Tenir son journal de bord publié le 24/02/2009

Conseils aux élèves sur la méthode et les enjeux du journal de bord

Bien qu’il ne soit pas évalué en tant que tel au BAC, le journal de bord de l’élève reste une pièce essentielle, particulièrement individualisée, de l’épreuve : la charte académique, que nous vous invitons à consulter, en précise les impératifs et l’esprit. Parmi d’autres dimensions, nous privilégierons ici un de ses objectifs principaux : le compte rendu de la pratique. En effet cette discipline réflexive est exemplaire de la dialectique entre théorie et pratique propre à l’enseignement du théâtre en option.

Dans notre établissement, nous l’encourageons comme pratique personnelle dès la seconde, car elle s’avère particulièrement formatrice et ses bénéfices sont appréciables à court ou à long terme, tant à l’écrit sur la maîtrise des outils d’appréciation et sur la qualité de l’expression qu’en pratique, sur l’écoute, l’intelligence du plateau et l’autonomie créative.
Avant d’en illustrer la démarche par quelques exemples, voici quelques conseils pédagogiques donnés à nos élèves pour en motiver et orienter la pratique.

Quelle méthode ?

Les étapes

Présentée sous sa forme la plus simplifiée, la démarche du journal de bord peut heureusement tenir en trois mot en trois mots : Quoi ? Comment ? Pourquoi ?

  • Situer rapidement le travail : quel espace proposé ? quelle étape dans une séquence ? quel groupe est impliqué ? quel type de travail ( exercices ou essais de mise en scène )
  • Observer :
    Rappeler avec rigueur les consignes : qu’est-ce qui a été demandé ? attention aux nuances ! Puis décrire avec précision, sensibilité - et humour si vous voulez - les événements plateau : que s’est-il passé à titre collectif ou individuel ?
  • Analyser (essayer !)
    l’action scénique1 : obstacles, ratages, qualité des tensions ou des surprises ; évolutions éclair ; notez la reformulation des consignes et leur effet sur les relances : qualité de l’écoute, de l’énergie, de la créativité du groupe, de la lisibilité des signes …
    et le ressenti individuel et collectif , en position de participant ou de spectateur, bref l’émotion
     Dégager le bilan analytique du professeur ou de l’intervenant : impératif sur les essais plateau !
  • Conclure sur ce que vous avez appris sur le théâtre : enjeux des exercices ou de la séance ? Intérêt des formules glanées au cours de la séance ? Pédagogie des essais de mise en scène : qu’avez-vous appris sur quels aspects de la mise en scène ? sur une démarche de création ? Comme le carnet de bord est une œuvre annuelle, il peut être intéressant de compléter a posteriori cet espace de conclusion par des éclairages ou des rapprochements inattendus.

Conseils de rédaction

Il ne s’agit ni de juger le travail de vos camarades (laissez ce soin aux intervenants ou aux professeurs : d’ailleurs on apprend autant des échecs ) ; ni de s’abandonner à un commentaire psychologique : vous analysez votre ressenti d’acteur pas de personne. Attention à ne pas se laisser piéger dans une narration factuelle.

La rédaction doit être précise : il s’agit de communiquer une expérience à quelqu’un qui ne l’aurait pas partagée ( au niveau du BAC le lecteur sera totalement extérieur ) ; au demeurant, même parmi ceux qui l’ont partagée, personne n’aura observé exactement la même chose…

C’est pourquoi elle peut être concise, mais avant tout efficace : n’hésitez pas à vous appuyer sur tous les supports utiles à votre portée : croquis, schémas, dessins (même maladroits ), photos commentées, montages … ; attention à éviter toute illustration ou décoration gratuite cependant.
Elle doit s’efforcer d’être la plus personnelle possible, surtout dans les parties de commentaires : ressenti, réflexions, rapprochements … et d’abord par le style choisi de même que par la mise en page et la mise en images.

Si vous y consacrez des efforts réguliers, vous verrez que votre journal de bord deviendra votre création et que vous en viendrez à le faire et à le remanier avec plaisir (demandez aux anciens). Et vous constaterez rapidement que sa pratique rigoureuse vous arme d’une méthode d’observation critique qui vous fera progresser sur le plateau comme à l’écrit. Il est indispensable au BAC : vous pouvez vous en assurer en téléchargeant ci-dessous la charte du BAC.

Conseils pratiques : si vous craignez de vous laisser dépasser, il est important de prendre des notes et des croquis à chaud pendant ou juste après une séance pour ne rien perdre de la précision et de la richesse de votre écoute, quitte à reformuler régulièrement ces notes de travail de façon à les rendre lisibles. Vous pouvez présenter le journal de bord sous forme manuscrite ou informatisée : les deux formules ont leurs attraits ; de toutes façons laisser de l’espace pour le lecteur et des ajouts ultérieurs.


Quels enjeux ?

Allier la passion de faire à la passion de comprendre

La tenue du journal de bord illustre une dynamique propre à l’enseignement du théâtre en option : pas de pratique sans réflexion ; pas de réflexion qui ne soit pas appuyée à l’observation d’une pratique, de celle, si maladroite soit-elle, des élèves sur le plateau à celle des artistes du spectacle vivant.

Si le théâtre commence avec la séparation entre acteurs et spectateurs, il y a activité et intelligence de chaque côté : pas d’école de l’acteur sans école du spectateur, même si bien sûr le groupe peut avoir quelque difficulté à passer de l’implication plus ou moins directe dans les exercices d’expression dramatique à l’appréciation totalement décentrée des essais de mise en scène.

