autour du paléomagnétisme terrestre vont permettre d’étayer la théorie de Hess ?
  3. Explication de l’aimantation rémanente des basaltes à l’aide d’une boussole et d’un échantillon de roche. De nombreuses vidéos existent sur YouTube.

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  4. De part leur aimantation, les basaltes conservent en quelque sorte une trace de la position du pôle nord au moment où le magma se solidifie. En effet, les cristaux de magnétite, quand ils sont encore mobiles, s’orientent parallèlement au champ magnétique terrestre.
  5. Expliquer oralement le fait que les pôles magnétiques s’inversent au cours des périodes géologiques, le pôle nord passant au sud et vice versa.
  6. On sait que le champ magnétique terrestre peut être modifié par l’aimantation des roches sous-jacentes, ce qui crée des anomalies positives (quand l’aimantation des basaltes va dans le même sens que le champ magnétique actuel) ou bien des anomalies négatives (quand l’aimantation des basaltes pointe dans le sens contraire du champ actuel).
  7. Mise en œuvre de la maquette simulant les mesures permettant d’obtenir un profil magnétique du plancher océanique (voir consignes manipulatoires ci-dessus).
  8. Interprétation des graphiques obtenus avec validation en direct de la trace écrite par le professeur.
  9. Distribution du document ressource ci-dessous et confrontation des résultats avec les véritables mesures.
    profil_magnetique_et_peau_de_zebre

    APBG n°4 2015 p163 dans "Le champ magnétique terrestre et ses variations" Jacques Kornprobst.

Améliorations envisageables de la maquette

Sur 9 binômes, j’ai ainsi obtenu 5 graphiques exploitables et seulement 3 binômes ont pu faire une interprétation correcte de leurs résultats, c’est à dire confirmer logiquement la théorie de Hess.

Les graphiques peu informatifs et donc non exploitables concernent des élèves qui n’ont pas suivi à la lettre les recommandations manipulatoires, mais la variabilité des mesures est sans aucun doute un problème. L’idéal serait d’allonger le trajet sur deux feuilles A4 et d’espacer les rondelles de métal sous le fond de carte.

Les soucis d’interprétation auraient certainement pu être atténués avec une étape de problématisation avant le début des mesures. La consigne aurait pu être : "déplacer rapidement le magnétomètre sur le parcours...que peut on remarquer ?... comment les basaltes peuvent-ils interférer avec le magnétomètre ?".

Un blocage existe aussi sur l’explication de l’aimantation rémanente des basaltes et le fait que ces mêmes roches enregistrent aussi la position des pôles. Dans un premier temps, l’aimant est le basalte, dans un deuxième temps, on décrit que le magma basaltique subit le champ magnétique terrestre contemporain à sa formation. Le fait que l’exposition à un champ magnétique puisse créer un aimant n’est pas simple...

Une mise en commun des 5 graphiques réussis aurait certainement conduit plus d’élèves à comprendre le mécanisme du tapis roulant, imprimé via le paléomagnétisme, dans les basaltes océaniques.