Oublier ou se souvenir des horreurs de la Guerre ? (B1-B2) publié le 23/06/2015  - mis à jour le 07/05/2021

« Las 13 rosas » ¿ Recordar o olvidar ?

Intervention de madame Mónica Pouvreau Jiménez, professeur d’espagnol au Lycée Jean Dautet de la Rochelle, dans le cadre du pôle Formation Education de l’Université de Caen le Mercredi 14 janvier 2015

Affiche Université de CAEN "La lettre"

La lettre : du récit de fiction à la classe
Littératures espagnole et italienne (XIXe- XXIe)

Maison de la Recherche en Sciences Humaines
CNRS - Université de Caen - Normandie

S’inscrivant dans la continuité d’une tradition, l’insertion de lettres, fictives ou authentiques, inventées ou réelles, figure parmi les procédés de décloisonnement générique et de brouillage entre réalité et fiction auxquels recourent volontiers les écrivains de notre temps. On trouvera même des romans exclusivement composés – ou cousus – de lettres…
Centrée sur les littératures espagnole et italienne contemporaines et visant à articuler recherche et didactique, cette Journée d’étude s’intéressera donc à la présence de la lettre dans le récit de fiction pour envisager, à travers quelques exemples choisis, quelques possibilités d’exploitation dans le cadre d’un cours de langue en collège et en lycée. Pour ce faire, on tiendra compte inévitablement de la nature des lettres considérées, de leur ton et de leur contenu, qui sont autant de paramètres induisant l’emploi de certains mots ou expressions, voire l’utilisation de structures langagières particulières. On pourra aussi s’interroger sur les fonctions que ces lettres viennent remplir au regard des récits dans lesquels elles s’inscrivent, sur les effets qu’elles produisent (sur les personnages ou, à un autre niveau, chez le lecteur), ou encore sur les messages dont elles peuvent être porteuses.

Présentation de la séquence

« Las trece rosas » ¿ Recordar o olvidar ?

En amont les élèves auront travaillé sur des documents autour de la Guerre Civile pour comprendre le contexte de cette Espagne déchirée en deux camps, l’exil de certains, la résignation des autres, la période de répression qui va suivre après la Guerre ….
Ma séquence s’inscrit dans la notion « Lieux et formes du pouvoir » mais peut aussi être traitée dans la notion de « Espaces et échanges » et de « Héros ou anti-héros ». Je fais le choix de travailler avec une classe de Première (L, S ou ES) et plus particulièrement cette année avec une Première Européenne puisque le professeur de DNL1 est un professeur d’histoire et qu’il traite en même temps que moi le sujet de la Guerre Civile. Ce thème est souvent abordé au Collège en cours d’espagnol mais aussi en Histoire de l’Art (Je pense en particulier au Guernica de Picasso).Il s’agissait donc pour moi de trouver un axe différent qui amène les élèves à réfléchir sur un moment important de l’Histoire de l’Espagne et qui permet de comprendre la société actuelle.
Cet axe, cette piste de réflexion- Oublier ou se souvenir ?, c’est le dilemme qu’ont connu beaucoup d’Espagnols qui ont préféré se reconstruire ailleurs, avoir une nouvelle vie, s’intégrer dans un nouveau pays et oublier les horreurs de la Guerre. D’autres au contraire ont fait en sorte que le souvenir demeure, que les témoignages se transmettent de génération en génération.

La tâche de fin de séquence

Ma tâche de fin de séquence est un débat : une expression orale en interactivité au cours de laquelle les élèves devront se positionner : faut-il expliquer la vérité aux enfants ou plutôt cacher les moments tragiques d’une guerre et regarder de l’avant ?

"¿A los niños, se les debe explicar o ocultar los horrores de la guerra ?"

Le 26 décembre 2007, les Cortes ont voté la “Loi de Mémoire Historique". Cette loi reconnaît et établit des mesures en faveur de ceux qui ont subi des persécutions, la violence pendant la Guerre (36-39) ou la dictature (39-75).


