Osons la classe inversée : plus-values et contraintes publié le 19/12/2015  - mis à jour le 27/06/2019

Osons la classe inversée : plus-values et contraintes

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Ce document est la synthèse de la présentation qui a été faite au groupe de recherche sur les usages de la classe inversée dans le cadre des Travaux Académiques Mutualisés 2015/2016, en présence de madame Valérie Vidal, IA-IPR d’espagnol, de 11 professeurs d’espagnol de collèges et lycées de l’académie, dont des professeurs formateurs, d’un professeur d’anglais de LP et de l’interlocuteur académique langues.
Il s’agissait de réfléchir sur les activités de la pédagogie qui pouvaient être externalisées en langues vivantes et avec quelles contraintes.
Après la présentation générale, une séquence pédagogique en espagnol pour un cycle terminal a été proposée, dont la première partie externalisée s’effectue en amont du cours proprement dit. A l’issue de la demi-journée, les professeurs devaient être en mesure de s’interroger sur des activités qui pourraient être proposées soit avant le cours, pendant ou dans le prolongement de celui-ci en fonction de leur propre public.

Les éléments qui suivent s’appuient essentiellement sur les propos de Marcel Lebrun1 entendus lors de sa conférence à Poitiers CANOPE en mars 2015 et lus dans la publication à paraître "Les classes inversées, enseigner et apprendre à l’endroit", co-écrite par Marcel Lebrun et Julie Lecoq en octobre 2015 (Ed. Canopé).

Marcel Lebrun, "Savoirs et compétences que faut-il enseigner" (durée 04:56) (MPEG4 de 25.8 Mo)

Conférence de Marcel Lebrun à CANOPE Poitiers le 18 mars 2015- Marcel Lebrun, Docteur en sciences de l’éducation, Université Catholique de Louvain

Un constat

Le principe de la classe inversée est mis en place par le professeur lorsqu’il prend conscience que ses élèves s’ennuient, manquent de motivation, décrochent, s’absentent... et qu’il cherche une solution à cet état de fait. C’est sa motivation et son engagement qui susciteront l’adhésion des apprenants pour un programme qu’a priori ils vont regarder avec circonspection quant ils n’émettront pas clairement des réserves. En effet, peu apprécient ce mode d’apprentissage qui "sollicite leur participation active alors qu’ils sont issus d’une tradition éducative basée sur le recevoir et la mémorisation"(Marcel Lebrun).
Pour adhérer, il conviendra de prendre conscience qu’apprendre n’est pas accumuler des connaissances mais bien construire des savoirs de façon individuelle et autonome et plutôt avec les autres : "On apprend toujours seul mais rarement sans les autres" dit Marcel Lebrun.

Marcel Lebrun "Classes inversées et constructivisme" (durée 03:03) (MPEG4 de 33.9 Mo)

Conférence de Marcel Lebrun à CANOPE Poitiers le 18 mars 2015- Marcel Lebrun, Docteur en sciences de l’éducation, Université Catholique de Louvain

L’apprenant ne reçoit plus l’ensemble des informations en présentiel, il va compléter lui-même ou avec d’autres en mettant en place des stratégies individuelles d’apprentissage. Ceci nous éloigne d’un enseignement collectif et d’une progression définie a priori par le professeur et qui serait la même pour tous. Marcel Lebrun dit qu’il s’agit "de répondre à des questions que les élèves se posent plutôt que répondre à des questions qu’ils ne se posent pas". Et pour que l’élève se pose des questions, dans le cadre de ses apprentissages, il doit avoir réfléchi avant à l’argumentaire, au thème, à la compréhension écrite ou orale que le professeur souhaite aborder en classe par exemple. Dans ce cadre, les questions qui se posent sont : quels apprentissages externaliser ? Avec quels outils ? Et quels contenus mettre à disposition des élèves ?


Des outils

Les outils tels que les tablettes, les ordinateurs, les BYOD ... sont des " valeurs ajoutées" indispensables aujourd’hui à la transmission des savoirs à distance, ils permettent de communiquer en dehors de la classe soit par le biais des messageries (communication en temps réel) ou des ENT, la messagerie de LOL, MOODLE, Pronote, i.cart... Ces outils favorisent, en les structurant, les relations entre les activités de groupe en classe et hors classe ainsi que l’utilisation de contenus interactifs (PPT, QUIZ, Vidéo...).

