Quelques portraits publié le 27/04/2006  - mis à jour le 23/02/2014

Présentation

Quelques portraits de personnages ayant permis les progrès des Sciences et des Techniques Physiques et Chimiques.

Pour tout renseignement : Roger Serreau

Babinet Jacques

Jacques BABINET est un physicien français né à LUSIGNAN (Vienne) en 1794, et mort à Paris en 1872. Il est aujourd’hui peu connu des profanes et l’est à peine plus des scientifiques, mais il fut un excellent physicien, et surtout un grand et spirituel vulgarisateur.

Doté d’une grande culture littéraire, et destiné d’abord à une carrière juridique, Babinet entre à l’Ecole Polytechnique en 1812, puis à l’Ecole d’Application de Metz. Il prend part au siège de Metz en 1814. A la Restauration (1815), il abandonne la carrière militaire pour l’enseignement : il est d’abord professeur dans le secondaire, notamment au lycée Louis le Grand, puis il devient examinateur de sortie pour la géométrie et la géodésie à l’Ecole Polytechnique, pendant trente-trois ans, jusqu’en 1864.

Il supplée les physiciens Savary 1 au Collège de France, en 1838, et Pouillet 2, à la Faculté des sciences, puis est astronome adjoint au Bureau des longitudes. Il remplace Dulong 3(à l’Académie des Sciences le 17 février 1840 (section de physique générale). Il commence ses recherches par des travaux en météorologie : il perfectionne l’hygromètre à cheveu , et donne une interprétation de l’arc-en-ciel

Babinet apporte des modifications à la construction de divers appareils de physique, et son nom reste attaché à un perfectionnement de la machine pneumatique (Machine fonctionnant comme une pompe à piston et servant à faire le vide). Habile expérimentateur en optique, il réalise plusieurs appareils remarquables, dont un polariscope, et un goniomètre-réfractomètre à collimateur. Il étudie les réseaux de diffraction de Fraunhofer 4, la double réfraction circulaire, et recherche, dés 1839, cinquante ans avant les travaux de Michelson 5, l’influence du mouvement de la Terre sur les interférences lumineuses obtenues avec la lumière des étoiles.

En 1841, le physicien suisse Daniel Colladon 6 montre, à Genève, que la lumière est guidée par les filets d’un jet d’eau. L’année suivante, en 1842, Jacques Babinet constate la même chose dans les filets d’eau et des bâtons en verre. Il apporte donc une contribution à la découverte des fibres optiques ! Il est encore connu par son théorème sur les écrans complémentaires, en diffraction : il démontre que, moyennant certaines conditions de distance, les figures de diffraction produites par deux écrans complémentaires sont identiques. Il invente aussi un système de projection homalographique pour dresser les cartes (du grec homalos : régulier ; les parallèles sont rectilignes et les méridiens sont elliptiques).

Il publie de nombreux mémoires dans les Annales de physique et de chimie et dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, ainsi qu’un Atlas estimé, surtout, au point de vue cosmographique (c’est-à-dire pour sa description du monde entier). Enfin il se fait un nom populaire par une série d’articles insérés dans les journaux et les revues, dans lesquels il s’attache à vulgariser la science en un style agréable et enjoué. Il publie pendant de nombreuses années un "Bulletin scientifique" dans le célèbre Journal des débats 7. Son talent de vulgarisateur lui vaut une grande popularité.

Arsène Houssaye [ Arsène Houssaye  : Ecrivain français (1815-1896) : De nombreux sites lui sont consacrés.] dira de lui qu’il est :

"Le plus spirituel des savants et le plus savant des gens d’esprit" .


Documentation :

  • Encyclopédie Larousse.
  • André Rousset et Jules Six : « Des physiciens de A à Z ».
  • Maurice Françon : « Diffraction et cohérence en optique » (pour le théorème des écrans complémentaires).

Berthollet Claude Louis

Claude Louis BERTHOLLET est un chimiste français d’origine savoisienne. Il est, après Lavoisier, le chimiste français le plus important de la fin du XVIIIe siècle.

Il est né à Talloires, près d’Annecy, le 9 décembre 1748. La Savoie est alors une province du royaume de Piémont-Sardaigne. Il fait ses études secondaires à Chambéry. À l’âge de 24 ans, il étudie à l’Université de Turin pour exercer la profession de médecin. Cependant, Berthollet préfère la chimie à la médecine ; il décide de partir à Paris, et devient l’élève du Professeur Rouelle 8. Pendant ce temps, il pratique la médecine (pour vivre), et est attaché comme médecin à Mme de Montesson9 . Puis il abandonne sa profession pour se consacrer entièrement à l’étude de la chimie, et se fait connaître par d’excellents mémoires. Il est docteur de la Faculté de Paris en 1779, et entre en 1780 à l’Académie des Sciences. En 1784, il prend la direction des teintures de la Manufacture des Gobelins.

Après des années de scepticisme, il devient l’un des plus fervents partisans des théories de la combustion dites antiphlogistiques10, de Lavoisier . Il s’oppose toutefois à ce dernier, en récusant sa théorie selon laquelle l’oxygène constitue le principe acidifiant fondamental.

Berthollet établit en 1785 la composition de l’hydrogène sulfuré. En 1787, il participe, avec Lavoisier , Fourcroy 11 et Guyton de Morveau 12, à la conception d’un nouveau système de nomenclature chimique, qui est à la base du système utilisé de nos jours. Il découvre en 1789 les propriétés décolorantes du chlore, et en tire un procédé de blanchiment des toiles et des fils utilisant une solution d’hypochlorite de sodium : c’est l’eau de Javel  ! Ce procédé est décrit dans ses Eléments de l’art de la teinture (1791). Poursuivant ses études, il découvre les chlorates, qu’il utilise à la fabrication d’explosifs, ainsi que la composition de l’ammoniaque. On lui doit encore des études importantes sur la fabrication et la nature des aciers, l’emploi du charbon pour purifier l’eau, la fabrication de plusieurs poudres fulminantes, les allumettes dites « suédoises »…

Le Comité de Salut Public lui confie la présidence d’une commission pour étudier les problèmes de chimie, de physique et de mécanique intéressant la défense nationale. Avec Monge 13, il fonde en 1794 l’Ecole Centrale des Travaux Publics, qui prendra le nom d’Ecole Polytechnique un an plus tard (et à laquelle Napoléon donnera un statut militaire en 1804). Berthollet y occupe la chaire de chimie minérale.

En 1796, le Directoire l’envoie en mission en Italie, où il noue des relations avec Bonaparte. Il fait partie, en 1798, du groupe de savants de l’expédition d’Egypte, où il étudie les propriétés du natron14. De retour en France, il publie, en 1803, Essai de statique chimique et Recherches sur les lois des affinités chimiques  : il expose ses théories sur l’affinité chimique et la réversibilité des réactions, et définit, pour la première fois, la notion d’équilibre chimique ; il énonce les règles, dites de Berthollet, qui permettent de prévoir les réactions de double décomposition entre sels, acides et bases. En 1804, il est nommé à la sénatorerie de Montpellier, où Il poursuit ses recherches scientifiques, et organise une préparation industrielle du carbonate de sodium.

Sous l’Empire, il devient Sénateur Comte, puis Grand Officier de la Légion d’honneur. Retiré à Arcueil (au sud-est de Paris), il fonde, avec Laplace , en 1806, la Société d’Arcueil, qui réunira les plus grands savants, comme Chaptal, Biot15, Gay-Lussac, Thenard16, Arago, Poisson, Malus, Berzélius, l’explorateur Alexander von Humboldt , … Ami de Napoléon 1er, il n’en vote pas moins, en 1814, sa déchéance, par horreur pour la guerre. Il est nommé pair de France par la Restauration. Claude Berthollet meurt à Arcueil le 6 novembre 1822.


Documentation :

  • Encyclopédie Larousse.
  • Eric Brown : « Des chimistes de A à Z »

Blondel André

André Eugène BLONDEL est un physicien français qui a notamment défini les grandeurs photométriques, inventé un oscilloscope électromécanique, étudié les alternateurs et les moteurs à courant alternatif, créé les premiers radiophares, effectué des travaux théoriques sur les oscillateurs électroniques .

Issu d’une vieille famille dijonnaise, André Blondel est né à Chaumont (Haute-Marne) le 28 août 1863, d’un père magistrat. Il est d’abord élève au lycée de Dijon. Il intègre ensuite l’Ecole Polytechnique en 1883, après avoir été reçu la même année à l’Ecole Normale supérieure, puis entre à l’Ecole des Ponts et Chaussées en 1885, d’où il sort major en 1888 (L’un de ses amis de promotion est Georges de Joly 17). Parallèlement, Blondel obtient les licences de sciences mathématiques et physiques, respectivement en 1885 et 1889.

Sa carrière débute, en octobre 1889, par un poste d’attaché au Service central des Phares et Balises (qui relève alors de la Direction Générale des Ponts et Chaussées), ce qui l’oriente plus spécialement vers l’étude des phénomènes électriques. Il est titularisé dans ses fonctions en 1893, avec le titre d’Inspecteur Général des Ponts et Chaussées. Il restera au Service des Phares jusqu’à sa retraite, en 1927. Au sein de ce service, il publiera plus de 250 articles.

Il est malheureusement condamné très tôt à l’immobilité, par une paralysie des jambes, qui l’obligera à garder la chambre pendant 27 ans, mais il ne cesse de travailler. Il ne se remettra à marcher qu’en 1919.

C’est à Blondel qu’on doit les principaux progrès de la photométrie, à laquelle il donne des bases théoriques, notamment la classification des grandeurs fondamentales, et le choix des unités. Il étudie les sources lumineuses électriques, en relation avec les problèmes posés par les phares et l’éclairage public. Ses recherches dans ce domaine conduisent à la mise au point du feu-éclair (il s’agit de brefs éclats émis à intervalles réguliers), apprécié pour la rapidité de ses scintillements. Vers 1900, il établit avec Jean Rey 18 la loi de Blondel-Rey, toujours utilisée pour l’étude des feux de signalisation à lumière pulsée.

Sa contribution la plus marquante à la physique expérimentale est l’invention, en 1893, de l’oscillographe galvanométrique (ou électromécanique) qui porte son nom, et qui sera ultérieurement utilisé pour détecter des phénomènes électriques rapidement variables, jusqu’à l’invention de l’oscilloscope cathodique par Ferdinand Braun . Il met également au point d’autres appareils, comme un hystérésimètre et un wattmètre  ; il étudie aussi les phénomènes d’arc électrique.

Ses principaux travaux théoriques concernent l’ Electrotechnique générale  : Le premier, il explique mathématiquement l’effet de l’inertie dans la mise en marche des alternateurs. Il travaille également sur les couplages de ces machines, après Paul Boucherot 19 : Son étude comporte notamment, en 1892, l’application des diagrammes vectoriels (constructions de Fresnel) aux couplages. En 1899, il publie un mémoire, comportant les principaux éléments de l’étude théorique des alternateurs, qui contient l’essentiel de la théorie dite des deux réactions (il s’agit des réactions transversale et longitudinale d’induit) , et son diagramme associé , qui permet de prédéterminer la chute de tension en charge des alternateurs à pôles saillants et circuit magnétique saturé… Blondel étend ensuite cette méthode aux moteurs synchrones (1912-1913). En 1893, 1894, 1895, il publie la théorie des moteurs asynchrones monophasés, liée au théorème de Leblanc 20. Ses travaux devaient aboutir au diagramme circulaire (« diagramme du cercle ») du moteur asynchrone polyphasé. Il travaille également sur la propagation des perturbations électriques le long des lignes, la traction électrique à l’aide de moteurs synchrones et asynchrones, la goniométrie sonore. Il est l’un des pionniers du transport de l’énergie électrique à grande distance et à très haute tension.

C’est lui qui propose l’établissement d’une très importante centrale hydroélectrique à Génissiat, sur le Rhône. Il s’intéresse également à la télégraphie sans fil (TSF), après les expériences de Marconi en 1896, donc à la propagation des ondes radioélectriques. C’est à cette époque que commence une étroite collaboration avec Gustave Ferrié 21 . En 1902, Blondel indique, parallèlement aux travaux de Fessenden aux Etats-Unis, le principe de la téléphonie sans fil, par ondes entretenues. En 1903, il émet, avec Henri Poincaré , l’hypothèse d’une ionosphère. Il préconise l’emploi d’étincelles musicales pour réaliser une syntonie acoustique, dont le brevet américain lui est acheté en 1910 par l’intermédiaire de la SFR (Société Française Radioélectrique, qui vient d’être fondée par Emile Girardeau).

En 1908, il est nommé Ingénieur en Chef du Service des Phares et Balises ; il expérimente à la Rochelle un radiophare permettant aux navires de se repérer dans la brume, puis se lance dans le développement des radiophares, à partir de 1910 :

« La qualité de ses travaux contribue à l’ouverture du Service des Phares vers le monde de la science et de l’industrie, et à la valorisation de la France dans le domaine de la navigation maritime ».
Blondel apporte également une contribution à la théorie des oscillateurs sinusoïdaux, utilisant les « lampes-valves à trois électrodes », c’est-à-dire les triodes, assurant la production de signaux stables en amplitude et en fréquence, pour générer les ondes électromagnétiques entretenues modulées en amplitude (Pendant la première guerre mondiale, la TSF militaire, sous la direction de Ferrié, a effectué de nombreuses recherches sur les triodes, qui ont notamment permis de réaliser des postes émetteurs de télégraphie et de téléphonie sans fil). Ces oscillateurs sont des systèmes bouclés à réaction positive, dont Camille Gutton 22 établit, dans un article publié en 1919, la condition d’oscillation. André Blondel prolonge l’étude de Gutton pour les systèmes bouclés d’ordre quelconque, par une étude systématique des conditions d’oscillation, qui découle de l’étude des conditions de stabilité (ou plutôt d’instabilité pour un oscillateur). Pour cette étude, Blondel utilise le critère de stabilité d’Hurwitz 23, l’un des deux critères de stabilité connus au début du vingtième siècle, avec celui de Routh, et cherche les conditions d’instabilité. Il est ainsi l’un des rares scientifiques à adopter, en 1919, une démarche qui sera celle des automaticiens bien des années plus tard (Les scientifiques de cette époque qui travaillent sur la régulation des processus industriels n’utilisent pas cette méthode d’approche des problèmes).

Blondel contribue largement au développement des revues dans le domaine de l’Electrotechnique, en France : Pendant 25 ans, il publie dans La lumière électrique. En 1916, il est à l’origine, avec Gabriel Cordier et Antoine blondin, de la fusion de cette revue et de la Revue électrique en une seule publication, la Revue générale de l’Electricité. Il en sera le président du comité de rédaction jusqu’à sa mort. Il reçoit la médaille du Franklin Institute, les prix Montefiore et Lord Kelvin, et la médaille Faraday. Enfin, il devient membre de l’Académie des Sciences en 1913, et correspondant de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg en 1932.

Il prend en 1928 la direction de l’Encyclopédie d’Electricité industrielle, en 20 volumes. Il meurt à Paris le 15 novembre 1938. En reconnaissance de ses travaux, la navire baliseur du Verdon, et l’usine hydroélectrique de Donzère-Mondragon, sur le Rhône (la centrale hydroélectrique française la plus productive, plus de 2 milliards de kWh par an), portent le nom d’André Blondel.

Le comité Blondel, créé en 1942, couronne chaque année des scientifiques, universitaires ou industriels, français ou étrangers, « pour des travaux exceptionnellement remarquables contribuant aux progrès de la Science et de l’industrie électrique et électronique, et menés avec le même souci de rigueur et d’approfondissement que ceux d’André Blondel » ( Revue des télécommunications d’Alcatel, 4ème trimestre 2000) : Parmi les médaillés célèbres : Louis Néel en 1948, Pierre Aigrain en 1957, la société Alcatel…à 5 reprises !


