Quels apports concrets des sciences cognitives dans la conception et l'animation d'un cours du secondaire ? publié le 11/09/2014  - mis à jour le 12/09/2014

L’approche par compétences est une rénovation pédagogique largement inspirée des recherches dorénavant nombreuses, étayées, validées par des spécialistes en sciences cognitives du monde entier, en particulier d’Europe de l’Ouest et du continent nord-américain. De très nombreux travaux ont été conduits auprès d’élèves du primaire et du secondaire, d’étudiants engagés dans des parcours universitaires variés, mais aussi auprès de professionnels (santé, ingénierie..) inscrits dans des stages et des formations visant à accroître le champs de leurs compétences.
Aujourd’hui des débats parfois houleux retentissent entre ces spécialistes, sur certaines conclusions ou approches théoriques, mais en réalité, un consensus très large existe concernant les processus d’apprentissage.

Servons-nous de ce qui est unanimement reconnu pour bâtir un format de cours qui puisse servir de référentiel, modeste évidemment et surtout souple et adaptable à chacun, mais cohérent dans la mise en œuvre du travail et de l’évaluation par compétences.

Les repères, classiques et largement diffusés à présent, du travail par compétences sont les suivants : mise en activité des élèves et autonomie encadrée, possibilité donnée aux élèves de faire des choix et de commettre des erreurs sans que celles-ci soient systématiquement sanctionnées, développement de l’autoévaluation ou encore étayage réalisé par l’enseignant auprès d’élèves ayant besoin d’un soutien individuel pour surmonter une difficulté.
Ces repères sont en concordance avec les principes de base de l’apprentissage tels que les énonce par exemple Jacques Tardif , professeur à l’université de Sherbrooke, (Pour un enseignement stratégique, Editions Logiques, 1997) : l’apprentissage est un processus actif et constructif  ; l’apprentissage est l’établissement de liens entre les nouvelles informations et les connaissances antérieures ; l’apprentissage se fait par exploration, personnelle ou collective.

Travailler par compétences, en prenant en compte dès la conception du cours ce que l’on sait des processus d’apprentissage, est incontournable pour permettre aux enseignants de réaliser les missions qui sont les leurs : tout d’abord faire construire chez les élèves des connaissances ("connaissances déclaratives" : vocabulaire, dates...) qui ne soient pas inertes, c’est-à-dire durablement inscrites dans leur mémoire, mobilisables dans un contexte différent (mais proche de celui dans lequel ces connaissances ont été construites pour la première fois) . Ensuite veiller à ce que les élèves développent et maîtrisent des méthodes de travail, des outils d’analyse ainsi que des stratégies d’action face à une tâche, en conscience et en sachant faire preuve d’autocontrôle et de correction éventuelle ("connaissances procédurales et conditionnelles").

Cet objectif se retrouve tout entier énoncé dans la compétence 7 du socle commun actuellement mis en œuvre.
Il l’est bien davantage encore dans le projet de nouveau socle commun publié en juin 2014 dont le "Domaine 2" (l’équivalent de la compétence 7) porte sur les méthodes et outils pour apprendre (pages 8 à 10).
L’extrait suivant est un bon exemple pour illustrer l’inflexion forte des pratiques pédagogiques, impulsée par les sciences cognitives :

"Apprendre à apprendre et à comprendre est un enjeu qui concerne l’ensemble des champs et des disciplines. Les méthodologies du travail ne s’apprennent qu’en situation. Mais il faut leur consacrer le temps nécessaire et les explicitations suffisantes. L’école ne peut exiger ce qu’elle n’a pas enseigné. Un équilibre doit être trouvé entre des activités collectives et des activités individuelles  ; la mise en commun des recherches, des pratiques et des difficultés permet de lever bien des obstacles".


