Le chant choral dans les collèges de l'académie de Poitiers par Philippe Bazin, IA-IPR Education musicale et chant choral. Etat des lieux 2014-2015. publié le 21/12/2014  - mis à jour le 06/01/2015

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Annexe

Note sur la prise en considération du chant choral en collège
pour l’orientation au lycée.

Les chiffres de novembre 2014 confirment les constats des années précédentes : près de 900 élèves de Troisième (dont 750 dans les collèges publics) sont choristes dans leur collège. Bon nombre d’entre eux suivent assidument cet enseignement complémentaire depuis plusieurs années.

Toutefois, les six lycées de notre académie qui offrent l’enseignement optionnel de musique en Seconde1 ne voient arriver dans ce cursus qu’à peine plus de 100 élèves chaque année. Même en incluant l’enseignement d’exploration « Arts du son », l’on dépasse de peu les 200 volontaires.

D’un point de vue strictement gestionnaire, l’efficience des moyens d’enseignement engagés est d’autant plus grande que l’on améliore le processus d’identification des élèves susceptibles de profiter de cet enseignement. En ce qui concerne le domaine de l’éducation musicale, une piste existe pour mieux conjuguer efficience du système et intérêt des élèves eux-mêmes : prendre en considération la pratique du chant choral dans le processus d’orientation.

Qui sont les élèves de Troisième qui chantent dans la chorale du collège ?

  Ils ont appris à aimer la musique.

Au-delà du plaisir qu’ils peuvent éprouver à passer davantage de temps avec un professeur que leurs camarades ne voient qu’une heure par semaine, c’est plus sûrement le goût de la musique qui les motive. Ils sacrifient à ce goût une partie de leur temps libre, souvent entre le déjeuner et les cours de l’après-midi. Ils font l’effort de l’étude et de la mémorisation d’un répertoire chanté surnuméraire, et plus complexe que celui qu’ils apprennent en cours d’éducation musicale.

  Bien souvent, ils n’ont pas d’autre enseignement optionnel.

Le temps de la répétition chorale est souvent superposé à celui des options pour « bons élèves », comme les langues anciennes ou les enseignements d’approfondissement. Donc, la majorité des élèves qui adoptent ou continuent la chorale en classe de Troisième ne sont pas inscrits dans les « parcours implicitement valorisés » du collège.

- La plupart n’ont pas le temps non plus de fréquenter les conservatoires, où d’ailleurs l’activité chorale, collective par définition, aux racines populaires, accessible par transmission orale, ne revêt pas du tout le prestige de la pratique instrumentale individuelle basée sur le déchiffrage du répertoire savant.

- Ils acquièrent cependant des compétences spécifiques, parmi lesquelles : finesse d’écoute, aptitudes vocales, sens polyphonique, capacités de mémorisation, ouverture linguistique et culturelle, goût pour la construction sur le long terme d’un projet artistique qui nécessite persévérance et sens du collectif.

Quelles devraient pouvoir être leurs perspectives après le collège ?

L’on ne souligne pas assez combien les programmes de musique du lycée ont été rénovés dans le sens d’une plus grande continuité avec le collège et d’une indépendance certaine vis-à-vis de l’habileté technique requise dans l’enseignement spécialisé des conservatoires. Un lycéen ayant un vécu d’éducation musicale renforcé par une pratique chorale assidue peut parfaitement, s’il y est encouragé, tirer profit d’un cursus musical dans le second cycle :

  en Seconde, c’est peut-être moins « d’exploration » qu’il aura besoin – il a déjà une expérience certaine en ce domaine – que d’un développement de sa pratique et de sa culture musicales, objectif de l’enseignement facultatif à 3 heures hebdomadaires ;

  en cycle terminal, ce sont aussi bien l’option musique toutes séries que l’enseignement de spécialité de série L qui peuvent contribuer à sa réussite ;

  bien entendu, le lycéen qui aime le chant choral peut en poursuivre l’étude dans le cadre du Chœur du lycée, où il sera périodiquement amené à participer à un projet en liaison avec celui de l’Université.


Et pourtant, l’on constate une discordance considérable entre le nombre des choristes de Troisième et le faible nombre de lycéens en option musique en Seconde.

Sans doute certains n’ont-ils tout simplement pas souhaité continuer. Mais :

  est-ce bien en connaissance de cause : sont-ils vraiment informés de ce que les compétences qu’ils ont développées leur permettraient de suivre cet enseignement dans un cursus indifférencié en Seconde générale ?

  un certain nombre d’entre eux n’ont-ils pas été éliminés, ou ne se sont-ils pas auto-censurés dans leurs demandes, en raison de la procédure d’affectation ?

En effet, être affecté dans un lycée qui n’est pas du secteur nécessite une dérogation qui relève de conditions très précises. L’une d’entre elles consiste à prendre en considération ce qu’on appelle les « parcours particuliers ». Dans le domaine de la musique, cela concerne essentiellement les élèves des classes à horaires aménagés (Cham), réputées élitistes.

Or, la majeure partie de ceux-ci sont déjà scolarisés dans des collèges relevant du secteur d’un lycée avec musique (Jardin des Plantes & Victor Hugo à Poitiers, Jules Verne & Guez de Balzac à Angoulême). Il n’y a jusqu’à aujourd’hui de Cham supplémentaires qu’à Lencloître pour la Vienne et au collège Félix Gaillard de Cognac pour la Charente, seuls viviers additionnels clairement identifiés pour les lycées ci-dessus.

Donc, ce « parcours particulier », qui conduit à intégrer des lycées généralement réputés, ne bénéficie en réalité qu’à un faible surcroît de collégiens déjà favorisés.

C’est donc avec le triple objectif de valoriser la pratique chorale, d’affiner le processus d’orientation et d’élargir les possibilités de recrutement en classe de Seconde que je propose d’adopter, pour l’ensemble de l’académie, la mesure suivante :

Préconisation : dans le processus d’orientation à l’issue du collège, la pratique du chant choral jusqu’à la classe de Troisième est reconnue comme l’un des « parcours particuliers » susceptibles de donner accès à l’option musique en lycée dès la classe de Seconde. Pour favoriser cette continuité de parcours scolaire tout en se prémunissant contre tout abus, une attestation du professeur d’éducation musicale et chant choral de l’établissement d’origine précise pour chaque intéressé les conditions de cette pratique : l’état des projets annuels auxquels l’élève a contribué, la nature de son engagement (registre vocal, emploi éventuel comme soliste) et ses capacités d’autonomie dans la pratique chorale (mémorisation, expériences linguistiques, déchiffrage de partitions).

(1) Cursus complet (enseignement facultatif, d’exploration et de spécialité série L) : Guez de Balzac Angoulême, Dautet La Rochelle, Cordouan Royan, Jean Macé Niort et Victor Hugo Poitiers ; facultatif seulement à Pérochon Parthenay. Deux autres lycées n’offrent que l’exploration « arts du son » en Seconde : Lisa Angoulême et Montmorillon. Paradoxe : cette « exploration » ne peut ouvrir de perspectives aux élèves que s’ils quittent l’établissement...