L'eau au Québec : une ressource abondante au coeur de l'actualité publié le 21/08/2007  - mis à jour le 25/01/2012

Il n’est sans doute pas de meilleure introduction que de rappeler que les Québécois jusqu’à ce jour ne paient pas leur eau domestique. Certes l’accès à l’eau n’est pas complètement gratuit, les Québécois s’acquittent d’un abonnement pour le raccordement à l’eau mais la quantité d’eau utilisée n’est pas facturée. Il n’y a pas de compteur qui mesure la consommation domestique de chaque ménage. De manière un peu caricaturale on peut rapproche cette situation à celle d’un forfait illimité. Pourtant il semble que la situation est remise en cause notamment par les gouvernements.

Un débat d’actualité : la tarification de l’eau !

La question de la tarification de l’eau par compteur et du partenariat public-privé est devenue particulièrement d’actualité au Québec. La politique nationale de l’eau prévoit explicitement le principe de la tarification.
Contrairement à d’autre pays, le secteur industriel n’est pas au Canada responsable de la plus grande partie de la consommation en eau potable mais bien le secteur domestique, soit la consommation des ménages, avec 52 % comme moyenne canadienne et 40 % à Québec. Montréal est un cas particulier avec une production d’eau record par personne d’environ 1287 litres par jour, contre 921 à Hamilton, 594 à Toronto et 393 à Edmonton.
Le projet québécois de tarification provoquera-t-il quelques modifications de la consommation de l’eau, alors que le coût envisagé reste bas ? Si on fixe le tarif de l’eau potable au prix coûtant au volume (production et épuration), soit environ 54 ¢/m2, il est certain qu’une facture annuelle de 50 à 60 $ ne conduira qu’une très faible partie de la population à réduire sa consommation.
Par contre, elle frappera plus durement les ménages à faible revenu sans toucher les gros consommateurs. Pour que la tarification devienne un outil de gestion de la demande, il faut que le tarif soit progressif et suffisamment important pour être dissuasif.

Les enjeux aujourd’hui : menaces du réchauffement climatique et exportation de la ressource

Un tel débat sur la tarification de l’eau ne peut être compris sans avoir en tête les enjeux soulevés. Le réchauffement climatique menace certains stocks d’eau douce, ceux des régions boréales en particulier.
Si le Canada dispose d’une gigantesque ressource en eau, la consommation est croissante et les exportations, pour l’essentiel vers les États-Unis, représentent des volumes conséquents de cette ressource, ces derniers ont en effet multiplié les achats de ressources des États-Unis au Canada ?
Parmi les ressources en eau douce, le réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent représente le cinquième des eaux douces de surface de la planète. Il occupe une place importante dans la réalité géographique et économique de huit États américains et de deux provinces canadiennes (Ontario et Québec). Pas surprenant que l’eau des Grands Lacs soit tant au cœur des discussions canado-américaines.

Certains incidents aux conséquences inquiétantes ont contribué à faire de l’eau une question d’actualité dans toutes les provinces du Canada. Ainsi au tout début de l’année 2000, les résidents de Walkerton, en Ontario, durent faire bouillir leur eau ! Plusieurs mois après la levée de cet avis des autorités, la méfiance reste profonde chez plusieurs membres de cette communauté agricole ontarienne, traumatisés par la pire épidémie de bactérie E. coli de l’histoire du Canada.
Une épidémie a tué sept personnes et en a rendu 2300 autres malades. Une enquête a démontré que la contamination de l’eau a été causée par du fumier, qui a été entrainé par de fortes pluies dans des puits de la municipalité.
En mai 2000, la Commission sur la gestion de l’eau du Québec recommandait déjà de ne pas :

  • exporter massivement d’eau par dérivation, pipeline, citernes ou autres contenants en vrac,
  • privatiser des réseaux d’aqueducs du Québec.

Par contre elle encourageait :

  • la soumission de tous les projets de captation d’eau souterraine pour l’embouteillage à une étude d’impact environnemental,
  • la réduction de la pollution agricole.

