Le Malade Imaginaire, du texte à la scène publié le 29/06/2011

Analyser les partis pris d'une démarche créative

Préambule pédagogique

Pourquoi ce travail ?

Un enjeu de l’enseignement du théâtre est d’amener les élèves à apprécier, à dégager puis à formuler les partis pris d’une démarche créatrice, et ce non seulement sur les spectacles vus, mais aussi sur les démarches où ils sont engagés ou qu’ils imaginent.
Car, si modeste et contraint soit-il, nous allons supposer que, dans le cadre de cet enseignement, intervenants, professeur et élèves construisent et conduisent un projet à la fois pédagogique et artistique. Le théâtre est un art, et c’est justement pour ne pas instrumentaliser son enseignement qu’il faut y autoriser et y donner à apprécier l’intention artistique, dans un domaine où le renoncement peut être aussi dommageable que l’outrecuidance.
Cependant, on sait combien il est délicat d’induire chez chacun, élèves et adultes, une démarche réflexive, qui garde un point de vue de sujet, sans aller dans la psychologie, et sache aussi se décentrer pour voir et apprécier l’ensemble, ayant à lutter contre deux tendances au moins, celle de s’immerger dans le factuel, ce qui peut être le défaut de certains carnets de bord, ou de confondre intentions et effets, discours du metteur en scène et discours de la mise en scène, ce qui arrive parfois, mêmes à des professionnels.

C’est pourquoi nous avons demandé ici à des élèves de première1 , en aval du carnet de bord proprement dit, de mener cet effort d’analyse : à partir d’un questionnaire indicatif, il s’agissait pour eux de formuler des « partis pris de mise en scène » - en tout cas des choix, la cohérence des choix - à partir d’un travail de plateau sur le Malade Imaginaire de Molière, travail qui certes n’est pas une mise en scène de l’œuvre : projet très partiel, mené sur un temps assez court, avec un groupe important de jeunes élèves à peine initiés au théâtre, il s’agit bien d’un projet pédagogique, mais conçu et encadré par un metteur en scène, qui, en accord avec le professeur, a eu le souci de défier la créativité de chacun, comme de dessiner une direction artistique d’ensemble.

Quel cadre ?

Le projet a été mené avec une classe d’option de spécialité de première sur environ deux mois, avec deux temps forts : un stage de quatre jours avec Laurence Andréini et la présentation du travail au public un mois plus tard.
Un parti pris choral a présidé à la distribution : en gros toute la classe en jeu presque tout le temps.
Le montage dramaturgique, centré sur le rapport malade médecin, s’est concentré sur quelques scènes : la première scène de l’acte I ; les scènes 4 à 8 de l’acte III ; et l’intermède final presque in extenso2. A la mise en scène de tisser une cohérence...

Nous présenterons dans les pages de cet article :

  • Les « notes d’intention » du metteur en scène données comme des stimuli en amont du stage, avec l’affiche de la présentation.
  • Le guide de questionnement donné après la présentation au public
  • Deux travaux d’élèves, assez différents, auxquels ont été parfois apportés quelques compléments, qui peuvent être représentatifs de la démarche d’analyse et de formulation dans laquelle ils s’engagent.
  • Un bref bilan qui revient sur l’enjeu dramaturgique de l’adaptation .
Le guide de questionnement (Word de 31 ko)

Le Malade imaginaire _ LISA 2011


Notes d’intention de Laurence Andréini

Affiche "Le Malade imaginaire" LISA 2011

Mise en jeu d’une théâtralité comme espace d’une illusion mentale des obsessions, des manies éphémères et des hantises profondes de l’homme chez Molière, et pour nous ici, Argan, le personnage qui représente tous les malades imaginaires...

Entrer et être dans les entrailles de tous ces personnages "monstrueux" pour
y lire telle une pythie les signes de destinées tragiques.
Folie de ces êtres minés par un dramaturge en colère avec la satire implacable de la médecine.
Et aussi le Mensonge qui règne en maître dans le commerce du monde, le
mensonge sur soi autrement dit l’amour-propre, autant de vérités qui
touchent droit au coeur et s’inscrivent au plus intime de chacun...

Le professeur a ajouté :

La leçon politique de Molière : comment nous risquons de devenir prisonniers de nos peurs et de nos égocentrismes et comment un pouvoir, aussi dogmatique que vorace, pourrait assurer son emprise par l’exploitation de ces peurs.

Demandes aux élèves en préalable au stage :

 Faire chacun le choix d’un morceau de musique (rock, rap, soul, disco, slam ... etc) qui pourrait être le climat sonore de l’intermède : "Bal ou Danse de mort autour d’Argan".

Parmi leurs diverses propositions, les élèves ont choisi les deux musiques de l’intermède central, celle de l’entrée des Purgons, et le thème fredonné de l’entrée des Toinettes ; comme le final a été finalement traité façon gospel, en parlé chanté pour les solos : il y eu accord sur la mélodie du refrain pour le chœur et chaque « soliste » a proposé ses propres références rythmiques ou musicales.