Documentation :

  • André Rousset et Jules Six « Des physiciens de A à Z ».
  • Pour en savoir plus sur les couplages des machines synchrones, les diagrammes vectoriels de couplage, et les diagrammes vectoriels de chute de tension en charge, le diagramme du cercle du moteur asynchrone,…, on peut consulter des ouvrages spécialisés. Par exemple : « Electrotechnique à l’usage des ingénieurs », de A. Fouillé.

Cauchois Yvette

Yvette CAUCHOIS est une physicienne et chimiste française qui a notamment consacré une partie de sa longue carrière scientifique (1928-1978) à l’étude des rayons X  : Elle a profondément influencé le développement de la spectroscopie des rayons X, et de l’optique des rayons X.

Elle est née à Paris le 19 décembre 1908, et dés l’enfance, elle est attirée par la science. En juillet 1928, elle est licenciée ès Sciences Physiques, et elle entre immédiatement au Laboratoire de Chimie Physique de la Sorbonne, qui est alors dirigé par Jean Perrin (prix Nobel de Physique en 1926). Elle obtient d’abord un Diplôme d’Etudes Supérieures sur la fluorescence des solutions, puis elle se consacre à la spectroscopie des rayons X.

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Le rayonnement X a été découvert par Wilhelm Röntgen 24 en 1895 : Il est produit par des tubes à rayons X , qui sont constitués d’une cathode émettant des électrons, et d’une anode (ou anticathode) accélératrice qui les reçoit et émet le rayonnement X par interaction de ces électrons avec le matériau constituant l’anode. Les radiations X émises comportent un spectre continu et des raies caractéristiques de l’anode . Les premiers développements de la spectroscopie X datent de 1913-1914 : En 1912, von Laue 25 a observé que les rayons X étaient diffractés par les cristaux. En 1913, W.L.Bragg 26 a établi la loi qui porte son nom  : n λ = 2d sin θ, d étant la distance entre les plans formant le réseau d’un cristal parfait, et n λ la différence de marche entre deux rayons incidents : Lorsqu’un faisceau de rayons X hétérogène est incident sur un cristal sous l’angle dit « de Bragg » θ, seule l’étroite bande de longueurs d’onde qui vérifie la loi de Bragg est diffractée par le cristal : c’est la réflexion de Bragg , ou réflexion sélective. Grâce aux cristaux, il devient donc possible de disperser le rayonnement X, et de l’analyser.

A 24 ans, en juillet 1933, Yvette Cauchois soutient une thèse de Doctorat intitulée « Extension de la spectroscopie des rayons X. Spectrographe à focalisation par cristal courbé ; spectre d’émission X des gaz » : Le spectrographe à rayons X qui porte son nom, lui confère une grande renommée : Depuis l’établissement de la loi de Bragg, les physiciens savent que les rayons X peuvent être réfléchis par la surface d’un cristal : Pour disperser les rayonnements de longueur d’onde inférieure à 1 angström, avec une résolution en longueur d’onde et une luminosité inégalées, ainsi que l’avait prévu le physicien Karl Siegbahn 27, prix Nobel de Physique en 1924, Yvette Cauchois établit les principes fondamentaux d’un nouveau spectrographe dans lequel les rayons X sont réfléchis par les faces d’une lame cristalline, de mica ou de gypse, courbée cylindriquement, pour obtenir une forte luminosité : Dans ces conditions en effet, le rayonnement émis par une source large est focalisé en différents points d’un cylindre, dit de focalisation, puis détecté.

« Le spectromètre Cauchois a le triple avantage d’être hautement lumineux, d’avoir une grande résolution, et d’être simple à manipuler ». Il permet d’obtenir des faisceaux X réfléchis intenses, monochromatiques et convergents, à partir de faisceaux incidents larges non canalisés. Avec ce spectromètre, Yvette Cauchois est la première, en 1934, à observer les faibles émissions X des gaz. Des laboratoires spécialisés en Europe, aux Etats-Unis, au Japon et en Australie sont hautement intéressés par cette nouvelle technique. Universellement utilisée pour l’analyse des rayons X et des rayons gamma, cette découverte conduit à un développement rapide de la physique de ces rayonnements.
Elle devient chargée de recherches au CNRS en octobre 1937, puis maître de recherches, puis Chef de travaux au Laboratoire de Chimie de la Sorbonne, le 1er janvier 1938. Pendant la seconde guerre mondiale, elle est d’abord chargée de l’enseignement de Chimie Physique ; s’y ajoute ensuite la direction du laboratoire de Chimie Physique. En 1945, elle devient Maître de conférences, puis professeur sans chaire à la Sorbonne, puis professeur titulaire en 1951, et enfin titulaire de la chaire de Chimie Physique de Jean Perrin, en 1953.

De 1933 à 1952, Yvette Cauchois développe l’application de la spectroscopie X à l’étude des atomes, des éléments radioactifs, puis de la structure électronique des solides. Elle met en évidence du polonium (Z=84) dans des minerais d’or et de tellure, de l’astate (Z=85) à partir des spectres du radon, du neptunium (Z=93) dans des minerais d’uranium. Elle effectue la première détermination précise des niveaux d’énergie des atomes, et la première mise en évidence de nombreuses raies d’émission X des éléments lourds, ... Elle s’intéresse à l’optique des rayons X et obtient des images réelles en lumière X28 : l’objet doit émettre des longueurs d’onde telles que la relation de Bragg soit vérifiée pour les angles d’incidence utilisés.

Pour obtenir une trajectoire circulaire des particules (électrons ou positrons) dans un synchrotron29, on utilise des aimants pour dévier le faisceau de particules, qui perdent alors de l’énergie, émise à l’extérieur de l’accélérateur sous forme de rayonnement électromagnétique, dans une gamme de longueurs d’onde qui va de l’infrarouge aux rayons X : c’est le rayonnement synchrotron, dont la théorie a été établie par le physicien Julius Schwinger 30, C’est une source continue, pulsée, directionnelle, polarisée. A partir de 1963, Yvette Cauchois est la première, en Europe, à réaliser des expériences de spectroscopie utilisant le rayonnement synchrotron, d’abord avec l’accélérateur circulaire du Laboratoire National de Frascati, prés de Rome, puis au début des années 1970, au LURE (Laboratoire pour l’utilisation des radiations électromagnétiques), à Orsay Ce n’est qu’en 1971 qu’une ligne de lumière (6) est installée autour de l’anneau de collisions d’Orsay (ACO)).

Yvette Cauchois s’intéresse également au rayonnement X cosmique : La collaboration du laboratoire de Chimie Physique de la Sorbonne et d’astrophysiciens permet de réaliser des images X du Soleil, en 1970. Elle apporte d’importantes contributions à la réalisation de sources puissantes d’électrons, accélérés sous des énergies allant de quelques kiloélectronvolts à 2 millions d’électronvolts, à l’étude de leurs interactions avec la matière. Sous sa direction, le laboratoire de Chimie Physique de la Sorbonne est pendant longtemps le seul établissement français engagé dans la recherche fondamentale sur la spectroscopie des rayons X.
Elle est la seconde femme, après Marie Curie, à présider la Société française de Chimie Physique. Elle met en place un excellent programme d’enseignement de Chimie Physique moderne. Lorsque le laboratoire de la rue Pierre et Marie Curie devient trop petit, dans les années soixante, elle crée un département de Chimie Physique à Orsay. Yvette Cauchois reste directeur du laboratoire de Chimie Physique de la Sorbonne (maintenant Paris VI) jusqu’à sa retraite en 1978 ; elle est alors nommée professeur émérite, et elle maintient ensuite une activité de recherche au laboratoire jusqu’en 1991-1992 (âgée alors de 83 ans !).
Elle a entretenu des relations scientifiques avec de nombreux chercheurs français et étrangers. Son laboratoire a été l’un des grands centres de recherches en spectroscopie X, et de nombreux collègues étrangers sont venus le visiter. De ses contacts professionnels sont souvent nées des relations amicales, et elle a entretenu une correspondance suivie avec de nombreux collègues. Yvette Cauchois a gardé aussi des liens étroits d’amitié avec certains de ses anciens étudiants. Elle a toujours été à l’écoute de ceux qui se trouvaient en difficulté et leur est venue en aide avec bienveillance.

Ses recherches ont été récompensées par de nombreux prix : le Prix Ancel de la Société Française de Physique31 dés 1933 ; quatre Prix de l’Académie des Sciences : le Prix Henri Becquerel, en 1935, le Prix Girbal Baral en 1936 , le Prix Jérôme Ponti en 1942, et le Prix Triossi en 1946. Elle est également lauréate, en 1938, du Prix Henri de Jouvenel (Palais de la Découverte), et de la Médaille de la Société Tchécoslovaque de Spectroscopie, en 1974.

Dans les années 60, elle est Commandeur dans l’Ordre des Palmes Académiques, Officier dans l’Ordre de la légion d’Honneur et Officier dans l’Ordre National du Mérite. Elle reçoit la Médaille d’Or de l’Université de Paris en 1987. Elle est docteur honoris Causa de l’université de Bucarest, en 1993.
« Passionnée par son métier, allant sans cesse de l’avant, elle a marqué l’évolution de tout un domaine de la recherche française, et sa mémoire est toujours présente dans son laboratoire, auquel elle s’est consacré toute sa vie » (Site Université dans la cité).
Elle s’est également consacrée aux jeunes défavorisés, auxquels elle a apporté à la fois un soutien moral et une aide matérielle. Elle aimait les arts, surtout la musique, ainsi que la poésie.
Yvette Cauchois a fait la connaissance, en France, de Ioan Stoïca, l’un des religieux du monastère de Bârsana, département des Maramures, dans le nord de la Roumanie. Impressionnée au cours de ses discussions avec le prêtre sur des thèmes religieux, elle décide de se faire baptiser dans la religion orthodoxe. En 1999, âgée de 90 ans, elle effectue donc un voyage en Roumanie, où elle reçoit le baptême des prêtres du monastère. Malheureusement, elle contracte là-bas une bronchite, et meurt quelques jours seulement après son retour à Paris, le 19 novembre 1999. Elle a demandé, par testament, d’être inhumée dans le monastère de Bârsana, auquel elle a légué toute la somme résultant de la vente de ses biens…

« Les moines considèrent cet évènement comme un véritable signe de Dieu. Ils affirment que leurs prières ont été entendues, et leur foi récompensée  » !! (d’après un article de Bucarest Matin).



Documentation :

Sites consacrés à Yvette Cauchois :

  • UNC (Université dans la Cité) :
  • Encyclopédie Larousse.
  • Jules Six et André Rousset : « Des physiciens de A à Z » (pour les biographies de Röntgen, von Laue, Bragg, Siegbahn et Schwinger).

Charles Jacques

Jacques Alexandre César CHARLES est un mathématicien, physicien, chimiste et aéronaute français , le premier à faire voler un ballon gonflé à l’hydrogène.
Il est né à Beaugency (Loiret) le 12 novembre 1746. Son père est procureur du roi. Charles suit des études surtout littéraires, et s’installe à Paris quand elles sont terminées : il travaille d’abord au Bureau des Finances. Ayant beaucoup de temps libre, il se passionne pour les sciences. Il devient un expérimentateur très habile, et à partir de 1770, il enseigne l’électricité et la physique. Il reproduit même les expériences du cerf-volant paratonnerre devant Benjamin Franklin 32 qui le complimente, lorsque, en 1779, ce dernier visite Paris comme ambassadeur des tous nouveaux Etats-Unis d’Amérique. Professeur de Physique à la Sorbonne, il devient un vulgarisateur, en France, des découvertes de Franklin. Comme beaucoup de scientifiques de cette époque, il étudie et expérimente dans beaucoup de domaines. Il va tout de même se spécialiser dans les travaux sur les gaz. Il étudie tout particulièrement leur densité et leur pouvoir de dilatation. Charles sait produire de l’hydrogène, découvert en 1766 par Cavendish. Il vérifie, après lui, que ce gaz est 14 fois plus léger que l’air.

L’intérêt de Charles pour la physique des gaz a une explication précise : sa passion pour l’aérostation naissante. Il comprend toute l’opportunité que représente, pour l’étude de l’atmosphère, cette technique nouvelle, qui met à profit la poussée d’Archimède exercée par l’atmosphère sur un ballon rempli d’un gaz moins dense que l’air extérieur, comme l’air chaud ou l’hydrogène. Dés lors, la compétition est lancée entre Charles et les frères Montgolfier, qui ont déjà réalisé, à Annonay, deux expériences de lâcher de ballon gonflé à l’air chaud, en avril 1783, puis le 4 juin. Charles tient à reproduire ces expériences dans les meilleurs délais.
En collaboration avec les frères Anne Jean et Nicolas Louis Robert (mécaniciens et constructeurs d’appareils de mesure), il construit d’abord un petit ballon sphérique de 4 mètres de diamètre, d’environs 33 m3, en soie imperméabilisée par un vernis à base de caoutchouc dissous dans l’essence de térébenthine (découverte des frères Robert), et gonflé pour la première fois à l’hydrogène : Charles a fabriqué pour cela de l’hydrogène en grande quantité en faisant agir de l’acide vitriolique (c’est-à-dire sulfurique) sur de la limaille de fer. Le gonflage du ballon démarre le 24 août 1783, et dure quatre jours. Le ballon s’envole à vide du Champ de Mars, le 27 août 1783, pour venir atterrir à 16 km, près de Gonesse, où il est détruit par des paysans apeurés. L’hydrogène s’avère supérieur à l’air chaud, pour la distance parcourue, et la durée en l’air.

Le 19 septembre 1783, c’est la démonstration d’Étienne Montgolfier, à Versailles avec un canard, un coq et un bélier…, et le 21 novembre, le premier vol humain : Une montgolfière de plus de 2000 m3 décolle avec Jean-François Pilâtre de Rozier 33 et le Marquis d’Arlandes , et vole pendant 28 minutes au-dessus de Paris, du château de la Muette, à la Butte-aux-Cailles. Pendant ce temps, Charles et les frères Robert fabriquent un ballon plus gros que celui de la première expérience, de 9 m de diamètre (380 m³), pour transporter 2 personnes. Charles réalise tous les équipements qu’on trouve encore sur les ballons à gaz actuels : nacelle, soupape, filet, suspentes, nécessaire de pilotage au lest… La "rampe de lancement" est constituée de tonneaux contenant le mélange d’acide sulfurique et de limaille de fer donnant naissance à l’hydrogène qui emplit l’enveloppe du ballon.
Le 1er (ou le 2) décembre 1783, donc une dizaine de jours après l’ascension de Pilâtre de Rozier et du marquis d’Arlandes, le ballon décolle avec Jacques Charles et Nicolas Robert, dans le jardin des Tuileries, à Paris. Le ballon vole pendant deux heures et se pose à Nesles, après avoir parcouru 35 km. Nicolas Robert descend, puis Charles repart seul, avec une vitesse ascensionnelle élevée, et monte à l’altitude de 3 300 m, mesurée avec précision à l’aide d’un baromètre à mercure (utilisé en altimètre). Il redescend à la tombée de la nuit, saisi par un froid glacial, et atterrit dans les environs de Nesles.


Si, par la suite, il n’entreprend pas de nouveaux vols, Jacques Charles ne cesse d’améliorer des instruments de mesure, et de mener des expériences, dans le cabinet de Physique qui lui a été aménagé au Louvre. C’est là qu’il découvre deux lois fondamentales des gaz.
En 1787, il est le premier à formuler la loi de la dilatation des gaz , reliant le volume et la température d’un gaz, à pression constante, mais il ne publie pas ses résultats. Quinze ans plus tard, en 1802, Gay-Lussac 34 confirme cette loi, établie dans des conditions expérimentales plus rigoureuses : elle porte donc le nom de loi de Gay-Lussac (parfois loi de Charles - Gay-Lussac ) : A pression constante, le volume d’une masse donnée de gaz subit, entre 0°C et une température positive θ(°C) , une variation relative proportionnelle à θ  :

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Charles entre à l’Académie des Sciences comme Membre résidant de la 1ère Classe de l’Institut national des sciences et arts (section de physique expérimentale) par arrêté du Directoire, le 20 novembre 1795. Il est ensuite nommé professeur de physique au Conservatoire des Arts et Métiers.

