La Francophonie : îlots ou réseau ? publié le 01/08/2007  - mis à jour le 25/06/2012

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Dans la foulée de la Révolution tranquille, la lutte pour la reconnaissance du français devient un enjeu important. Elle est au cœur du resserrement des liens avec la France et de batailles spécifiques comme celles livrées en faveur de l’enseignement en français à Saint-Léonard ou de la francisation de l’Université McGill.
C’est dans ce contexte que le gouvernement d’Union nationale de Jean-Jacques Bertrand fait adopter à l’Assemblée nationale une loi faisant la promotion de l’enseignement du français dans les écoles. Cette loi ne fait cependant pas l’unanimité. Elle provoque, avant même son adoption, plusieurs manifestations houleuses. Les francophones lui reprochent notamment de permettre aux parents anglophones de choisir l’école et la langue d’enseignement de leur choix, pour leurs enfants. La victoire électorale du Parti québécois, au soir du 15 novembre 1976, a marqué un tournant décisif dans la politique linguistique du Québec.
Héritier des réformes amorcées par la Révolution tranquille, le gouvernement de René Lévesque a poursuivi la politique de l’État interventionniste en l’appliquant au domaine de la langue. Les francophones ont salué comme un événement historique cette loi qui venait modifier complètement les règles du jeu entre l’anglais et le français. La Charte de la langue française, souvent plus connue sous son nom officieux de loi 101, a été adoptée le 26 août 1977.
A l’époque, la population québécoise était formée de 80 % de francophones, de 15 % d’anglophones et de 5 % d’allophones, il importait que le français, plutôt que l’anglais, devienne la langue commune de tous les Québécois. C’est pourquoi la majorité devait s’imposer devant les minorités, d’où le rejet du bilinguisme officiel dont l’expérience passée a démontré qu’il constituait la plus grande menace à la survie du français sur le continent nord-américain, parce qu’il entraînait la dégradation de la langue de la majorité, favorisait l’unilinguisme des anglophones et assurait la prédominance de l’anglais dans tous les secteurs.

1970, Québec,
rue Saint-Amable, (Québec),
Photo de Pierre Gignac,
Don du Collège François-Xavier-Garneau,
Fourni par Hélène Martineau,
18 x 13 cm, Pierre Gignac
© Le Québec en images, CCDMD.
Vue depuis l’axe sud-ouest,
depuis le parc de la Francophonie.

_ Cette Charte de la langue française précise que tous les enfants qui ont des parents francophones doivent aller à l’école française et ce du primaire jusqu’au Cégep. La loi 101 dit aussi que tout affichage ou communication des compagnies doivent se faire en français, que tous les services publiques doivent être en français. Cette loi affirmait que la langue de travail doit être le français et la chose la plus importante, la loi dit que la langue officiel du Québec est le français. En bref, la Charte de la langue française s’est fixé comme objectif de faire du français la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

1970, Québec, rue Saint-Amable, (Québec),
Photo de Pierre Gignac,
Don de Collège François-Xavier-Garneau,
Fourni par Hélène Martineau,
18 x 13 cm, Pierre Gignac
© Le Québec en images, CCDMD.
Vue depuis l’axe sud-ouest,
depuis le parc de la Francophonie.

Une trentaine d’années après la promulgation de la Charte de la langue française, beaucoup de chemin a été parcouru, mais la situation du français reste fragile, en butte à de nouvelles pressions. Comme l’écrit Guy Rocher : "Il est certain que le contexte de 2005 est, à plusieurs égards, bien différent de celui que l’on connaissait en 1977 (...) Mais ce nouveau contexte, plutôt que de nous rassurer sur l’avenir de la langue française au Québec, appelle l’élaboration d’une nouvelle politique linguistique adaptée aux défis et aux contraintes qui seront ceux du XXIe siècle (...)
La situation (actuelle) de la langue française au Québec exige que s’ouvre un nouveau chantier de réflexion, non pas d’abord sur une loi, mais sur la politique linguistique dont la loi sera l’expression juridique et politique." La mondialisation de l’économie, l’implantation massive des technologies de l’information, l’augmentation de l’immigration, la reconnaissance de plus en plus grande des minorités, la préoccupation des Québécois à l’égard de la qualité de leur langue, voilà autant de données nouvelles dont il faut tenir compte.

La France a également pris parfois des décisions qui tendent vers une crispation ou une défense de la langue française, selon les positions. C’est le cas de la loi Toubon qui s’appuie sur une disposition introduite en 1992 dans la Constitution : « La langue de la République est le français » (article 2). Ainsi la loi reconnaît le droit au citoyen français, pour les textes légaux, mais aussi au salarié pour tout ce qui touche au contrat de travail et au consommateur pour ce qui concerne la présentation des produits, les modes d’emploi et les garanties, de s’exprimer et de recevoir toute information utile en français.
Corrélativement, elle crée l’obligation d’une rédaction en langue française. Cette loi remplace aussi la loi no 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et des dialectes locaux, dite loi Deixonne. La loi Toubon fait également suite à la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l’emploi de la langue française.
Cependant, la loi Toubon a été fortement édulcorée à la suite d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Le Conseil a estimé que le principe de la liberté de pensée et d’expression, inscrit à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, s’opposait à ce que la loi fixe la terminologie précise à employer par les organismes de télévision ou de radio ou par des personnes privées dans l’ensemble de leurs activités. Le législateur ne peut régler le vocabulaire à employer que pour les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public.

Il semble évident dans le contexte de la mondialisation que la francophonie ne survivra qu’en réseau. Le temps de l’ilot francophone est révolu comme le montrent les multiples cas d’assimilation de communautés francophones qui n’avaient pas su s’ouvrir sur le monde et nouer des contacts solides avec d’autres régions ou groupes francophones.
Dans le même temps il est tout aussi clair que que la francophonie aujourd’hui n’a pas de dimension exclusivement culturelle, les sommets de la francophonies ou certains votes à l’ONU nous rappellent la dimension géopolitique de cette francophonie. Les enjeux sont multiples et planétaires.

On lira avec profit :
 Réflexion sur le concept de l’Amérique française, Sébastien Lancereau,
éditeur : Les cahiers du Musée de la Civilisation / Québec, 2003, 157 pages.

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Auteur

 Laurent Marien

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