La vie scolaire en Allemagne publié le 22/03/2012  - mis à jour le 24/01/2013

Mme Horn

Mme Horn, vous êtes professeur de Latin au lycée de Dillenburg et Studiendirektorin (formatrice) au Studienseminar für das Lehramt an Gymnasien (IUFM) de Giessen dans la Hesse. Vous avez par ailleurs été assistante au lycée Camille Guérin de Poitiers pendant un an, il y a de cela quelques années. Vous connaissez donc relativement bien le système éducatif français et vous connaissez l’existence et la fonction du conseiller d’éducation.
Celle-ci n’existe pas dans le système éducatif allemand, comme dans la plupart de ceux des pays européens.
C’est là toujours un sujet d’étonnement pour les CPE français qui se demandent, avec un mélange de scepticisme et d’inquiétude, comment « peuvent donc faire les enseignants étrangers ». Il faut entendre par là : « Comment les enseignants étrangers gèrent-ils les absences des élèves, l’encadrement des élèves hors les cours, les problèmes de discipline, les problèmes personnels des élèves…. ?

Mme Horn, dites-nous alors « comment font les enseignants allemands » :

En effet, la fonction du conseiller d’éducation n’existe pas dans les établissements scolaires d’état en Allemagne ce qui vient probablement entre autre du fait que l’existence des internats est moins répandue. Etre interne, c’est l’exception en Allemagne, la grande majorité des élèves ne fréquentent l’école que dans la journée et rentrent chez eux à midi (les collégiens) ou l’après-midi vers 17 heures (les lycéens). On considère, c’est mon impression, le travail éducatif principalement comme la tâche des parents – d’où vient à mon avis un problème qui se manifeste par exemple dans les résultats des études sur les chances devant l’école : Ces chances dépendent en Allemagne sensiblement du milieu culturel familial.
Comment font donc les enseignants allemands ? Tout d’abord, dans le cadre du système éducatif ce sont eux qui s’occupent des intérêts de leurs élèves. Pratiquement tous les enseignants exercent la fonction de professeur principal ce qui veut dire que celui-ci a la responsabilité d’une des classes qu’il enseigne. Il est l’interlocuteur pour les élèves de cette classe ainsi que pour leurs parents et les autres collègues qui enseignent dans cette même classe. Il gère les absences de ses élèves en tenant des inventaires, il surveille un peu plus attentivement leur développement scolaire, il est au courant des échecs menaçants, il s’adresse aux parents quand il y a des problèmes scolaire ou de discipline... La plus grande partie de l’encadrement des élèves hors les cours fait également partie des tâches d’un enseignant. Ainsi leurs tâches dépassent largement celles de l’enseignement/formation disciplinaire. Les tâches de chaque enseignant sont fixées par la loi ; pour la Hesse ce sont : « Unterrichten » (enseigner), « Erziehen » (éduquer), « Beraten » (conseiller), « Betreuen » (encadrer) et « Innovieren » (participer au développement scolaire). Les responsabilités esquissées dans votre question font donc partie du métier de l’enseignant.
Un scepticisme de votre part me semble tout à fait justifié : On peut facilement imaginer les charges des enseignants qui préparent et réalisent entre 25 (lycée) et 28 (école primaire) heures de cours par semaine, en plus des corrigés, préparations des examens du bac, des conseils de classe, des réunions... Et on peut se demander combien de temps reste-t-il pour exercer les fonctions décrites d’une manière consciente et responsable, pour s’occuper intensivement d’un élève en difficultés, comme il le faudrait et comme le collègue le voudrait. Les enseignants font, certes, leur mieux possible et leur travail prend souvent de grandes parties de leurs soirées, de leurs week-ends, des vacances scolaires. Mais le soutien professionnel d’un conseiller d’éducation représente une décharge énorme et me semble être un avantage et un besoin pour l’encouragement professionnel et individuel des élèves.

Outre cette fonction d’encadrement et de contrôle des élèves, le CPE a en charge dans l’établissement scolaire français une éducation à la vie communautaire (civilité, discipline...) et à la vie citoyenne (représentativité, élection et formation des délégués- élèves...)
Cette éducation existe t-elle dans les établissements allemands ? Et par qui est-elle assurée ?

Ce sujet fait partie de quelques matières scolaires telles que « Politik und Wirtschaft », mais en partie aussi en « Religionslehre », donc ce sont les professeurs qui assurent cette éducation, bien-sûr aussi les professeurs principaux. Les élèves apprennent dés leur entrée dans l’école (donc déjà à l’école primaire) le rôle d’un « Klassensprecher » (délégués-élèves), il y a des élections, à l’entrée au collège et au lycée (sous un seul toit normalement) les élèves apprennent par leurs professeurs les comités/commissions qui existent à l’école pour représenter leurs intérêts. Tous les élèves d’un collège ou lycée peuvent élire un « Verbindungslehrer » ( Professeur médiateur ) qui les aident à réaliser leurs réunions, l’élection des candidats etc. Quant à l’éducation générale communautaire et citoyenne, elle fait partie du curriculum de la matière « Politik » que les élèves suivent jusqu’au bac.

Le CPE a enfin fréquemment la charge des élèves les plus en difficultés scolairement. Il se doit de trouver une solution pour ces élèves : sous forme d’aide pédagogique, de ré-orientation vers une autre filière, d’aide médicale ou psychologique...
A ce titre, il s’entretient avec les parents de l’élève, les conseillers d’orientation-psychologues, les services médicaux, les services officiels (Rectorat, Inspection académique...) et coordonne généralement cette aide auprès des élèves
Comment et par qui sont traités les problèmes majeurs des élèves en Allemagne ?

Les élèves en difficultés n’ont d’abord comme premier interlocuteur que leurs professeurs, surtout leur professeur principal. Ce sont souvent les professeurs qui font les premiers pas pour trouver des solutions pour les différentes sortes de problèmes, et ils font cela en plus de leurs tâches d’enseignement disciplinaire. Le contact avec les parents fait partie de leur travail. Il y a, pour plusieurs écoles en même temps, un psychologue qui offre des heures de consultation de temps en temps, mais souvent ce n’est pas suffisant. Pour assurer les contacts entre élèves et parents et avec les services professionnels que vous mentionnez, le proviseur doit également être informé. Les informations importantes sont notées dans les dossiers des élèves que chaque professeur peut regarder dans le secrétariat de l’établissement.
Il me semble que les responsabilités des professeurs dans ce domaine augmentent dans la mesure où le nombre d’élèves en difficulté augmente. Notre système a tendance à repousser les problèmes scolaires à un autre niveau (plus bas), de se débarrasser un peu des « cas difficiles » , une « attitude de soutien » devient de plus en plus important et commence à être exigée et discutée de plus en plus aussi dans des « Gymnasien » (avec le bac pour but).

Pensez-vous que cette fonction de CPE serait utile dans un établissement scolaire allemand ?

Si vous posiez cette question aux 100 collègues de mon école, j’ose dire que vous n’en trouveriez pas un seul qui vous donnerait une réponse négative. Je dois espérer que tous les professeurs français se rendent compte de la qualité et du soutien que représentent les CPE pour les élèves et, vue de la perspective allemande, quelle décharge ils représentent pour eux-mêmes. Les professeurs allemands considèreraient sans doute comme un progrès énorme de savoir qu’il existe des collègues avec les responsabilités des CPE dans leur établissement. Une condition importante à mon avis, serait d’assurer le fonctionnement d’un contact intense entre profs et CPE, parce que ce sont les profs qui observent régulièrement leurs élèves, qui sont les plus proches de leurs élèves.