 Costumes : outre la tenue de travail, proposer des costumes (vestes, manteaux, robes de chambre ….) beaucoup trop grands.

 Rechercher une iconographie sur les pistes de lecture proposées.


Un premier devoir sensible au comment, aux choix pratiques

« Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. » nous dit Molière. Le Malade imaginaire, une de ses pièces, que nous avons montée avec l’aide de Laurence Adréini et de notre professeur, était un travail collectif et assez complexe.

I. Partis pris de lecture

Les enjeux de la mise en scène étaient, à ce que je ressens, de nous rendre dynamiques en installant des praticables, afin de nous donner des appuis de jeu et nous demander plus d’énergie, pour occuper le plateau et changer de niveau. Je pense aussi que c’était un travail basé aussi sur le collectif : dès la première, toutes les scènes sont construites, un peu comme une battle, sur l’opposition de deux groupes, parfois de trois. Nous avons travaillé chaque personnage en chœur, jusqu’à douze acteurs ensemble pour le rôle des Argans, ce qui permet de nous souder et travailler de façon homogène et en coordination.
Nous avions aussi un gros enjeu au niveau du texte, en écartant l’intrigue pour ne garder qu’un thème essentiel, la médecine. Plusieurs conflits ont été privilégiés : entre le malade et l’autorité médicale, avec les scènes entre Argan et Fleurant ou Purgon ; entre Argan et son frère Béralde, une scène que nous avons exploitée à plusieurs avec des sentiments et émotions différentes pour chacun des personnages.
Ajoutons entre Argan et Toinette qui devient la maîtresse, un peu sadique, de son maître.

Les Toinettes médecins : L'impertinence triomphante

Les Toinettes

J’ai eu deux sentiments assez différents sur l’image du malade ou de la médecine. J’étais Argan pendant une partie de la pièce et au début, j’avais le sentiment qu’Argan était un simple hypocondriaque puis au fur et à mesure que je rentrais dans ce personnage et le découvrais, je voulais qu’on m’accorde un peu d’empathie, ce que font les Béraldes dans une scène. Puis, quand je suis passée à Toinette, qui se déguise en homme, en médecin, et même en super médecin, là, j’ai eu un autre sentiment, comme si je prenais un plaisir à me moquer de ces Argans et de tous ces hommes. J’étais dans un autre personnage !

Il y avait une part de comique, par exemple quand les Purgons entrent en dansant sur de la disco. Le stéréotype des mecs des années 80. Et aussi quand nous les Toinettes prenons plaisir à torturer nos Argans. Mais la tragédie était aussi présente dans des moments forts, comme la scène où les Argans pleurent dans les bras de leurs leur frères impuissants et qu’ils restent finalement seuls. Autre moment fort quand, pour relever les praticables, on fait lentement glisser à terre les corps des derniers Argans, comme pour les jeter à la fosse.
Pour rythmer la pièce, il y avait des intermèdes, comme pour annoncer aux spectateurs que nous changions d’acte, et comme une cérémonie qui continue tout au long de la pièce. Nous avons choisi de les rendre modernes avec de la musique et des danses que nous avons proposées.
[D’ailleurs la plupart des entrées étaient dansées, musique répétitive et marches pour les Fleurants, démonstration de disco pour les Purgons, entrée valsées pour les Toinettes voyageuses .]

L’énonciation a été traitée de façon collective. Les monologues ont été découpés pour former un chœur plutôt joli. J’ai trouvé ça vraiment bien de nous sentir comme un noyau, tous solidaires et soudés. Les dialogues que l’on s’attribuait étaient pas mal non plus, ce qui nous a permis de jouer à beaucoup de personnes sur une scène.

II. Choix de scénographie

La scénographie reposait sur un jeu de cinq praticables horizontaux à pieds réglables (tout nouveaux) avec un dispositif évolutif à chaque changement de situation. Ces changements étaient mis en jeu par les intermèdes.

Premier dispositif pour la première scène :
Deux praticables au lointain ; les trois autres en avancée au centre avec des sauts entre chacun.

Schéma du dispositif pour la première scène

vue frontale

 

Inclinaison des praticables

profil

Nous avions incliné les trois premiers praticables vers le public, pour créer un effet de déséquilibre et de chute pour les Argans, car ils sont perdus à la fin de la scène, alors que les Fleurants sont dans les gradins avec le public, en situation de domination.
[Autre enjeu créé par la différence de niveau : à la fin de cette scène le sol devient l’espace des Argans qui pataugent ou rampent ou se cachent sous les praticables. Le sol sera aussi l’espace occupé par les Toinettes, encore servantes, venues observer moqueusement l’exhibition des docteurs et la scène de ménage entre malade et médecin.]

Second dispositif pour l’acte III
Dispositif éclaté , avec un praticable qui reste au centre, et les quatre autres déplacés aux quatre coins du plateau.