Jacques Tardif, Philipe Perrenoud, Josiane Basque, pour ne citer qu’eux, n’affirment pas autre chose.
Globalement, selon eux (et en échos au projet du nouveau socle commun) il est nécessaire à présent de concevoir des cours qui offrent de la place à l’explicitation. Pour reprendre l’expression de Josiane Basque (Le transfert d’apprentissage : qu’en disent les contextualistes ? Dans A. Presseau et M. Frenay, Le transfert des apprentissages : comprendre pour mieux intervenir (pp. 49-76). Québec, Presses de l’Université Laval, 2004), les cours doivent à présent donner aux enseignants la possibilité d’une part de soutenir la construction du savoir, d’autre part de soutenir l’utilisation de ce savoir.

Concrètement cela passe par prendre en compte les représentations mentales des élèves (avant de les lancer dans la construction de nouvelles connaissances), s’appuyer sur leurs acquis et savoir-faire pour créer des passerelles entre les différentes parties du programme ; il faut expliciter les objectifs à atteindre, les stratégies utiles possibles, les progrès engagés au fur et à mesure des avancés constatées, afin de donner du sens à ce qui est réalisé en classe ; créer, dans la conception du cours, les conditions d’une certaine routine afin que l’entraînement et donc l’acquisition de repères et de réflexes puissent augmenter la maîtrise, mêler des temps de travail individuels mais aussi collectifs, durant lesquels l’autoévaluation et l’évaluation par les pairs puissent également produire leurs effets en faveur d’une plus grande maîtrise. Voilà, selon les spécialistes, la meilleure façon de favoriser un transfert des connaissances.

Proposons d’y voir plus clair, à l’aide d’un modèle type qui puisse aider à la conception d’un cours qui entre en cohérence avec les attentes de l’approche par compétences :

  • Un premier temps du cours qui propose une relecture silencieuse individuelle de la synthèse précédente.
  • Un second temps, plus long, qui présente la problématique et les objectifs du jour, mis en cohérence avec le parcours déjà réalisé, les objectifs plus lointains à atteindre, suivi d’une mise en activité des élèves. Cette mise en activité peut être découplée en plusieurs étapes, laissant du temps pour un travail individuel, puis un regroupement, par exemple au sein de groupes de besoin.
  • Un troisième temps, qui peut très bien avoir lieu en interrompant la mise en activité des élèves, durant lequel une mise au point est réalisée autour des réussites ou erreurs observées dans le travail des élèves, ou qui proposent de confronter les stratégies utilisées, en faisant le lien éventuellement avec des méthodes de travail déjà proposées antérieurement par l’enseignant ou d’autres enseignants de la classe.
  • Un quatrième moment qui est celui de la correction puis de la rédaction par les élèves de la conclusion de l’étude (la réponse à la problématique) suivi d’une autoévaluation ou d’une évaluation des traces écrites par les pairs.
  • Un dernier moment qui peut-être la distribution de la synthèse de l’enseignant avec du temps laissé aux élèves pour qu’ils puissent lire cette synthèse et la confronter au travail qu’ils ont réalisé.

Ce second temps est l’occasion de mettre en place des "routines", afin que les élèves puissent prendre des repères et s’entraîner pour progresser. Cette routine variera évidemment tout au long de l’année en fonction des objectifs méthodologiques du moment : apprendre à recopier sans erreurs, décrire et analyser un paysage...
Une même routine peut-être installée en fin d’étude, au moment de l’élaboration de la réponse à la problématique : bâtir un texte bref cohérent suivant un plan précis, analyser l’énoncé d’un sujet, élaborer un schéma heuristique en synthèse, compléter un tableau identifiant les définitions, le vocabulaire disciplinaire et les exemples les plus importants, ce qui serait plus secondaire etc..
L’ensemble permettant de réaliser tout au long de l’année un véritable parcours de formation.

Une proposition de cours en exemple concret : histoire 4ème, partie 1 thème 3 : les traites négrières et l’esclavage au XVIIIème siècle ; le lien suivant propose le cours sous forme de T.P. C’est à l’enseignant de réguler les temps de travail, de mise en commun et de correction.

Document joint

Conseil supérieur des programmes - 8 juin 2014.

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Auteur

 Alexandre Wzietek