La technique de l'entretien d'explicitation au service de la réussite des élèves publié le 03/03/2013  - mis à jour le 20/11/2013

Lycée Marguerite de Valois

En 2006, une cellule d’aide pour les élèves en difficulté et en échec scolaire a vu le jour au lycée GT Marguerite de Valois d’Angoulême sous l’impulsion d’Annette Meunier-Rivet, professeure de philosophie. Malgré son insertion dans le dispositif institutionnel de l’accompagnement personnalisé, cette aide active aux lycéens s’avère néanmoins difficile à mettre en place car elle passe tout d’abord par une nécessaire formation des professeurs souhaitant l’expérimenter. Elle favorise cependant une meilleure qualité relationnelle entre élèves et professeurs et contribue à l’amélioration du climat scolaire.


Entretien avec Annette Meunier-Rivet.

En quoi consiste concrètement l’entretien d’explicitation ?

Il consiste en un entretien individuel entre deux personnes. L’une (nommée « A ») a des difficultés à exécuter une tâche, ou bien à examiner seule sa pratique scolaire ou professionnelle, à prendre conscience en somme de ses procédures, de ses façons propres de connaître et de comprendre et de ce qu’elle pourrait faire pour les exploiter au mieux.
L’autre (nommée « B »), formée à l’entretien d’explicitation, est munie de séquences de questions simples, qui lui permettent de guider la première dans l’exploration de ses facultés intellectuelles, de ses savoirs et règles de fonctionnement.

L’entretien d’explicitation est fondé sur une première condition : les deux personnes passent un « contrat de communication » par lequel elles se mettent d’accord sur le but de ce que l’entretien cherche à explorer. Ce contrat est aussi nommé « contrat d’attelage » car A et B vont mener l’entretien ensemble, de concert, et B s’attèle à la démarche de A pour en être le guide éclairé, se mettre au service de A et aller explorer ce dont il a besoin pour atteindre le but de l’entretien.

Concrètement, l’entretien est un échange de questions et de réponses :

  • de la part de B ce n’est pas un interrogatoire, c’est un questionnement qui guide A vers ce qui est à explorer, c’est-à-dire vers des procédures inconscientes ;
  • de la part de A, ce n’est pas des réponses récitant à B ce qu’il devrait faire, c’est la verbalisation de procédures intimes dont il n’a encore jamais pris conscience.

C’est là tout l’art de l’entretien d’explicitation : guider A vers la mise en mots de ce qu’il fait, quand il accomplit une tâche, et vers la prise de conscience de ce qu’il fait réellement.
Cette prise de conscience restitue à A la capacité de modifier ses procédures ou de les exploiter de telle sorte qu’il puisse rééquilibrer, ou harmoniser, ses savoirs, ses procédures et ses buts. C’est d’autant plus efficace que B n’intervient jamais comme juge ou conseiller, mais comme moyen de cette prise de conscience, il se fait outil de A en veillant à guider celui-ci vers ce que son attention peut examiner.

La procédure de l’entretien est définie tout d’abord par le contrat de communication, puis par la mise en évocation sur un moment précis à explorer (moment réel de l’exécution réelle d’une tâche à un moment précis et en un lieu précis), puis par l’usage d’une série de questions simples permettant la verbalisation progressive des opérations intellectuelles réalisées au cours de la tâche. Il s’achève quand A le souhaite, et quand il a atteint son but, défini dans le contrat initial.


Pouvez-vous nous donner un exemple d’entretien ?

Extrait d’un entretien avec une élève de Terminale S, ayant des difficultés à restituer ce qu’elle mémorise.
Elle s’est aperçue qu’elle mémorisait ses règles mathématiques en les mettant sous forme de dissertation (introduction, développement et conclusion), et que si elle rédigeait son introduction et sa conclusion, elle ne le faisait pas pour le dit « développement », et celui-ci lui manque toujours lorsqu’elle doit s’en souvenir.

Fin de l’entretien sur sa prise de conscience :