Schéma du dispositif pour l'acte III

vue frontale

 

Schéma du dispositif pour l'acte III

vue cavalière

Ce dispositif permet une circulation fluide pour les Fleurants, et surtout pour les Purgons sur les quatre côtés, puis en diagonale, autour des Argans prisonniers au milieu comme sur une île.
[Cinq tréteaux mais une seule action ici car tous s’adressent à tous ]

Un effet d’insistance pour le spectateur : les Purgons encerclent et dominent les Argans. Un principe de jeu dynamique, au fur et à mesure que les Purgons, de plus en plus menaçants et sauvages, sautent d’un praticable à l’autre et renversent tous les Argans un à un comme des quilles, dans une chorégraphie inspirée du premier intermède.

[Ce dispositif est conservé pour la scène d’auscultation des Toinettes-médecins, avec cette fois le principe des scènes éclatées : six actions parallèles - car une nouvelle aire de jeu a été ouverte en avant scène - mais une circulation commune de la parole, comme dans un hôpital de campagne où l‘on s‘entendrait de lit à lit, mais surtout pour montrer combien les Toinettes « s‘entendent » bien et savent faire front, face aux maîtres malades comme face au public.
Tandis que dans la scène d’adieux des Béraldes, juste avant, (qui utilise les trois praticables et l’avant-scène) on a quatre scènes vraiment parallèles et simultanées, comme si chaque visite au « grand malade », se passait dans un espace, une chambre, différente et montrait une relation très différente émotionnellement entre l’ami et le condamné : le principe de répétition permettant de décliner plusieurs postures devant un ami « incurable », plusieurs façons pour le bien portant de lui faire la morale : avec une énergie bourrue comme Laura pour son Argan ; avec un élan qui tourne à la colère pour François vis-à-vis de Pierre ; avec une tendre compassion de Léo pour Julia enfermée dans l’autisme, et enfin avec une méprisante ironie chez Mélanie pour Théo roulé comme un tapis et abandonné en avant scène par les derniers Purgons. Une même impuissance pour tous, comme une frontière infranchissable entre le monde des bien portants, si sûrs de leur bon droit, et celui des malades imaginaires ou pas.]

Troisième dispositif : pour l’intermède final
Le praticable central demeure à l’horizontale, les autres sont relevés et glissés de façon à rester visibles et à refermer l’espace au lointain.

Schéma du dispositif pour l'intermède final

vue frontale

 

Schéma du dispositif pour l'intermède final

vue profil

Ce dispositif installé dans une sorte de prélude à l’intermède final, la cérémonie d’initiation, permet de disposer les victimes sur les côtés ou à l’arrière, comme adossées à des pierres tombales, ou comme des tableaux dans un musée, tandis que les présidents et les docteurs occupent le centre, sur ou devant le praticable central, ce qui crée un effet de domination, et aussi de « communication », comme si toute l’entreprise médicale posait pour faire une publicité.

Le Malade Imaginaire que nous avons présenté se rapprochait du théâtre de tréteaux : comme nous avons pu le voir, tous nos changements de décors se font à vue du spectateur et nous prenons le public à partie comme dans un théâtre de rue. Une scène frontale et un dispositif d’éclatement.
Il y a aussi un théâtre de mouvement dans la façon que nous avions décidé des déplacements ou des entrés. Le principe de mise en jeu était clair : dynamisme, fluidité, accord, organisation et punch.

Fleurants et Purgons : le triomphe du corps médical : où est l'hystérie ?

Fleurants et Purgons

_ Un parti pris symbolique pour les lumières : entrée dans la pénombre avec les latéraux pour détacher les corps ; puis une opposition entre le centre3 baigné de vert au sol ou parfois de rouge, et une lumière bleutée et froide sur les quatre praticables latéraux, qui faisait ressortir la blancheur des blouses et les déplacements mécaniques des Fleurants.
[ Dans l’intermède final ce bleu devient un violet un peu surréaliste pour transfigurer les tableaux des victimes, tandis qu’un triangle rouge dessine au centre en avant-scène la pyramide du pouvoir].

Dans les costumes on retrouvait ces oppositions. D’abord entre le blanc et le noir : le blanc des masques et des blouses des Fleurants contraste avec le noir des Béraldes, comme déjà en deuil de « leur » malade ou oiseaux de mauvais augure. Tranchant avec ce côté sombre, des couleurs vives détonent mais portent des états du corps bien différents : robes de chambre avachies, dépareillées, des Argan ; insolence fluo et brillante des Purgons ; fantaisie des robes des Toinettes sous leurs impers mastic et leurs gros nez.

III. Partis pris de mise en scène

Le sens général de la fable que nous avons mise en avant porte sur le malade, la maladie et la médecine. La première leçon est que si on s‘invente des maladies, on peut souffrir des traitements dont on dépend, et dépenser son argent et ses forces pour rien. Un discours aussi sur la médecine, celle de l’époque en tout cas, une médecine lourde et difficile à supporter, quand on risquait de perdre sa vie pour se faire soigner. Mais un discours qui nous parle encore aujourd’hui : à côté des enjeux psychanalytiques - quand on s’invente des maladies, on joue avec la mort - il y avait aussi des enjeux politiques pour dénoncer la surconsommation médicale, et le besoin de dépendance en général, à toutes les drogues et à tous les gourous. Le discours sur les rapports entre malade et médecin est à la fois comique et fort.

