Assises académiques des langues vivantes publié le 30/11/2008  - mis à jour le 28/04/2010

30 septembre 2008

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Qu’attendre alors, essentiellement, de l’enseignement des langues _vivantes en France, sinon, en ultime instance, qu’il suscite le goût de l’aventure intellectuelle, le goût de la découverte des connexions insolites existant entre les cultures et les civilisations qui toutes, chacune à sa manière, jettent sur le monde un regard singulier. Un regard singulier qui incitera, à n’en pas douter, au dialogue, au débat, voire dans certains cas, peut-être, à de saines polémiques, qu’il n’y a pas lieu de craindre outre mesure, et certainement à l’abandon progressif de stéréotypes réducteurs, de ce « prêt-à-penser » actuellement si redoutable. Quoi qu’il en soit, la circulation de la parole, l’échange culturel, la connaissance réelle de l’autre, dont a besoin plus que tout l’enseignement des langues, l’emporteront.

Nous devrions tous, pour peu qu’on nous en donne réellement les moyens, faire feu de tout bois pour diversifier et enrichir nos pratiques pédagogiques : l’apprentissage des langues pourrait être accompagné de temps à autre de séances de cinéma, par exemple, elles-mêmes génératrices de discussions, de sorties au théâtre, dans la mesure du possible, quand est jouée, dans sa langue d’origine, par exemple, la pièce de tel ou tel auteur étranger. L’expérience s’avère bien souvent gratifiante pour les élèves ou les étudiants, qui découvrent souvent pour la première fois une scène de théâtre et peuvent, à cette occasion, nouer avec l’enseignant des rapports moins guindés. N’attendons pas que la diffusion des langues passe prioritairement par Internet, qu’elle soit réduite, de fait, à l’imposition d’un langue technique « basique » ou d’un sabir plus qu’approximatif « concocté » à partir de textes minimalistes de chansons à la mode, consacrant, bien évidemment, la toute-puissance d’un anglais lui-même dégradé, vidé de tout contenu culturel. N’oublions pas qu’au dernier concours de l’Eurovision, les sélectionneurs n’eurent pas de meilleure idée que de choisir, pour représenter la chanson française, un texte écrit en anglais. Sachons demeurer plus que jamais, en cette époque marquée par un pragmatisme effréné, à l’initiative de la culture et de l’humanisme. Ne renonçons pas à l’utopie émancipatrice qui fonde notre enseignement, et qui nous vient en droite ligne des Lumières. Restons fidèles, en dépit des modes, à cet héritage dont est parfois moquée la naïveté de la croyance en le progrès, mais auquel l’enseignement laïque doit tout.

Madame Maryse Renaud, Professeur des Universités.