Il est surtout connu par la loi expérimentale, établie en 1798, reliant la pression et la température d’un gaz, à volume constant. Cette loi porte bien, elle, le nom de loi de Charles : A volume constant, la pression d’une masse donnée de gaz subit, entre 0°C et une température positive θ , une variation relative proportionnelle à θ  :

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Un point important émergeant de ces deux "lois de Charles" est donc que les deux coefficients de température à pression constante et à volume constant, α et β, semblent bien prendre des valeurs identiques ! Le physicien et chimiste Victor Régnault 35 établira que les lois de Gay-Lussac et Charles, tout comme celles de Mariotte 36 et Dulong et Petit , sont des lois approchées. C’est donc avec Régnault que la notion de gaz parfait deviendra définitivement une notion limite.
Charles invente encore un hydromètre37 thermométrique, un goniomètre par réflexion, perfectionne l’héliostat38 de s’Gravesande 39, ainsi que l’aréomètre40 de Fahrenheit 41, et approfondit la mécanique des fluides.

Sa femme Julie, née en 1784, rencontre Lamartine en 1816, à Aix-les-Bains, où elle espère soigner sa phtisie. L’écrivain, qui l’aime, célèbre son souvenir dans plusieurs poèmes des Méditations (dont Le Lac), et dans le roman Raphaël. Julie Charles meurt prématurément en 1817.

Il faut ajouter que Jacques Charles est aussi le plus crédule des hommes : collectionneur d’autographes, il va jusqu’à acheter, très cher, une lettre censée avoir été écrite au Christ par Marie-Madeleine… en vieux français !! Il meurt à Paris le 7 Avril 1823.

Documentation :

  • Jules Six et André Rousset : «  Des physiciens de A à Z  ».

Cotton Aimé

Aimé Auguste COTTON est un physicien français dont le nom est associé notamment à des découvertes fondamentales en Optique , à la mesure des champs magnétiques intenses , mais aussi à la création de la nouvelle Université d’Orsay . Pour ses travaux remarquables en optique physique, il compte parmi les grands savants de la première moitié du vingtième siècle. Il a continué l’oeuvre de Michaël Faraday et Pieter Zeeman en magnéto-optique et il est le pionnier de l’optique moléculaire .

Aimé Cotton est né à Bourg-en-Bresse (département de l’Ain) le 29 octobre 1869. Il est le frère du mathématicien et académicien Emile Cotton 42. Son grand-père était directeur de l’Ecole Normale d’Instituteurs de Bourg, et son père, Eugène Cotton, professeur de mathématiques au Collège de Bourg (l’établissement où André Marie Ampère commença sa carrière !).

Il fait d’abord ses études secondaires au lycée de Bourg, puis ses classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, puis quatre ans d’études à l’Ecole Normale Supérieure de la Rue d’Ulm, de 1890 à 1893, où il côtoie d’autres grands savants comme Paul Langevin, Jean Perrin, Pierre Weiss ou Pierre Curie . Il en sort agrégé de Sciences Physiques en 1893. Il prépare ensuite sa thèse au laboratoire de l’Ecole Normale Supérieure, et découvre alors le dichroïsme circulaire43 : il montre que les corps colorés qui possèdent la propriété de polarisation rotatoire (comme la liqueur de Fehling) présentent, dans la région spectrale où se trouvent leurs bandes d’absorption, une absorption inégale pour les deux vibrations circulaires de sens inverses. En 1896, il soutient sa thèse « Recherches sur l’absorption et la dispersion de la lumière par les milieux doués de pouvoir rotatoire », et il est nommé Maître de Conférence à l’Université de Toulouse (où il en profitera pour faire de l’alpinisme dans les Pyrénées). En 1900, il est rappelé à Paris pour succéder à Jules Violle 44 comme Maître de Conférence à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud : « C’est en empruntant des pièces à de vieux appareils ou en transportant dans les poches de son pardessus des ressources imprévues qu’il dote ses cours d’expériences inédites et parfaites. Il veut ainsi montrer à ses élèves tout l’intérêt d’une belle expérience de cours dans la compréhension de la Physique mais aussi la beauté plastique de la recherche ». Ses premiers travaux de recherche, dans le prolongement de sa thèse, concernent alors les propriétés électro-optiques des cristaux et des liquides, dont la propagation de la lumière polarisée dans les milieux matériels absorbants. Il découvre la dispersion rotatoire anormale  : Cette découverte et celle du dichroïsme circulaire apporteront de nouveaux moyens d’investigation des configurations moléculaires.

A cette époque, il commence une collaboration avec Pierre Weiss 45, pour approfondir l’étude de l’effet Zeeman46,47, de diverses raies spectrales. Pour cela, il met au point la balance électromagnétique qui porte son nom, et qui permet de mesurer l’intensité d’un champ magnétique par comparaison directe de l’intensité d’une force électromagnétique (force de Laplace) à celle de la pesanteur : elle permet de mesurer avec précision l’intensité du champ magnétique appliqué à la source lumineuse. Du dédoublement Zeeman des raies bleues du zinc, Cotton et Weiss déduisent en 1907 une valeur numérique de la charge massique de l’électron : e/m = 1,767.107 u.e.m . Cette valeur est la plus précise mesurée à l’époque. Il s’engage dans l’étude de la structure des colloïdes, après la mise au point d’un modèle perfectionné d’ultramicroscope qui lui permet notamment d’observer le mouvement brownien. Il contribue aussi à l’étude de la symétrie moléculaire. Cherchant toujours à relier la dispersion et l’absorption optique, Aimé Cotton s’intéresse au phénomène de polarisation rotatoire magnétique, ou effet Faraday48 au voisinage des raies d’absorption des corps colorés : C’est avec deux de ses élèves, Scherer et Servant, qu’il arrive à mettre en évidence le dichroïsme circulaire magnétique.
En parallèle, il travaille avec son camarade de promotion Henri Mouton , biologiste à l’Institut Pasteur, sur les propriétés des solutions colloïdales. Il met au point en 1905 une technique d’observation ultramicroscopique pour visualiser des particules colloïdales individuelles d’hydroxyde ferrique, et constate que ces particules s’orientent sous l’action d’un champ magnétique. La solution présente alors une biréfringence magnétique intense avec un axe optique parallèle aux lignes de champ : C’est l’effet Cotton-Mouton , découvert en 1907  : « U n matériau biréfringent dans lequel les vibrations lumineuses circulaires droite et gauche ont des coefficients d’absorption différents, présente un effet de dichroïsme, c’est-à-dire l’apparition de couleurs qui varient suivant l’épaisseur du matériau, et suivant l’orientation de la lumière par rapport aux axes principaux du matériau ».

En 1910, ils vont mettre en évidence ce phénomène de biréfringence magnétique dans un liquide pur : le nitrobenzène (déjà connu pour sa forte biréfringence électrique). Ils vont poursuivre ensemble pendant de longues années l’étude de ce phénomène sur un grand nombre de liquides en faisant varier des paramètres physiques comme l’intensité du champ appliqué, la température ou la longueur d’onde de la lumière utilisée. Très vite, Aimé Cotton se rend compte qu’il lui faut des champs magnétiques de plus en plus intenses, et sur de plus grands volumes, pour étudier cet effet très faible pour certaines substances : il monte alors un projet d’électro-aimant puissant, et réussit à y intéresser l’Académie des Sciences, qui réunit en 1914 une commission "pour examiner les conditions dans lesquelles pourrait être réalisé un grand électro-aimant de recherche d’une puissance exceptionnelle". Mais la guerre vient couper court à ce projet.

En 1913, Aimé Cotton, qui remplace Jean Perrin à l’Ecole Normale Supérieure de Jeunes Filles de Sèvres pour préparer les jeunes étudiantes à l’agrégation, épouse la physicienne Eugénie FEYTIS, alors agrégée-préparatrice dans cette même école, et qui devait plus tard en assumer la direction. Elle est née le 13 octobre 1881en Charentes-maritimes, à Soubise, tout près de Rochefort, au sein d’une famille modeste. En 1901, elle entre à l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres, et fait alors la connaissance de Pierre et Marie Curie. En 1904, elle est agrégée de Physique. Elle enseigne d’abord au Collège de Poitiers , puis à l’Ecole Normale Supérieure, sur la recommandation de Marie Curie. Elle collabore à des recherches avec Jean Perrin. Pendant de nombreuses années, elle a une très grande activité scientifique. Aimé et Eugénie Cotton auront trois enfants, dont Eugène qui poursuivra une carrière de Physicien nucléaire au Commissariat à l’Energie Atomique.

En 1914, Aimé Cotton dirige les travaux de thèse de Georges Bruhat 49 sur le dichroïsme circulaire et la dispersion rotatoire. Pendant la première guerre mondiale, trop âgé pour servir sur le front, il contribue malgré tout à la défense nationale en mettant au point avec Pierre Weiss un système de repérage des canons ennemis par une analyse acoustique : c’est le système Cotton-Weiss .

Dés 1917, il participe à la création de l’Institut d’Optique théorique et appliquée, et de l’Ecole Supérieure d’Optique, où il enseigne. En 1921, il est nommé professeur à la Sorbonne, où il crée la chaire de physique théorique et de physique céleste (qui devient ensuite la chaire de spectroscopie et de physique céleste, transformée ultérieurement en chaire de spectronomie), puis il occupe en 1922 la chaire de physique expérimentale, succédant à Gabriel Lippman 50 (Il y restera jusqu’à la retraite en 1941, où il sera remplacé par Jean Cabannes 51). Le nom d’A. Cotton est alors associé à la mesure des champs magnétiques intenses. En 1923, il est élu membre de l’Académie des Sciences (section de physique générale), en remplacement de Jules Violle. Il en deviendra vice-président en 1937, et Président en 1938, succédant à Emmanuel Leclainche 52.

En 1924, l’Académie des Sciences nomme une nouvelle commission en vue de la réalisation d’un grand électro-aimant de recherche, et décide de consacrer un financement à sa construction. Aimé Cotton (initiateur du projet depuis 1914) contribue à la réalisation de cette machine de 120 tonnes, dans le laboratoire du Service des recherches et inventions de Bellevue, qui deviendra ensuite le laboratoire du magnétisme de Meudon-Bellevue, puis le laboratoire Aimé Cotton (LAC). L’achèvement de ce travail est annoncé en séance publique de l’Académie des Sciences le 9 juillet 1928. La puissance dépensée pour l’excitation de cet électro-aimant est d’environs 100 kW (400 A sous 240 V) ; il permet d’obtenir des champs magnétiques intenses (jusqu’à 7 teslas). Grâce à Aimé Cotton, la France possède alors l’un des plus puissants appareils de physique du monde : En 1928, les premières expériences sur l’instrument commencent, et une installation de liquéfacteurs pour l’obtention de très basses températures vient compléter l’appareil, qui restera en service pendant plus de 40 ans, jusqu’en 1970, avant de devenir une pièce de musée. Il sera utilisé pour de nombreuses expérimentations et découvertes ; de nombreuses équipes venues du monde entier vont se succéder sur l’électro-aimant pour obtenir des résultats scientifiques remarquables : S. Rosenblum, pour la structure fine des rayons α de radioactivité, en 1929, Simon, Kurti et Lainé pour le refroidissement par désaimantation adiabatique, en 1935, ou Bizette pour le premier exemple d’antiferromagnétisme, en 1946.

Eugénie Cotton, elle, est très engagée, sur le plan pédagogique, sur le plan du féminisme, et sur le plan politique. En 1936, elle est nommée par le ministre Jean Zay directrice de l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres. Elle y élève le niveau de l’enseignement des sciences, et y développe le laboratoire et les recherches. Elle fait rattacher Sèvres à l’enseignement Supérieur. Elle adhère à l’Association des françaises diplômées des Universités, dés sa fondation : Avoir le soutien de la directrice de l’Ecole Normale Supérieure était capital pour l’association. Elle apporte son aide aux anti-fascistes allemands réfugiés en France depuis 1933, puis espagnols traqués par Franco. Proche du parti communiste, elle est d’abord contrainte, pendant la seconde guerre mondiale, de quitter son poste et, en 1941, mise à la retraite d’office par le gouvernement de Vichy. De son côté, Aimé Cotton, qui proteste contre la montée du fascisme en Europe depuis 1936, est arrêté deux fois : En 1941, alors qu’il prend sa retraite de professeur et qu’il continue à venir travailler au laboratoire de Bellevue, il est arrêté par les allemands, et passe un mois et demi en prison à Fresnes. Il sera de nouveau arrêté en 1942 avec son fils Eugène.

En 1944, Eugénie Cotton entre à l’Union des femmes françaises, puis contribue, à la création, le 1er décembre 1945, de la Fédération démocratique internationale des femmes. Elle assure ensuite la présidence de ces deux associations, jusqu’à sa mort. Elle est également membre du Conseil Mondial de la Paix, de l’association d’amitié France-URSS, et y développe une importante activité jusqu’à sa mort, le 16 juin 1967.

Aimé Cotton participe encore à la création de la nouvelle Université d’Orsay : il y crée un laboratoire de Physique atomique qui se révèlera une pépinière de grands scientifiques français, comme, par exemple, Pierre Jacquinot 53. En plus de son talent de physicien, il est un profond humaniste. Il s’intéresse toute sa vie au progrès et à la diffusion de l’Esperanto, dans un souci de meilleure compréhension entre les hommes et particulièrement entre les savants.

Il est plusieurs fois lauréat de l’Académie des Sciences, avec les prix Pierson-Perrin, en 1907 (notamment pour ses études des milieux colloïdaux), La Caze, en 1918, le prix Albert 1er de Monaco, en 1928, et le prix Villemot en 1936. En 1946, il est élu membre du Bureau des Longitudes.
Aimé Cotton appréciait la bonne cuisine : Il aimait dire que «  la chimie, ce n’est pas de la cuisine, mais que la cuisine, c’est de la chimie  »…
Il meurt à Sèvres le 15 Avril 1951, âgé de 81 ans, épuisé par une trachéite grave et des problèmes circulatoires. Il laisse une oeuvre scientifique remarquable, et l’image d’un homme aux grandes qualités de caractère.


Principales publications d’Aimé Cotton :

  • Phénomène de Zeemann (1899)
  • Les ultramicroscopes et les objets ultramicroscopiques (avec Henri Mouton, 1906)
  • Les progrès de la physique et de la physique moléculaire (avec Henri Mouton, 1917)
  • Œuvres scientifiques d’Aimé Cotton (éditions du CNRS, 1956)



Documentation :


Fessenden Reginald

Reginald Aubrey FESSENDEN est un ingénieur radioélectricien et physicien américain, d’origine canadienne. Il est relativement méconnu, mais il doit être considéré comme le père de la radiophonie ( Téléphonie Sans Fil ), en réalisant le premier la transmission sans fil de la voix humaine, par modulation d’amplitude de l’onde électromagnétique porteuse, c’est-à-dire en faisant varier l’amplitude de l’onde électromagnétique haute fréquence selon la valeur instantanée du signal audiofréquence délivré par un microphone. Avant les travaux de Fessenden, la TSF est la Télégraphie Sans Fil , c’est-à-dire la transmission de signaux Morse par des ondes électromagnétiques amorties, émises par des émetteurs à étincelle, et Marconi lui-même considère alors qu’il est impossible de transmettre la voix par les ondes.

