Les Rendez-vous de l'Histoire: De Gaulle, gouverner un modèle ? publié le 29/10/2020

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Comment se passe la fin de la guerre ? Comment impliquer les résistants ? Comment faire pour assurer le fonctionnement de l’État ?

La période 1944-1946 est marquée par la volonté de restaurer l’ordre républicain. Pour ce faire, les milices patriotiques sont dissoutes dès août 1944. Puis, les FFI et les FTP sont intégrés dans l’Armée nationale. Au niveau politique, le pragmatisme de De Gaulle se heurte aux contraintes du réel, aux jeux politiciens, au poids dominant de la gauche (majorité absolue à l’Assemblée). Preuve en est, l’un de ses proches Michel Debré défend un projet de simplification de la carte administrative en réduisant le nombre des départements à quarante ce qui est refusé par l’Assemblée. Ces expériences le confortent dans sa vision d’un pouvoir fort ce qui dès 1946 le pousse à dire à nouveau non (six ans après juin 1940). Il est également habité par l’idée d’une France forte dans le monde qui ne peut reposer que sur des institutions stables. Il lui manque de surcroit une organisation politique. C’est pourquoi, il crée le RPF en 1947 mais dont l’arrivée trop tardive ne lui permet pas de rivaliser avec les forces politiques bien ancrées que sont le PC, la SFIO et le MRP.

Après son retrait de la vie politique, De Gaulle connait ce que d’aucuns appellent la traversée du désert. Pour autant, il met à profit cette période, pour écrire et murir son projet politique. Aussi, il transfigure la période 1940-1945 et institue ce qui convient de faire pour l’avenir. En revanche, la crise de Suez (1956) est un tournant géopolitique majeur pour De Gaulle. La crise montre la subordination des Britanniques et de la France aux États-Unis. En outre, les Accords de Nassau de 1962 subordonnent l’utilisation de l’arme nucléaire britannique à l’accord des États-Unis. L’ensemble conduit De Gaulle à défendre le programme nucléaire engagé par Pierre Mendès-France et Edgar Faure pour garantir la souveraineté française.

La mise en œuvre concrète du pouvoir, De Gaulle sous la Ve République

Gouverner à l’extérieur

Sur le plan de la politique étrangère, la IVe République a tenu le programme nucléaire complètement secret. Or, pour De Gaulle, l’indépendance nationale doit reposer sur :

  • le nucléaire qui est la clef de l’indépendance nationale et contrairement à la IVe République, il doit être connu pour dissuader les autres puissances.
  • le désengagement de l’OTAN pour éviter toute subordination aux États-Unis.
    Il ne faut pas oublier le rôle important de Pierre Mesmer, dans l’œuvre de modernisation des forces françaises qui s’étaient engluées dans les guerres coloniales. Il favorise le développement de forces de dissuasions propres à la guerre froide.

Gouverner à l’intérieur

Le gaullisme est une mystique de l’État. De Gaulle est obnubilé par la sauvegarde de la nation et de l’Etat et ce dès 1940. Il avait été choqué par l’Affaire Dreyfus, pour qui l’absence de l’État avait conduit à la défaite de la France. En soi, il est passionné par les personnages qui ont servi la France à l’image de Richelieu, Carnot et Napoléon. Mais, De Gaulle n’en est pas moins un fervent partisan de la démocratie. Le processus de décentralisation insufflé dans les années 1967-1968 s’inscrit dans le principe de participation du peuple. Il s’agit de mettre les Français dans le coup selon De Gaulle en 1969. La finalité est de les associer au fonctionnement des pouvoirs publics.

Évolution du rapport de la nation avec De Gaulle

La période de 1962 à 1968, montre à travers les rapports entre De Gaulle et Pompidou que le premier n’est pas un conservateur. Il a une plasticité dans son rapport au gouvernement. Pour Tristan Lecoq, De Gaulle fait preuve de « ductilité ». Il incarne en majesté l’État avec les regalia modernes (grande croix de la légion d’honneur…) arborés lors de la photographie officielle. Par contre, le risque de cette verticalité est d’attirer les critiques de césaro-bonapartisme, d’autoritarisme présidentiel, voire de coup d’État permanent selon François Mitterrand. Or, pour De Gaulle, il n’y a pas autoritarisme, il y a un équilibre des pouvoirs. Le chef d’État incarne l’unité de la France alors que le Parlement représente sa diversité. En somme, De Gaulle est le seul homme politique français du XXe siècle a incarné les quatre figures du mythe : le sauveur, le prophète, le martyr et le fondateur.