Quelques portraits publié le 27/04/2006  - mis à jour le 23/02/2014

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Perey Catherine

Marguerite Catherine PEREY est une chimiste et physicienne française qui a notamment découvert, en 1939, l’élément chimique de numéro atomique 87, auquel a été donné le nom de francium 1->http://fr.wikipedia.org/wiki/Radon] par désintégration β, ou en [astate2->http://fr.wikipedia.org/wiki/Astate] par rayonnement α. Le francium n’a pas d’utilisation connue.]]. Elle a été la première femme élue à l’Académie des Sciences, en 1962, comme correspondante.
Cadette d’une famille de cinq enfants, Marguerite Perey est née en 1909 à Villemomble, à l’est de Paris (actuellement chef-lieu de canton de Seine Saint-Denis). Elle obtient à vingt ans son diplôme de technicienne chimiste, puis elle entre rapidement à l’Institut du radium de Paris, dans l’équipe de Marie Curie , qui fait d’elle sa préparatrice particulière. « Les qualités de Marguerite Perey qui ont déterminé ce choix de Marie Curie se déploient au cours d’une étude délicate qui va conduire Marguerite Perey à la découverte en 1939 du premier isotope de l’élément correspondant à la case 87 du tableau périodique de Mendeleïev » ( Marguerite Perey, la découverte du francium », par Nancy Perreault) :
Avant sa mort en 1934, Marie Curie la charge d’étudier plus particulièrement un isotope de l’élément 89, encore peu connu, l’actinium 2273, et de préparer des sources concentrées de cet isotope. Par la suite, ce sont Irène Joliot-Curie et André Debierne 4 qui supervisent ses travaux, et lui demandent de réaliser une source très pure d’actinium 227. L’actinium est un élément radioactif naturel qui accompagne toujours les terres rares, et dont il est difficile à séparer en raison de l’analogie des propriétés chimiques. La concentration de l’actinium dans les terres rares, par cristallisation fractionnée (car l’échange ionique n’est pas encore connu), constitue une tâche longue, difficile, ingrate et dangereuse, à laquelle Marguerite Perey consacre plusieurs années de travail. Elle découvre alors une faible anomalie dans l’évolution de l’activité5 de l’actinium fraîchement purifié de ses descendants6 : Le rayonnement de l’actinium 227 a une énergie si faible qu’il n’avait jamais été observé auparavant, et le descendant immédiat, le thorium 2277, ne devait se former qu’avec une période d’une vingtaine de jours. Marguerite Perey décèle une émission β dans les premières minutes qui suivent la fin de la purification de l’actinium, et cette activité tend vers une limite asymptotique en deux heures environ. Au tout début de janvier 1939, en purifiant du lanthane8 contenant de l’actinium, elle montre que cette anomalie est due à la formation d’un élément radioactif de période 21 minutes, émetteur β, provenant de la désintégration de l’actinium, par une voie latérale n’affectant que 1 % du produit mère, alors que 99 % conduisent vers le thorium. A ce nouvel élément radioactif, qu’elle vient de caractériser par sa période, Marguerite Perey propose de donner le nom de francium .
La découverte du francium est annoncée à la séance de l’Académie des Sciences du 9 janvier 1939, et fait l’objet d’une note présentée dans les comptes-rendus par Jean Perrin , apportant la preuve que le nouvel élément est bien un métal alcalin. Cette découverte aurait créé quelques tensions entre André Debierne et Irène Joliot-Curie, les deux ayant demandé à M. Perey de réaliser des travaux à l’insu de l’autre…A la suite de cette découverte, elle est libérée de toutes obligations professionnelles, et elle peut ainsi, tout en poursuivant ses recherches, achever une licence, puis soutenir, le 21 mars 1946, une thèse de doctorat sur l’élément 87.

Elle est alors nommée Maître de recherches au CNRS, et, en 1949, elle occupe la chaire de chimie nucléaire créée à son intention à la Faculté des Sciences de Strasbourg (La « chimie du noyau » est sa spécialité). Ses recherches portent notamment sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques des différentes substances radioactives naturelles et artificielles. Poursuivant ses travaux sur les propriétés de l’actinium et de ses dérivés, elle établit une nouvelle méthode de fractionnement des terres rares actinifères, qui conduit à un brevet pris par le CNRS, et à une méthode de dosage rapide de l’actinium par l’intermédiaire du francium.