« 117b – laissez venir…laissez faire…simplement pensez à : vous en train d’essayer effectivement d’apprendre, coller vos yeux dessus….
118A - ...et c’est comme si une personne voulait prendre une photo...et…j’sais pas elle se…j’sais pas c’est comme quand on a le flash de la photo…j’ai l’impression c’est enfin ça s’explique pas…c’est comme ça et puis c’est tout……
119B – c’est simplement : qu’est-ce que vous faites à ce moment-là ?
120A - …(6s)..1 – je bouge pas…et 2 – c’est que j’suis vraiment concentrée quoi c’est…
121B – comment vous êtes quand vous êtes vraiment concentrée ?
122A – (9s)…je cherche hein…
123B – ça se voit … (A est complètement renversée en avant, poitrine sur les bras joints et posés sur les genoux, le sommet de la tête dans les deux mains)… 124A - …(25s)… j’vois pas…vous pouvez pas m’aider ?...(petit rire nerveux)…
125B – euh...vous revoyez le moment où vous êtes en train de...de mémoriser ? 126A - …sur la même question ? 127B – sur la même question : le moment où vous avez mémorisé en fait ce qui correspondait à la 1° question…est-ce que vous vous en rappelez ?
128A - …je vois le rouge...parce que tout ce qui est à apprendre…à mémoriser, j’l’écris en rouge…dans mon cours…
129B – d’accord, donc vous êtes en train de mémoriser…
130A – je vois le fluo orange qui….que...oui qui encadre euh…..la formule….et euh la réponse…
131B – oui (tout bas) et comment vous voyez tout ça ?...quand vous le voyez : comment vous le voyez ?
132A - …ben c’est comme si…si…comment on appelle ça ? …ouais un calque…là-là ? (désigne l’espace devant elle), comme j’le vois là ?
133B – oui
134B - …c’est comme si on me posait un calque quoi…
135B – on vous pose un calque : où ça ?
136a - …sur mes yeux…
137 B – …d’accord ...donc vous voyez les lignes rouges, vous voyez le fluo qui encadre la formule, c’est comme si on vous posait un calque sur les yeux….
138A – j’ai mal aux yeux à force (dit-elle les mains appuyées fortement sur les yeux)…
139B – c’est pour ça qu’il faut imprégner vos yeux…
140A – mm (se tenant toujours les yeux)…….mais le développement là euh… là là j’arrive pas à le... faut qu’j’l’écrive…j’ai l’impression qu’y faut j’l’écrive et ça ça ça ça va m’venir comme….
141B – comme ?
142A – et c’est ce comme ça que j’essaie de trouver mais j’y arrive pas…
143B – il faut l’écrire, vous dites ça va me venir comme ça…qu’st-ce que vous voulez dire ? vous voulez dire que finalement vous vous en rappelez pas parce qu’à ce moment-là vous l’avez mémorisé et vous l’avez pas écrit ? ou est-ce que ça veut dire que vous l’avez écrit mais pour pouvoir le restituer là maintenant il faudrait que vous le récriviez ?
144A - ...euh...quand je l’ai mémorisé..quand je me suis posée je pense euh….une minute, voire 5…quand j’ai voulu le restituer j’ai fermé le cahier…j’ai réécrit le début..et le développement, je pense que j’ai…enfin oui…j’en suis sûre...j’ai commenc..enfin j’suis partie...et j’ai bloqué...enfin…c’est pas comme j’ai bloqué enfin ah oui j’ai c’est bon je vois et j’ai écrit la fin…et j’ai l’impression d’avoir un peu zappé le la partie développement..c’qui est pas...(rire)…oui je pense, c’est des choses, c’est c’que j’ai fait surtout pour cette question ouais…si…(amusée)…(éclat de rire en me regardant) : je sais c’est pas très malin !
145B – ah j’ai aucun jugement de cet ordre là….(elle rit de bon cœur)...simplement je crois qu’on a trouvé…
146A – rire.et … si si j’l’ai zappé ouais !...ah ouais c’est ce que je fais…mais j’le fais tout le temps ça !...comme en l’SVT euh..si si comme j’ai eu contrôle mardi...ben ouais c’est ce que j’ai fait j’ai j’ai réussi, enfin j’ai j’ai j’ai commencé à écrire, j’me dis là c’est bon, il était tard et tout, j’en avais marre, et là c’est bon je sais, ça fait ça et pis c’est tout !et j’ai arrêté d’écrire…(rire étonné et presque au bord des larmes)…et si c’est ça ! ouais »

Récapitulatif avec l’élève de ce qu’elle a trouvé :

