L’Afrique : croissance démographique et nouvelles dynamiques spatiales publié le 12/10/2017

Retour sur le Festival International de Géographie de St Dié des Vosges 2017

Les enjeux de la transition démographique.

L’Afrique va devoir accueillir 1.2 milliards d’hommes de plus en très peu de temps La transition démographique pose des enjeux énormes à l’Afrique et la démographie est une entrée importante pour comprendre les dynamiques territoriales actuelles. En Europe, cette transition a eu pour résultat le peuplement d’une partie du monde par la population européenne, or la population africaine augmente mais elle est limitée dans ses déplacements.
Il reste difficile de mesurer exactement la transition démographique car les statistiques sont peu fiables, la collecte de celles-ci en Afrique paraissant particulièrement complexe. Actuellement le continent est à la fin de la phase 1 : la mortalité a baissé d’une façon relative et la fécondité tarde à le faire (ex :Niger 7.6 enfants par femmes). Cette baisse est très inégale : il existe des différences importantes entre ruraux et urbains ou entre les quartiers dans les villes.
La poussée démographique s’est faite au plus mauvais moment, à l’époque des politiques structurelles, il y avait une crise économique, le rapport entre actifs et inactifs était de 1 pour 1 avec une proportion considérable des moins de 15 ans.
Pour l’Afrique orientale, beaucoup des jeunes qui arrivent sur le marché du travail sont des ruraux. Mais la disponibilité foncière, même si elle est réelle en nombre, est beaucoup plus complexe sur le terrain. La pression est d’autant plus forte que le besoin de terre est important dans les espaces où les transactions sont les plus nombreuses dans le cadre du land grabbing. Les agricultures familiales ne sont donc pas favorisées. De plus le modèle extensif est dans une impasse car la croissance démographique oblige à trouver des moyens pour nourrir les gens en s’appuyant sur des modèles plus intensifs. L’agriculture nécessite toujours beaucoup de main d’œuvre, le schéma de la révolution industrielle en Europe est totalement à revoir pour l’Afrique car la main d’œuvre ne peut pas être libérée faute de débouchés industriels, elle doit rester pour le moment sur l’agriculture.


Le défi de l’urbanisation

Les citadins augmentent de façon exponentielle en Afrique.
Le défi de l’habitat : plus vaste que celui du logement, c’est aussi la question des services et du foncier. Au moment de l’indépendance, on a reproduit l’urbanisme colonial, un « urbanisme de statues », c’est à dire, une place, une statue, un urbanisme de plan. Cela a compliqué le tissu urbain, cela a donné un noyau de modernité, mais cela a exclu la majorité et de ce fait s’est développée une ville illégale mais où la modernité n’est pas absente (voir l’importance des trames autoconstruites). « les déguerpissements » ont cohabité avec le laisser faire (ex : le quartier de Kebbé d’el mina à Nouakcshott permet de comprendre comment on peut restructurer un bidonville en traçant des voiries). On est passé d’un urbanisme de plan à un urbanisme de projet mais on a pas réglé les problèmes, les slums ont continué à se développer, dans un contexte de retrait de l’état et de financiarisation internationale du marché de l’immobilier. Il faut donc réinventer la ville africaine.


Métropolisation africaine et nouvelles formes urbaines

La ville a un rôle très important pour le développement économique, et il y a très peu de rapport entre urbanisation et industrialisation (sauf en Sud Afrique et dans le Katanga et sur l’île Maurice). L’informel garde un poids considérable. Les activités informelles remplacent des débouchés de la fonction publique, de l’industrie qui ne les fournit pas. Ce repli génère les tensions fortes. Les classes moyennes ont participé à stimuler le local, mais cela a néanmoins poussé aussi les exportations car tout ne peut être fourni par l’informel. La consommation des classes moyennes a aussi entrainé un développement de molles commerciaux coupés du territoire.
Ces villes entretiennent des liens très importants avec les campagnes car le vivrier marchant entraine la croissance, avec des circuits souples et réactifs : un agriculteur va consulter les cours grâce à son téléphone, avant de vendre son produit.
La régionalisation compétitive va de pair avec la métropolisation mais celle-ci entraine des inégalités territoriales importantes. A l’exemple de Tanger qui va être desservi par la LGV, les contrastes sont flagrants entre modernité et campagnes avoisinantes, en particulier dans le riff.
L’imbrication villes/campagnes est l’origine de l’émergence de nouvelles formes urbaines qui s’inventent sur le continent : un nouveau type de conurbation, que l’on arrive pas à nommer, des formes de continuum ville campagne maillé par des bourgs (Nairobi, Kenya) se développent.