A Strasbourg, elle organise, dans des conditions difficiles, mais avec enthousiasme, un enseignement de chimie et physique nucléaires, de second cycle d’abord, puis de troisième cycle. Elle crée un laboratoire dans lequel elle poursuit ses recherches :
Le premier embryon du futur laboratoire de Chimie nucléaire prend place, en 1950, dans le pavillon annexe de l’Institut de chimie, où M. Perey accomplit ses dernières expériences sur la fixation sélective de francium sur des tissus cancéreux. Ce laboratoire est inauguré en 1951. Décidée à consacrer la vocation nucléaire de l’Université de Strasbourg, elle multiplie les démarches et interventions, qui aboutissent à la création d’un Centre de recherches nucléaires, approuvée le 2 juillet 1956 par une convention conclue entre le CNRS et l’Université de Strasbourg. Chargée de la direction du département de chimie nucléaire de ce centre, elle prend une part active à la construction du centre de Strasbourg-Cronenbourg.
Elle entre alors dans une longue période de souffrances physiques et morales, consécutives aux expositions prolongées aux rayonnements ionisants, vingt ans plus tôt. Elle se voit obligée de ralentir, puis de cesser toute activité. De nombreux témoignages d’amitié, et plusieurs distinctions, l’aident à supporter les épreuves. Elle obtient le grand prix de la ville de Paris en 1960, puis le prix Lavoisier de l’Académie des sciences, ainsi que la grande médaille de la Société chimique de France. Le 19 mars 1962, elle est élue correspondant de l’Académie des Sciences, devenant ainsi la première femme à pouvoir participer à ses activités. En 1967, elle participe, à Varsovie, à la célébration du centenaire de la naissance de Marie Curie, puis, en 1969, à Strasbourg, avec ses étudiants, à celle du trentième anniversaire du francium. Après de longues souffrances, elle décède à Louveciennes (Yvelines), en 1975, à l’age de 66 ans. Les médecins constatent alors que son corps émet le rayonnement caractéristique de l’actinium.
Le mercredi 14 décembre 2005, s’est tenue à Strasbourg une conférence à l’initiative de la Société Française de Physique, dans le cadre de l’année mondiale de la Physique en Alsace, dont le thème était :
«  Marguerite Perey et les femmes du nucléaire  »…

par Jean-Pierre Adloff, ancien directeur du laboratoire de chimie nucléaire de Strasbourg, et successeur de Marguerite Perey :
« En associant les mots « radioactivité » et « femme », les noms de Marie et Irène Curie viennent à l’esprit. D’autres femmes moins connues ont joué un rôle prépondérant dans l’histoire de la radioactivité. On rappellera d’abord la vie de gloire et de souffrance de Marguerite Perey, élève de Marie Curie, découvreur du francium…On évoquera d’autres célèbres pionnières de la radioactivité (Harriet Brooks 9, Lise Meitner 10, Ida Noddack 11) qui ont souvent souffert du mépris et de la misogynie des hommes et des institutions, et parfois payé de leur vie leur passion pour la discipline »

Documentation :

  • Jules Six et André Rousset : « Des physiciens de A à Z » (Pour la biographie de Lise Meitner).

(1) Le francium est un métal alcalin radioactif de numéro atomique 87 et de symbole Fr. Dans les années 1870, Mendeleiev a prédit que cet élément serait identifié, et l’appelle déjà ékacésium ou dvirudidium. Il était le dernier élément manquant dans la classification périodique. Ses propriétés chimiques sont celles des métaux alcalins. Il est le plus électropositif de tous les éléments chimiques. C’est l’élément naturel le plus rare, le plus instable des 102 premiers : Il n’en existerait que quelques dizaines de grammes sur toute la Terre. Cette rareté est due à son existence transitoire, en tant que produit de désintégration de l’actinium. La demi-vie de l’isotope le plus stable 223Fr est de 23 minutes, puis il se transforme lui-même en [radon[[Le radon est l’élément chimique de numéro 86, le plus lourd des gaz rares. On connaît aujourd’hui une vingtaine d’isotopes, et, en particulier, le radon 222 provenant du radium, dont la période est 3,8 jours, et qui est un émetteur α, le radon 220, émanation du thorium, également émetteur α, dont la période est 54,5 secondes, le radon 219, émanation de l’actinium, dont la période est 3,92 secondes, lui aussi émetteur α.

(2) L’astate est l’élément chimique de numéro 85, le plus lourd du groupe des halogènes. Il existe en quantités infinitésimales comme descendant naturel de l’uranium. L’astate 211 est obtenu par bombardement d’une cible en bismuth, refroidie, par des particules α de haute énergie. D’autres isotopes sont connus, mais aucun d’eux n’est stable (d’où le nom d’astate).