Cependant, des enquêtes démontrent que l’outil n’a pas d’impact sur les performances d’apprentissage. L’élève préfère les contenus interactifs qui l’attire, de toute évidence, il se sent plus actif et plus responsable puisqu’il peut écouter, lire, découvrir à son rythme en marquant des pauses, des retours en arrière, en répondant à des quiz ou autres questionnaires en ligne ou en collaborant sur un mur virtuel. Il est certain que l’image animée facilite la compréhension mais l’interactivité n’est pas suffisante car des informations apparaissent, d’autres disparaissent et on oublie l’information transitoire ou la globalité du contenu, ce qui est un problème déjà récurrent en lecture.

Des contenus

La multitude de formats de fichiers sur un même thème est indéniablement propice aux apprentissages, cependant il faut prendre en compte les ressources et leur contenu. Pour externaliser sans effrayer les élèves et obtenir un résultat inverse à celui souhaité, il convient d’être vigilant quant à la difficulté des documents donnés. Leur contrôle doit être simple et rapide et leur agencement pensé en fonction des besoins de chacun ou des groupes.

Externaliser certains apprentissages ne présuppose pas de donner des vidéos à lire à la maison qui remplaceraient le professeur. En langues vivantes, les cours en ligne de type MOOC (Massive Open On line course) semblent peu adaptés à nos classes de lycée et encore moins à un public de collège.
Les élèves ne devraient donc pas passer leur temps à regarder un écran d’ordinateur pendant ou en dehors des cours, de façon isolée et sans structure. Penser le contenu d’une activité externalisée, c’est s’interroger sur ce qui va faciliter la prise de parole. Ce sont les interactions et les activités d’apprentissage, qui se produisent en classe pendant le temps de face à face, qui sont les plus importantes.

Il semble que certains apprennent moins bien devant un écran, ils sont perdus sans les balises du cours. Par ailleurs, cette approche favorise les étudiants extravertis et par voie de conséquence, les classes inversées sont souvent bruyantes ce qui peut gêner. C’est pourquoi on aura à cœur de ne pas stéréotyper un seul format de classe qui risquerait de faire oublier que la solitude, la réflexion, le travail indépendant sont eux aussi propices aux apprentissages.

Une gestion de l’hétérogénéité

Externaliser certains apprentissages est un moyen d’amplifier les interactions et les contacts personnalisés entre les élèves et entre les élèves et l’enseignant permettant ainsi une meilleure gestion de l’hétérogénéité. "L’enseignant n’est pas le maître sur l’estrade mais l’accompagnateur attentif devenu facilitateur et non dispensateur de savoirs" (Marcel Lebrun). Son rôle n’est plus de participer à l’accumulation de connaissances mais d’aider à la construction des savoirs.
Nous aurons une classe dans laquelle les contenus travaillés sont disponibles à tout moment sur des ENT pour des révisions ou pour les élèves absents.

Pour les encourager et leur montrer que l’enseignant est aussi vigilant sur le travail externalisé que sur le travail en classe on peut fournir un questionnaire de suivi :

Sur le projet pédagogique ____(intitulé de la séquence)____________

a) La semaine 1 : j’ai étudié pendant
__________ minutes à la maison seul
__________minutes au CDI avec mon groupe
b) la semaine 2 : j’ai étudié
__________ minutes à la maison seul
__________minutes au CDI avec mon groupe
c) La semaine 3 : j’ai étudié
__________ minutes à la maison seul
__________minutes au CDI avec mon groupe

Pour moi ce qui est difficile c’est _____________________________________________________


Je constate qu’en classe :
Je parle plus.
Je parle moins.
C’est pareil.
Je ne parle pas mais je comprends mieux.
Je vais peut être pouvoir parler.
Non je ne crois pas que je puisse parler. Ce qui me gêne en classe c’est ___________________


Rien ne me gêne, il faut que je prenne confiance en moi.

