Du macroscopique au microscopique : Pascal et la pression atmosphérique. publié le 30/12/2008

Dans Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air — consultable en ligne sur le site du Service Interétablissements de Coopération Documentaire (SICD) de Strasbourg — publié en 1663, Blaise Pascal (1623-1662) recense toutes les manifestations de la pesanteur de l’air atmosphérique et démontre que cette pesanteur « produit tous les effets qu’on a jusqu’ici attribués à l’horreur du vide ».
A titre d’exemple, voici ce que dit Pascal du baromètre à mercure inventé en 1644 par l’italien Evangelista Torricelli (1608-1647) et de la célèbre expérience du Puy de Dôme — conversions : 1 toise=1,949 m, 1 pied=0,325 m, 1 pouce=2,71 cm, 1 ligne=2,25 mm :
« L’instrument le plus propre pour observer toutes ces variations est un tuyau de verre bouché par en haut, recourbé par en bas, de trois ou quatre pieds de haut, auquel on colle une bande de papier divisée par pouces et lignes. Car si on le remplit de vif-argent [de mercure], on verra qu’il tombera en partie et qu’il demeurera suspendu en partie. Et on pourra remarquer exactement le degré auquel il sera suspendu. Et il sera facile d’observer les variations qui y arriveront de la part des charges de l’air par les changements du temps [météorologique], et celles qui y arriveront, en le portant en un lieu plus élevé. Car en le laissant en un même lieu on verra qu’à mesure que le temps changera, il haussera et baissera. Et on remarquera qu’il sera plus haut en un temps qu’en un autre, d’un pouce six lignes, qui répondent précisément à un pied huit pouces d’eau, que nous avons donné dans l’autre chapitre pour la différence qui arrive de la part du temps. [Le rapport des deux mesures indiquées par Pascal donne 13,34, en bon accord avec la densité du mercure par rapport à l’eau, aujourd’hui de 13,58.]
Et en le portant du pied d’une montagne jusque sur son sommet, on verra que quand on sera monté de dix toises, il sera baissé de près d’une ligne ; quand on sera monté de vingt toises, il sera baissé de deux lignes ; quand on sera monté de cent toises, il sera baissé de neuf lignes ; quand on sera monté de cinq cents toises, il sera baissé de trois pouces dix lignes ; et redescendant, il remontera par les mêmes degrés.
Tout cela a été éprouvé sur la montagne du Puy-de-Dôme, en Auvergne. »

L’expérience du Puy de Dôme n’a pas été réalisée par Pascal lui-même — pour raisons de santé —, mais par son beau-frère, Florin Périer.