[Comme dans toute grande comédie, on voit toujours le malade de l’intérieur et de l’extérieur et le public est toujours engagé à prendre partie face au procès du malade, comme face aux stratégies de l’entreprise médicale.]

Nous avons fait un gros travail sur le traitement choral. Le principe de distribution des rôles (proposé par Claudine) et de la parole ( concerté entre nous) était comme nous le souhaitions. J’ai trouvé que c’était un exercice fort, pour une première expérience chorale. Pour ma part, j’ai senti comme une confiance en nous : nous faisions confiance aux autres comme si les dix personnes ensemble n’en formaient qu’une, j’ai vraiment aimé sentir la collectivité dans cet exercice. Parfois, intervenaient quelques solos qui rythmaient notre partition : comme le texte jouait souvent sur la répétition, on avait plaisir à reconnaître les voix et les variations de chacun. Le jeu démultiplié avait une cohérence, puisque nous ne faisions qu’une seule personne, le dynamisme nous l’avons trouvé ensemble, du fait d’être en coordination et de puiser de l’énergie collective chez chacun de nous.
Le rapport au public que nous avons cherché était de le prendre à partie, de lui faire ressentir ce qu’on faisait, les sentiments qu’on avait, pour qu’il réagisse avec pitié ou ironie.
Le sens de la représentation en scènes éclatées permettait de pouvoir jouer plusieurs actions en même temps. Un effet de distanciation, il y a toutes les ficelles du théâtre, pour montrer que nous ne sommes pas dans la réalité mais bien au théâtre.

Conclusions

Pour conclure, il y avait un maximum de cohérence, tout était placé, chaque entrée ou sortie était calculée et il y avait toujours un pourquoi et une cohérence dans les déplacements, comme dans l’intermède où la musique et la danse avaient toujours du sens.
Il y avait beaucoup de surprises pour le spectateur, qui ne s’attend pas à ce que les acteurs dans la première scène soient dans le public, il y en avait aussi à la dernière scène avec une espèce de procession des morts, un effet de surprise aussi quand les autres viennent nous chercher en tant que victimes dans le public et nous enlèvent pour nous amener sur scène
J’ai eu un plaisir inouï à jouer cette pièce de Molière. J’ai vraiment apprécié cette première expérience de théâtre choral et aussi de pouvoir interpréter deux sentiments très différents, comme j’étais d’abord un Argan et puis une Toinette.
La fidélité à Molière était présente jusqu’au bout : nous n’avons rien changé aux écrits de l’auteur et malgré les nombreuses coupures le fond était toujours présent.

Eva, élève ayant incarné un Argan, puis une Toinette.


Un second travail plus sensible au pourquoi

I. Partis pris de lecture

L’adaptation

Je pense que l’intrigue a été écartée pour mettre en valeur la situation des personnages, les rapports qu’ils ont entre eux ou avec l’argent, ou la relation qu’ils entretiennent avec leur corps, la mort ou la maladie, plus que sur l’aspect narratif. On a voulu se concentrer davantage sur l’aspect « humain", ce qui a une fonction, au final, initiatique. Dans le fond l’intrigue n’est pas si importante, ce qui est le plus intéressant, c’est de voir les personnages évoluer, et de choisir des enjeux politiques assez forts pour être universels.

On ne sait pas si Argan est réellement malade ou non. Ce que l’on voit, c’est que la peur de tomber un jour malade a un impact psychologique tellement violent sur lui, que son physique suit : halètements, frissons, alternances d’exaltation et d’angoisse. L’image que nous avons cherché à donner est donc celle, pathétique et ridicule, d’un pauvre homme qui vit dans et pour sa folie. On a mis le doigt sur le drame psychique de l’être humain, la dépendance qu’il peut nourrir pour sa névrose, et sur le tragique de sa situation.

Je pense que le « discours de la mise en scène » souligne chez Molière la satire de la médecine, l’imposture de son savoir, comme sa soif de pouvoir et d’argent. Ainsi dans la première scène, la lecture de l’ordonnance devient un tribunal féroce, où les Fleurants se matérialisent dans la salle pour presser Argan avec leur chantage de rapiats, et surtout l’humilier en exhibant l’inventaire de ses addictions. D’intermède en intermède, une parabole générale fait de la médecine une secte toute puissante qui hypnotise ses victimes par ses rituels, comme dans la cérémonie finale, où il suffit de prendre son jargon ou son « masque » pour être enrôlé dans sa hiérarchie.

