Critères d'identification d'espèces d'oursins fossiles publié le 01/11/2013  - mis à jour le 23/06/2017

Fossile oursin - Terminale S - Mesures morpho-anatomiques. Un exemple chez le genre Collyrites

Idée initiale et aides reçues pour construire le TP

Notre "expert" oursins...

  • L’activité donnant lieu à cet article a été inspiré de l’exercice n°3 page 62 du manuel scolaire Belin où trois populations d’oursins du genre Galerites, morphologiquement proches, sont distinguées à l’aide d’un indice d’aplatissement. Le passage par des données quantitatives (diamètre et longueur) ainsi que l’aspect statistique (distribution des populations, valeurs moyennes) pour identifier une espèce sont des aspects intéressants à développer en terminale S.
  • C’est M. Boutin, un collègue passionné et passionnant, spécialiste des oursins (en autres), enseignant au collège Pierre Loti de Rochefort, qui a donné corps à ce TP en me fournissant un exemple de problème d’identification analogue pour 3 espèces de Collyrites.
  • M. Boutin a lui même collecté les fossiles sur lesquels les élèves ont travaillé (ressources locales), c’est également lui qui m’a fourni les précisions scientifiques nécessaires au TP.

Les fossiles...

  • Les fossiles sont des oursins irréguliers du secondaire. Ils correspondent à la période du Callovien, dernier étage stratigraphique du Jurassique moyen entre -164,7 ± 4,0 et -161,2 ± 4,0 millions d’années. Les Collyrites dorsalis et Collyrites elliptica sont contemporains, il n’y a bien entendu aucune information sur leur éventuelle inter-fertilité. C. dorsalis n’est retrouvé que dans le Callovien supérieur, tandis que C. elliptica couvre tout le Callovien. Les C. ovalis, quant-à eux, sont dans un niveau stratigraphique à part, qui précède de peu le Callovien inférieur.
Fossiles : vue dorsale
Fossiles : vue ventrale
Fossiles : vue arrière
  • Globalement, on note un aplatissement croissant, des C. dorsalis (plus globuleux) aux C elliptica (plus aplatis) , avec des tests intermédiaires chez C. ovalis. La distinction sur le critère d’aplatissement entre C. dorsalis et C. elliptica ne pose guère de problèmes aux spécialistes, mais l’identification des C. ovalis ne peut s’appuyer uniquement sur la forme du test, compte tenu de la variabilité intraspécifique relativement importante chez les trois espèces. Le critère retenu pour distinguer C. ovalis et C. elliptica est la distance anus-bivium, chez C. ovalis, anus et bivium se touchent presque alors qu’ils sont davantage espacés chez C. elliptica. C’est donc la combinaison des deux mesures , aplatissement + distance anus-bivium, qui permet le tri des 3 espèces de fossile...
Différentes mesures morphologique des tests d'oursins

Mise en œuvre de l’activité

Le TP tel qu’il est présenté nécessite une séance de 2h, mais peut être ramené à 1h30 si la réflexion sur les critères morphologiques à retenir pour l’identification est orientée par l’enseignant.
Les élèves travaillent en binôme. Ils disposent d’un ordinateur portable avec sur clé USB, divers liens internet et les photos détaillées des 3 oursins représentant chaque espèce. Ils ont également à disposition des pieds à coulisse (premier prix) ainsi que 40 oursins numérotés pour l’ensemble du groupe (donnés au labo par M. Boutin). Les 3 espèces ne sont pas identifiées.

Une explication pour utiliser correctement les pieds à coulisse est disponible via une animation flash sur le site Ostralo.net, les élèves cliquent dessus s’ils en ont besoin.

Document d’accroche et réflexion sur le caractère adulte/juvénile des oursins

  • Les élèves sont invités à cliquer sur un lien pointant sur un blog de passionnés, Géoforum, où "Manu" demande l’avis des internautes afin de mettre un nom sur le fossile qu’il a trouvé. Les termes techniques foisonnent, les arguments d’identification aussi... Dans un temps imparti, les élèves doivent tout d’abord lister les critères d’identification quantitatifs et qualitatifs cités par les blogueurs.
  • Dans un deuxième temps, quand le listing du binôme a été vu par l’enseignant, les élèves doivent s’interroger sur le caractère adulte d’un oursin. Ils récupèrent alors une aide "papier". À ce stade du TP, les élèves ont le document qui indique les différents paramètres mesurables sur un oursin irrégulier. Sur cette aide figure le questionnement suivant : Que doit-on impérativement vérifier avant d’utiliser un des paramètres mesurés comme critère d’identification d’une espèce ?