Reginald Fessenden est né le 6 octobre 1866, près de Sherbrooke, au Québec. Très jeune, il rêve de transmettre la voix par les ondes, sans doute après avoir observé, à l’age de 10 ans, Graham Bell en personne faire une démonstration de son téléphone.
A 18 ans, ses études terminées, il part aux Bermudes où un poste de professeur lui est offert. Il veut gagner de l’argent pour revenir travailler à New York, avec Thomas Edison . En 1886, il arrive effectivement à New York et met au point un système de surveillance des lignes télégraphiques qui est remarqué par Edison. Celui-ci le prend à son service et 2 ans plus tard il est nommé chimiste en chef de son laboratoire. En 1893, la Société Edison ayant fait faillite, il se consacre à nouveau à l’enseignement, à Pittsburgh. C’est là qu’il commence à travailler sur la transmission de la parole par ondes électromagnétiques, au moment où les expériences de Marconi en Angleterre font la une de l’actualité mondiale.

Il est convaincu que la voix ne pourra être transmise qu’à l’aide d’ondes entretenues et que les émetteurs de l’époque, à ondes amorties, de type Marconi, ne sont pas adaptés à cet usage. Il va donc chercher à réaliser des appareils capables de générer des ondes entretenues de hautes fréquences . En 1900, il imagine un système d’envoi de signaux télégraphiques à courant alternatif, qui séduit le ministère de l’Agriculture américain : Celui-ci lui propose alors d’expérimenter la TSF dans sa station météo de Cobb Island, au milieu du Potomac, près de Washington : Fessenden est nommé télégraphiste en chef du « U.S. Weather Bureau ». Le 23 décembre 1900, il procède à l’expérience historique : il fait un premier essai de modulation d’amplitude d’une onde à haute fréquence en insérant un micro dans le circuit d’antenne, et transmet, depuis Cobb Island, un message à son collaborateur, posté à 1,6 km, qui ne tarde pas à confirmer par téléphone qu’il a bien reçu le message sur son récepteur radio (équipé d’un détecteur électrolytique très sensible, mis au point par Fessenden) : La radiophonie est née, et la voix de Fessenden est la première transmise par ondes . Toutefois, ce premier succès n’est pas divulgué : Il préfère continuer ses travaux, pendant 6 ans, pour améliorer la qualité d’émission et de réception de ses appareils.

Encouragé par son succès, Fessenden quitte en 1903 le U.S. Weather Bureau, et fonde sa propre entreprise : la National Electric Signaling Company. Il construit 4 stations d’émissions télégraphiques aux USA, puis par la suite 2 nouvelles installations à Brant Rock , près de Boston, et à Machrihanish , en Ecosse. Ces 2 stations, distantes de plus de 4800 km, ont pour mission d’établir une liaison télégraphique permanente entre les Etats-Unis et l’Europe. Elles sont équipées d’un émetteur à étincelles avec éclateur rotatif. La liaison s’avère être de qualité supérieure à celle obtenue avec le matériel Marconi. Mais ces stations émettent toujours des ondes amorties qui ne permettent que des liaisons en télégraphie Morse. Vers 1905, Fessenden commence une série d’essais en ondes entretenues avec des alternateurs haute fréquence de sa conception. La puissance d’émission de ces alternateurs est de l’ordre de 1000 W et la fréquence de l’onde produite de 50 kHz. : La radio sort de sa phase primitive .

Fessenden demande à la Compagnie General Electric de lui construire un alternateur haute fréquence de taille industrielle pour alimenter un émetteur à ondes entretenues de grande puissance : C’est l’ingénieur Ernst Frederik Alexanderson qui en est chargé. La machine génère une onde de fréquence 80 kHz (λ = 3750 m). L’installation est testée à Brant Rock. En novembre 1906, après quelques mises au point de la machine de base, il réalise avec succès les premières liaisons radiotéléphoniques avec New York, distant de 320 km. Mais ses émissions sont également captées par la station de Machrihanish : C’est la première fois que la voix humaine traverse l’Atlantique. La veille de Noël 1906, il réalise une première démonstration mondiale : Plusieurs télégraphistes embarqués peuvent entendre Fessenden lire quelques passages de la Bible, jouer du violon, et chanter.

Fessenden continue ensuite ses expériences sur la modulation d’amplitude jusqu’en 1920. Il invente divers appareils de mesure, un nouveau système gyroscopique, un téléphone électrodynamique, un condensateur haute tension à air sous pression… Il dépose en tout plus de 500 brevets . Il imagine aussi, en 1910, la méthode de réception hétérodyne . Fessenden accepte mal le succès de Marconi, et il engage de nombreux procès afin de défendre ses propres brevets. Il meurt à Hamilton, aux Bermudes, le 22 juillet 1932. Le New York Herald Tribune écrit alors :
"Il arrive parfois, et même dans le domaine scientifique, que quelqu’un puisse avoir raison contre l’avis des spécialistes du monde entier. Le Professeur Fessenden faisait partie de ces hommes là. Il s’est battu seul afin de prouver l’exactitude de ses théories, malgré les protestations de gens autorisés et connus tels Marconi. Il a réussi à mettre au point ce que nous appelons aujourd’hui la Radio, aussi facilement que la flamme nous envoie la lumière. ...... Il restera celui qui avait raison."

Et après 1906 ?
En 1907, l’américain (d’origine française) Lee de Forest invente la triode , qui fait passer, en quelques années, la radiophonie de l’ère électromécanique (les alternateurs HF) à l’ère électronique : l’américain Edwin Armstrong montre, en 1912/1913, que la triode est capable d’amplifier un signal, BF ou HF, dans de grandes proportions ; on va également l’utiliser dans les autres fonctions de base de la radio : démodulation et oscillation.
En 1910, les américains Dunwoody et Pickard mettent au point le premier poste récepteur à galène. En 1914, en Angleterre, une émission régulière de détente est diffusée pour la première fois. En 1915, l’américain J.R. Carson , des laboratoires Bell, invente la BLU (Bande Latérale Unique). En 1917, Lucien Lévy (en France) et Edwin Armstrong (aux Etats-Unis) inventent le poste récepteur superhétérodyne (càd à changement de fréquence ) , dont le principe est toujours utilisé, en radio et en télévision.

En 1921, le 26 novembre, a lieu, en France, la première émission de radiophonie, depuis l’émetteur de Sainte-Assise (près de Melun) : Melle Yvonne Brothier, de l’Opéra comique, chante la Marseillaise. Le 24 décembre, débutent les programmes réguliers du Poste de la Tour Eiffel, qui est le premier émetteur français de radiodiffusion, et le 6 février 1922, on inaugure officiellement la station.
Les émetteurs et récepteurs à lampes s’imposent peu à peu à partir de 1920-1922.
A partir de 1923, Edwin Armstrong travaille sur la modulation de fréquence : il lui faudra plus de 10 années pour mettre au point une FM à large bande, exempte de bruit, relevant ainsi le défi que lui avait lancé Carson en 1924, dans un papier un peu malheureux, expliquant que la FM n’avait pas d’intérêt, et concluant : « Le bruit, c’est comme la pauvreté, on ne pourra pas s’en débarrasser »….



Vers 1930, apparaît le poste secteur (le slogan publicitaire est « une prise de courant et c’est tout ! »), grâce à de nouvelles lampes à cathode à fort pouvoir thermo-émissif et chauffage indirect, auxquelles Yves Rocard apporte une contribution.

La découverte du transistor , en 1949, par les 3 physiciens américains Schockley , Brattain et Bardeen, va révolutionner l’électronique. En 1953 apparaît le premier poste à transistors, commercialisé par Texas Instrument.
Quant aux alternateurs HF, ils resteront, parfois longtemps, utilisés en Télégraphie sans fil : En France, l’alternateur HF (20 kHz) de 200kW de l’émetteur télégraphique de Lyon-la-Doua, conçu par les ingénieurs Joseph Bethenod et Maurice Latour, et fabriqué par la SACM de Belfort (qui deviendra Alstom), fonctionnera 125 000 heures (il n’y a pas de 0 en trop !) de 1919 à 1944.
Le physicien Edouard Branly (1844-1940), qui a principalement découvert, en 1890, un détecteur d’onde électromagnétique à limaille métallique (le « radioconducteur » ou « cohéreur »), ne supporte pas la pollution sonore des postes de radio dans son immeuble ! : « …et dire qu’on prétend que j’ai inventé ça… » grommelle-t-il en montant l’escalier…

Documentation :



Holweck Fernand

« Fernand HOLWECK est certainement l’un des plus remarquables représentants de la physique française de la première moitié du vingtième siècle. Son intelligence, sa perspicacité, son habileté d’expérimentation se retrouvent dans l’ensemble de ses apports à la science moderne ». (Pierre Dessapt : Cf. documentation).
Fernand Holweck est né à Paris en 1890, d’une famille alsacienne ; il est d’abord élève à l’École Communale Boulevard Arago, puis à l’École Lavoisier, et enfin à l’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielles (ESPCI) de Paris (Rue Vauquelin) dont il sort major Ingénieur Physicien en 1910.

Appelé sous les drapeaux en 1911, il sert sous les ordres du Commandant Ferrié 54 au Mont Valérien, puis au centre de TSF du Champ de Mars (Tour Eiffel), où il se perfectionne dans les techniques du vide, et s’intéresse aux détecteurs des ondes électromagnétiques : il apporte d’abord des améliorations au détecteur électrolytique, puis il construit des lampes valves à usage de détection thermoionique (càd des diodes à vide mettant à profit l’effet thermoélectronique). Il est ensuite préparateur au laboratoire Curie, où il travaille auprès de Mme Curie, puis il devient Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Paris. Dans des lettres personnelles que lui a envoyé Marie Curie, elle avouait son admiration pour cet homme de talent, brillant technicien, manipulateur d’exception…(Pierre Dessapt). Durant la grande guerre, il est d’abord affecté dans une compagnie radio de la Xe Armée sur la Somme. Il met au point avec succès un système d’écoute des réseaux ennemis. A partir de 1917, il est affecté sur sa demande à la Direction des Inventions (créée par Jean Perrin ), au laboratoire d’essais de Toulon, où il travaille sur les ultrasons, sous la direction de Paul Langevin 55, avec notamment Maurice de Broglie 56. Il collabore à la mise au point d’un "Sonar" pour la Marine Nationale.

A compter de 1919, il retourne au laboratoire de Mme Curie, devenu l’Institut du Radium, comme préparateur, puis Chef de Travaux. Dès lors, « avec modestie et dévouement, mais en travailleur acharné, il conçoit et réalise matériellement des objets techniques fondamentaux » : A partir des années 1920, les émetteurs à ondes entretenues permettant une modulation d’amplitude sont réalisés avec des tubes électroniques dérivés des premières triodes. La recherche de puissances d’émission toujours plus grandes conduit à la fabrication de tubes de plus grandes dimensions, pour éviter d’associer plusieurs, voire un grand nombre de lampes de puissances plus faibles. La durée de vie de ces composants est limitée ; le filament, en particulier, se fragilise rapidement par sublimation : les premières lampes d’émission doivent être remplacées après quelques centaines d’heures de fonctionnement. Il en résulte une forte augmentation du coût d’exploitation des installations, et l’idée de réaliser les émetteurs avec des lampes démontables et réparables s’avère très séduisante. Pour réaliser ces lampes démontables, la vraie difficulté est l’obtention d’un vide poussé. Les premières pompes utilisées dans l’industrie des lampes sont fragiles, encombrantes et pas très performantes : l’obtention d’un vide secondaire est longue et difficile, à cause des problèmes d’étanchéité de la robinetterie. Pour pouvoir mettre en œuvre des lampes démontables, il faut pouvoir refaire rapidement le vide dans l’ampoule, et pour cela disposer d’une pompe à vide au plus près de la lampe ; l’idée qui vient à l’esprit est de pouvoir disposer d’une pompe à vide couplée à la lampe d’émission : Fernand Holweck, qui travaille alors à l’Institut du Radium, développe un nouveau modèle de pompe à vide, dite pompe moléculaire hélicoïdale, au fonctionnement bien plus satisfaisant que la pompe à vapeur de mercure développée par le physicien allemand Wolfgang Gaede 57 vers 1916. Cette pompe robuste, compacte et transportable, permet de maintenir un bon vide dans un tube électronique, malgré les dégagements gazeux résultant de la sublimation des électrodes.

Un prototype de lampe démontable est donc construit par les Etablissements Edouard Belin 58, et testé par une commission présidée par Gustave Ferrié : Les essais sont concluants : le prototype donne entière satisfaction. Une lampe démontable Holweck est donc mise en place en mai 1923, sur l’émetteur de la Tour Eiffel, en remplacement des 30 lampes de faible puissance : la tension plaque est de 5000 V, et l’intensité anodique de 30 A. Diverses améliorations seront apportées par la suite à ces lampes : Circuit de refroidissement de la plaque, filaments de chauffage multiples pour augmenter la surface thermoémissive (les cathodes à chauffage indirect n’apparaîtront qu’au début des années 30), etc. Plus tard, on fabriquera des lampes de 150 kW (tension plaque de 7500V ; intensité anodique maximale de 50 A).

En 1920, Holweck établit théoriquement et expérimentalement la continuité (spectrale) entre les rayons ultra-violets et les rayons X. Il effectue également une mesure de la constante de Planck. Dès 1926, il s’intéresse aux principes de réception d’images de télévision sur oscilloscope cathodique et réalise la première réception. Il est aidé par Pierre Chevallier, ingénieur de l’École Centrale et René Souille, mécanicien de précision. Il met au point un tube cathodique d’une définition de 33 lignes avec une tension d’accélération de 1000 Volts. Cette invention est malheureusement sans lendemain pour cause d’incompréhension de la Société fournissant une partie du matériel expérimental. A la même époque, il met au point un dispositif pratique d’obtention de miroirs réfléchissants en aluminium destinés aux télescopes.

De 1929 à 1932, il réalise, avec le Professeur Antoine Lacassagne 59, alors Directeur de l’Institut du radium, un système technique appliquant les propriétés des rayons X et la pompe moléculaire à la biologie. On lui doit également une méthode d’ultra micrométrie statique permettant la mesure des dimensions d’organismes cellulaires tels que les virus. A la même époque enfin, à la demande du géophysicien Pierre Lejay 60, directeur d’un observatoire en Chine, il entreprend la réalisation d’un pendule gravimétrique à lame oscillante inversée pour la mesure du champ gravitationnel, applicable à la recherche de gisements miniers et pétrolifères : Selon le cahier des charges, cet appareil doit être peu encombrant, facilement transportable, et d’une très grande sensibilité : Holweck réalise sous microscope le minuscule pendule inversé ! Pour cette invention, il reçoit le Prix Albert 1er de Monaco en 1936. En fait, les seuls appareils opérationnels qui ont permis à la France de rétablir sa situation dans le domaine des mesures gravitationnelles ont été fabriqués par Holweck. A la veille de la seconde guerre mondiale, il s’intéresse au microscope électronique, aux amplificateurs de lumière, aux compteurs de photons. Il fait également des recherches en astrophysique, et en radioastronomie.

Pendant la « drôle de guerre » (1939-1940), il intervient dans le groupe du pilote Antoine de Saint-Exupéry, affecté à la 33ème escadre, près de Saint-Dizier : Les avions sont des bimoteurs Potez 63, pour des missions à haute altitude, dont les mitrailleuses ont le défaut de s’enrayer, parce que le lubrifiant gèle. Holweck est chargé de remédier à ce problème. En 1940, à la demande de Saint-Exupéry, il entreprend, avec la collaboration de René Barthélémy 61, ingénieur de la Compagnie des Compteurs de Montrouge, la mise au point d’un appareil de mesure des distances à partir des avions. Durant la guerre et l’invasion de la France, ses travaux sont mis sous surveillance, et son indépendance se heurte à la volonté d’utilisation des ses inventions par les troupes allemandes. Dès 1941, il rentre dans la résistance, et vient en aide aux parachutistes et aviateurs britanniques sur le territoire occupé. Quand la situation devient pour lui plus critique, il refuse de fuir la France, bien que se sachant menacé. Arrêté le 11 Décembre 1941 par la Gestapo, il est incarcéré à la Santé où il décède des suites de mauvais traitements le 24 Décembre 1941.
«  Le 11 Décembre 1946, la dépouille de Fernand Holweck est inhumée dans la crypte de la Chapelle de la Sorbonne. Elle témoigne avec d’autres de l’esprit de résistance, de l’esprit d’indépendance, du courage et de la volonté dont nous pouvons aujourd’hui nous inspirer ».