Les Argans

Les Argans

On ne peut s’empêcher de ressentir de la pitié pour tous les Argans qui, malgré leur folie, possèdent une grande vérité humaine, car leur angoisse, leur peur ou leur adoration, des médecins et de la maladie sont « vraies ». Dès qu’on les entend chantonner sénilement en égrenant un rouleau de papier toilette ou qu’on les voit rouler à terre pour en récupérer une bribe - bout d’ordonnance ou billet ou clystère ? - on aimerait détourner les yeux, car ils nous montrent une société avilie, où règne un rapport vital mais malsain entre ceux qui demandent et ceux qui proposent, ceux qui sont soumis et dépendants comme les Argan et ceux qui détiennent le pouvoir comme les Fleurants ou les Purgons. Argan est veule et crédule, mais aussi sincère et têtu qu’un enfant, obsédé par la mort et incroyablement attaché à la vie : il nous parle de nous.

Mais Argan reste un ridicule : victime de son égoïsme – celui d’un malade ou celui de tout homme ?- il met tout et tout le monde au service de sa passion. Dominé par son hypocondrie, il gère sa maladie comme pour contrôler la mort. Mais c’est un méchant homme, il est maniaque, égoïste exigeant, impatient, la maladie lui permettant de mieux exercer sa tyrannie. Il se place au centre de son univers domestique, désire tout ramener à lui-même. Il commande et réclame avec autorité. Il est donc ridicule, berné par tous ceux qui essayent de profiter de lui, de le manipuler, quand lui-même croit manipuler tout le monde.

Sa tyrannie ne le rend que plus vulnérable face à toutes les manipulations des quatre autres personnages - Fleurant et Purgon, Béralde et Toinette - qui ont le projet de le sauver malgré lui, les uns de la maladie, les autres de la médecine. Bien que leurs enjeux diffèrent, leurs tactiques d’égale mauvaise foi - chantage, frustration, extorsion, leçon de morale ou sadisme - l’infantilisent totalement.

Les personnages des Fleurants et des Purgons, eux constituent une critique virulente de la médecine, car l’accent est mis sur leurs prétendues connaissances, leur ignorance déguisée sous des « masques » : les masques blancs en font des figures anonymes et inquiétantes.

Les Toinettes illustrent aussi ce parti pris, pas plus, pas moins médecins que n’importe qui, mais vraies championnes du faux : d’ailleurs elles ressemblent plutôt à des mécaniciens volants, avec leurs outils grossiers pour ausculter, en plastique comme des jeux d’enfants, leurs pratiques et leur connaissance du corps humain sont tout aussi douteuses, prenant le pouls dans les jambes par exemple. Pourtant Argan s’en remet corps et âme à ces femmes déguisées en hommes sous des impers beiges et des gros nez à moustaches et à lunettes ; ce « déguisement » n’est d’ailleurs pas anodin, il a été préféré aux masques blancs, pour montrer qu’elles affichent effrontément leur imposture et aller du coté du rire libérateur.

Comique et tragique

Dans cette lecture le comique et le tragique se partagent tous les deux la vedette. On a le rire grinçant qui naît de la satire des Fleurants et des Purgons, assimilés à des automates, avec leur marches mécaniques ou leurs danses de pantins, ce sont aussi des hypocrites, des hommes sans cœur, que seul l’argent et le pouvoir intéressent : on les représente comme des monstres à deux ou trois corps Le rire naît aussi du personnage surréel et ubuesque d’Argan comme de la caricature et de la revanche des Toinettes, qui abusent sans limite de la situation.

Mais c’est aussi une pièce grave, et tragique, (comme on l’a vu pour la médecine et la maladie) puisque la mort est omniprésente, et qu’on a choisi de privilégier l’aspect sombre et malsain du « commerce » qui s’y déroule, de montrer le rapport entre un homme qui est presque drogué, car il est accroc à ses « fausses maladies » et à ses traitements, et celui qui gagne sa vie sur les obsessions de cet homme. Notre pièce a donc aussi une fonction didactique ou dénonciatrice.

L'intermède : du sacrifice au gospel

Intermède

Les intermèdes créent un effet « récréatif », pas si innocent que cela, car ils soulignent les enjeux de la pièce. Comme par exemple lors de l’intermède final, où est préparée et représenté sur scène une sorte de cérémonie vaudou, que nous avons mise en musique Car, de tous temps, pour rendre les morales plus percutantes, on les a mises en chansons pour qu’elles puissent être reprises par le peuple et ainsi avoir une portée beaucoup plus large. Pour mieux tordre le cou aux angoisses d’Argan, ou les anesthésier, un tableau saisissant et joyeux est proposé, comme ces danses macabres du Moyen-âge qui tentaient d’apprivoiser la mort.

Monologues et dialogues

Le monologue permet d’exprimer de manière intense des conflits intérieurs sur scène. Le fait d’avoir découpé ces monologues en partition de façon à en faire des dialogues entre plusieurs Argans est très fort, car cela révèle au public que le véritable conflit dans la pièce n’est pas la lutte d’un homme, abandonné de tous, pour survivre, mais la lutte d’un homme malade de solitude contre sa santé vigoureuse malgré tout. De plus, ce traitement « choral » du monologue permet de casser l’effet « personnage » mais de renforcer l’énergie de jeu qui est très présente et qui s’exprime notamment par le corps et la voix. De plus la multiplication des Argans est à mon avis, un clin d’œil à la schizophrénie.

