Apprentissage de la citoyenneté à l'école maternelle publié le 23/03/2017  - mis à jour le 24/03/2017

Image site babytwit.fr

A l’école maternelle Albert Camus de Talence, Philippe Guillem invite chaque jour ses élèves à un étonnant rituel : publier un tweet sur le réseau social Babytwit pour informer les parents de l’actualité de la classe. Par ce tweet, résultat d’un choix collectif, les élèves s’approprient le vote comme outil de prise de décision, ils font l’apprentissage du renoncement et de la primauté de l’intérêt collectif, ils apprennent à penser leur identité numérique et, par un rituel, à s’intégrer à une société.

Les messages répondent à l’éternelle et légitime demande faite par les parents d’être informés de ce qui se passe en classe. Pas toujours très facile de répondre à cette question pour des élèves de moyenne et grande section … Alors, en groupe, la classe décide d’écrire un message quotidien pour informer les parents.

Nous utilisons le réseau social Babytwit. C’est un réseau porté par l’association AbulEdu qui promeut les logiciels libres dans l’éducation. Ce réseau de microbloging semblable à Twitter dans ses fonctionnalités se veut éthique et responsable. Il n’utilise pas les données personnelles à des fins commerciales. Il est sans publicité et les données sont réellement effacées à la clôture d’un compte. C’est une façon de sensibiliser aussi les parents aux enjeux des réseaux sociaux. Les messages comptent au plus 140 caractères, ce qui est largement suffisant pour créer des phrases précises et grammaticalement élaborées

Tous les matins, 3 élèves proposent chacun leur sujet. Ces sujets sont affichés au tableau sous-forme de dessins permettant de les mémoriser. Ils choisissent généralement un événement récent, un atelier, un moment de récréation : c’est très variable, mais c’est toujours quelque chose qui les concerne de près.

Les modalités du choix de l’un de ces sujets vont évoluer tout au long de l’année. Au départ, chaque élève vient dessiner un trait au tableau sous le dessin de son sujet préféré. Le sujet qui obtient le plus de barres sera choisi. Au fil de l’année, à la faveur d’un véritable scrutin, certains élèves accompagnent leurs parents au bureau de vote. En s’appuyant sur leur témoignage, nous introduirons le vote à bulletin secret avec une urne, une liste électorale et un dépouillement public en bonne et due forme. Les élèves s’initient ainsi au vote par la pratique.

Tout au long de ce projet les élèves ont à mettre en œuvre des procédures de choix collectif. C’est un exercice difficile, car choisir, c’est aussi l’apprentissage du renoncement, la décision collective prévalant sur le choix personnel. C’est un apprentissage fondamental pour le citoyen que d’accepter l’intérêt collectif. L’exercice régulier du vote fait que les élèves intègrent véritablement le vote comme un outil de prise de décision. Le fait que ce vote soit quotidien modère les effets de frustration, car au fil des jours les élèves comprennent bien que parfois leur choix ne correspondra pas à celui du groupe, mais parfois aussi leur avis sera suivi. Cela dédramatise ce qui souvent est considéré comme « un échec ». Dans les ateliers collectifs, j’ai pu constater qu’ils utilisaient le vote spontanément pour choisir entre plusieurs propositions d’élève, preuve que cette modalité de choix a bien été intégrée.

Pour ce qui est de la construction de la citoyenneté numérique, elle passe bien évidement par l’utilisation du réseau social Babytwit, pour les élèves tout comme pour leurs parents. Lors de la rédaction des tweets, inévitablement, se posent les questions telles que : « A qui écrit-on ? Qui peut lire ce que j’ai écrit ? Qu’est-ce que je peux écrire sur le réseau ? » Les questions d’identité numérique et de « Netiquette » sont abordées à partir de cas concrets. Ces questions trouvent leurs réponses peu à peu et sont construites par les élèves. Quand un élève propose d’écrire aux parents qu’« Untel » a fait une bêtise, point besoin d’interdire. La question : « Est-ce que vous êtes sûrs que vous voulez écrie cela ? » suffit à enclencher leur réflexion. Pas besoin alors d’injonction ou d’interdiction puisque les élèves ont pensé et compris pourquoi il ne fallait pas dire cela sur le réseau. Tout cela contribue bien sûr à la construction de la citoyenneté numérique de ces tous jeunes élèves mais aussi à celle de leurs parents.

Témoignage recueilli par le Café pédagogique (23/11/16)

Le site BabyTwit