Promotion de la lecture en collège et lycée publié le 15/06/2019

Travail de réflexion des professeurs documentalistes du GTL Réseau sud Charente-maritime

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« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ... »

Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès littéraire international de 1878

I/ État des lieux

Légitimé par la circulaire de mission des professeurs-documentalistes du 30 mars 2017 dans sa troisième partie 

« Le professeur documentaliste développe une politique de lecture en relation avec les autres professeurs, en s’appuyant notamment sur sa connaissance de la littérature générale et de jeunesse. Par les différentes actions qu’il met en œuvre ainsi que par une offre riche et diversifiée de ressources tant numériques que physiques, il contribue à réduire les inégalités entre les élèves quant à l’accès à la culture. Les animations et les activités pédagogiques autour du livre doivent être encouragées et intégrées dans le cadre du volet culturel du projet d’établissement. »

L’action des professeurs-documentalistes du réseau est riche et diversifiée dans le domaine de l’accès au livre et à la lecture. Il suffit de découvrir dans l’article « Multiplier l’accès au livre au collège » ce qui se fait par exemple au collège de Mirambeau.

Chaque établissement promeut la lecture dans des actions différentes que l’on peut catégoriser ici et pour exemples

1- LES ACTIONS À L’ÉCHELLE DE L’ÉTABLISSEMENT
 Valorisation et promotion du fonds documentaire, par des bibliographies et des sélections thématiques (tous les établissements)
 Conduite d’une politique d’acquisition en faveur de la lecture adaptée aux publics (ULIS, Dys, SEGPA, allophones, 3e Prepa Pro, petits lecteurs)
 Rallyes ou défis lecture, personnel ou collectif, en classe ou entre classes (collèges de Jonzac, Montlieu-La-Garde, Gémozac, Mirambeau)
 Rencontre de libraire (lycée de Pons, collèges de Jonzac et Gémozac)
 Visite de bibliothèque ou médiathèque de la ville avec des classes (lycée de Pons, collèges de Jonzac, Montguyon, Montendre)
 Organisation d’une journée de lectures à voix haute à destination des 6e, ULIS et élèves allophones par les adultes volontaires de l’établissement en partenariat avec une libraire jeunesse itinérante et la médiathèque locale (collège de Jonzac)
 Mise en place du 1/4 d’heure de lecture (collèges d’Archiac, Montlieu-La-Garde et Gémozac)
 Mise en place de temps de calme et de lecture au CDI pour les élèves de SEGPA (collège de Montendre)
 Préparation et mise à disposition d’une valise d’ouvrages destinée à accompagner une journée sans écran (collège de Gémozac)
 Installation de coins lecture dans des salles de classe (collège de Mirambeau
 Promotion de l’investissement des élèves dans le choix des ouvrages à acquérir avec un cahier de suggestions ou autre outil (tous les établissements)
 Rédaction d’avis de lecteurs sur le portail e-sidoc (lycée de Pons)
 Organisation d’une sieste littéraire (lycée de Jonzac),
 Arpentage : lecture collaborative d’un livre (collège de Mirambeau
 Rencontre d’auteur (collège de Gémozac)
 Lecture et écriture de nouvelles avec un auteur (collège de Montguyon)
 Écriture et mise en voix d’un livre collaboratif (collège de Gémozac)
 Atelier de lecture, écriture et mise en voix de poèmes (collège de Montlieu-La-Garde)
 Présélection par des élèves d’ouvrages pour les prix littéraires locaux : prix Jean Monnet des Jeunes Européens, prix Minami manga (lycée de Pons),
 Participation d’élèves au salon du livre de Chevanceaux en tant qu’auteurs (collège de Montguyon)
 Production de book-trailer (collèges d’Archiac, Saint-Genis de Saintonge et Montguyon)
 Présentation de livres par des élèves aux élèves (collège de Jonzac).