Les Béraldes, le secours impossible.

Les Béraldes

Le spectateur, dans cette relation privilégiée avec le héros, hésite entre le rire moqueur et la pitié. L’éclatement de la parole dans les dialogues et monologues permettait, je pense, de dévoiler différentes facettes d’un même personnage que tous les acteurs interpréteront dans le même état d’esprit mais pas de la même manière, cela crée une pluralité de caractères et de sentiments, c’est une façon judicieuse de montrer un même personnage tiraillé entre différentes émotions : ainsi Argan est partagé entre la colère, la peur, le désir et l’hypocrisie envers les Fleurants. Cela crée aussi un effet sonore très intéressant, un « canon », où les questions et les requêtes des Argans fusent, tandis que les répliques des autres les coupent net. Ainsi une tension émotionnelle est créée par le son, entre les voix et les cris, les pleurs, les gémissements qui sortent en même temps de partout.

II. Choix scénographiques

C’est une scène à l’italienne que nous utilisons, car elle est focalisante et à reculement, elle permet l’abandon total du spectateur dans le jeu, elle crée l’illusion, pour que le public croit à ce qu’il voit. Sur scène le décor est abstrait, car de cette manière il laisse une totale liberté d’imagination de l’espace au spectateur.

Rituels et "danses de mort"

Cérémonies

C’est aussi un exemple du théâtre de tréteaux, car il y a un contact réel entre spectateurs et acteurs ; comme par exemple lorsque les Fleurants sont dans le public dans la première scène du « tribunal », ou alors lors du dernier acte, quand les comédiens courent dans le public chercher leurs victimes. C’est alors un dispositif qui peut provoquer soit un effet de distanciation (le spectateur prend conscience qu’il est au théâtre), soit à l’inverse un effet de communion (qui n’est pas propre au théâtre de tréteaux, mais qui peut ici avoir lieu). En effet s’il est entraîné par l’euphorie de la cérémonie et impressionné par la démonstration de puissance de la secte des médecins, le public ne peut-il pas, comme Argan, être tenté de passer de leur côté ?

De plus comme je l’ai dit plus haut, il s’agit d’un théâtre pauvre, basé sur un dispositif sommaire, où des praticables symboliques transforment à vue l’espace scénique. Enfin par la multiplication des plans, qui permet regroupement, oppositions et mouvements des acteurs, notre interprétation du Malade imaginaire est très physique : il faut peut-être beaucoup de vitalité aux acteurs pour évoquer la mort.
Les costumes pourraient être apparentés à ceux de sans abris, car ils ne sont qu’un amas de guenilles, de matières, ils donnent au spectateur une impression de saleté et de puanteur, les lumières sont plutôt sombres en général, mais par exemple pour l’entrée des Purgons, un faisceau rouge sang les éclaire, et donne une impression de malaise, car on met sous « le feu des projecteurs » des hommes cupides, sans foi ni loi. La vision offerte par tous ces éléments provoque dans le public un sentiment de malaise, car tout a l’air sale, pauvre, misérable, et en même temps très dur et impitoyable, ne laissant pas de place à un bonheur ou à un espoir possibles : ainsi quand les Argans rampent à terre pour se procurer des médicaments, c’est comme si les autres s’essuyaient les pieds sur leur dos, c’est l’image qui me vient en tête.

III. Choix de mise en scène

Sens général

Le Malade Imaginaire est, avant tout une satire des médecins. On critique leur manque d’ouverture d’esprit, leur soumission aveugle aux Anciens : ennemis de tout progrès, refusant les découvertes, comme la circulation du sang, ils se contentent d’appliquer à tous les cas, tout le temps, les mêmes traitements, saignée, purgation et lavement : traitements aussi violents que répétitifs qui laissent leur malade exsangue et soumis. On leur reproche leur ignorance, qu’ils essaient de cacher derrière leur jargon pédant, leur autoritarisme et leur esprit de corps, avec leurs rituels qui s’apparentent à des pratiques sectaires, bref leur incapacité à guérir les malades, et leur avidité.

Ainsi médicament et traitement remplacent la parole pour établir une relation : tandis que l’obsession de l’argent procède d’un besoin de retenir, de ne rien laisser échapper, le corps au contraire est observé exhibé et le regard de tous se concentre sur ses excrétions diverses D’où le rôle très polyvalent du papier toilette dans notre jeu. Le malade imaginaire donne son corps à voir, mais seulement son corps malade. Sa maladie est devenu le statut qui le protège, ce qui le relie aux autres et surtout à son médecin, ce qui lui donne le droit de le questionner sans cesse, sur la nature de sa maladie, son origine, son évolution, son traitement … Le droit de faire entendre son anxiété et son mal être : inquiétude devant l’échec thérapeutique, insatisfaction devant une éventuelle amélioration, agressivité devant les rechutes, inexpliquées et imprévisibles. Sa demande est sans fin.