Dans le blog, le problème de l’état adulte ou juvénile d’un oursin et sur ce que cela implique en terme d’identification est mentionné "Je doute qu’il s’agisse d’un spécimen juvénile de M.decipiens morphe trapézoidal, même s’il est difficile de voir les plaques sur ce moule interne..."

On attend ici, qu’un élève au moins, comprenne qu’en fonction du stade de développement de l’oursin, les distances mesurées sur le test peuvent considérablement changer et que cela peut évidemment fausser l’identification. Le problème étant qu’il n’est pas possible de repérer sur les fossiles disposés dans la salle les plaques génitales des individus (chaque binôme en a 2 ou 3 à manipuler et à observer). la solution est donnée à l’ensemble de la classe pour passer à l’étape suivante...

Choix du ou des critères d’identification

L’objectif de cette étape et d’amener les élèves à démontrer graphiquement que certains paramètres morphologiques sont indépendants de la croissance de l’oursin (et donc utilisables) , ou quand ils ne le sont pas, à les rendre indépendant en travaillant sur des rapports plutôt que sur les données brutes.

C’est ici le point de réflexion, le véritable "nœud" du TP au sens littéral du terme. Si les élèves découvrent l’option graphique du tableur à l’occasion de la séance, cette étape s’avèrera être un grand moment de solitude (j’ai testé...). En pré-requis, les élèves doivent être capable de construire sans aide un nuage de points à partir des colonnes de données. L’insertion des titres et de nouvelles séries de données doivent également être maîtrisés. Moyennant ces compétences de base, les binômes réfléchissent sur plusieurs couples de mesures et proposent vraiment des justifications graphiques appuyant leur raisonnement.

Ils faut également vérifier, durant cette étape, que chaque binôme mesure correctement ses oursins...

Concrètement, chaque binôme doit mesurer au moins 2 oursins et renseigner un tableau vierge, déjà formaté est présent sur la clé USB, qu’il faut renommer "noms binôme -TP-oursins.ods" (Ce fichier est ramassé en fin de séance).

Tableau vierge

Tous les oursins ayant été mesurés en préparation du TP, la précision des mesures est rapidement vérifiée dans l’instant ou bien à postériori en fonction du temps disponible. Suite à la mesure effective des oursins, les élèves obtiennent le fichier de données complet. La référence des espèces y figure, les points d’interrogations et les chiffres en rouge correspondent à des valeurs non mesurables ou imprécises (fossile incomplètement nettoyé). Il n’y a volontairement pas de colonne référençant le numéro du fossile, pour éviter que les élèves ne corrigent leurs mesures.

Fichiers de données collyrites (OpenDocument Spreadsheet de 13.6 ko)

Critères d’identification d’espèces d’oursins fossiles.


Résultats graphiques et analyse statistique des données

Quelques constructions graphiques

Voici quelques graphiques pertinents obtenus lors des séances :

Graphique distance bivium-trivium en fonction de la longueur de l'oursin

Avec ce graphique, on remarque que la distance entre bivium et trivium a tendance à augmenter avec la croissance en longueur de l’oursin, ce n’est donc pas un critère à retenir quand on ne sait pas si le fossile étudié est adulte ou juvénile.

Graphique distance anus-bivium en fonction de la longueur de l'oursin

Avec ce deuxième graphique, on remarque une certaine indépendance entre la distance anus-bivium et la longueur de l’oursin. Ce critère est donc à priori intéressant en terme d’identification.

Graphique bombement du test en fonction de la distance anus-bivium

Ce graphique combine l’aplatissement/bombement des oursins (rapport hauteur/largeur) avec la distance anus-bivium. On remarque que les Collyrites dorsalis sont plus bombés que les C. elliptica mais que sur ce critère (axe Y), le nuage de points correspondant aux C. ovalis ne se détache pas de celui des C. elliptica. Par contre, ces deux dernières espèces sont facilement distinguées sur le critère de distance entre anus et bivium (axe des X).