(3) L’actinium (Ac) est l’élément radioactif de numéro atomique 89, découvert en 1899 par André Debierne. On en connaît deux isotopes naturels : Ac 227 et Ac 228, et 22 isotopes artificiels, de masses atomiques comprises entre 209 et 232.

(4) André Louis Debierne  : chimiste français (1874-1949) : Il est élève, puis professeur et directeur de l’Ecole de physique et chimie de Paris. Il a été titulaire d’une chaire à la Sorbonne, et directeur de l’Institut du radium. En collaboration avec Marie Curie, il isole le radium pur, puis il découvre l’actinium en 1899. Par la suite, ses travaux portent notamment sur les émanations des corps radioactifs, dont il détermine les masses atomiques. Dans ses dernières années, il étudie l’effet des explosions nucléaires sur les phénomènes météorologiques.

(5) L’activité nucléaire est le nombre de désintégrations nucléaires spontanées qui se produisent à chaque seconde dans une quantité donnée de substance radioactive. L’unité SI d’activité nucléaire est le becquerel.

(6) Les descendants radioactifs sont les éléments chimiques produits à partir d’un élément radioactif, par suite de désintégrations spontanées.

(7) Le thorium est l’élément métallique de numéro atomique 90. Il a été découvert en 1828 par Berzélius, dans la thorite. La radioactivité de l’isotope Th 232 a été mise en évidence en 1898 par Marie Curie. De période radioactive supérieure à 10 milliards d’années, il est le seul à exister depuis l’origine de la Terre.

(8) Le lanthane est, dans la classification périodique, le premier métal du groupe des terres rares. C’est l’élément chimique de numéro atomique 57, et de masse atomique La = 139. il a été découvert en 1839 par le chimiste Mosander . C’est un solide de couleur gris fer, de densité 6,1, fondant vers 920 °C. Il s’oxyde rapidement à l’air, brûle avec un vif éclat, et est attaqué par les acides dilués.

(9) Harriet Brooks  : physicienne canadienne (1876-1933) : elle a été la première physicienne nucléaire du canada, mais n’a jamais obtenu la moindre reconnaissance, bien qu’elle ait activement participé aux premiers pas de la physique nucléaire, aux côtés du Prix Nobel Ernest Rutherford .

(10) Lise Meitner  : physicienne autrichienne (1878-1968) : Etudiante à Vienne et Berlin, elle prépare une thèse chez Ludwick Boltzman . A partir de 1907, elle travaille avec Otto Hahn à Berlin. Ensemble, ils détectent les électrons des désintégrations β des noyaux radioactifs, et ils en mesurent les énergies ; d’autres travaux suivront. Pendant cette période, L. Meitner doit travailler avec O. Hahn dans un petit local extérieur au laboratoire, car le directeur E. Fischer en a interdit aux femmes l’entrée par la porte principale…En 1912, elle est assistante de Max Planck  ; elle mesure alors les longueurs d’onde des γ nucléaires. Elle est nommée professeur en 1917, et elle travaille à nouveau avec Otto Hahn. D’ascendance juive, elle est pourchassée par les nazis ; en 1938, elle se réfugie en Suède, où elle continue ses travaux. Lise Meitner est souvent citée comme une victime du sexisme : vexations au laboratoire entre 1907 et 1912, oubli par le comité Nobel, refus d’un éditeur de publier son article sur la radioactivité lorsqu’il apprend que l’auteur est une femme…

(11) Ida Tacke-Noddack  : physicienne et chimiste allemande (1896-1978), épouse du physicien Walter Noddack (1893-1960) : En 1934, c’est elle qui émet la première l’idée qu’un noyau atomique ayant absorbé un neutron peut subir la fission nucléaire. Personne ne prend cette idée au sérieux, même pas Otto Hahn qui, plus tard, recevra le prix Nobel pour « sa découverte » de la fission nucléaire. Enrico Fermi, lui, reconnaît qu’il a tort de ne pas suivre la suggestion d’Ida Noddack. En 1925, Walter et Ida Noddack ont découvert ensemble, avec Otto Berg, le rhénium  : c’est un métal argenté, de forte densité, dont le point de fusion n’est dépassé que par ceux du tungstène et du carbone. Les alliages en rhénium-molybdène sont supraconducteurs à 10 K ; les thermocouples rhénium-tungstène peuvent mesurer des températures jusqu’à 2000 °C. Des fils de rhénium sont utilisés en photographie dans les lampes flash.