 
2- LES ACTIONS AU NIVEAU DU RÉSEAU
 Organisation et participation au Prix Minami manga (devenu action de la DAAC Poitiers)
 Partage des « Coups de cœur » concernant des nouveautés en réunion

 
3- LES ACTIONS ACADÉMIQUES
 Participation au prix des collégiens de Charente-Maritime : lecture et rencontre d’un romancier jeunesse (collèges de Jonzac, Montendre et Archiac),
 Participation au prix Alé niveau collège (collège de Montendre)
 Participation au prix Jean Monnet des Jeunes Européens : lecture et rencontre d’un auteur (lycée de Pons
 Participation au Festival des Littératures européennes de Cognac (lycée de Pons)
 Participation au Prix BD des collégiens et des lycéens lors du Salon de la BD à Angoulême (plusieurs établissements)
 Participation au concours « Fabriquez un poème  » avec une classe (lycée de Pons)
 Participation au festival Festi’Lire de Saujon organisé dans le cadre du salon de la littérature jeunesse « Je lis mômes  » : lecture et venue d’un auteur (collège de Gémozac)

 
4- LES ACTIONS NATIONALES
 Participation au Prix des Incorruptibles (collèges de Montendre, Archiac et Montguyon),
 Participation au défi Babelio (collèges d’Archiac et de Mirambeau)
 Participation au prix Folio des lycéens (lycée Pons)

 


Pour mettre en place ces actions de promotion, les professeurs-documentalistes travaillent en partenariat régulier avec :

 la communauté éducative de l’établissement
 les médiathèques
 les libraires
 les collectivités locales
 les associations
 les médias locaux
 les autres établissements (premier et second degré)
 leur réseau et/ou d’autres réseaux de professeurs-documentalistes
 les auteurs/illustrateurs/éditeurs

Ces collaborations mettent en relief la créativité et l’imagination des professeurs-documentalistes pour attirer les élèves vers le livre et les autres supports de lecture. Ils mettent aussi en œuvre des actions plus pratiques d’aménagement d’espaces spécifiques favorables à la lecture dans une ambiance calme et confortable (fauteuils, poufs, et autres matériels), de politique d’acquisition partagée, de temps d’ouverture du CDI, de déploiement d’ouvrages en dehors du CDI, etc. Ils affinent leur politique de promotion de la lecture et des textes aussi en fonction des outils diagnostiques quantitatifs et qualitatifs d’emprunts et de fréquentation des élèves.

Le réseau sud des professeurs-documentalistes de Charente-maritime n’est donc pas en reste pour ce qui est du développement de la lecture et surtout du plaisir de lire. Alors pourquoi ces professionnels font-ils le même constat, celui d’Eric Orsenna dans l’ouvrage « Voyage au pays des bibliothèques » écrit en collaboration avec Noël Corbin, le constat de la grande difficulté de toucher les non-usagers de la bibliothèque, ceux qui pensent « la bibliothèque, ce n’est pas pour moi » (p.17 et p. 115) ? Comment attirer les élèves non lecteurs et non-usagers du livre, peu familiers (et peu à l’aise) du texte ? A la page 160 de l’ouvrage, les auteurs promeuvent la bibliothèque « hors-les-murs » pour aller à la rencontre des publics exclus ou qui s’excluent. Paradoxalement, les professeurs-documentalistes ont un public captif d’un lieu et d’un temps (surtout en collège) mais constatent que ce sont toujours les mêmes élèves qui viennent et « usent » du CDI, ceux qui fréquentent aussi la bibliothèque ou la médiathèque locales, ou qui ont des livres chez eux.