Le Prix Fernand Holweck a été fondé en 1945 par la Physical Society de Londres, pour honorer la mémoire de Fernand Holweck. Destiné à maintenir les liens amicaux entre les physiciens anglais et français, « ce prix est décerné tous les ans alternativement à un physicien français par l’Institute of Physics, et à un physicien anglais par la Société française de Physique. En 1954, un accord entre les sociétés de physique anglaise et française a permis de prolonger ce prix au-delà de la période de dix ans envisagée initialement. Il comporte la remise d’une médaille en vermeil ». Parmi les lauréats français de ces dernières années :
* en 1995 : Pierre Léna, astrophysicien à l’observatoire de Meudon.
* en 1997 : Jean-Pierre Briand, de l’université Pierre et Marie Curie.
* en 2001 : Pierre Coullet, de l’INLN de Nice.
* en 2003 : Catherine Brechignac, du Laboratoire Aimé Cotton d’Orsay.

Documentation :

J’adresse tout particulièrement mes remerciements à monsieur Pierre Dessapt, auteur d’un site absolument remarquable sur l’histoire de la Radio, intitulé « Raconte-moi la Radio », qui comporte entre autres de nombreuses biographies de physiciens. Monsieur Dessapt m’a autorisé à utiliser les pages qu’il avait écrites sur Fernand Holweck et les lampes démontables.


Moissan Henri

Ferdinand Frédéric Henri MOISSAN est un chimiste français, qui a principalement isolé le fluor 62. Il a également conçu un four à arc électrique qui lui a permis de faire des recherches nécessitant des températures très élevées. « Moissan est dépeint comme un savant rigoureux, un expérimentateur méticuleux, un homme distingué, un brillant conférencier, un maître attentif et hospitalier. Egalement esthète cultivé, Moissan était passionné de littérature française » (Eric Brown : « Des chimistes de A à Z »). Ses travaux ont eu de nombreuses applications industrielles. Il a reçu le prix Nobel de chimie en 1906.

Henry Moissan est né le 28 septembre 1852 à Paris. Il est le fils d’une couturière et d’un employé de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est. Douze ans plus tard, sa famille se fixe à Meaux (Seine et Marne). Il commence ses études au collège municipal de Meaux, en 1865, et manifeste rapidement un très grand enthousiasme pour la chimie, à laquelle il sacrifie même le latin et le grec : lorsqu’en 1870 il quitte le Collège de Meaux, il n’a pu conquérir aucun diplôme !

Sa famille étant revenue à Paris, son père lui conseille alors de faire sa pharmacie. Il entre donc comme stagiaire dans la droguerie Bandry, située au coin de la rue Pernelle et de la rue Saint-Denis, qu’il quitte en décembre 1872, pour le Muséum national d’Histoire naturelle, où il entre d’abord au laboratoire d’ Edmond Frémy 63. Il y suit les cours de Sainte-Claire Deville 64 et Henri Debray 65. Il fait très rapidement ses premières armes de chimiste, mais l’attrait de la recherche l’engage vite à rejoindre, en 1873, le laboratoire de Pierre Dehérain 66, qui remarque les aptitudes brillantes de son élève. Il l’incite vivement à préparer son baccalauréat et à conquérir ses grades universitaires. A vingt-cinq ans, il apprend le latin et, après quelques échecs, il obtient le baccalauréat. Ensuite, c’est l’étude de la physique qui remplace celle du latin. Moissan persévère dans son effort : il obtient sa licence de chimie en 1877, puis son diplôme de pharmacien de première classe à l’École supérieure de pharmacie en 1879, et enfin son doctorat de chimie en 1880 (Avant même d’être licencié, il a entrepris l’étude du fer pyrophorique, étude qu’il va étendre ensuite suffisamment pour en faire le sujet de sa thèse de doctorat).

C’est pendant cette période de préparation des examens que Henri Moissan donne son premier mémoire à l’Académie des Sciences : Il s’agit d’une étude faite en collaboration avec Dehérain sur l’absorption d’oxygène et l’émission d’acide carbonique par les plantes maintenues à l’obscurité. Ces travaux constituent les seules recherches effectuées par Henri Moissan dans le domaine de la chimie végétale.
Alors que cette époque est l’une des plus brillantes en chimie organique, Moissan choisit l’étude de la chimie minérale, quelque peu délaissée : « C’est vers cette branche de notre science qu’il se sent attiré, et à laquelle il va consacrer toute son activité, toute son infatigable énergie, malgré les conseils de Dehérain, qui voit avec peine son élève lui échapper » ( Paul Lebeau , chef de laboratoire de Moissan). A partir de 1879, Moissan enseigne à l’Ecole supérieure de Pharmacie de Paris, où il est nommé professeur de toxicologie (1886), puis de chimie minérale (1889). De 1881 à 1883, il étudie les oxydes de fer et de manganèse, le chrome métallique, les sels chromeux, et l’acide perchromique.

En 1882, Moissan épouse Léonie Lugan, fille du pharmacien de Meaux, qui apporte à son gendre l’aide matérielle nécessaire pour qu’il se consacre sereinement à ses recherches. En 1884, il commence à travailler sur les composés fluorés, avec pour objectif l’isolement du fluor , dont l’existence est admise depuis Ampère. En 1813-1814, Humphry Davy 67 a vainement cherché à isoler le fluor par différentes méthodes, en particulier l’électrolyse de l’acide fluorhydrique H2F2 concentré. Les travaux de Moissan sur les composés de cet élément, et sa séparation, sont remarquables : Non seulement ils ont débouché sur de nombreuses applications dans l’industrie chimique, mais ils témoignent d’abord d’une « ingéniosité et d’une persévérance exceptionnelles ».

Les paroles suivantes ont été prononcées par Moissan le 26 février 1886, quelques mois avant la séparation du fluor, dans une conférence faite devant la Société chimique, sur le fluorure de phosphore, et rapportées en 1931 par Paul Lebeau :
« Je pourrais vous dire, Messieurs, que j’avais été frappé du petit nombre de combinaisons formées par le fluor et les métalloïdes et que j’avais voulu combler cette lacune. Il n’en est rien cependant. En étudiant l’action des métaux sur le fluorure de silicium, j’avais constaté la grande stabilité de ce composé, et j’avais pensé à faire réagir sur les oxydes métalliques un autre composé du fluor. Je me suis adressé au fluorure de phosphore. En chauffant dans un tube métallique un mélange de fluorure métallique et de phosphore, Humphry Davy a obtenu un liquide combustible fumant à l’air. D’après Berzelius 68, Davy avait estimé qu’il serait possible d’isoler le fluor en faisant brûler ce fluorure au milieu d’une atmosphère d’oxygène dans un vase de fluorine »69. « La préparation des fluorures de phosphore est donc la première étape dans la série méthodique des essais entrepris par Henri Moissan pour isoler le fluor » (Paul Lebeau).

Il prépare d’abord un trifluorure de phosphore, dont il étudie les propriétés chimiques, et plus particulièrement celles susceptibles de produire un dégagement de fluor, l’action de l’oxygène notamment ; mais la combustion du trifluorure de phosphore ne donne rien. L’oxydation de l’oxyfluorure de phosphore, puis celle du pentafluorure de phosphore, donnent les mêmes résultats négatifs. Moissan ne se décourage pas, mais décide d’orienter différemment ses travaux : Edmond Frémy a montré qu’il n’est pas possible d’isoler le fluor dans une électrolyse de fluorures métalliques fondus, car l’électrode positive en platine est systématiquement attaquée ; Moissan va donc tenter des électrolyses à basses températures  : Il essaie d’abord de décomposer le trifluorure d’arsénic, additionné d’une petite quantité d’un fluorure métallique pour en augmenter la conductibilité électrique, mais le fluor libéré se combine aussitôt au trifluorure, pour donner un pentafluorure : C’est donc un échec de plus, mais il est maintenant familiarisé avec les électrolyses des composés fluorés liquides à basse température. Vers 1854, Edmond Frémy a obtenu l’acide fluorhydrique pur et anhydre, par distillation de l’hydrogénofluorure de potassium KHF2, dans une cornue en platine. Comme cet acide reste liquide aux basses températures, Moissan essaie d’en réaliser l’électrolyse ; mais, comme l’a observé Faraday dés 1834, cet acide ne conduit pas le courant électrique. Afin de disposer d’un milieu conducteur, il a l’idée de dissoudre un peu d’hydrogénofluorure de potassium dans l’acide fluorhydrique anhydre : L’électrolyse est réalisée dans un tube en U en platine, qui n’est pas attaqué par le fluor aux basses températures, avec des électrodes en platine iridié : Il observe alors à l’anode le dégagement d’un gaz qui enflamme le silicium (pour donner du fluorure de silicium SiF4) : Cette fois, c’est le succès : Le fluor est enfin isolé, le 26 juin 1886 !

En 1887, la chaire de toxicologie de l’Ecole supérieure de Pharmacie étant vacante, le Conseil de l’Ecole désigne Moissan à l’unanimité au choix du Ministre pour occuper cette chaire. Enfin pourvu d’un laboratoire, il reprend immédiatement l’étude des propriétés du fluor, qu’il poursuit exclusivement jusqu’en 1891 : Il perfectionne sa préparation, et étudie systématiquement son action sur la plupart des corps simples et sur un très grand nombre de corps composés. Il complète les connaissances, alors bien restreintes, sur les fluorures métalliques et les fluorures non métalliques : Il observe que le soufre et l’iode brûlent dans le fluor (en donnant respectivement SF6 et IF5). Il découvre le tétrafluorométhane CF4, le fluorure d’éthyle C2H5F (1888-1890), le fluorure de sulfuryle (SO2F2) en 1901. En collaboration avec M. Meslans, l’un de ses premiers élèves, il découvre les fluorures de méthyle et d’isobutyle. Avec Berthelot , il détermine la chaleur de combinaison du fluor avec l’hydrogène. Avec James Dewar 70, il obtient le fluor à l’état liquide (1897) puis solide (1903). Moissan est élu à l’Académie de médecine en 1888. L’année suivante, il devient professeur de chimie minérale à la Faculté des sciences. Il est membre de l’Académie des Sciences en 1891.

En 1892, il tente la production artificielle du diamant, en cristallisant du carbone sous pression, provenant de la fonte fondue : Pour obtenir des températures encore jamais atteintes (de 3000 à 3500 °C), il perfectionne le four à arc électrique , inventé par l’anglais d’origine allemande Sir William Siemens 71, et perfectionna le procédé d’élaboration de l’acier. Anobli en 1883, il devint Sir William Siemens.]] : L’appareil qu’il utilise est un four à réverbère 72, et à revêtement intérieur en chaux ; la chaleur est produite par un arc électrique, entre deux électrodes en graphite ; cet arc absorbe 45 A sous 40 V ! Il soumet la fonte liquide à un refroidissement rapide à volume constant. Comme la fonte tend à augmenter de volume en se solidifiant (comme l’eau), il en résulte des pressions internes très élevées : Il obtient ainsi de petites quantités de carbone cristallisé (diamant artificiel), qu’il isole par attaque du fer par l’acide chlorhydrique, mais les résultats ne seront jamais vraiment satisfaisants. Grâce à ce four, il va surtout réaliser des fusions d’oxydes métalliques à des températures très élevées : Il obtient de nombreux métaux, dont le chrome, le titane, le manganèse, le molybdène, le tungstène, l’uranium, le vanadium, le zirconium , pour la plupart à peine entrevus jusque là, et met au point la fabrication de plusieurs composés tels que les carbures métalliques, notamment celle du carbure de calcium CaC2 (par action de la chaux sur le coke), puis les nitrures, siliciures et borures cristallisés. Ces découvertes vont être à l’origine de l’industrie de l’acétylène , par action de l’eau sur le carbure de calcium (dés 1892), et la fabrication des ferro-alliages. Moissan découvre encore le carborundum (SiC) en 1891, et les hydrures de sodium et de potassium en 1902-1903.

Il est lauréat de la Médaille Davy en 1896. La même année, il assiste Charles Friedel 73lors de la création de l’Institut de Chimie Appliquée, la future École nationale supérieure de chimie de Paris . Il en sera directeur de 1899 à 1907. Il est l’auteur de plus de trois cents publications, dont Le four électrique (1897), Le fluor et ses composés (1900), et Traité de chimie minérale en cinq volumes (1904-1906). En récompense de ses travaux sur le fluor et le four électrique, Moissan, qui a déclaré que le fluor lui a enlevé dix ans de sa vie, est le premier français à recevoir le Prix Nobel de chimie en 1906. Il décède soudainement le 20 février 1907, à 54 ans, peu de temps après son retour de Stockholm où il vient de recevoir son prix. « Cette mort frappa le monde savant de stupeur. Comme celle de Curie, cet autre grand regretté, elle survenait, foudroyante, brutale, suivie peu après de celle de l’illustre Berthelot » ( Paul Lebeau ).
Henri Moissan a donné son nom à la moissanite, qui est un carbure de silicium naturel trouvé dans certaines météorites.

Documentation :

  • Eric Brown : «  Des chimistes de A à Z  ».

Perey Catherine

Marguerite Catherine PEREY est une chimiste et physicienne française qui a notamment découvert, en 1939, l’élément chimique de numéro atomique 87, auquel a été donné le nom de francium 74->http://fr.wikipedia.org/wiki/Radon] par désintégration β, ou en [astate75->http://fr.wikipedia.org/wiki/Astate] par rayonnement α. Le francium n’a pas d’utilisation connue.]]. Elle a été la première femme élue à l’Académie des Sciences, en 1962, comme correspondante.
Cadette d’une famille de cinq enfants, Marguerite Perey est née en 1909 à Villemomble, à l’est de Paris (actuellement chef-lieu de canton de Seine Saint-Denis). Elle obtient à vingt ans son diplôme de technicienne chimiste, puis elle entre rapidement à l’Institut du radium de Paris, dans l’équipe de Marie Curie , qui fait d’elle sa préparatrice particulière. « Les qualités de Marguerite Perey qui ont déterminé ce choix de Marie Curie se déploient au cours d’une étude délicate qui va conduire Marguerite Perey à la découverte en 1939 du premier isotope de l’élément correspondant à la case 87 du tableau périodique de Mendeleïev » ( Marguerite Perey, la découverte du francium », par Nancy Perreault) :
Avant sa mort en 1934, Marie Curie la charge d’étudier plus particulièrement un isotope de l’élément 89, encore peu connu, l’actinium 22776, et de préparer des sources concentrées de cet isotope. Par la suite, ce sont Irène Joliot-Curie et André Debierne 77 qui supervisent ses travaux, et lui demandent de réaliser une source très pure d’actinium 227. L’actinium est un élément radioactif naturel qui accompagne toujours les terres rares, et dont il est difficile à séparer en raison de l’analogie des propriétés chimiques. La concentration de l’actinium dans les terres rares, par cristallisation fractionnée (car l’échange ionique n’est pas encore connu), constitue une tâche longue, difficile, ingrate et dangereuse, à laquelle Marguerite Perey consacre plusieurs années de travail. Elle découvre alors une faible anomalie dans l’évolution de l’activité78 de l’actinium fraîchement purifié de ses descendants79 : Le rayonnement de l’actinium 227 a une énergie si faible qu’il n’avait jamais été observé auparavant, et le descendant immédiat, le thorium 22780, ne devait se former qu’avec une période d’une vingtaine de jours. Marguerite Perey décèle une émission β dans les premières minutes qui suivent la fin de la purification de l’actinium, et cette activité tend vers une limite asymptotique en deux heures environ. Au tout début de janvier 1939, en purifiant du lanthane81 contenant de l’actinium, elle montre que cette anomalie est due à la formation d’un élément radioactif de période 21 minutes, émetteur β, provenant de la désintégration de l’actinium, par une voie latérale n’affectant que 1 % du produit mère, alors que 99 % conduisent vers le thorium. A ce nouvel élément radioactif, qu’elle vient de caractériser par sa période, Marguerite Perey propose de donner le nom de francium .
La découverte du francium est annoncée à la séance de l’Académie des Sciences du 9 janvier 1939, et fait l’objet d’une note présentée dans les comptes-rendus par Jean Perrin , apportant la preuve que le nouvel élément est bien un métal alcalin. Cette découverte aurait créé quelques tensions entre André Debierne et Irène Joliot-Curie, les deux ayant demandé à M. Perey de réaliser des travaux à l’insu de l’autre…A la suite de cette découverte, elle est libérée de toutes obligations professionnelles, et elle peut ainsi, tout en poursuivant ses recherches, achever une licence, puis soutenir, le 21 mars 1946, une thèse de doctorat sur l’élément 87.