Activités langagières de la séquence

 Compréhension de l’écrit.
 Compréhension de l’oral.
 Expression orale en interaction.

Le plan de la séquence

Vous trouverez en pièce jointe, le plan de la séquence ainsi que les supports utilisés.

Recordar o olvidar (PDF de 110.4 ko)

Plan de la séquence et supports utilisés.

Les supports de la séquence

"Ignorancia"

Compréhension de l’écrit.

Je suis donc partie d’un article de presse de El País en date du 1er Février 2008 écrit par Jordi Soler. C’est un auteur

Jordi Soler, journaliste et écrivain mexicain

mexicain dont la famille a fui la Catalogne à la fin de la Guerre Civile. Il était venu parler d’un de ses romans racontant la Guerre Civile et l’exil de nombreux républicains au Mexique. Il fut invité par plusieurs établissements français et
constata que les petits Français en savaient bien plus que les jeunes Espagnols. Il s’en étonna et même en fut choqué. Comment peut-on ignorer l’Histoire de son propre pays ? Comment expliquer la présence d’Espagnols dans de nombreux pays ? C’est ce qu’il appela de l’ignorance. Pour lui, l’Histoire donne les clés pour comprendre la Société. Les jeunes élèves Espagnols méconnaissent la période sombre de la Guerre Civile ou de la Dictature pour la bonne raison qu’on leur a caché la réalité (ma génération a vécu la même chose en France avec la Guerre d’Algérie).
Tout au long de la séquence, mes élèves seront donc ramenés à leur propre expérience en ce qui concerne l’Histoire. En dehors de l’école, quels sont les moyens de connaître l’Histoire ?

 La famille quand il reste encore quelques survivants de la Guerre Civile.
 Le cinéma (la Guerre Civile a été et est toujours une source d’inspiration).
 Les documentaires (les images d’époque, les photos, je pense en particulier à Robert Capa et à sa “valise mexicaine”, découverte il y a peu de temps contenant des négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole).
 La peinture (Guernica de Picasso mais bien d’autres également ont laissé des messages universels dénonçant les horreurs des Guerres).
 La littérature (les auteurs espagnols et étrangers – les poètes, les journalistes).
 Des documents authentiques : des photos, des lettres….

La ignorancia de Jordi Soler, El País del 1 de Febrero de 2008. (Zip de 375 ko)

L’article de presse et quelques informations sur l’auteur.

Testimonio de mi abuelo

Compréhension de l’oral.

Ce qui s’impose à moi dans cette séquence est un témoignage enregistré d’une jeune espagnole. Son grand-père avait 4 ans quand la Guerre éclata. Donc il connaît la peur, le bruit des bombardements, il se trouve à Burgos, non loin des garnisons de Franco. Il ne souffre pas de la faim mais se souvient des humiliations qu’ont subies certains membres de la famille pendant la Guerre et à la fin de la Guerre ; comme par exemple être rétrogradé de poste (à la Renfe – SNCF espagnole). Etre montré du doigt parce que vous êtes le fils d’un “rouge”. Ce témoignage est d’une grande simplicité mais il touche les élèves car ce grand-père pourrait être le leur et leur permet de comprendre qu’il est important de se souvenir pour ne pas répéter les horreurs de la Guerre.

Testimonio de mi abuelo (MP3 de 2.6 Mo)

Document audio original.

Testimonio sobre la Guerra y la Posguerra civil españolas. (Word de 26.5 ko)

Fiche de compréhension de l’oral.


Testimonio de Lucía Hernández

Compréhension de l’oral.

C’est un autre témoignage. Lucía Izquierda, la belle-fille de Miguel Hernández (grand poète espagnol). Lucía

Miguel Hernandez, Poeta

Izquierda raconte dans une émission “Hispanorama” de Radio Nacional Española, un épisode tragique de la vie de son beau-père : son incarcération en 1939 ; période pendant laquelle il continue à écrire des poèmes pour laisser une trace, témoigner des conditions atroces de détention mais aussi pour laisser une preuve d’amour à son épouse et à son fils.