Le problème de la lecture « injonction » se pose : il faut bien constater qu’une lecture imposée (par un professeur) n’aboutit pas forcément, loin de là, à développer une appétence pour la lecture ni la conscience de ce que la lecture amène de bien-être à la personne. Au collège de Jonzac, une professeure de Lettres organise un rallye-lecture avec la professeure-documentaliste pour une classe de 6e : il s’agit de lire une trentaine d’ouvrages (récits illustrés, albums et romans jeunesse) et de remplir pour chaque lecture une fiche préparée par la professeure. Les élèves sont libres de lire ou pas. Depuis deux ans, le même bilan démontre que, malgré les encouragements des deux enseignantes, les élèves n’augmentent pas leur taux de lecture habituel : les gros lecteurs lisent tout, les lecteurs occasionnels lisent moyennement et les non-lecteurs ne lisent pas. La situation de départ (niveau d’appétence pour la lecture) n’évolue pas. De même au sein d’une classe de troisième, qui, sur décision de sa professeure de français, participe au 2e prix des Collégiens de Charente-maritime : la plupart des élèves ont lu les trois titres, mais pas tous, certains n’ont même rien lu du tout. Ceux qui ont lu ont effectué le travail demandé par la professeure sur les titres parce que c’est une classe sérieuse mais certains n’ont pas caché qu’ils n’aiment pas lire sans pouvoir toujours expliquer ce sentiment particulier. Hormis deux ou trois élèves familiers du CDI, gageons que ces élèves n’auraient pas lu dans le cadre d’une action ouverte aux seuls volontaires.

Il semble donc opportun de trouver des moyens d’approche différents des non-usagers du CDI, des non-lecteurs et de travailler sur la relation de l’élève au livre : c’est ce que les principes de la bibliothérapie, qui se développe lentement en France, pourraient aider à faire.


II/ La bibliothérapie, pour le plaisir de lire et le bien-être personnel qu’il induit

La bibliothérapie (étymologiquement « soin par le livre ») s’est développée au début du 20e siècle lorsque la bibliothécaire noire américaine Sadie Peterson Delaney arrive en Alabama en 1924 et devient responsable de la bibliothèque de l’hôpital des Anciens combattants à Tuskegee, où elle restera 34 ans (de 1924 à 1958). Elle considère et constate que le livre, le texte peuvent améliorer la santé psychologique, voire mentale, des soldats américains revenus du front de la Première guerre mondiale en Europe profondément traumatisés. Elle y développe ses méthodes pour soulager celui qui souffre en lui offrant le livre sous toutes ses formes comme « élément de distraction, d’enrichissement personnel mais aussi de restructuration de sa personnalité ».

La bibliothérapie a intéressé par la suite beaucoup de thérapeutes et professionnels du livre dans le monde anglo-saxon : des médecins ont commencé à « prescrire » des lectures comme on prescrit un remède chimique, que ce soient des ouvrages de fiction ou des livres plus pratiques sur l’estime de soi, le développement personnel ou le traitement de problèmes spécifiques comme la dépression ou les problèmes de couple, entre autres. En France, la bibliothérapie se développe à peine aujourd’hui, comme en témoignent la thèse du Docteur Pierre-André Bonnet ou des auteures comme Régine Détambel et Christilla Pellé-Douël, qui, dans leurs travaux respectifs (cf bibliographie) indiquent aussi des titres qu’ils proposent pour ce type de « soin », ce que l’on appelle dans le monde éditorial les « helpself books ». Cependant, tous s’accordent à considérer que, pour aider les jeunes à entrer en lecture et par ce biais trouver ou retrouver un bien-être psychologique, expérimenter le plaisir de lire ou se forger une culture tout simplement, la littérature, et en particulier l’édition jeunesse, sont plutôt recommandées.

Les principes de la bibliothérapie pourraient mettre les professeurs-documentalistes sur une nouvelle voie de médiation du livre, car, s’ils font déjà de la bibliothérapie sans le savoir en organisant les lieux de lecture de leur CDI ou en affinant leur politique d’acquisition en fonction de leur public par exemple, et s’il n’est évidemment pas question de « thérapie », de soin médical au sens où le docteur Pierre-André Bonnet l’explique dans sa thèse de médecine générale, ils pourraient travailler avec les élèves sur leur relation au livre, aux histoires lues ou racontées, au temps de lecture, à l’isolement qu’il implique, en bref à leur « façon d’être » vis-à-vis de la lecture, à leur « histoire avec les histoires ».