La comptabilité, les inventaires, tiennent donc un grand rôle. La première scène de la comédie s’ouvre sur ce personnage étrange qui calcule scrupuleusement tout l’argent dépensé pour se soigner : il a le culte du chiffre et capitalise inlassablement les sévices qu’il achète. C’est la somme, la surenchère qui fait son bonheur : d’où le côté ambigu et euphorique de notre jeu dans les décomptes.

Argan est malade, cela est certain, pas des maladies qu’il redoute, mais d’hypocondrie, maladie qui ne sera certainement jamais diagnostiquée, vu que c’est elle qui fait vivre l’autre corps, le « corps médical ». Car, si la maladie d’Argan lui ruine sa vie, pour rien au monde il ne voudrait l’abandonner : c’est elle qui le fait vivre, elle est sa seule façon de fuir la dépression et la solitude. Ainsi comme un drogué à son dealer, il est dépendant de sa maladie, et donc dépendant de la médecine, sans elles, il meurt au sens psychologique du terme.

Ce que nous avons surtout montré, c’est le rapport très violent entre Argan et les médecins, entre l’offre et la demande, celui qui possède le pouvoir, et celui qui est en demande, soumis, prêt à tout pour d’inutiles et d’épuisants traitements, du moment qu’on le prend en charge, qu’on lui accorde de l’attention. Les médecins profitent du désespoir de cet homme pour l’humilier, et pour s’enrichir, en prenant plaisir à se sentir puissants face à un homme qui les apparente à Dieu. Molière, en travestissant la servante Toinette en médecin, dénonce toute la vacuité, l’absurdité et le redoutable pouvoir du corps de la médecine

Ainsi par cette pièce, on tente de désamorcer la maladie d’Argan par le rire, on pointe du doigt le ridicule de tous les personnages et la vanité de leurs quêtes respectives Mais on voit bien qu’on parle de la situation de chacun vis-à-vis de la maladie et de la vie.

Le traitement choral

Le texte est traité comme une partition, qui jongle entre solos et chœur. Les solos sont une des facettes de chaque personnage, c’est une vision plus personnelle et indépendante, tandis que les chœurs ne font que répéter en boucle pour donner encore plus d’importance et de volume à ce qui est dit, que ce soit pour le décompte de l’argent ou pour le refrain rabâché dans l’intermède final, le « bene bene bene bene respondere... » Cela emplit tout l’espace d’un volume sonore puissant, une polyphonie qui peut être aussi interprétée comme les voix que Argan entend dans sa folie.
Le jeu démultiplié est, comme je l’ai dit auparavant, une manière de donner un aspect encore plus fort à la pièce, une manière de faire ressentir des émotions virulentes chez le spectateur, que ce soit le rire ou la pitié : le dédoublement des personnages amplifie leur désespoir ou la peur, etc. à moins qu’il n’évoque la schizophrénie d’Argan.

Un rapport direct avec le public a été recherché, de façon à ce qu’il puisse se projeter à la place des différents personnages. On le prend à témoin à plusieurs reprises : comme un juge lorsque les Fleurants prennent place parmi eux, et font le « procès » des Argans ; mais il peut ensuite être considéré comme victime lorsque que les médecins, tels des prédateurs, vont chercher les malades placés dans le public, etc. Cet aspect animal donné aux médecins est justifié par la ressemblance avec certains rites sacrés sauvages, et aussi avec leur profession, qui s’apparente plus à de la boucherie… à l’époque.

L’approche du personnage me semble plus humaine, portant moins sur la critique de la médecine, que sur l’analyse de l’Homme, sous toutes ses formes ; elle est à la fois plus humaine et pourtant plus cynique et tragique. Les scènes éclatées sont très contemporaines : les mêmes personnages, incarnés par des acteurs différents, font la même action, avec des variantes, en occupant toute la scène, cela provoque un effet mécanique et robotique chez les médecins, mais un aspect plus humanisé chez les autres personnages, où chacun peut se reconnaître. Un effet de distanciation pour le spectateur : la multiplication des acteurs lui rappelle qu’il est au théâtre, cassant ainsi l’illusion, le renvoyant peut-être à des situations qu’il a vécues.

IV. Conclusions appréciation

J’ai pris énormément de plaisir à jouer et monter cette pièce, j’ai trouvé que c’état une interprétation très contemporaine et moderne de Molière qui ne le desservait pas du tout, bien au contraire. Je trouve que Claudine et Laurence ont su réactualiser un texte classique et qui peut paraître à première vue plutôt soporatif, de par son langage soutenu, etc. Le découpage du texte n’était pas fait dans le but de créer une petite histoire que tout le monde comprendrait, mais de montrer un homme malade, qui s’enferme dans sa maladie, totalement désespéré, et qui se soumet à une autorité supérieure, sans laquelle il estime ne pas pouvoir vivre, et qui a su se rendre indispensable.