Voici une partie du compte rendu que ce dernier en fit à Pascal dans une lettre datée du 22 septembre 1648 :
«  Monsieur,
Enfin j’ai fait l’expérience que vous avez si longtemps souhaitée. Je vous aurais plus tôt donné cette satisfaction ; j’en ai été empêché, autant par les emplois que j’ai eus en Bourbonnais, qu’à cause que, depuis mon arrivée, les neiges ou les brouillards ont tellement couvert la montagne du Puy-de-Dôme où je la devais faire, que, même en cette saison qui est ici la plus belle de l’année, j’ai eu peine à rencontrer un jour où l’on pût voir le sommet de cette montagne, qui se trouve d’ordinaire au dedans des nuées, et quelquefois au-dessus, quoique au même temps il fasse beau dans la campagne...
Je vous donne ici une ample et fidèle relation [de l’expérience], où vous verrez la précision et les soins que j’y ai apportés, auxquels j’ai estimé à propos de joindre encore la présence de personnes aussi savantes qu’irréprochables, afin que la sincérité de leur témoignage ne laissât aucun doute de la certitude de l’expérience...
La journée de samedi dernier 19 de ce mois fut fort inconstante : néanmoins, le temps paraissant assez beau sur les cinq heures du matin, et le sommet du Puy-de-Dôme se montrant à découvert, je me résolus d’y aller pour y faire l’expérience. Pour cet effet, j’en donnai avis à plusieurs personnes de condition de cette ville de Clermont, qui m’avaient prié de les avertir du jour que j’irais, dont quelques-unes sont ecclésiastiques et les autres séculières...
Nous fûmes donc ce jour-là tous ensembles sur les huit heures du matin dans le jardin des Pères Minimes qui est presque le plus bas lieu de la ville, où fut commencée l’expérience en cette sorte.
Premièrement, je versai dans un vaisseau seize livres de vif-argent que j’avais rectifié durant les trois jours précédents et ayant pris deux tuyaux de verre de pareille grosseur, et longs de quatre pieds chacun, scellés hermétiquement par un bout et ouverts par l’autre, je fis en chacun de ceux-ci l’expérience ordinaire du vide dans ce même vaisseau, et ayant approché et joint les deux tuyaux l’un contre l’autre sans les tirer hors de leur vaisseau, il se trouva que le vif-argent qui était resté en chacun deux était à même niveau, et qu’il y en avait en chacun creux, au-dessus de la superficie de celui du vaisseau, vingt-six pouces trois lignes et demie. Je refis cette expérience dans ce même lieu, dans les deux mêmes tuyaux, avec le même vif argent et dans le même vaisseau deux autres fois il se trouva toujours que le vif-argent des deux tuyaux était à même niveau et en la même hauteur que la première fois. Cela fait, j’arrêtai à demeure l’un de ces deux tuyaux sur son vaisseau en expérience continuelle. Je marquai au verre la hauteur du vif-argent et, ayant laissé ce tuyau en sa même place, je priai le R.P. Chastin, l’un des religieux de la maison, homme aussi pieux que capable, et qui raisonne très bien en ces matières, de prendre la peine d’y observer, de moment en moment, pendant toute la journée, s’il y arriverait du changement. Et avec l’autre tuyau, et une partie de ce même vif-argent, je fus, avec tous ces Messieurs, faire les mêmes expériences au haut du Puy-de-Dôme, élevé au-dessus des Minimes environ de 500 toises, où il se trouva qu’il ne resta plus dans ce tuyau que la hauteur de vingt-trois pouces deux lignes de vif-argent, au lieu qu’il s’en était trouvé aux Minimes, dans ce même tuyau, la hauteur de 26 pouces 3 lignes et demie, et ainsi, entre les hauteurs du vif-argent de ces deux expériences, il y eut trois pouces une ligne et demie de différence ce qui nous ravit tous d’admiration et d’étonnement, et nous surprit de telle sorte, que, pour notre satisfaction propre, nous voulûmes la répéter. C’est pourquoi je la fis encore cinq autres fois très exactement, en divers endroits du sommet, de la montagne, tantôt à couvert dans la petite chapelle qui y est, tantôt à découvert, tantôt à l’abri, tantôt au vent, tantôt au beau temps, tantôt pendant la pluie et les brouillards qui nous y venaient voir parfois, ayant à chaque fois purgé soigneusement d’air le tuyau il s’est toujours trouvé la même hauteur de vif-argent de 23 pouces 2 lignes, qui font les 3 pouces une ligne et demie de différence d’avec les vingt-six pouces trois lignes et demie qui s’étaient trouvés aux Minimes. Ce qui nous satisfît pleinement.
Après, en descendant la montagne, je refis en chemin la même expérience, toujours avec le même tuyau le même vif-argent et le même vaisseau, en un lieu appelé La Font de l’Arbre, beaucoup au-dessus des Minimes, mais beaucoup plus au-dessous du sommet de la montagne ; et là je trouvai que la hauteur du vif-argent resté dans le tuyau était de 25 pouces. Je la refis une seconde fois en ce même lieu, et le dit sieur Mosnier un des ci-devant nommés, eut la curiosité de la faire lui-même : il la fit donc aussi en ce même lieu, et il se trouva toujours la même hauteur de vingt-cinq pouces, qui est moindre, que celle qui s’était trouvée aux Minimes, d’un pouce trois lignes et demie, et plus grande que celle que nous venions de trouver au haut du Puy-de-Dôme d’un pouce 10 lignes et demie ce qui n’augmentait pas peu notre satisfaction, voyant la hauteur du vif-argent se diminuer suivant la hauteur des lieux.
Enfin, étant revenus aux Minimes, j’y trouvai le vaisseau que j’avais laissé en expérience continuelle, en la même hauteur où je l’avais laissé, de 26 pouces trois lignes et demie, à laquelle hauteur le R.P. Chastin, qui y était demeuré pour l’observation, nous rapporta n’être arrivé aucun changement pendant toute la journée, quoique le temps eût été fort inconstant, tantôt serein, tantôt pluvieux, tantôt plein de brouillard, et tantôt venteux.... »

A noter qu’une autre preuve d’une variation de la pression atmosphérique avec l’altitude est donnée par le fait qu’un ballon gonflé à l’hélium s’élève vers le ciel : en effet, la poussée d’Archimède représentant la résultante des forces pressantes atmosphériques s’exerçant sur le ballon, il y a donc plus de pression en dessous qu’au dessus du ballon de sorte que la résultante des forces pressantes est verticale et ascendante.

Voici un document en format pdf du site de la Société Française de Physique qui peut donner des idées d’activités autour de la pression atmosphérique.