Les limites de la ville africaine

La gouvernance des villes est trop souvent en échec. La planification urbaine ne fonctionne pas à cause de la rapidité de la croissance et au mode d’habitat des populations. L’urbanisme partagé ou coopératif peut être une solution : toute décision doit être négociée avec les populations. Par exemple, la question de la collecte de déchets : des associations gèrent la collecte mais personne ne vient les chercher et donc leur traitement n’est pas écologique. Cette gouvernance suppose une intervention de l’état mais on ne reste que sur des logiques de courtes durées.

Un continent qui s’ouvre à de nouveaux partenariats.

De nouveaux partenariats sont apparus ces dernières années, même si l’Europe continue de peser dans les échanges et n’a pas encore été supplantée par le partenaire chinois qui est forte croissante (27% par an). L’idée des partenaires émergents (Chine et Inde) est de ne pas se positionner sur les questions de politiques intérieures mais de financer des équipements publics ou des projets d’aménagements en échange de la concession de l’exploitation de ressources. L’Inde est très présente dans le commerce, les mines et l’automobile. Le Brésil est présent dans les pays lusophones : le pétrole, l’agriculture qui alimentent le modèle dualiste et aide les deux côtés (agrobusiness et agriculture familiale). L’influence turque se fait sentir dans le Nord mais aussi en Soudan, en Somalie. Singapour et la Malaisie sont très implantés dans certains secteurs (huile de palme) car les contraintes sociales et environnementales sont moindres qu’ailleurs. Des émergents africains sont aussi présents : l’Afrique du sud (sécurité, mines), le Maroc, en tant gros producteur de phosphate revient en Afrique après s’être beaucoup tourné vers l’UE. L’objectif des Marocains est de promouvoir un grand mouvement de « Révolution verte » leur permettant de fournir un débouché à leurs engrais.
Certains chinois sont restés après être venus comme ouvriers dans des travaux d’infrastructures, et ont ouvert des commerces, des officines de médecine chinoise… Beaucoup d’infrastructures ayant vu le jour grâce à l’aide chinoise, les gouvernants africains savent désormais qu’ils disposent d’autres options que celles proposées par les institutions de Bretton Woods, les 20 ans d’ajustements structurels ayant complètement empêché les projets locaux de se développer et d’être pris en main par les autorités des pays. L’irruption des capitaux chinois et indiens a changé la donne et a des conséquences sur la vie quotidienne. La consommation de motos indiennes et chinoises ou des tricycles indiens qui peuvent être réparés localement a ainsi crée une révolution dans les campagnes (vois l’exemple du nord Cameroun).
Les « Package deal » ont souvent été très favorables aux investisseurs issus des pays émergents et les exigences environnementales ont tiré les normes vers le bas (ex : le barrage de la grande renaissance éthiopienne construit par les chinois car la banque mondiale avait refusé de le construire pour des raisons environnementales). Les chinois sont impliqués dans le pillage et les trafics : ânes au Sahel (la prédation privant les particuliers de ces animaux), rhinocéros et éléphants. La corruption est pratiquée à grande échelle.
Du point de vue industriel, ces nouveaux partenaires offrent de nouvelles possibilités comme l’ Éthiopie qui accueille les délocalisations du textile chinois. La capacité des gouvernants africains à négocier des partenariats équilibrés est plus que jamais importante, mais il faut dépasser la corruption.