Peut être est ce en parallèle une critique de la société de surconsommation dans laquelle nous vivons ... Nous n’avons fait que superposer le texte de Molière à notre vie d’aujourd’hui, et il s’est avéré qu’il aurait très bien pu être écrit de nos jours car, sans que Molière le sache, il est un peu prophétique et dépeignait notre société et nos propres angoisses.

J’ai beaucoup apprécié le travail continu que nous avons fait au préalable lors du stage, avec Laurence, avec le training en début de journée qui était toujours accordé à notre pièce. J’ai beaucoup aimé arriver à m’oublier pour jouer complètement sur scène. J’ai beaucoup aimé avoir vraiment essayé de comprendre le personnage pour être au plus juste possible. Et bien que notre représentation ait dû en surprendre plus d’un, j’ai vraiment été fière de ce que toute notre classe a pu produire avec l’aide et l’enseignement de Claudine et de Laurence.

Julia, seule élève à n’avoir tenu qu’un rôle, celui d’Argan.


Le drame médical

Du théâtre clinique...

La sélection des scènes dégage dans l’oeuvre une dramaturgie médicale mettant en jeu un acte médical, posée comme une épreuve, et des rapports de force, dramatiques, entre autorité médicale et malade
On retrouve en effet, mais en désordre, quelques séquences d’un « drame médical », scènes emblématiques d’un parcours obligé, d’une vérité impitoyable, que la maladie soit imaginaire ou réellement incurable :

  • La prescription : la première scène pose le rapport de dépendance entre le patient, suppliant, et le chantage à la frustration et à l‘extorsion.
  • Le traitement, le clystère : face au soupçon de rébellion se déchaîne la colère de l’autorité et le chantage à l’abandon.
  • Le diagnostic : condamnation et abandon du malade à son angoisse.
  • L’adieu au malade : visite impuissante de l’ami, morale, constat d’échec, séparation.

Deux résolutions comiques à ce drame médical, qui oppose sans cesse appels à l’aide et exclusions :

  • La séquence des faux médecins rejoue en effet le parcours d‘une consultation, dans l’ordre cette fois : auscultation, diagnostic, et prescription ; cependant la contrefaçon renchérit dans l’autoritarisme et l’abandon.
  • L’intermède final opère un ultime renversement puisque le malade est intégré à l’ordre des médecins : il ne sera plus abandonné mais il est... mort.

...au théâtre critique.

La fable émergeant du texte de Molière justifie quelques orientations de mise en scène :

  • Un théâtre de mouvement4 : toutes les scènes finissent sur un abandon et commencent par une intrusion : entrées, sorties et mouvements vont souligner cette violence centripète ou centrifuge. Les Argans n’en sortiront que morts ou médecins
  • Une action scénique qui met au centre le « traitement » du corps : le traitement est bien au coeur de la dramaturgie, sa violence, arbitraire, habituelle, mais "légitime", qui réduit le corps à ses tuyauteries5 ; si être sacré médecin, nous dit Molière à la fin de l’intermède, c’est acquérir « la faculté pleine et entière de... zigouaillare et ce impunément et sur la terre entière »6, toute l’action démontre que droit de traiter est devenu, ou vécu comme, "droit de maltraiter".
  • Peut-on donner un sens général à la fable de la représentation ? Les propositions de Laurence, travaillant sans cesse le conflit de l’ordre et du désordre, ont filé la parabole de la danse de mort, mais laissé une ambivalence à l’intermède final : est-ce une revanche sur l’autorité médicale, une délirante et euphorique parodie carnavalesque ? Ou la victoire de l’Ordre, auquel vrais faux médecins et vrais faux malades sont intégrés, rituels médicaux et rituels mortuaires participant également d’une comédie tragique ? Dans notre mise en jeu, la cérémonie sauvage et sacrificielle penche d’un côté, le côté « gospel » et les caricatures de l’autre.

Claudine Vigouroux

 

Citons pour laisser la parole à Molière le discours d’intronisation du président :

PRAESES

Ego cum isto boneto
Venerabili et docto,
Dono tibi et concedo
Virtutem et puissanciam,
Medicandi,
Purgandi,
Seignandi,
Perçandi,
Taillandi,
Coupandi,
Et occidendi
Impune per totam terram.

Que nous nous sommes permis de retraduire en latin de cuisine d’aujourd’hui, tandis que le quatrième Président pose un masque blanc sur la figure du candidat

Alors Moa avec ce bonnet
Aussi savant que distingué
Je te donne et te confère
La faculté pleine et entière
De médicare
De purgare
De saignare
De perçare
De taillare,
De coupare,
Et de zigouillare
Et ce impunément et sur la terre entière

(1) En terminale ce questionnement doit être beaucoup plus autonome.

(2) Dans une version retraduite par le professeur.

(3) le théâtre

(4) Idée courante sur Molière qu’il est intéressant de vérifier.

(5) Bien sûr on peut renvoyer aux pratiques de l’époque mais on peut s’interroger sur l’extraordinaire obsession que partagent malade et médecin pour le corps du bas.

(6) Voir citation in fine.