Selon cette commission, l’eau doit être considérée comme un bien collectif, et les grands utilisateurs, comme les municipalités et les industries, doivent payer des redevances à l’État.

Qu’en est-il de la ressource ?
Le littoral océanique du Canada est le plus long au monde, et près de 9 % cent de sa masse terrestre totale est recouverte d’eau douce. Ses deux millions de lacs occupent plus d’espace que ceux de n’importe quel autre pays, et ses cours d’eau évacuent chaque année 7 % de l’approvisionnement de la Terre en eau renouvelable. Le plus grand ensemble de lacs, les Grands Lacs, chevauche la frontière canado-états-unienne ; il renferme 18 % de l’eau douce lacustre du monde. La plupart des rivières canadiennes ont été formées depuis la dernière époque glaciaire. _ Presque 75 % de la masse continentale canadienne draine des eaux qui se déversent vers le nord, soit dans l’océan Arctique, soit dans les baies d’Hudson et James. La Canada dispose de 7 régions hydrographiques, le Québec en compte deux : la baie d’Hudson et l’océan atlantique (voir la carte de drainage)
Le Saint-Laurent est au 17ème rang des fleuves du monde, selon la superficie de son bassin versant, qui représente près d’un million de km².

Au Québec, le véritable enjeu est sans doute celui du traitement de l’eau

Ce n’est pas la rareté de l’eau qui est en jeu mais le coût du traitement de cette eau, auquel cas d’autres approches moins onéreuses et moins controversées existent : fonds d’investissement pour renouveler les infrastructures, comme à Montréal, campagnes de sensibilisation des citoyens, incitatifs fiscaux (comme aux États-Unis) pour l’installation de toilettes à faible débit ou d’électroménagers peu consommateurs, réglementation des usages, comme l’interdiction de l’arrosage le jour ou du lavage des trottoirs à grande eau.
On peut également installer, outre des compteurs aux entreprises, des compteurs par quartiers, permettant aux gestionnaires de la Ville de repérer les zones où la consommation résidentielle est anormalement élevée et de disposer d’outils pour mieux gérer les quantités produites. S’il s’agit plutôt de réduire la consommation excessive d’eau potable parce qu’elle coûte cher à l’ensemble de la collectivité, il faut assainir cette eau selon des normes de plus en plus sévères, la pomper à travers le réseau, puis l’épurer ; on a plutôt affaire à une question fiscale qu’à une question de préservation de la ressource.
D’ailleurs certains dénoncent déjà une privatisation de ce secteur à l’image de ce qui s’est passé assez largement en France. Pourtant le système d’affermage de l’eau potable, tel qu’il est pratiqué en France notamment, ne permet pas d’améliorer la qualité de l’eau, ni même la gestion du service : les entreprises privées refusent souvent de participer à l’investissement dans les infrastructures, qui restent à la charge des municipalités, tandis que les résidents payent leur eau plus cher dans les agglomérations desservies par le privé. L’affirmation selon laquelle la délégation de la gestion de l’eau au secteur privé accroît son efficacité est un mythe : l’absence de concurrence, une fois le contrat attribué, n’incite l’entreprise qu’à réaliser ses profits sans chercher à améliorer sa gestion : _ Frédéric Lasserre, «  Faut-il faire payer l’eau au Québec ? »
Le Devoir, Éditorial du jeudi 7 juillet 2005, p. A6

Le lancement de la Politique nationale de l’eau au Québec en 2002 a été l’aboutissement de cinq années de recherches, de consultations, de recommandations et de prises de position sur les enjeux, les orientations et les engagements à mettre en œuvre en matière de gestion de l’eau au Québec. Outre le texte intégral de la Politique, les Faits saillants de celle-ci ainsi qu’un dépliant promotionnel sont accessibles sur le site du ministère du développement durable, de l’environnement et des Parcs.
La mise en œuvre de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant constitue un engagement majeur de cette Politique.

Document joint
un document Declaration Eau Quebec 2006 (PDF de 10.6 ko)

Déclaration Eau Québec 2006.