De l’échelle microscopique à l’échelle macroscopique : la mole : Peut-on « voir » et manipuler les atomes ? publié le 23/12/2008 - mis à jour le 06/01/2019
A l’orée du XIXe siècle, Wilhelm Ostwald (1853-1932) qui reçut le prix Nobel de chimie en 1909 affirmait que l’hypothèse atomique n’était qu’un « fatras commode pour désigner les interactions énergétiques » — il reviendra sur sa position — et le physicien autrichien Ernst Mach (1836-1916) appuyait sa réfutation des atomes en disant qu’on ne pouvait les voir et donc qu’ils n’étaient pas des objets intéressant la science.
Si l’hypothèse atomique a fini par triompher de ces résistances par la mise en évidence de ses conséquences indirectes (mouvement brownien, diffusion, chimie,...), force est de dire que l’atome semblait inaccessible à l’observation. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai. Tout d’abord il faut s’entendre sur l’expression « voir les atomes ». Il n’est pas question de les voir directement, le rayonnement visible étant de longueur d’onde trop grandes pour être optiquement perturbé par les atomes — tout comme une noix de coco ne peut perturber la progression d’un tsunami. Il faut donc utiliser d’autres moyens : la microscopie électronique à haute résolution et celle à effet tunnel nous les fournissent.
Cristal d’arséniure de gallium vu au microscope électronique à transmission haute résolution.
Les microscopes électroniques à haute résolution utilisent des faisceaux d’électrons relativistes dont la longueur d’onde de de Broglie est de l’ordre du picomètre — 10-12 m — soit notablement inférieure aux dimensions atomiques, ce qui permet d’envisager une optique de type géométrique permettant de « voir » les atomes. Sur le cliché ci-contre, la résolution est de l’ordre de 0,1 nm !
Par ailleurs, en 1981, Gerd Binnig et Heinrich Rohrer des laboratoires IBM inventèrent la microscopie à effet tunnel, invention pour laquelle ils reçurent le prix Nobel de physique 1986. Le principe en est relativement simple — pour la réalisation, c’est autre chose : une pointe nanométrique se déplace sur l’échantillon à observer, permettant ainsi de reconstituer le « paysage » atomique grâce aux informations recueillies par effet tunnel.
Et voilà ce qui put être « vu » de cette manière — bien sûr, les couleurs sont artificielles et n’ont que pour fonction de distinguer les objets.
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Alignements d’atomes de Nickel |
Atome de Xénon sur un substrat de nickel |
Image originally created by IBM Corporation | |
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Atomes d’iode et de sodium sur du cuivre |
Atomes de gadolinium sur du niobium |
Image originally created by IBM Corporation |
On put faire mieux que voir les atomes ! Non seulement la pointe nanométrique permettait de les palper, mais on pouvait en plus les manipuler un à un grâce à elle.
Ainsi le physicien Donald Eigler, toujours des laboratoires IBM, réussit le 28 septembre 1989 à écrire le sigle IBM à l’aide de 35 atomes de xénon sur une surface de nickel. Il écrivit aussi l’idéogramme japonais signifiant atome à l’aide d’atomes de fer sur un substrat de cuivre.
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Image originally created by IBM Corporation
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On réalisa enfin des « corrals quantiques » — par exemple ci-dessous avec 48 atomes de fer disposés le long d’un cercle sur un substrat de cuivre. Les vaguelettes observées à l’intérieur du cercle mettent en évidence le caractère ondulatoire des électrons métalliques délocalisés.
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Image originally created by IBM Corporation |
Mieux encore, Image originally created by IBM Corporation - VideoAtomic Fly-By
Toutefois, le fait que l’on puisse détricoter et re-tricoter une molécule d’ADN ou que l’on sache aujourd’hui parfaitement manipuler des électrons et des photons individuels rendrait presque banales les prouesses scientifico-techniques évoquées ci-dessus.