« 151B – est-ce qu’on n’a pas trouvé là quelque part ce qu’on appelle une ressource : ce qui veut dire que vous procédez par étapes, les étapes vous les avez définies de façon absolument magnifique, cela m’a un peu assise même si je n’ai pas bougé, y a l’introduction, ya le développement, et la conclusion, l’introduction c’est ce qu’on demande, le développement c’est ce que je suis censée savoir faire, la conclusion c’est la réponse à la question, à ce qu’on me demande ? c’est très très clair…quand vous écrivez vous écrivez l’introduction, pour le développement vous dites c’est j’ai compris, et vous écrivez effectivement la conclusion. Et quand votre rétroprojecteur revient, eh bien il voit très clairement l’introduction, il a aussi la réponse mais dans le développement il y a un moment donné où cela devient flou
152A – et c’est vrai que là...comme au vue de ce que j’ai trouvé…eh bien c’est bien parce que j’vois toutes les matières qui défilent…et toutes les restitutions à laquelle je devais...enfin que je devais restituer le lendemain ou la semaine d’après…et ben j’faisais à chaque fois ça…j’ai l’impression que j’étais trop en confiance…et ouais quand j’ai quand j’ai commenc….beh si partout... en physique…oui !...si si…mm…
153B – c’est une prise de conscience
154A – ça fait bizarre…j’comprends la différence entre la conscience et l’inconscience (éclat de rire)… ! (…) là ce que je vois c’est un boulevard droit devant moi et au bout c’est direct le bac ! »

Cette élève a eu son Bac.


Comment insérer ces créneaux dans les emplois du temps ? Comment recruter les élèves ?

Les créneaux horaires sur lesquels j’interviens sont depuis des années (ayant débuté en 2006) sur les heures « libres » entre les cours ou en fin de journée, prenant rendez-vous avec les élèves qui le souhaitent, accordant ensemble nos emplois du temps. J’interviens en outre cette année en Accompagnement personnalisé (AP) de seconde, sur trois créneaux d’une heure chacun, pour recevoir les élèves de seconde en difficulté d’apprentissage.

Les élèves ne sont pas vraiment « recrutés » : ils sont mis au courant qu’une personne formée peut les aider à explorer leur façon de travailler ou d’apprendre, pour améliorer leurs résultats et atteindre plus aisément leurs objectifs. Je les informe moi-même quand il s’agit de mes élèves ; et les professeurs principaux des secondes, premières et terminales, en informent leurs élèves, au coup par coup, lorsqu’ils le jugent utile. Les PP de secondes, cette année, m’envoient les élèves en difficulté particulière, pour les prendre en individuel, sur leurs heures d’AP.

Bien que deux collègues m’accompagnent dans ce projet, et chacune selon leurs compétences propres, le dispositif reste lourd car ces heures d’entretien sont en plus de nos services. J’ai la chance, grâce à l’organisation de l’AP par mon Proviseur-Adjoint, Monsieur Fontenier, d’avoir 4 heures d’AP où j’utilise cette technique d’entretien ; mais selon les semaines j’ai tout de même entre deux heures et cinq heures d’entretien en plus du service car les collègues en ont pris la mesure et les avantages. S’ajoutent à cela les heures jamais comptabilisées d’aide à mes collègues pour le suivi de leur formation, et une aide individualisée aussi à leur égard, afin de les accompagner dans la pratique des techniques de l’entretien d’explicitation.

Comment se former à cette technique ?

En fait, je me suis chargée de faire l’information, l’inscription et la constitution du dossier pour les demandes de stage établissement chaque année au mois d’avril, d’une part. Je signale qu’il y avait cette année un stage au PAF assuré par Sylvie Bonnel, elle-même formée au Grex1 et proposant une initiation aux techniques de l’explicitation.

D’autre part, j’assure un suivi auprès de mes collègues sur leurs pratiques pour en faire une analyse et discuter des précisions techniques dont ils ont besoin. Ceci dès la première année du projet. Dès la seconde année, une demande d’information sur les difficultés spécifiques aux dyslexiques m’a été demandée, donc je l’ai assurée (puisque je suis maintenant formée) et en invitant une collègue faisant elle aussi de la remédiation auprès des dyslexiques.

Cette année j’ai ajouté une formation assurée par moi-même, en trois parties (tout en continuant les suivis évoqués ci-dessus) :

  • 1° stage "comment pratiquer l’explicitation en classe entière ?"
  • 2° stage "comment mettre en explicitation la procédure de mémorisation ?"
  • 3° stage "Vous avez dit penser en images ?" (sur les différentes "étoffes de la pensée, verbale, visuelle 2D et 3D, et comment les repérer).

    Sur ce dernier stage la demande est forte de la part de mes collègues qui souhaitent que j’en propose un à nouveau, ainsi que sur l’explicitation en classe.

Important : à chaque stage que je propose, deux de mes collègues, formées à l’explicitation, m’accompagnent et m’épaulent avec beaucoup d’efficacité et d’enthousiasme : Marie-Pierre Villard et Laurence Le Saux, toutes deux professeures d’anglais. Enfin, les stages établissement sont assurés par Philippe PEAUD, formateur de formateurs, membre du Grex, et exerçant à l’université de Poitiers.

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