En effet pendant cette période sa femme met un enfant au monde Manuel Miguel et Miguel Hernández lui dédie le poème “Nanas de la cebolla”. Poème qui sortira de la prison, par petits morceaux, écrits sur du papier WC et cachés dans le couvercle d’un pot à lait.
“Nanas de la cebolla”,“berceuse à l’oignon”, hommage à son fils et à l’alimentation de l’époque. A travers l’exemple de Miguel Hernández, poète qui appartient à la génération dite de 1936 comme Federico García Lorca, on comprend l’engagement du poète aux côtés des Républicains. Ce poète, originaire d’Orihuela( Alicante) né dans une famille paysanne.

Miguel Hernández. (Word de 29 ko)

Poème "Nanas de la cebolla".

Miguel Hernández écrit ce poème en septembre 1939 alors qu’il est enfermé dans une prison de Madrid. Il s’adresse à son jeune fils Manuel Miguel que sa femme parvient à nourrir malgré une alimentation qui se limite à du pain et à de l’oignon.
Bien qu’il s’agisse d’une activité de compréhension de l’écrit,il est ici opportun de compléter la lecture par l’écoute de l’enregistrement. La lecture à voix haute mettra mieux en évidence les rimes, le rythme et la mélodie qui permettent de mieux interpréter le langage poétique, genre littéraire que les élèves connaissent mal.

On pourra également proposer l’écoute de la version chantée par Joan Manuel Serrat sur son disque « Miguel Hernández ». Il est évident que ce poème est un message contre l’oubli et il constitue une trace du passé de l’époque. Au lieu d’écrire des lettres, il a écrit des poèmes.

Nanas de la cebolla por Joan Manuel Serrat

Sa poésie est étroitement liée à son engagement politique qui le conduisit à l’emprisonnement puis à la mort. Il est mort de la tuberculose dans les geôles franquistes, le 28 mars 1942, à 31 ans, par manque de soins médicaux. Sa poésie témoigne aussi de l’époque mais elle rend compte aussi de sa vie intime. C’est à travers ces souvenirs que le fils de Miguel Hernández s’est construit. C’est ce qui lui a donné la force de perpétuer la mémoire de son père et de faire en sorte qu’il ait une sépulture digne.

Miguel Hernández. (Word de 27.1 ko)

Biografía.

La tragedia de Miguel Hernández. (MP3 de 1.1 Mo)

Support audio : rtve.es/mediateca/audios

Miguel Hernández. Andaluces de Jaén. (OpenDocument Presentation de 6.4 Mo)

Diaporama.

“Las trece rosas”

Las 13 rosas

“Les treize roses” film de Emilio Martínez de 2007.

Le film s’inspire d’une histoire vraie : treize jeunes femmes accusées d’appartenir au Parti Communiste et aux Jeunesses Socialistes Unifiées (Juventudes Socialistas Unificadas) furent fusillées par l’armée franquiste le 5 août 1939, quatre mois après la fin de la Guerre civile.

Mes élèves ont donc eu la possibilité de voir le film dans son intégralité, un questionnaire est proposé pour retenir les points essentiels ; le visionnage s’accompagne de pauses pour élucider quelques points importants et leur laisser un temps de parole. Les élèves ne restent pas insensibles au sort qui est fait à ces jeunes femmes qui n’ont pas pu se défendre.

Breve presentación de las trece rosas (PDF de 290.6 ko)

Cuestionario a partir de fotogramas de la película.