De nombreux autres graphiques sont exploitables et proposés par les élèves, mais le plus informatif est celui-ci.

Regard statistique sur les données

Les élèves sont ensuite amenés à s’interroger sur la signification statistique des résultats affichés sous forme graphique. Les zones de chevauchement entre nuages de points et les individus aux caractéristiques extrêmes sont repérés. L’exercice du manuel Belin est montré pour expliquer l’intérêt du test statistique face à des distributions qui se chevauchent.

À ce niveau, certains élèves bloquent pour comprendre la nuance de représentation des données entre l’exercice Belin et leur travail, c’est à dire la différence entre une répartition par classe (type histogramme) et un nuage de points... C’est le moment choisi pour donner du sens au calcul de moyenne, à la signification de l’écart type sur la distribution d’un échantillon (aplatissement de la courbe de Gauss), à la valeur calculée lors du test de comparaison des moyennes en la visualisant sur l’extrémité des distributions.
Dans certains groupes, on peut aussi profiter de l’occasion pour préciser que les distribution "anormales" comme la population Z, ne devraient pas être comparées par le test proposé, puisque celui-ci repose une une distribution symétrique de part et d’autre de la moyenne...

explications statistique descriptive

Le risque de première espèce est rapidement expliqué comme étant le risque de se tromper quand on affirme que les deux moyennes sont différentes... Puis un test de comparaison de moyennes, disponible en ligne (lien sur clé USB) est proposé. Les binômes doivent alors confirmer, par ce test, la validité de leurs impressions visuelles suite à l’analyse du graphique (Bombement en fonction de la distance anus/bivium).

À cette occasion, on fait bien entendu calculer, via les options de formule du tableur, les moyennes et écarts types des 3 populations.

Moyennes et écarts types des 3 populations

Comparaison (bilatérale) de MOYENNES pour des échantillons GAUSSIENS indépendants de variances connues et supposées égales sur le site de l’université d’Angers.

Ci dessous, deux exemples d’affichage annotés à la suite de deux comparaisons


Le moteur évolutif à l’origine de la spéciation

Cette séance est avant tout manipulatoire et descriptive, elle illustre la difficulté qu’il y a à définir des critères d’identification pour des espèces fossiles morphologiquement proches.
Cependant la question de ce qui provoque la spéciation n’est pas abordée. Est-ce que l’allongement et l’aplatissement des oursins donne prise à la sélection. Même s’il y a des exceptions, les oursins irréguliers vivent plutôt enfouis dans un substrat sablonneux tandis que les oursins réguliers sont plutôt calés entre les rochers sur substrats durs.

La transformation des tests d’oursins est-elle le résultat d’une sélection naturelle, d’une dérive génétique, des deux mécanismes ? Est-ce qu’un oursin plus aplatis sera par exemple sélectionné en fonction de la vitesse du courant qui balaye le substrat ? Le substrat plus ou moins meuble favorise t-il l’aplatissement ? Il n’y a aucune certitude concernant les oursins mais il existe par contre des exemples actuels où le caractère mesuré par les élèves peut être mis en relation avec un facteur de sélection.

On peut citer par exemple la famille des cônes, coquillages prédateurs des océans tropicaux. La forme de leur protoconque traduit le type de développement direct ou indirect et est en relation avec leur dispersion. La largeur de l’ouverture des coquilles est en relation avec leur régime alimentaire. Les spécialistes en malacologie se penchent aussi sur des mesures de paramètres de coquilles pour identifier certaines espèces proches.

On trouve également chez la famille des porcelaines des exemples d’évolution de coquille uniquement liée à la dérive génétique.

Le Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle à donc mis en place à notre demande un atelier scientifique sur le thème : Évolution du vivant par l’exemple des Conidae et des Cypraeidae. Les élèves sont mis en situation face à de nombreux cônes et porcelaines. La séance comprend 5 ateliers tournants et tient en 1h30.

Cônes

Retrouver le régime alimentaire des différentes espèces de cône (vermivore, malacophage, piscivore)

Porcelaines

Proposer un ordre d’apparition des différentes formes de coquilles au cours de l’évolution chez les porcelaines

Les 4 activités proposées par l’espace pédagogique du Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle. Ces fiches ont été conçues par Michael Rabiller.

Document joint
un document Utiliser un pied à coulisse (Flash de 171.3 ko)

Source Ostralo.net