Tout reste à créer, ou presque, en matière d’outils sur ce sujet malgré les travaux déjà engagés par des collègues. On trouvera d’ailleurs sur le blog d’Aurélie Louvel, professeur-documentaliste au Havre et formatrice en Suisse, quelques outils, souvent déjà utilisés (des bibliographies spécifiques, un carnet de lecture avec ceci de particulier qu’il invite l’élève à réfléchir à ses pratiques et ses goûts de lecture). On peut voir son carnet de lecteursur le site du collège Wallon, son projet pédagogique 2018 sur calaméo et des sélections bibliographiques compilées dans le Padlet ci-dessous :

Bibliothérapie

On pourra aussi écouter une émission de radio de professeures-documentalistes « Faut-il avoir peur de la bibliothérapie ? Où elles consacrent 15 minutes à la définition du terme et à leurs actions spécifiques :

Reste à s’inspirer de leur travail et à créer nos propres outils et nos collaborations (avec l’infirmière du collège par exemple) pour faire prendre conscience aux élèves de l’apport de la lecture dans leur plaisir de vivre, et donc leur bien-être dans l’établissement, comme l’indique Eric Orsenna dans l’ouvrage sur les bibliothèques cité plus haut : « Lire, c’est vivre « (p. 35) et pour faire mentir Alberto Manguel qui dit, dans La bibliothèque, la nuit : « Les bibliothèques ne sont pas, ne seront jamais le domaine de tout le monde. En Mésopotamie comme en Grèce, à Buenos Aires comme à Toronto, partout, lecteurs et non-lecteurs ont existé côte à côte et les non-lecteurs ont toujours constitué la majorité. Que ce soit dans les salles d’études très privées de Sumer ou de l’Europe médiévale, dans la Londres populaire du XVIIIe siècle ou dans le Paris populiste du XXIe, le nombre de ceux pour qui lire des livres est essentiel est très petit. Ce qui varie, ce ne sont pas les proportions entre ces deux groupes humains, mais la façon dont les différentes sociétés considèrent le livre et l’art de lire. Et là revient en jeu la distinction entre le livre élevé sur un piédestal et le livre lu ».

Suite à cette réflexion menée cette année par les professeurs-documentalistes du réseau, des actions vont être testées dans les établissements concernés. Celles-ci seront évaluées et collectées dans le but d’être diffusées.


III/ Bibliographie et webographie

Livres

 OUAKNIN, Marc-Alain, Bibliothérapie, Editions du Seuil, Points sagesse 239, 1994
 MANGUEL Alberto, La bibliothèque, la nuit, Actes Sud/Léméac, 2006
 BONNET Pierre-André, La bibliothérapie en médecine générale, thèse présentée à l’Université de la Méditerranée, Aix-Marseille II, 2009
 DETAMBEL Régine, Les livres prennent soin de nous, Actes Sud , 2015
 PELLE-DOUËL Christilla, Ces livres qui nous font du bien, Marabout, 2017
 ORSENNA Erik et CORBIN Noël, Voyage au pays des bibliothèques, Stock, 2019
 

Articles

 NOUVEL Aurélie, « La bibliothérapie, quelles actions possibles au CDI ? », in Inter-cdi n° 260, mars-avril 2016
 « Usages des livres jeunesse » (dossier), in Cahiers pédagogiques n° 549, 2018

Sites ou pages internet

 Vidéo du lancement de la campagne nationale de promotion de la lecture :

 Journée de la lecture à voix haute en Suisse 

 Blog d’Aurélie Louvel, professeure-documentaliste

 ALPTUNA Françoise, « Une pionnière de la bibliothérapie : Sadie Peterson Delaney  », in Bulletin d’information de l’Association des bibliothécaires français, n° 181

 ALPTUNA Françoise, « Qu’est-ce que la bibliothérapie ? » Bulletin des bibliothèques de France, 1994

 
 
Les professeurs documentalistes du Réseau Sud 17