Des midichloriens dans la chaîne alimentaire... publié le 11/02/2011  - mis à jour le 21/09/2011

Développer l’esprit critique des élèves, stimuler le doute à l'occasion du 1er avril

Objectif et règles du canular en classe

Chaque nouvelle année, le 1er avril nous apporte sont lot de canulars en tout genre, ils fleurissent à la radio, à la télé, dans les journaux, sur les sites web.

Pourquoi ne pas profiter, de cette aubaine culturelle pour stimuler un peu l’esprit critique de nos jeunes élèves ? Le doute est indispensable pour avancer en Sciences. Ce n’est qu’en se posant des questions qu’on fini par apprendre par soi même, mais encore faut-il avoir été entrainé pour douter et c’est bien ce qui manque à nos élèves. Leur confiance dans ce que nous leur enseignons est sans limite et le 1er avril est une excellente occasion pour les mettre à l’épreuve.

Rien n’empêche à priori un enseignant d’utiliser des canulars, à condition qu’on se fixe quelques règles de façon à rester crédible dans notre fonction d’enseignant délivrant du savoir.

Voici les limites que je me suis fixées pour construire mes "poissons d’avril"

  • Le canular doit s’intégrer parfaitement dans la progression pédagogique
  • Une fois le canular révélé aux élèves, ce qui a été vu en classe doit pouvoir être utilisé comme base de cours (élément faux mis à part...)
  • Il doit donner lieu à un travail de recherche personnel pour que les plus sceptiques et/ou les plus assidus aient une possibilité de trouver par eux mêmes le poisson d’avril.
  • Il doit permettre d’introduire une réalité scientifique exacte, qui n’est pas nécessairement développée en classe (car souvent hors programme), mais qui donne un regard sur les bizarreries de la nature.

L’objectif très formateur du poisson d’avril est de les inciter à remettre en question une nouvelle connaissance délivrée par quelqu’un qui n’est habituellement pas remis en cause. Chaque année quelques élèves sortent du lot et demandent des explications, ils sont logiquement convaincus par les faux arguments judicieusement préparés, mais au retour des vacances de pâques, quelques rares élèves sont très fiers d’avoir, par leurs recherches, décelé l’aberration du cours.


Le canular : les midichloriens de STAR WARS à la base de toutes les chaînes alimentaires.

La progression du cours nous a conduit à travailler sur les chaines alimentaires. Les élèves avaient auparavant étudié des pelotes de réjection de chouettes. Parmi tous les os triés, les mâchoires trouvées dans ces pelotes avaient été identifiées comme appartenant à des mulots, des musaraignes ou des campagnols.

Premiere séance, le canular :

  • Le travail à faire en classe : suite à l’étude de la pelote de réjection, il fallait donc reconstituer la chaîne alimentaire incluant une chouette, un mulot, une pomme de pin (un des aliments du mulot). Les besoins nutritifs des plantes ayant été abordés en cours, il fallait aussi placer judicieusement l’eau, les éléments minéraux, le dioxyde de carbone et la lumière.
À l’occasion de cette activité, la transformation des informations sous forme de schéma était évaluée.
Voici le document de travail distribué aux élèves après avoir donné les consignes...
  • les midichloriens entrent en scène...
    Rapidement certains élèves posent la question "mais c’est quoi monsieur, le petit truc bizarre en haut ?"
À ma grande surprise, personne dans la classe ne connait ces organismes à l’origine de la "force" dans la saga Star Wars. Peu importe, les explications sont données. "Dans l’univers de la Guerre des étoiles, le taux de midichloriens est utilisé par les chevaliers Jedi pour détecter les enfants qui sont en harmonie avec la Force. Les midichloriens sont partout dans l’univers et présents dans tous les êtres vivants.... En mesurant le taux de midichloriens dans le sang d’un Jedi, on peut estimer sa puissance dans la Force".
Voici le "document scientifique" issu de la revue scientifique LA RECHERCHE. Le cadre central a bien entendu été modifié pour "servir" le canular. Il est vidéo-projeté et distribué aux élèves.

Document modifié pour canular

Dernière et ultime preuve, Le cinéma, avec un extrait de Star Wars : épisode I, la menace fantôme. Les 2 minutes où Liam Neeson explique au jeune Anakin Skywalker ce que sont les midichloriens, ont définitivement convaincu de l’existence des petites bêtes...
affiche_star_wars
  • Quelques indices pour leur mettre "la puce à l’oreille" :
    • Le Docteur Aprilfool signifie docteur poisson d’avril en anglais.
    • L’élément radioactif, utilisé pour détecter les midichloriens, le Saalairconium 218 est prononcé à haute voix plusieurs fois.

Au final, les copies (document distribué en début de séance) sont ramassées.

  • Travail personnel à faire pendant les vacances
    • Puisque, le document scientifique laisse penser que les midichloriens sont issus des chloroplastes, pourquoi sont-ils plus petits que ces derniers ?
    • Où peut-on trouver des chloroplastes dans les végétaux ?

Deuxième séance, révélation du canular :

À part les midichloriens, la logique de construction de la chaîne alimentaire est respectée et fait partie des apprentissages exigibles en 6ème.

La plupart des explications données dans l’article sont scientifiquement exactes... Chloroplastes et mitochondries sont bien entendu hors programme mais rien n’empêche d’en parler. Les chloroplastes sont présentés comme de petites sphères vertes qui permettent à la plante de se "nourrir" de CO2 pour fabriquer sa propre matière organique.

  • Une fois l’information donnée "les midichloriens n’existent pas", la réponse à la première question "pourquoi les midichloriens sont-ils plus petits..." est simple : "parce que le professeur ou G. Lucas l’ont voulu ainsi...".

Cette question n’est donnée que pour inciter les élèves à taper le mot midichlorien sur un moteur de recherche. C’est aussi l’occasion d’insister sur le caractère non scientifique du "pourquoi" (à remplacer par "comment expliquer que...")

  • Une observation microscopique de myriophylles prélevés dans la mare du collège donne une consistance aux chloroplastes, très rapidement identifiés par les élèves. Cette activité complète une autre séance placée plus tôt dans la progression et centrée sur les cellules d’épiderme d’oignon. L’activité est évaluée durant la séance.
  • Enfin, il est rappelé avec insistance qu’en aucun cas, un film de science fiction ne peut être utilisé pour apporter une preuve scientifique. Ce qui était loin d’être acquis avant le poisson d’avril.

Petite précaution : le canular est expliqué dans son contexte de cours par l’intermédiaire d’un article sur le site du collège