J’aimerais que l’on m’aide à __________________________________________________________


Une gestion du temps

Ainsi la classe inversée permet d’intégrer le temps hors classe au sein de l’espace de scénarisation des activités d’apprentissage sans pour autant demander à l’élève de consacrer deux fois plus de temps aux apprentissages. La gestion du temps est pour le professeur un élément clé de la réussite de la méthode. Informer sur le temps de travail est indispensable : 1 fois 30 mn, 2x30 mn, 15mn ... et laisser du temps aux élèves pour s’organiser : 3 semaines pour un travail préparatoire de groupe par exemple. La classe inversée ne doit pas représenter un surplus de travail pour les élèves. La feuille de route prend alors tout son sens, distribuée en début de projet, elle permet de guider l’élève sur les activités à réaliser en classe ou en dehors et de poser des balises temporelles.
Dans la mesure où quelques séances sont nécessaires pour que les élèves se familiarisent avec le dispositif et prennent l’habitude d’effectuer le travail, il convient de commencer par petites touches.

Une information aux parents

Parents et enfants seront informés sur le dispositif lui-même, les objectifs et les compétences à atteindre, la valeur et l’intérêt des activités externalisées. Cela permettra de s’assurer dans un même temps que tous les élèves ont accès à internet, dans le cas contraire il conviendra de prévoir du matériel dédié au CDI et aux élèves internes.

Un travail collaboratif

On peut par exemple avant le cours, réaliser seuls ou en groupe, à la maison et/ou au CDI avec ou sans l’assistant de langues :

  • des recherches d’informations ;
  • une lecture de quelques grands titres de presse ou titres et chapeaux, d’un chapitre d’un blog, d’une brève vidéo (1mn /1mn20), d’un court poème ;
  • le décryptage ou/et la compréhension d’une bande son avec aide lexicale et/ou quelques questions qui aident à la compréhension ;
  • la préparation d’une thématique à exposer sur un sujet connu ou d’actualité ;
  • une courte synthèse ;
  • un jeu de rôle sur une thématique ;
    On peut également inciter l’élève à :
  • rechercher les trois idées clés d’un document ;
  • proposer un argumentaire ;
  • comparer 2 vidéos ;
  • lire un livre ou un texte long dans sa globalité (en fonction du niveau de classe) ;
  • mémoriser ;
  • comprendre.

La classe inversée est propice au travail collaboratif, chaque recherche préalable ou complémentaire pouvant être déposée sur une plate-forme (Padlet, Pinterest, ENT...) créée à cette intention.
Les savoirs découverts à distance prennent tout leur sens dès lors qu’ils sont confrontés à la classe ou au groupe, ainsi, pendant le cours l’élève fera une présentation, un groupe pourra débattre ou proposer une analyse argumentée du travail d’un autre groupe. La mise en commun des informations ou des synthèses de l’ensemble des groupes sur un mur virtuel auquel chacun aura accès sera valorisant pour l’élève et renforcera son estime de soi.

Des freins

Des freins ? Certes, ils existent, ils sont inhérents à tout usage des nouvelles technologies : matériel qui tombe en panne, connexions internet peu fiables ou pas d’ordinateur à la maison.
Les freins peuvent par ailleurs venir d’une réticence de l’enseignant à réorganiser la classe, à repenser sa posture face aux apprenants, l’attitude de l’élève en classe et à accepter les échanges (donc le bruit). Il peut venir également de la solitude de l’enseignant au sein de l’équipe pédagogique. On pourra écouter la conférence de madame Bucheton2 sur la posture de l’enseignant.

Michelle Fy
Professeure agrégée d’espagnol
Référente Travaux Académiques Mutualisés

On peut lire également :

(1) Marcel Lebrun, docteur en Sciences, est actuellement professeur en technologies de l’éducation et conseiller pédagogique à l’Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias (IPM) de l’UCL (Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve, Belgique). En particulier, il accompagne les enseignants dans la mise en place de dispositifs techno-pédagogiques à valeur ajoutée pour l’apprentissage. Il est à l’origine de la plate-forme Claroline dont il assure la responsabilité pédagogique au sein de l’équipe de développement et la présidence du Consortium international. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les rapports entre technologies et pédagogies.

(2) Dominique Bucheton, didacticienne du français, professeure honoraire des universités, ancienne directrice du LIRDEF (laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique, éducation et formation)