Elle est alors nommée Maître de recherches au CNRS, et, en 1949, elle occupe la chaire de chimie nucléaire créée à son intention à la Faculté des Sciences de Strasbourg (La « chimie du noyau » est sa spécialité). Ses recherches portent notamment sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques des différentes substances radioactives naturelles et artificielles. Poursuivant ses travaux sur les propriétés de l’actinium et de ses dérivés, elle établit une nouvelle méthode de fractionnement des terres rares actinifères, qui conduit à un brevet pris par le CNRS, et à une méthode de dosage rapide de l’actinium par l’intermédiaire du francium.

A Strasbourg, elle organise, dans des conditions difficiles, mais avec enthousiasme, un enseignement de chimie et physique nucléaires, de second cycle d’abord, puis de troisième cycle. Elle crée un laboratoire dans lequel elle poursuit ses recherches :
Le premier embryon du futur laboratoire de Chimie nucléaire prend place, en 1950, dans le pavillon annexe de l’Institut de chimie, où M. Perey accomplit ses dernières expériences sur la fixation sélective de francium sur des tissus cancéreux. Ce laboratoire est inauguré en 1951. Décidée à consacrer la vocation nucléaire de l’Université de Strasbourg, elle multiplie les démarches et interventions, qui aboutissent à la création d’un Centre de recherches nucléaires, approuvée le 2 juillet 1956 par une convention conclue entre le CNRS et l’Université de Strasbourg. Chargée de la direction du département de chimie nucléaire de ce centre, elle prend une part active à la construction du centre de Strasbourg-Cronenbourg.
Elle entre alors dans une longue période de souffrances physiques et morales, consécutives aux expositions prolongées aux rayonnements ionisants, vingt ans plus tôt. Elle se voit obligée de ralentir, puis de cesser toute activité. De nombreux témoignages d’amitié, et plusieurs distinctions, l’aident à supporter les épreuves. Elle obtient le grand prix de la ville de Paris en 1960, puis le prix Lavoisier de l’Académie des sciences, ainsi que la grande médaille de la Société chimique de France. Le 19 mars 1962, elle est élue correspondant de l’Académie des Sciences, devenant ainsi la première femme à pouvoir participer à ses activités. En 1967, elle participe, à Varsovie, à la célébration du centenaire de la naissance de Marie Curie, puis, en 1969, à Strasbourg, avec ses étudiants, à celle du trentième anniversaire du francium. Après de longues souffrances, elle décède à Louveciennes (Yvelines), en 1975, à l’age de 66 ans. Les médecins constatent alors que son corps émet le rayonnement caractéristique de l’actinium.
Le mercredi 14 décembre 2005, s’est tenue à Strasbourg une conférence à l’initiative de la Société Française de Physique, dans le cadre de l’année mondiale de la Physique en Alsace, dont le thème était :
«  Marguerite Perey et les femmes du nucléaire  »…

par Jean-Pierre Adloff, ancien directeur du laboratoire de chimie nucléaire de Strasbourg, et successeur de Marguerite Perey :
« En associant les mots « radioactivité » et « femme », les noms de Marie et Irène Curie viennent à l’esprit. D’autres femmes moins connues ont joué un rôle prépondérant dans l’histoire de la radioactivité. On rappellera d’abord la vie de gloire et de souffrance de Marguerite Perey, élève de Marie Curie, découvreur du francium…On évoquera d’autres célèbres pionnières de la radioactivité (Harriet Brooks 82, Lise Meitner 83, Ida Noddack 84) qui ont souvent souffert du mépris et de la misogynie des hommes et des institutions, et parfois payé de leur vie leur passion pour la discipline »

Documentation :

  • Jules Six et André Rousset : « Des physiciens de A à Z » (Pour la biographie de Lise Meitner).

(1) Félix Savary  : Astronome français (1797-1841) : il a établi un théorème célèbre sur la trajectoire d’un point lié à une courbe mobile roulant sur une courbe fixe…

(2) Claude Pouillet  : Physicien français (1790-1868) : Il retrouva expérimentalement les lois d’Ohm, en 1834, inventa la boussole des tangentes (Pour la mesure d’intensités élevées), et fit la première mesure de la constante solaire (càd la puissance reçue du soleil par unité de surface normale aux rayons solaires sur la surface terrestre sans atmosphère (ou au sommet de l’atmosphère)).

(3) Pierre Dulong  : Physicien français (1785-1838) : Avec le physicien Alexis Petit (1791-1820), il mesura, entre autres, de nombreuses chaleurs spécifiques.

(4) Joseph von Fraunhofer  : Opticien et physicien allemand (1787-1826) qui a notamment inventé le spectroscope.

(5) Albert Abraham Michelson  : Physicien américain (1852-1931) qui a multiplié les mesures de la vitesse de la lumière. Ces mesures, de plus en plus précises, lui ont permis de conclure que cette vitesse reste invariante, quel que soit le système de référence dans lequel s’effectue la mesure.

(6) Jean Daniel Colladon  : Physicien suisse (1802-1893) qui a notamment mesuré la célérité du son dans l’eau, étudié la compressibilité des liquides, et imaginé d’utiliser l’air comprimé pour le percement des tunnels.

(7) Le Journal des débats est un journal français qui a paru de 1789 à 1944 avec quelques changements de titre. Créé peu après les premières réunions des États généraux de 1789, il était le procès-verbal officiel mot pour mot des débats de l’Assemblée nationale sous le titre de Journal des débats et des décrets.

(8) Hilaire Marin Rouelle  : apothicaire et chimiste français (1718-1799) : En 1773, il découvrit et isola l’urée dans l’urine.

(9) Charlotte de Montesson (1738-1806) qui, avant la révolution, tient une cour brillante au château de Bagnolet.

(10) Chimie antiphlogistique : Nom donné, à l’origine, aux principes sur lesquels Lavoisier a fondé la chimie moderne, par opposition à la théorie du phlogistique (fluide hypothétique que les anciens chimistes supposaient inhérent à tout corps, et qui était censé produire la combustion).

(11) Antoine François de Fourcroy  : chimiste et homme politique français (1755-1809), membre de l’Académie des sciences en 1784. Directeur de l’Instruction publique, il réorganisa les lycées et les collèges. Il découvrit plusieurs composés chimiques, et mit au point notamment un procédé de séparation du cuivre et de l’étain.

(12) Louis Bernard Guyton de Morveau  : Magistrat, homme politique et chimiste français (1737-1816). Il fut membre du Comité de salut public. Il réalisa la liquéfaction de l’ammoniac.

(13) Gaspard Monge  : Mathématicien et homme politique français (1746-1818), membre de l’Académie des Sciences en 1780, partisan de la Révolution, ministre de la Marine du 10 Août 1792 à Avril 1793, co-fondateur de l’Ecole Polytechnique en 1794, il est ensuite chargé par Bonaparte de recruter les savants pour l’expédition d’Egypte. Il créa notamment la géométrie descriptive, dont il eut l’idée dés 1768.

(14) natron : minéral d’origine évaporitique, de couleur incolore à blanche, dont le système cristallin est monoclinique, qui se forme lors de l’évaporation de lacs riches en sodium (gisements en Egypte et aux Etats-Unis).

(15) Jean-Baptiste Biot  : Physicien français (1774-1862) : Membre de l’Académie des sciences dés 1803, il a effectué en 1806, avec Arago, les premières mesures précises sur la densité des gaz, découvert en 1815 le pouvoir rotatoire de certains liquides, et établi en 1820, avec Savart, l’expression de la norme du vecteur champ magnétique produit par un courant rectiligne indéfini.

(16) Louis Jacques Thenard  : Chimiste français (1777-1857) : On lui doit une classification des métaux, la préparation du bleu Thenard, et la découverte de l’eau oxygénée et du bore.

(17) Georges de Joly  : Ingénieur français (1864-1919) : Après de brillantes études à l’école Polytechnique (1883) et à l’école des Ponts et Chaussées (1885), il fait vite preuve de ses capacités, en signant de grandes réalisations, telles les jetées de l’île de Groix, Port Navalo ou encore la machinerie du phare de Belle-île. Après quatre années passées à Saint-Nazaire, où il conduit de grands projets comme la construction de l’avant-port et de son chenal de liaison avec les bassins, ou encore une écluse à sas de 220m de long, il est nommé Officier d’Académie en 1895, pour ses oeuvres architecturales. Le 1er décembre de cette même année, il entre au Service des Phares et Balises, et se consacre alors à la construction de phares, comme celui de Ouistreham ou de l’île Vierge, et participe à certaines études comme la mise en place de machines motrices pour les phares électriques (Calais, Gris-Nez,..). Il exerce également de nombreuses activités comme professeur de Travaux Maritimes, ou conseiller. Il réalise de nombreux mémoires sur l’éclairage des côtes d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie). Il termine sa carrière en tant que Directeur des Ports Maritimes du Ministère des Travaux Publics. En vue de perpétuer sa mémoire, l’Inspecteur Général Babin, directeur du Service des Phares et Balises, donnera quelques années plus tard son nom à un baliseur livré à la France par l’Allemagne, en réparation des destructions opérées pendant la première guerre mondiale.

(18) Jean Rey  : Ingénieur et industriel français (1861-1935) : il a imaginé, réalisé et perfectionné de nombreux appareillages importants pour la défense nationale, notamment les commandes électriques de gouvernails des navires et des sous-marins. Dans l’étude théorique des éclats intermittents des phares, qu’il a entreprise avec Blondel, il a optimisé le rendement des sources. Il a également amélioré la projection de signaux en transformant le projecteur de Fresnel avec des miroirs métalliques segmentés. Enfin on lui doit les premières installations de turbines à vapeur sur les navires.

(19) Paul Boucherot  : Ingénieur et scientifique français (1869-1943). Il a effectué de nombreux travaux en Electrotechnique : Il s’est intéressé aux premières applications des courants polyphasés pour les moteurs asynchrones. Il a également perfectionné ces moteurs, pour améliorer leur couple de démarrage, tout en réduisant la pointe de courant à la mise sous tension. On lui doit aussi des recherches sur les phénomènes transitoires de la mise en court-circuit et du couplage des alternateurs, sur leurs fuites magnétiques, la conservation de leur puissance réactive, etc…Avec Georges Claude, il a travaillé sur l’utilisation de l’énergie thermique des mers.

(20) Maurice Leblanc (qu’il ne faut pas confondre avec l’auteur d’Arsène Lupin !) : Ingénieur et industriel français (1857-1923) : Il a établi une théorie complète du moteur asynchrone, imaginé les avanceurs de phase, les amortisseurs pour obtenir le synchronisme des alternateurs, réalisé un transformateur de fréquence et de tension (1891), une machine d’induction pour remplacer les alternateurs, une excitatrice pour régler automatiquement l’excitation des alternateurs. On lui doit le théorème qui porte son nom, selon lequel un champ magnétique alternatif sinusoïdal de direction fixe est décomposable en deux champs de même module constant, tournants à la même vitesse, mais en sens inverse. Maurice Leblanc est également l’auteur de travaux en hydraulique.

(21) Gustave Ferrié : général et ingénieur français (1868-1932) : Dés 1899, il est enthousiasmé par les premières réalisations de Marconi, et s’impose alors de doter la France d’une télégraphie sans fil puissante et perfectionnée. Il met au point des émetteurs-récepteurs pour la marine et les colonies. Ses travaux permettent de faire passer la portée de l’émetteur télégraphique de la Tour Eiffel, entre 1903 et 1908, de 400 à 6000 km. Pendant la première guerre mondiale, grâce à lui, la radiotélégraphie militaire française est la plus performante des armées alliées. Il substitue les ondes entretenues aux ondes amorties, fait construire les célèbres lampes triodes T.M. (télégraphie militaire), et poursuit l’équipement du réseau français d’outre-mer. Ses collaborateurs ont développé l’étude des ondes courtes, d’où sortira plus tard le radar.

(22) Camille Gutton  : Physicien français (1872-1963) : Il est professeur à la Faculté des Sciences de Nancy, puis directeur du Laboratoire National de Radioélectricité, membre de l’Académie des Sciences en 1938 ; il a publié, en 1923, « la lampe à trois électrodes ». Pendant la première Guerre mondiale, il est un collaborateur du Général Ferrié, et participe à la mise au point des appareils qui équipent les services de transmission des armées françaises et alliées. On lui doit les premières liaisons entre la terre et un avion. Il a également inventé un électromètre très sensible.

(23) Adolf Hurwitz  : Mathématicien allemand (1859-1919).

(24) Wilhelm Conrad Röntgen  : physicien allemand (1845-1923), influencé par Clausius et Kundt : Il effectue d’abord des recherches sur la piézoélectricité, la pyroélectricité, et sur les gaz rares. Conformément aux prévisions de Maxwell, il met en évidence le champ magnétique résultant d’une variation de la polarisation d’un diélectrique. Il est nommé professeur successivement à Strasbourg, alors allemande (1876), puis à Giessen (1879), Würtzburg (1888), Munich (1900), où il dirige l’Institut de Physique. Sa plus grande découverte est celle des rayons X en 1895 : Il remarque qu’un sel phosphorescent émet une lumière jaune lorsqu’il est approché d’un tube de Crookes en fonctionnement. Il doit se rendre à l’évidence : un rayonnement encore inconnu, qui traverse le verre et le carton, est émis par le tube ; la source est localisée manifestement au point d’impact des électrons sur leur cible métallique. Il montre encore que ce rayonnement se propage en ligne droite, n’est ni réfléchi, ni réfracté, ni dévié par un champ magnétique, mais diversement absorbé par la matière. Il trouve sa découverte bien étrange lorsque, après avoir placé la main de son collaborateur (ou de son épouse Bertha, car le cliché fait apparaître une bague ?) devant une plaque photographique, il obtient une photographie qui révèle les os de la main : « On va dire que je suis devenu fou ! ». En 1901, il est le premier physicien à recevoir le prix Nobel de Physique. Les rayons X connaissent un très grand succès. Ils sont immédiatement utilisés en médecine pour faire des radiographies : Pendant la première guerre mondiale, Marie Curie et sa fille Irène en feront des milliers, grâce à des équipements mobiles (les « petite Curie »). Röntgen refuse de recevoir les gains financiers des rayons X. L’unité d’irradiation des rayons X porte son nom.

(25) Max Theodor Felix Von Laue  : physicien allemand (1879-1960) : d’abord assistant de Max Planck, il établit la théorie exacte de la propagation de la lumière dans un milieu en mouvement. La vérification expérimentale de cette théorie constituera un test significatif de la relativité restreinte…Nommé professeur à Munich en 1909, il s’intéresse aux rayons X, avec Röntgen et Sommerfeld.
En 1912, il met en évidence, avec ses collaborateurs, la diffraction des rayons X par les cristaux, qui atteste à la fois le caractère ondulatoire de ces rayons, et le caractère périodique de la disposition des atomes dans les cristaux.