"Carta de Blanca a su hijo Enrique"

Le support trouve une entrée pour illustrer le thème d’aujourd’hui : la dernière lettre de Blanca adressée à son fils Enrique

Trece rosas rojas de Carlos Fonseca

(lettre authentique récupérée par l’écrivain Carlos Fonseca , et qu’il a intégré dans son roman.
Mes élèves peuvent à ce moment faire le lien avec le reste du film mais aussi avec tous les documents précédents qui leur apportent un éclairage sur la nécessité de se souvenir, de garder le plus précisément possible le souvenir des personnes aimées.
Le support de la lettre va leur permettre de se familiariser avec une autre langue espagnole, de déterminer la nature de la lettre qui a, à la fois un caractère intime comme lorsque le poète Miguel Hernández écrit pour son fils mais qui aujourd’hui a une autre valeur, celle de l’engagement politique. Le ton de cette lettre à la fois plein de tendresse d’une mère à son fils, son contenu à la fois plein d’espoir et de tristesse, qui sont autant de paramètres induisant l’emploi de certains mots ou expressions, voire l’utilisation de structures langagières particulières. On pourra aussi s’interroger sur les fonctions que cette lettre vient remplir dans ce film, sur l’effet qu’elle produit (sur les personnages ou, à un autre niveau, chez le lecteur), ou encore sur les messages dont elle peut être porteuse encore aujourd’hui. Cette lettre constitue elle aussi une preuve de ce qui s’est passé mais si le récit est fictif – et elle a un rôle de mémoire.

La carta de Blanca a su hijo Enrique.

Un aperçu de la vraie lettre.

La carta de Blanca a su hijo Enrique. (Word de 36.5 ko)

La lettre et sa mise en oeuvre en classe.

J’ai choisi cette lettre car elle me paraît bien être un élément de la mémoire ; elle a valeur de testament. La mère transmet en peu de mots à son fils ce qu’elle possède de plus précieux. Elle lui transmet des valeurs et compte sur lui pour devenir quelqu’un de bien.
Mes élèves ont été très sensibles au film d’abord et à cette lettre ensuite ; celle-ci leur rappelait la lettre de Guy Môquet (ce jeune homme de 17 ans fusillé en 1941 par les Nazis qui écrivit une dernière lettre à ses parents et à son frère).
La lettre a bien une fonction ; au-delà de l’émotion suggérée, dans le contexte romancé qu’offre le film, elle est une pièce authentique, un document historique qui a une valeur informative et invite à rendre hommage, à ces femmes fusillées dans ce contexte mais également à toutes les personnes mortes injustement ici ou ailleurs.
Une pièce authentique qui a été utilisée dans une fiction qui repose sur des faits réels dans le film comme dans le roman de Carlos Fonseca. Elle réussit à prolonger le souvenir des « 13 roses » dans notre imaginaire.
La lettre de Blanca met un terme à notre séquence et nous a permis de revenir sur la problématique de notre début de séquence : Faut-il expliquer la vérité aux enfants ou plutôt cacher les moments tragiques d’une guerre et regarder de l’avant ?
Il est nécessaire de connaître l’histoire, enseignée à l’école ou transmise par d’autres moyens. Avoir connaissance de faits tragiques permet de se souvenir et de ne pas perpétuer les horreurs commises. Mais se souvenir, c’est aussi chercher ses racines et se construire.
Mes élèves devront mémoriser quelques lignes de la lettre de Blanca, en dehors du travail d’écriture qu’ils auront à réaliser.
D’ailleurs pour achever ma séquence, nous invitons dans mon établissement la semaine prochaine, une personne qui a choisi de parler de son grand-père espagnol. Il s’agit de Didier Damestoy qui a traduit le roman de son grand-père en français DE ORRIOLS A. : Las hogueras del Pertús. Diario de la evacuación en Cataluña, Les Éditions La Bruyère, París : 1995. 171 pp.“ Les feux du perthus”.
Mes élèves auront ainsi l’occasion de poser des questions à cet homme. Pourquoi s’est-il intéressé au parcours de son grand-père. Pourquoi souhaiter le traduire ?

Carta de Blanca a su hijo. (OpenDocument Text de 59 ko)

La lettre.

La carta de Blanca a su hijo Enrique

L’extrait filmique.

Document joint
un document ¿Recordar o olvidar? (PDF de 219.3 ko)

Plan de la séquence et supports utilisés.