D’ailleurs, puisque le travail d’option balaie, dans un esprit d’initiation bien sûr, les champs les plus divers des métiers de la création théâtrale, on rappelle qu’en option la pratique ne concerne pas que le jeu mais aussi :

  • de multiples créations plastiques : petits dessins explicatifs rendant compte du travail d’acteur ; recherches iconographiques autour d’une œuvre et de ses lectures ; montage d’images ; créations d’affiches
  • la conception de costumes ; d’accessoires …
  • la recherche et la création de musiques .
  • la conception des lumières, d’une bande son et la maîtrise des deux régies.
  • enfin le projet scénographique proprement dit : du croquis à la construction de maquettes, problématique prise en compte dans l’évaluation des épreuves de spécialité au BAC dans le devoir de type I en amont de la création.

Le questionnement collectif doit être accompagné par un constant effort de curiosité et de recherches personnelles (lectures ou iconographies – recherches documentaires et créatives ) qui pourront nourrir votre avancée (et accessoirement votre cahier de bord) dans un va-et-vient dynamique entre curiosité culturelle et essais créatifs, entre un regard sur la scène du théâtre et sur les scènes du monde, passé ou présent, puisqu’on se souvient que toute mise en scène met en rapport trois mondes et trois temps : celui de la fiction (de l’histoire racontée) ; celui de l’auteur ; celui du metteur en scène et des spectateurs.


Observer un parcours d’acteur

L’enjeu du journal de bord est de vérifier vos capacités d’analyse de la pratique : appliquer votre conscience des problématiques et des paramètres du travail théâtral à l’expérimentation réelle (en position d’acteur ou de spectateur) d’une proposition scénique Il va de soi que cette intelligence s’éduque : c’est un des objectifs des trois ans de formation. Répétons-le, l’option demande la passion de faire et la passion de comprendre

Ce travail de questionnement et d’objectivation des démarches est tout à fait nécessaire car il demande un effort constant de décentrement : en rapportant sans cesse propos, projets et moyens aux effets cherchée et induits, il s’agit de savoir objectiver le travail des autres comme de chercher à voir son travail dans le regard du spectateur Se voir en tous cas à chaque instant comme partie d’un tout : signe parmi les signes, inscrit dans l’image scénique et dans le développement temporel d’une représentation.

Rien de narcissique bien sûr dans ce jeu de miroir car il s’agit toujours – quelle que soit la rigueur de la démarche – d’un « saut dans le vide » où l’acteur se met en jeu . on peut dire que le théâtre commence avec cette vulnérabilité, cet ébranlement dirait Wajdi Mouawad.

On se rappelle surtout que le personnage est un effet qui n’existe que pour le spectateur et n’est pas toujours d’ailleurs la meilleure entrée dans l’analyse d’un travail ...

Et que l’Acteur (trouver les qualités correspondantes) doit déposer la Personne (parasitée, dispersée, atone, rigide, sourde, lourde … trouvez des exemples ) en posant le pied sur le plateau : c’est l’enjeu des exercices préparatoires. En scène c’est toujours le corps de l’acteur qui s’expose et construit - à travers sa pleine disponibilité émotionnelle et énergétique - l’effet « corps du personnage » , que celui-ci soit libre et léger ou aussi torturé qu’un bonzaï.

Avant d’approfondir, rappelons que toute cette démarche part de - et revient à - deux questions simples ( pourquoi ? comment ?) que vous posez et développez :

  • A minima sur une proposition scénique :

Quel est son enjeu et son intérêt ? Dans quel théâtre nous emmène-t-elle ? Y a-t-il cohérence ou non (elle n’est pas forcément intéressante) entre le discours de la dramaturgie et celui de la scénographie ? Quels blocages ou quelles confusions brouillent le propos ou dénaturent l’émotion ?

Quels déplacements proposer pour autoriser le jeu : précisions, contraintes, directions, enjeux imaginaires … et pour élargir sa portée
Vérifier sur le rejeu si « ça marche » et le propos s’est clarifié et enrichi .

A chaque étape l’attention et surtout l’écoute sont indispensables pour avancer en pratique comme en analyse : comparer votre propre regard avec le bilan à chaud et les pistes ouvertes par le professeur ou l’intervenant.

  • Ou a fortiori sur la mise en scène d’une œuvre complète ( en terminale par exemple ) :

Quels sont les partis pris d’un projet de création : essayer, comme pour une réception de spectacle, de mettre en rapport en amont, les intentions et en aval, la réception.

Comment ont-ils été mis en œuvre ? quel processus général en rapport avec quels enjeux ? Quelle scénographie comme espace de création ? quelles directions de jeu ? quel rapport au spectateur ? Quelle évolution, voire quelles révolutions, en cours de travail ?

Bon courage : au risque de nous répéter, si vous y consacrez des efforts réguliers, vous verrez que votre journal de bord deviendra votre création, une image à la fois objective et subjective de votre présence et de votre travail au sein de la démarche collective, et que vous en viendrez à le composer, à le remanier, et à le conserver avec plaisir. Et vous constaterez rapidement que sa pratique rigoureuse vous arme d’une méthode d’observation et de réflexion rapide et autonome, décisive pour vos progrès sur le plateau comme à l’écrit. Il est, rappelons-le, indispensable au BAC : vous pouvez vous en assurer en consultant la charte du BAC Théâtre sur ce Site.

(1) attention à ne pas limiter la notion ; au théâtre, parler, se taire, attendre regarder sont des actions

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Sommaire de l'article

Quelle méthode ?

Quels enjeux ?

Auteur

 Claudine Vigouroux

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