(26) William Laurence Bragg  : physicien britannique (1890-1971) : Très jeune, il est associé aux travaux de son père, le physicien William Henry Bragg , qui le persuade que la diffraction des rayons X dans les cristaux s’interprète plus correctement dans une théorie ondulatoire que dans une théorie corpusculaire. En 1915, le père et le fils obtiennent conjointement le prix Nobel de Physique, pour la détermination des structures cristallines en utilisant la diffraction des rayons X.

(27) Karl Manne Georg Siegbahn  : physicien suédois (1886-1978) : Assistant de Johannes Rydberg, il participe au développement des techniques de spectroscopie des rayons X. Il précise les relations qui existent entre le spectre des rayons X émis par un matériau, et la structure atomique de ses composants. Il dirige le développement de l’Institut Nobel, dont il est le premier directeur, et l’oriente vers la physique nucléaire (Jules Six et André Rousset : Des physiciens de A à Z).

(28) Dans le domaine des rayons X, quelle que soit la longueur d’onde, l’indice de réfraction est n ≈ 1 (en toute rigueur : n = 1-d, avec d ≈ 10-5), et l’angle de réflexion totale sur la surface d’un matériau est très faible, de l’ordre de quelques milliradians.

(29) Un synchrotron est composé d’un tore (ou anneau de stockage) et d’un accélérateur de particules. Des électrons ou des positons sont accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière et injectés dans l’anneau. Ils génèrent alors un rayonnement synchrotron qui est exploité dans diverses expériences. Ce rayonnement est collecté à différents endroits du tore, appelés lignes de lumière.
Chaque ligne de lumière est ensuite traitée avec des lentilles et des monochromateurs afin de sélectionner une ou plusieurs longueurs d’onde précises. "Au bout" de chaque ligne de lumière sont installés les appareils de mesure (spectromètre de masse, cristallographes,..) permettant de faire des expériences. Suivant la taille de l’anneau, jusqu’à des dizaines d’expériences peuvent être menées simultanément. Les anneaux de stockage ont été étudiés à partir de la fin des années 1950 afin de réaliser des collisions "frontales" particule contre antiparticule. Cette technique s’est révélée extrêmement fructueuse pour l’étude de la matière, particulièrement en utilisant des électrons collisionnant avec des anti-électrons ("positrons"). Les succès obtenus avec les premières machines ont conduit à construire de nombreux anneaux de collisions jusqu’à nos jours. Ces anneaux ont été de plus en plus grands, afin d’atteindre des énergies de plus en plus élevées. Le rayonnement synchrotron constitue une source extraordinaire de rayonnements de diverses longueurs d’onde, en particulier de Rayons X.Il est au moins un milliard de fois ou plus (> 109) plus brillantque les habituels générateurs de rayons X. L’amélioration continue des anneaux de stockage, dont ACO (Anneau de collision d’Orsay) est le prototype, a donc abouti à une révolution dans ce domaine : La brillance des sources de rayonnement synchrotron devient comparable à celle des Laser (qui n’existent pratiquement pas dans le domaine des rayons X). Le Rayonnement Synchrotron est devenu un outil universel dans les domaines de la Science et de la Technologie. Dans le monde, des dizaines d’anneaux ont été construits pour ce rayonnement, les plus récents ayant une circonférence d’environ 500 mètres. Des dizaines de milliers d’utilisateurs (chercheurs scientifiques, industriels) viennent y faire chaque année des expériences, mesures et caractérisations nécessitant cette technologie de pointe.

(30) Julius Seymour Schwinger  : Physicien américain (1918-1994) : Il est à 29 ans le plus jeune professeur de l’Université de Harvard. Sous l’influence de Robert Oppenheimer , il s’oriente vers la physique nucléaire théorique. Pendant la seconde guerre mondiale, il participe à la mise au point des radars. C’est lui qui établit les bases de l’électrodynamique quantique, qui est actuellement la théorie la mieux vérifiée de toute la physique, et est l’un des premiers à suggérer l’existence de 2 sortes de neutrinos. En 1965, il partage le prix Nobel de Physique avec Richard Feynmann , et le japonais San-Itiro Tomonaga . Il enseigne à Los Angelès à partir de 1972 : Ambidextre, Schwinger peut écrire simultanément deux équations au tableau…
Le problème, pour les étudiants, qui n’ont qu’un seul cerveau, est de les comprendre simultanément ! (Jules Six et André Rousset : Des physiciens de A à Z).

(31) Le Prix Louis Ancel , (dont le président du jury est actuellement la physicochimiste Dominique Langevin, spécialiste des mousses et des émulsions) est décerné à un physicien étudiant l’état solide. « Par testament olographe (c’est-à-dire les dernières volontés écrites, datées et signées par leur auteur), en date du 2 Janvier 1908, Monsieur Louis, Etienne, Nicolas ANCEL, Ingénieur des Arts et Manufactures, décédé le 9 Septembre 1920, a légué à la SFP une somme de 10 000 Francs dont la rente devra servir annuellement, sous le nom de "Prix Louis ANCEL", à récompenser le meilleur travail présenté chaque année sur les radiations (électriques, lumineuses, calorifiques), tout spécialement sur les actions de la lumière ou de la chaleur sur la conductibilité électrique des corps analogues au sélénium ». Ce prix est doté d’une médaille.

(32) Benjamin Franklin  : philosophe, physicien et homme politique américain (1706-1790) : Auteur de recherches en électrostatique, il découvre l’effet de pointe, qui le conduit à l’invention du paratonnerre, et énonce le principe de conservation de l’électricité.

(33) Jean-François Pilâtre de Rozier  : Physicien et aéronaute français (1756-1785) : il est le fondateur du « Musée de Paris », où se rencontrent les savants de l’époque. Il meurt dans l’incendie de son ballon, au cours d’une tentative de traversée de la Manche.

(34) Louis-Joseph Gay-Lussac  : Physicien et chimiste français (1778-1850), qui a notamment fait des ascensions en ballon, au cours desquelles il a battu le record d’altitude, et a vérifié la constance de la composition de l’air. On lui doit aussi plusieurs lois sur les gaz, la construction du baromètre à siphon, des travaux sur le chlore, des composés chlorés, et des procédés d’affinage des métaux précieux.

(35) Victor Régnault  : Physicien et chimiste français (1810-1878) : Il étudie en particulier l’action du chlore sur divers composés organiques, puis se lance dans un programme systématique d’expériences sur les propriétés thermodynamiques de gaz, liquides et solides.

(36) Edme Mariotte  : Physicien français (vers 1620-1684) qui s’attache à donner toute sa place à la démonstration expérimentale en physique. Il établit la loi expérimentale approchée selon laquelle à température constante le volume d’une masse donnée de gaz est inversement proportionnel à la pression : p.V = Cte.

(37) Hydromètre : Nom donné aux appareils permettant de mesurer la marche et la hauteur des marées, de mesurer la hauteur d’un liquide dans un réservoir quelconque, ou encore de régler l’écoulement des eaux dans les canaux d’irrigation.

(38) Héliostat : Instrument qui permet de projeter les rayons solaires en un point fixe, malgré le mouvement de la Terre.

(39) Willem Jacob ‘S Gravesande  : Physicien hollandais (1688-1742) : Il imagine l’anneau qui porte son nom, pour montrer la dilatation des solides, et construit le premier héliostat en 1720.

(40) Aréomètre : Instrument flottant, qui permet de mesurer la concentration d’une solution.

(41) Daniel Gabriel Fahrenheit  : Physicien allemand (1686-1736), qui vécut en Hollande et en Angleterre, où il construisit des aréomètres et des thermomètres à alcool et à mercure, pour lesquels il imagina la graduation qui porte son nom.

(42) Emile Cotton  : Mathématicien français (1872-1950) : Il est l’auteur de travaux de géométrie différentielle et de mécanique (Membre de l’Académie des sciences en 1943).

(43) Le dichroïsme, ou pléochroïsme, ou polychroïsme, est la propriété de certaines substances d’offrir des colorations diverses selon les circonstances d’observation : Dans un corps isotrope, l’absorption de la lumière ne dépend que de l’épaisseur. Dans un milieu biréfringent, par contre, les vibrations lumineuses parallèles aux différentes directions sont inégalement absorbées : l’intensité et la nature de la lumière transmise varient non seulement avec l’épaisseur, mais encore selon l’orientation suivant laquelle on la regarde. Par exemple, le zircon (cristal uniaxe) est brun dans le sens de l’axe, et gris bleuâtre dans une direction perpendiculaire. Dans les cristaux biaxes, on peut rencontrer des colorations plus complexes.

(44) Jules Violle  : Physicien français (1841-1923) : Il fait ses études à l’Ecole normale Supérieure de Paris, d’où il sort docteur ès sciences en 1870, sa thèse portant sur la mesure de l’équivalent mécanique de la calorie, en utilisant l’élévation de température produite par les courants de Foucault induits dans une masse métallique en mouvement dans un champ magnétique. Le jury était présidé par Paul Desains (13). A partir de 1865, il enseigne à Besançon puis à Dijon. En 1875, il est professeur à la Faculté des sciences de Grenoble, puis à la Faculté des sciences de Lyon (en 1883), puis Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure (en 1884), puis au Conservatoire National des Arts et Métiers, en 1891. En 1897, il est élu membre de l’Académie des sciences, en remplacement d’Hippolyte Fizeau. Les recherches de Jules Violle concernent principalement la radiométrie, la photométrie et la calorimétrie. Dans la continuité des travaux effectués par Claude Pouillet vers 1835, il réalise, en 1875, au mont Blanc, les premières déterminations de la constante solaire. En 1881, il propose un étalon d’intensité lumineuse indépendant des propriétés de l’émetteur de lumière (Etalon Violle), correspondant à la lumière émise par 1 cm2 de platine en fusion (L’unité SI est le candela : 1 violle = 20,17 Cd…) Jules Violle perfectionne et invente plusieurs appareils de mesure du rayonnement, dont un actinomètre. En 1882, il invente encore le calorimètre à refroidissement, principe de base de certaines bouteilles isolantes. On lui doit encore une théorie de la formation des geysers, des recherches sur l’origine de la grêle, et les moyens de la combattre. Il est enfin l’un des premiers à proposer l’exploration de l’atmosphère par ballons-sondes. De 1906 à 1908, il préside la société française de photographie (succédant à Aimé Laussedat). Il est également l’un des fondateurs de l’institut d’optique théorique et appliquée, et de l’Ecole Supérieure d’Optique.

(45) Pierre Weiss  : Physicien français (1865-1940) : A l’université de Strasbourg, il crée un grand centre du magnétisme, où il accueille Louis Néel comme étudiant. Il a découvert le phénomène magnétocalorique, et élaboré en 1907 une théorie du ferromagnétisme , qu’il interprète dans le prolongement de celle du paramagnétisme de Paul Langevin, mais fondée pour une large part sur ses propres résultats expérimentaux. Il introduit un champ fictif, dit « moléculaire » afin de prendre en compte les interactions magnétiques entre deux atomes voisins. Ce modèle théorique prévoit l’existence du point de Curie, température au-delà de laquelle le ferromagnétisme disparaît pour laisser place au paramagnétisme. (Pierre Weiss est membre de l’Académie des Sciences en 1926).

(46) Pieter Zeeman  : Physicien néerlandais (1865-1943) : Sa renommée est étroitement liée à la découverte de l’effet qui porte son nom. Cette découverte, tout en confirmant la théorie électronique, a eu des développements très fructueux en Optique et en Astrophysique. De 1915 à 1918, Zeeman a étudié la propagation de la lumière dans les milieux en mouvement, pour vérifier le phénomène de Doppler-Fizeau ; les résultats de ces recherches ont confirmé les théories relativistes. Zeeman a été lauréat du prix Nobel de Physique en 1902, avec Lorentz.

(47) Effet Zeeman  : C’est une perturbation des niveaux d’énergie des électrons d’un atome sous l’action d’un champ magnétique, qui se traduit par une modification du spectre de raies d’émission du corps considéré : En analysant le spectre de raies émises par de la vapeur de sodium, Zeeman s’aperçoit, en 1896, que certaines d’entre elles sont démultipliées lorsque l’ampoule contenant la vapeur est placée dans un champ magnétique. Cette démultiplication des raies correspond à une « levée » de la dégénérescence propre aux niveaux excités de l’atome, en l’absence de champ magnétique. Dans ce cas, en effet, l’énergie d’un électron dans un atome ne dépend pas de l’ orientation de son moment angulaire (seule la norme du vecteur intervient dans l’expression de l’énergie de l’électron, ce qui traduit les propriétés d’isotropie de l’espace, c’est-à-dire l’invariance du système par rotation). Il n’en est plus de même lorsque l’atome se trouve placé dans un champ magnétique : le vecteur moment angulaire s’oriente dans une direction privilégiée, l’invariance du système par rotation autour de lui-même n’est plus vraie, et l’énergie de l’électron dépend alors de l’angle entre les vecteurs champ magnétique et moment angulaire.

(48) Effet Faraday : Il peut être considéré comme la combinaison d’un effet dispersif, la biréfringence magnétique circulaire (les vitesses des lumières polarisées circulairement droite et gauche sont différentes), et d’un effet d’absorption, le dichroïsme magnétique circulaire.

(49) Georges Bruhat  : Physicien français (1887-1944) : Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, il est d’abord professeur à la Faculté des Sciences de Lille en 1921, puis en 1927, il est titulaire de la chaire de Physique céleste à la Sorbonne, et de celle d’enseignement de la physique à l’Ecole Normale Supérieure, dont il devient directeur adjoint. Ses travaux portent sur l’Optique physique (propagation de la lumière dans les milieux transparents, et polarimétrie , notamment dans l’ultra-violet), et sur la Thermodynamique (Etude théorique des fluides au voisinage du point critique, électrostriction dans les liquides isolants, etc…). Il est l’auteur d’un Cours de Physique Générale qui a fait autorité, publié en 4 volumes de 1923 à 1943, et de livres de vulgarisation sur le Soleil, la lune et les étoiles. S’étant offert en otage à la Gestapo à la place d’un élève résistant, il est mort en déportation, à Buchenwald.

(50) Gabriel Lippmann  : Physicien français (1845-1921) : Il prévoit notamment la réversibilité de la piézoélectricité du quartz, qui sera vérifiée par Pierre et Jacques Curie en 1880. Il invente le coelestat, qui est un système d’entraînement d’un téléscope permettant d’observer la même région du ciel sur une longue période. La découverte qui l’a rendu célèbre en 1891 est celle de la photographie en couleurs par une méthode interférentielle : l’enregistrement des ondes stationnaires dans l’épaisseur de l’émulsion photographique lui permet de séparer les différentes couleurs. Ce procédé peu commode n’a pas été industrialisé, car il a été dépassé par d’autres méthodes. Il reçoit le prix Nobel de Physique en 1908.

(51) Jean Cabannes  : Physicien français (1885-1959) : En 1937, il est professeur à la Faculté des Sciences de Paris, puis doyen et directeur du laboratoire de recherches physiques de la Sorbonne (en 1941). Il est membre de l’Académie des Sciences en 1946. Il a étudié l’optique physique, et ses applications à la physique moléculaire. On lui doit des recherches sur le phénomène de Kerr, la diffusion de la lumière par les liquides et les cristaux, la détermination de structures moléculaires, le dosage de l’ozone atmosphérique, la spectrographie de la lumière du ciel nocturne.

(52) Emmanuel Leclainche  : Eminent vétérinaire et microbiologiste français (1861-1953) : d’abord professeur à l’Ecole vétérinaire de Toulouse (1891), il devient inspecteur général et chef des services et des écoles vétérinaires en 1913, puis membre de l’Académie des Sciences en 1917. Spécialiste des maladies infectieuses et de l’épidémiologie, on lui doit plusieurs découvertes sur le traitement des maladies animales. Il a réorganisé les services vétérinaires sanitaires officiels (1911), réformé l’enseignement vétérinaire par l’institution du doctorat et de l’agrégation vétérinaires, et créé l’office international des épizooties, dont il a été directeur jusqu’en 1949.

