Etude d'une œuvre de propagande nazie publié le 22/01/2011

Le Triomphe de la volonté (Triumph des Willens), Leni Riefenstahl, 1935

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Pourquoi étudier Le Triomphe de la volonté ?

De nombreuses raisons peuvent justifier l´étude de ce film en particulier. Tout d´abord, il s´agit d´une œuvre célèbre (voire reconnue artistiquement, même si c’est dans une moindre mesure que Les Dieux du Stade, le film de Leni Riefenstahl sur les Jeux Olympiques de Berlin de 1936), d´une réalisatrice connue et polémique.

Ensuite, il s´agit d´un document d´époque, et non pas d´un documentaire d´archives remontées pour servir un discours à posteriori (comme Mourir à Madrid de Frédéric Rossif par exemple), très peu de chose qui ne se soit passé lors du congrès à Nuremberg n´a été rajouté au moment du montage1. Qui plus est, ce film demeure aujourd´hui la base illustrative de ce que fut le nazisme par les citations qui en sont faites régulièrement dans les documentaires de montage, et par conséquent contribua énormément à l´élaboration d´une image collective du nazisme.

Enfin, à la différence d´autres œuvres de propagande nazie (documentaires ou fictions), ou de réalisateurs rattachés à cette période, les métrages de Leni Riefenstahl sont faciles à trouver, et existent dans de nombreuses éditions aux bonus divers et variés (ceci inclut ses « films de montagne », genre populaire –apprécié par Hitler- dans l´Allemagne de Weimar et non dénués d´intérêt quant au reflet qu´ils offrent d´une certaine représentation du monde germanique et aux valeurs qu´ils défendent). Les citations / traductions (en italiques) et chapitres auxquels se réfère l´analyse suivante proviennent de l´édition DVD : Leni Riefenstahl´s Triumph of the Will, DD Video, 2001. Cette édition, qui si elle ne présente qu´un montage de 104 mn (le film complet semble faire 114 mn, mais certaine éditions DVD annoncent 120 mn), a le mérite de présenter une très bonne qualité d´image, la bande-son d´époque, des sous-titres en Français et comporte un livret de 16 pages (en Anglais) tout à fait éclairant sur la production du film, en le resituant dans son contexte historique. À cela s´ajoutent en bonus des images d´archives britanniques d´époque sur les congrès de Nuremberg.

Les enjeux de l´étude

L´enjeu de cette analyse est de montrer en quoi ce film est bel et bien une œuvre de propagande, derrière une revendication d´objectivité documentaire. Pour cela, il est essentiel, non pas de montrer que les propos retenus dans cette œuvre présentent un discours politique particulier (celui du gouvernement allemand de cette époque), mais que les thématiques présentées sont conformes à celles voulues par le ministère de la propagande. Nous ne sommes plus alors dans la simple présentation d´un discours donné à un moment donné, mais à la diffusion partisane, réfléchie et organisée d´une idéologie. Surtout, la forme employée par la réalisatrice (et monteuse du film) non seulement appuie ce discours mais se fond complètement avec lui, ultime démonstration, qu´il s´agit bien là d´une œuvre de propagande.
La Vision nazie de l´Histoire à travers le cinéma documentaire du Troisième Reich, Christian Delage, L´Age d´Homme, Lausanne, 19892 , me parait le livre essentiel sur le sujet. Il présente une grille de lecture stimulante pour toute production allemande non fictionnelle de cette période. C´est celle qui a été utilisée pour mener l´analyse suivante.
Le film étant long, il peut paraître répétitif, redondant, il est préférable de privilégier l´analyse de séquence(s) , pour lesquelles, bien sûr, les mêmes axes d´analyse que pour le métrage complet peuvent être utilisés.

(1) Généralement il est dit que rien ne fut rajouté au moment du montage. Cependant, dans ses mémoires Albert Speer précise que la réalisatrice retourna les interventions des dignitaires nazis (chapitre 4) dont elle n´était pas satisfaite, et Marc Ferro dans son analyse de la scène « D´où viens-tu ? » (chapitre 5) précise que la scène est jouée par des acteurs, lors des plans rapprochés (in Cinéma et Histoire, p.118, Nouvelle édition refondue, Folio Histoire, Gallimard, 1993).

(2) Malheureusement l´ouvrage de Glenn B. Infield, Leni Riefenstahl et le IIIe Reich. Cinéma et idéologie 1930-1946, Seuil, « Fiction & Cie », 1978, n´est plus disponible depuis longtemps.