Développement économique ou Révolution industrielle au Québec ? publié le 23/07/2007  - mis à jour le 21/06/2012

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Le développement canadien en perspective : deux thèses historiographiques.

La thèse laurentienne

Cette thèse très longtemps dominante reste intimement liée à la société qui l’a produite, dans les années 20-30, à la faveur de la poussée du nationalisme canadien-anglais. Elle rejette l’argument véhiculé depuis la fin du XIXe siècle, selon lequel le Canada est fragile, il est une création artificielle voire une absurdité géographique. On soutient que la vallée du Saint-Laurent fonde l’existence du Canada comme économie puis comme pays.
La thèse fait de la vallée du Saint-Laurent une sorte de système constitué autour d’un « staple », c’est-à-dire d’une ressource naturelle facilement exploitable et trouvant preneur sur le marché mondial, d’où l’importance des réseaux de transport. La bourgeoisie canadienne, essentiellement torontoise et montréalaise, est l’actrice principale.
Quand disparaît le commerce des fourrures comme activité dominante, elle se tourne vers le commerce du bois et des blés. Les centres directeurs de cette économie sont localisés sur des points stratégiques : Québec au XIXe siècle, Montréal puis Toronto imposent leur domination au XXe siècle.
Très clairement dans la perspective laurentienne, le Québec est un élément d’un système plus vaste, le développement interne du Québec est éludé.

La thèse Faucher

Faucher oppose à la thèse laurentienne une vision plus continentale qui postule le caractère déterminant de la technologie sur le développement économique. A partir de ce principe, il se forme, selon lui, des espaces économiques dont les frontières ne coïncident pas nécessairement avec celles des entités politiques, puisque la croissance ou la développement d’un espace économique donné repose en dernière analyse sur l’état de la combinaison technologie-ressources naturelles.
Les rythmes de croissance et les différenciations spatiales sont alors très largement dépendants des inégalités de répartition des ressources naturelles comme de l’évolution générale de la technologie.
Dans l’histoire économique de l’Amérique du Nord, Faucher met en évidence le déplacement du centre de gravité, des villes portuaires vers l’intérieur. L’économie commercial cède le pas. Avec l’industrialisation, fer et charbon sont déterminants et les pôles de développement se déplacent vers les régions de l’intérieur qui possèdent ces minerais.
Au début du XXe siècle, l’électricité et les nouveaux alliages permettent l’essor de nouvelles régions.
Dans cette conjoncture, le Québec, qui avant 1866, vit une ère commerciale caractérisée par la prédominance du commerce et une technologie reposant sur l’eau et le vent, ne bénéficie pas d’une forte croissance et subit même un ralentissement de sa croissance de 1866 à 1911, faute de ressource en fer et en charbon. L’année 1911 marque une ère nouvelle puisque le Québec dispose de nombreux atouts en terme d’hydro-électricité.
Avec cette thèse, Albert Faucher dépasse l’explication traditionnelle de l’infériorité économique des Canadiens français qui privilégiait les facteurs culturels. Il replace cette province dans son cadre continental nord-américain.

Les principaux éléments du développement économique

On pense spontanément à l’affirmation souvent répétée selon laquelle le développement industriel [Faucher et Lamontagne, “L’histoire du développement industriel au Québec” (1953)] de cette province a été très lent par rapport à celui d’autres régions de l’Amérique du Nord.
L’observation est exacte si l’on se réfère à la période la plus longue de notre histoire économique, celle qui va jusqu’à 1939. En un siècle, de 1839 à 1939, l’emploi dans les industries manufacturières n’a augmenté que d’un peu plus de 200,000 personnes. Mais il faut aussitôt ajouter que le Québec a vu ses effectifs industriels s’accroître d’un nombre aussi élevé durant la courte période 1939-1950.
Le rythme de la croissance industrielle, pendant ces onze dernières années, a été dix fois plus rapide qu’il l’avait été durant les cent années précédentes et plus rapide aussi que celui de la croissance industrielle dans l’ensemble du Canada.
On peut observer une forte mécanisation de l’agriculture, la montée de l’industrie laitière, le mouvement de colonisation des terres neuves, et les jonctions entre le système agro-forestier et le démarrage industriel.
Le passage de la phase I de la Révolution industrielle basée sur le fer et le charbon vers la phase II fondée sur les métaux non ferreux et l’hydro-électricité va permettre au Québec de se développer davantage et mieux. Sur le plan financier, on peut dire que le Québec dès 1850 a presque deux systèmes financiers séparés, l’un pour les francophones l’autre pour les anglophones. Les Québécois francophones ont souffert de cet accès moins facile au capital et vont mettre en place des institutions parallèles quand la petitesse de leurs banques va les rendre vulnérables.
À cette époque où Montréal est le centre commercial et financier le plus important de la colonie, un changement aussi radical modifie la stratégie économique de l’élite du monde des affaires du Canada et du Québec. La solution est de transformer le Canada en un pays industrialisé et l’Acte constitutionnel de 1867 en est l’expression politique.
Cette année-là marque le commencement de la quatrième période (1867-1945), qui se caractérise par la montée du capitalisme industriel. Le Québec, surtout la région et le port de Montréal, joue un rôle crucial dans l’industrialisation du pays. En 1900, 51 % des usines sont situées en Ontario, comparativement à 32 % au Québec. Les principales industries du Québec se trouvent dans le secteur du textile, de la chaussure, des aliments, des chemins de fer et du bois d’oeuvre.
En 1900, l’hydroélectricité est déjà la principale source d’énergie, tandis que les usines de pâtes et papier ainsi que les alumineries offrent de nombreux emplois et attirent d’importants investisseurs étrangers.
Étant donné que la majorité des nouvelles industries sont cependant concentrées en Ontario, l’essor de l’économie québécoise est beaucoup moins spectaculaire durant les années 20. Le Québec participe pleinement au développement des industries des pâtes et papiers et des métaux non ferreux, mais nullement à l’industrie automobile et très peu à celles des appareils électriques. En outre, parce que l’industrie au Québec compte une plus forte proportion d’activités à faible productivité qui ne peuvent donc payer des salaires élevés, les travailleurs de l’Ontario sont mieux payés en moyenne que ceux du Québec.

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