(53) Pierre Jacquinot  : physicien français (1910-2002) : Il étudie à la Faculté des Sciences de Nancy, et est reçu premier au concours de l’Agrégation. Il prépare ensuite une thèse de doctorat au Laboratoire du grand électro-aimant, sous la direction d’Aimé Cotton, intitulée Recherches sur le phénomène de Zeeman dans les champs magnétiques intenses, et devient docteur en 1937. En 1938, il est nommé chargé de recherche à la Caisse de recherche, puis Maître de Conférences en 1942, et professeur à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand. En 1946, il devient Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Paris, puis professeur en 1950, titulaire de la chaire de spectronomie créée pour Aimé Cotton. Il retourne alors dans son ancien laboratoire, qui devient le laboratoire Aimé Cotton (LAC) après qu’il en soit devenu le directeur en 1951. Ses recherches se concentrent alors sur la spectrométrie par transformée de Fourier. De 1962 à 1969, il est directeur général du CNRS., puis il devient président de l’Institut d’Optique théorique et appliquée, succédant à Alfred Kastler. En 1966, il est élu membre de l’Académie des Sciences (division des académiciens libres) Il en devient président de 1980 à 1982. En 1978, il obtient la Médaille d’or du CNRS.
(13) Quentin Paul Desains  : Physicien français (1817-1885), auteur d’un Traité de Physique (1855-1859), et d’un Rapport sur les progrès de la théorie de la chaleur (en 1868).

(54) Gustave Ferrié  : général et ingénieur français (1868-1932) : Dés 1899, il est enthousiasmé par les premières réalisations de Marconi, et s’impose alors de doter la France d’une télégraphie sans fil puissante et perfectionnée. Il met au point des émetteurs-récepteurs pour la marine et les colonies. Ses travaux permettent de faire passer la portée de l’émetteur télégraphique de la Tour Eiffel, entre 1903 et 1908, de 400 à 6000 km. Pendant la première guerre mondiale, grâce à lui, la radiotélégraphie militaire française est la plus performante des armées alliées. Il substitue les ondes entretenues aux ondes amorties, fait construire les célèbres lampes triodes T.M. (télégraphie militaire), avec le physicien Henri Abraham , et poursuit l’équipement du réseau français d’outre-mer. Ses collaborateurs ont développé l’étude des ondes courtes, d’où sortira plus tard le radar.

(55) Paul Langevin  : physicien français (1872-1946) : Il entre premier, à seize ans, à l’Ecole de Physique et Chimie industrielles de Paris, où il suit les cours de Pierre Curie. En 1894, il se présente à l’Ecole Normale Supérieure, où il est encore reçu premier. Boursier au laboratoire Cavendish de Cambridge, Langevin travaille sous la direction de J.J. Thomson. Docteur en 1902, il est nommé professeur au Collège de France. En 1904, il succède à Pierre Curie à l’Ecole de Physique et Chimie industrielles, dont il devient directeur en 1925. En 1934, il entre à l’Académie des Sciences. Guidé par le souci d’intégrer à son enseignement les dernières découvertes de la physique contemporaine, Langevin essaie vers les années 1920 de faire comprendre et populariser la théorie de la relativité d’ Einstein . Il ne cesse également, devant ses étudiants, d’approfondir et de clarifier les idées de la physique quantique. Parallèlement à son enseignement, Langevin poursuit des recherches dans les domaines les plus variés : mouvement brownien, ionisation des gaz, théorie du rayonnement, théorie du magnétisme, thermodynamique et théorie cinétique des gaz, relativité (paradoxe de Langevin !). Enfin, pendant la première guerre mondiale, Langevin imagine la technique de production et de détection des ultrasons qui devait être appliquée au repérage des sous-marins.

(56) Maurice de Broglie  : physicien français (1875-1960) : Elève de l’Ecole Navale, il quitte la marine en 1904. Il travaille d’abord à l’Observatoire de Meudon, puis au Collège de France, où il est l’élève de Langevin, et enfin dans son laboratoire privé, où il forme de nombreux physiciens. Docteur es sciences en 1908, il devient professeur de physique générale et expérimentale au Collège de France. Il travaille d’abord sur l’ionisation des gaz. A partir de 1913, il se consacre aux spectres de rayons X. En 1921, il découvre l’effet photoélectrique nucléaire : les éléments irradiés par les rayons X émettent des électrons qui peuvent être séparés par formation de spectres corpusculaires

(57) Wolfgang Gaede  : physicien allemand (1878-1945) : Il est connu par ses travaux sur les techniques d’obtention de vides poussés : Il a inventé en 1916 une pompe rotative à vapeur de mercure, qui permet d’abaisser la pression à 10-6 mm Hg.

(58) Edouard Belin  : inventeur français (1876-1963) : Il est l’inventeur (en 1907), puis constructeur des premiers appareils de phototélégraphie exploités en France. Il apporte aux procédés de transmission des images fixes plusieurs perfectionnements, dont la transmission du signal image par modulation en fréquence d’une sous-porteuse.

(59) Antoine Lacassagne  : biologiste et radiologue français (1884-1971). Il est sous-directeur (en 1923), puis directeur (en 1937) du laboratoire de l’Institut du radium. En 1941, il est nommé professeur de radiobiologie expérimentale au Collège de France. Il devient membre de l’Académie des Sciences en 1949. On lui doit des travaux de radiobiologie et de radiothérapie, de cancérologie et d’hormonologie.

(60) Pierre Lejay  : géophysicien français (1898-1958) : Jésuite, il est directeur d’un observatoire en Chine de 1930 à 1940. Il sera plus tard président du comité national français de géodésie et de géophysique (CNFGG). En 1946, il devient membre de l’Académie des Sciences. Il est notamment l’auteur de recherches sur les variations du champ de pesanteur.

(61) René Barthélémy  : physicien français (1889-1954) : Il est l’un des créateurs de la télévision en France. Ingénieur de l’Ecole Supérieure d’ Electricité, il s’intéresse d’abord à la création d’appareils de mesure, et à la radiophonie. Pendant la première guerre mondiale, il monte des émetteurs, et participe à l’installation du Poste de la Tour Eiffel. Il se tourne ensuite vers la télévision, et devient ingénieur en chef du centre expérimental de Montrouge. Perfectionnant le dispositif de l’anglais Baird, il est chargé d’une émission régulière en 1935. Cette même année, il porte la définition de 90 lignes à 180, puis à 240. Pour éviter le papillottement de l’image, il met au point le balayage entrelacé. Pendant la seconde guerre mondiale, il continue ses travaux, effectuant notamment des recherches sur le Radar.

(62) Le fluor est l’élément chimique de numéro atomique 9, et de masse atomique F = 19, le premier élément de la famille des halogènes. C’est un gaz jaune pâle, d’odeur irritante, difficile à liquéfier. Il est le plus électronégatif de tous les éléments chimiques, et s’unit à la presque totalité des autres corps simples, avec un grand dégagement de chaleur. Avec l’hydrogène, il donne explosivement (même à basse température) l’acide fluorhydrique HF. La plupart des métalloïdes s’enflamment à son contact, et il attaque tous les métaux . Le fluor est utilisé, sous forme de sels ingérés à faibles doses, dans la prévention de la carie dentaire.

(63) Edmond Frémy  : Chimiste français (1814-1894), auteur de recherches sur les ciments, et la production artificielle des pierres précieuses (Membre de l’Académie des sciences en 1857).

(64) Henri Sainte-Claire Deville  : Chimiste français (1818-1881) : Il a notamment imaginé, en 1854, la méthode permettant la première préparation industrielle de l’aluminium. Il a également réalisé la fusion du platine, grâce au chalumeau oxhydrique (Membre de l’Académie des sciences en 1861).

(65) ( Henri Debray  : Chimiste français (1827-1888) : Collaborateur de Sainte-Claire Deville, dont il continua les travaux sur les dissociations (carbonate de calcium, effervescence des hydrates salins).

(66) Pierre Dehérain  : Agronome français (1830-1902) : Professeur au Muséum et à l’école de Grignon. On lui doit des ouvrages d’agronomie pratique et de chimie agricole.

(67) Sir Humphry Davy  : Chimiste et physicien anglais (1778-1829) : Il a isolé par électrolyse les métaux alcalins et alcalino-terreux (1807), découvert l’arc électrique (1811), et les propriétés catalytiques du platine divisé (1817). On lui doit également la lampe de sûreté des mineurs à toile métallique, évitant les explosions dues au grisou.

(68) Jöns Jacob Berzélius  : Chimiste suédois (1779-1848) : C’est lui qui divisa la chimie en chimie minérale et chimie organique, introduisit l’usage de lettres comme symboles des éléments. Il introduisit les concepts d’isomérie, de polymérie et d’allotropie, et étudia la catalyse. Il isola de nombreux corps simples.

(69) Fluorine : Fluorure naturel de calcium CaF2, principal minerai du fluor.

(70) Sir James Dewar  : Physicien écossais (1842-1923) : Il a étudié les très basses températures, réussi à liquéfier l’hydrogène, et inventé les vases isolants à double paroi de verre argenté sous vide.

(71) Wilhelm von Siemens  : Ingénieur allemand (1823-1883), frère de l’ingénieur électricien et industriel Werner von Siemens, émigré en Grande-Bretagne en 1844 : Il améliora les procédés électrochimiques d’ Elkington [[ George Richards Elkington  : Inventeur anglais (1801-1865) : On lui doit l’utilisation commerciale des procédés d’argenture et de dorure par électrolyse (1840), ainsi que l’affinage électrolytique du cuivre (1857).

(72) Four à réverbère : four à chauffage indirect, par l’intermédiaire d’une voûte portée à haute température, qui rayonne fortement sur la sole.

(73) Charles Friedel  : Chimiste organicien, et minéralogiste français (1832-1899) : Il a principalement mis au point un procédé général de synthèse des carbures benzéniques.

(74) Le francium est un métal alcalin radioactif de numéro atomique 87 et de symbole Fr. Dans les années 1870, Mendeleiev a prédit que cet élément serait identifié, et l’appelle déjà ékacésium ou dvirudidium. Il était le dernier élément manquant dans la classification périodique. Ses propriétés chimiques sont celles des métaux alcalins. Il est le plus électropositif de tous les éléments chimiques. C’est l’élément naturel le plus rare, le plus instable des 102 premiers : Il n’en existerait que quelques dizaines de grammes sur toute la Terre. Cette rareté est due à son existence transitoire, en tant que produit de désintégration de l’actinium. La demi-vie de l’isotope le plus stable 223Fr est de 23 minutes, puis il se transforme lui-même en [radon[[Le radon est l’élément chimique de numéro 86, le plus lourd des gaz rares. On connaît aujourd’hui une vingtaine d’isotopes, et, en particulier, le radon 222 provenant du radium, dont la période est 3,8 jours, et qui est un émetteur α, le radon 220, émanation du thorium, également émetteur α, dont la période est 54,5 secondes, le radon 219, émanation de l’actinium, dont la période est 3,92 secondes, lui aussi émetteur α.

(75) L’astate est l’élément chimique de numéro 85, le plus lourd du groupe des halogènes. Il existe en quantités infinitésimales comme descendant naturel de l’uranium. L’astate 211 est obtenu par bombardement d’une cible en bismuth, refroidie, par des particules α de haute énergie. D’autres isotopes sont connus, mais aucun d’eux n’est stable (d’où le nom d’astate).

(76) L’actinium (Ac) est l’élément radioactif de numéro atomique 89, découvert en 1899 par André Debierne. On en connaît deux isotopes naturels : Ac 227 et Ac 228, et 22 isotopes artificiels, de masses atomiques comprises entre 209 et 232.

(77) André Louis Debierne  : chimiste français (1874-1949) : Il est élève, puis professeur et directeur de l’Ecole de physique et chimie de Paris. Il a été titulaire d’une chaire à la Sorbonne, et directeur de l’Institut du radium. En collaboration avec Marie Curie, il isole le radium pur, puis il découvre l’actinium en 1899. Par la suite, ses travaux portent notamment sur les émanations des corps radioactifs, dont il détermine les masses atomiques. Dans ses dernières années, il étudie l’effet des explosions nucléaires sur les phénomènes météorologiques.

(78) L’activité nucléaire est le nombre de désintégrations nucléaires spontanées qui se produisent à chaque seconde dans une quantité donnée de substance radioactive. L’unité SI d’activité nucléaire est le becquerel.

(79) Les descendants radioactifs sont les éléments chimiques produits à partir d’un élément radioactif, par suite de désintégrations spontanées.

(80) Le thorium est l’élément métallique de numéro atomique 90. Il a été découvert en 1828 par Berzélius, dans la thorite. La radioactivité de l’isotope Th 232 a été mise en évidence en 1898 par Marie Curie. De période radioactive supérieure à 10 milliards d’années, il est le seul à exister depuis l’origine de la Terre.

(81) Le lanthane est, dans la classification périodique, le premier métal du groupe des terres rares. C’est l’élément chimique de numéro atomique 57, et de masse atomique La = 139. il a été découvert en 1839 par le chimiste Mosander . C’est un solide de couleur gris fer, de densité 6,1, fondant vers 920 °C. Il s’oxyde rapidement à l’air, brûle avec un vif éclat, et est attaqué par les acides dilués.

(82) Harriet Brooks  : physicienne canadienne (1876-1933) : elle a été la première physicienne nucléaire du canada, mais n’a jamais obtenu la moindre reconnaissance, bien qu’elle ait activement participé aux premiers pas de la physique nucléaire, aux côtés du Prix Nobel Ernest Rutherford .

(83) Lise Meitner  : physicienne autrichienne (1878-1968) : Etudiante à Vienne et Berlin, elle prépare une thèse chez Ludwick Boltzman . A partir de 1907, elle travaille avec Otto Hahn à Berlin. Ensemble, ils détectent les électrons des désintégrations β des noyaux radioactifs, et ils en mesurent les énergies ; d’autres travaux suivront. Pendant cette période, L. Meitner doit travailler avec O. Hahn dans un petit local extérieur au laboratoire, car le directeur E. Fischer en a interdit aux femmes l’entrée par la porte principale…En 1912, elle est assistante de Max Planck  ; elle mesure alors les longueurs d’onde des γ nucléaires. Elle est nommée professeur en 1917, et elle travaille à nouveau avec Otto Hahn. D’ascendance juive, elle est pourchassée par les nazis ; en 1938, elle se réfugie en Suède, où elle continue ses travaux. Lise Meitner est souvent citée comme une victime du sexisme : vexations au laboratoire entre 1907 et 1912, oubli par le comité Nobel, refus d’un éditeur de publier son article sur la radioactivité lorsqu’il apprend que l’auteur est une femme…

(84) Ida Tacke-Noddack  : physicienne et chimiste allemande (1896-1978), épouse du physicien Walter Noddack (1893-1960) : En 1934, c’est elle qui émet la première l’idée qu’un noyau atomique ayant absorbé un neutron peut subir la fission nucléaire. Personne ne prend cette idée au sérieux, même pas Otto Hahn qui, plus tard, recevra le prix Nobel pour « sa découverte » de la fission nucléaire. Enrico Fermi, lui, reconnaît qu’il a tort de ne pas suivre la suggestion d’Ida Noddack. En 1925, Walter et Ida Noddack ont découvert ensemble, avec Otto Berg, le rhénium  : c’est un métal argenté, de forte densité, dont le point de fusion n’est dépassé que par ceux du tungstène et du carbone. Les alliages en rhénium-molybdène sont supraconducteurs à 10 K ; les thermocouples rhénium-tungstène peuvent mesurer des températures jusqu’à 2000 °C. Des fils de rhénium sont utilisés en photographie dans les lampes flash.