L'amiante : enjeux, polémiques et risques sanitaires publié le 02/09/2007  - mis à jour le 11/06/2012

L’intérêt de la thématique réside moins dans les polémiques et le bilan de l’amiante en France, bien connus de tous, que dans la comparaison avec la situation québécoise. En France l’amiante est bannie, elle est considérée comme une menace dont le bilan, non définitif hélas, est déjà chiffré.
Au Québec, la situation est toute autre. L’amiante est à l’origine d’une puissante filière économique ; le Québec est l’un des grands producteurs mondiaux. Si certaines précautions ont été prises, cette production reste synonyme d’innovation et de prospérité, du moins est-ce le message des industriels !

L’aléa

L’amiante : une fibre minérale cancérigène !

De 400 à 500 fois moins épaisses qu’un cheveu, les fibres d’amiante invisibles dans les poussières de l’atmosphère se déposent au fond des poumons. Elles peuvent alors provoquer des maladies bénignes comme les plaques pleurales ou graves comme les cancers des poumons et de la plèvre, les fibroses (ou asbestose)…
Certaines maladies peuvent survenir même pour de faibles expositions. La répétition de l’exposition augmente la probabilité de tomber malade. Les effets sur la santé d’une exposition à l’amiante ne sont pas immédiats : ils surviennent plusieurs années après le début de l’exposition, voire après le départ à la retraite.

Le risque

L’amiante : une fibre isolante !

L’amiante est une fibre minérale naturelle massivement utilisée pendant plus d’un siècle, dans des milliers de produits à destination industrielle ou domestique, pour ses performances techniques remarquables associées à un faible coût.
Interdite en France depuis 1997, l’amiante est toujours présente dans les bâtiments construits avant cette date. Des dizaines de millions de mètres carrés de matériaux amiantés sont encore en place. La maintenance et la rénovation ne sont pas sans risque car de nombreux bâtiments contiennent encore de l’amiante. Les expositions courtes et répétées aux poussières d’amiante peuvent provoquer de graves maladies respiratoires.
Les propriétés de l’amiante étaient nombreuses ce qui explique son utilisation dans l’industrie et le BTP en particulier :

  • résistance au feu,
  • une faible conductivité thermique,
  • acoustique et électrique,
  • la résistance mécanique (à la traction, à la flexion et à l’usure),
  • la résistance aux agressions chimiques (acides et bases),
  • l’élasticité, la possibilité d’être filé et tissé et un faible coût.

À la fin des années 90, le Canada est le deuxième producteur d’amiante chrysotile au monde après la Russie, ce qui représente 22,2 % de la production mondiale, estimée à 2,3 millions de tonnes. La production combinée de la Russie et du Kazakhstan représente environ 43 % de la production mondiale. La plus grande partie de la production canadienne est exportée, ce qui fait du Canada le plus grand exportateur d’amiante chrysotile au monde.
La politique canadienne visant à encourager l’exportation d’amiante a été critiquée dans le monde entier. Les producteurs canadiens, l’Institut de l’amiante et le gouvernement du Québec ont été accusés d’encourager l’exportation d’un matériau dangereux vers des pays qui ne sont pas préparés à se prémunir des dangers qu’il représente au moyen d’une réglementation efficace en matière de santé et de sécurité au travail.


L’amiante : une menace pour la santé ?

Les premiers soupçons sur la dangerosité de l’amiante ont été émis au tout début du XXe siècle. C’est en 1931 qu’apparaît, au Royaume-Uni, la première réglementation pour la protection des travailleurs contre l’exposition à l’amiante. En France, l’asbestose a été prise en charge comme maladie professionnelle à partir de 1945 et les premières règles spécifiques de protection des travailleurs en 1977. Ensuite, l’usage a été de plus en plus limité, sous l’impulsion de directives européennes relatives tant à la limitation des utilisations qu’à la protection des travailleurs. L’interdiction complète a été annoncée en 1996 pour l’année suivante, avec quelques rares exceptions, qui ont pris fin le 1er janvier 2002.
Le discours rassurant des industriels est le suivant : « Les produits modernes d’amiante diffèrent des anciens, autant que le jour de la nuit. Aujourd’hui, on n’utilise qu’un type bien particulier d’amiante, le chrysotile. L’industrie ne met en marché que les produits jugés sans danger pour le public, principalement des matériaux de construction en ciment-chrysotile, et aussi des freins, des joints, et quelques plastiques. Tous ces produits sont denses et non friables, la fibre de chrysotile y est encapsulée dans une matrice, qu’elle soit de ciment ou de résine. » (site de l’institut de l’amiante, produit par les industriels de l’amiante).
On peut s’interroger sur un tel discours alors que les études scientifiques montrent que toutes les variétés d’amiante sont cancérigènes.

On retrouvera une perspective historique dans l’histoire de l’industrie minière mise en ligne par le ministère québécois des ressources naturelles et de la Faune.

La catastrophe

Bilan sanitaire et humain

L’institut national de recherche et de sécurité ne nous ayant pas permis d’afficher leurs documents que nous avions sélectionnés, nous renvoyons le lecteur au site de cet institut.

  • nombre de travailleurs maintenance / entretien dans le BTP potentiellement exposés à l’amiante : 900 000,
  • nombre de décès dus à l’amiante : environ 2000 à 3000 décès estimés par an (mésothéliomes et cancers). Estimation du nombre de cas de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France, rapport scientifique, Institut de Veille Sanitaire, mars 2003,
  • nombre de maladies professionnelles liées à l’amiante reconnues : 5 649 en 2004 tous secteurs confondus (contre 5 018 en 2003). Environ 30 % de ces maladies reconnues concernent le secteur du BTP. En 2004, citons notamment les plombiers (397 cas de maladies professionnelles reconnues), les électriciens (282 cas), les maçons (233 cas) et les peintres (133 cas)… Ces chiffres sont en augmentation par rapport à 2003.
    En 2004, environ 1800 cas de maladies professionnelles dues à l’amiante ont été reconnus pour le secteur du BTP. Ces chiffres sont en régulière augmentation

En 1998, le Canada, 2ème producteur mondial d’amiante, a attaqué la décision française d’interdire l’amiante devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour violation des règles du GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Après presque trois ans de procédures, le contentieux a abouti à une victoire des Communautés européennes qui défendaient la France.
Dans son rapport publié en 2001, l’organe d’appel de l’OMC a jugé que le décret français interdisant l’amiante n’était pas contraire aux obligations de l’Union européenne vis-à-vis de l’OMC. Il a ainsi confirmé les conclusions du groupe spécial, qui avait confirmé notamment la cancérogénicité du chrysotile, l’absence d’un seuil d’innocuité, l’importance des populations à risques, l’inefficacité de l’utilisation contrôlée, la moindre nocivité des produits de substitution.
C’est la première fois qu’un pays membre du GATT ou de l’OMC parvient à démontrer qu’une mesure nationale est "nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes". Le rapport du groupe spécial et le rapport de l’organe d’appel sont disponibles en français sur lesite Internet de l’OMC.

Ressource québécoise

L’amiante au banc des accusés un dossier mis en ligne par Radio-Canada.

Document joint

Ministère des ressources naturelles et de la faune, http://www.mrn.gouv.qc.ca

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Sommaire de l'article

L’aléa

Le risque

La catastrophe

Auteur

 Laurent Marien

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