Poésie : éditions Bruno Doucey 3/3 - Récits biographiques publié le 21/03/2021

Pages : 12345

Robert Desnos

© Editions Bruno Doucey, Ombre parmi les ombres, Ysabelle Lacamp

© Editions Bruno Doucey


 Ombre parmi les ombres
Ysabelle Lacamp
Robert Desnos - 2de Guerre Mondiale - 1945 - Camp d’extermination

« Je m’étrangle, les mots, ces mots qui restituent avec violence ces images jamais racontées m’arrachent la bouche, me labourent la gorge comme une volée de pierres qu’on m’aurait forcé à avaler » p.149

La douleur physique et prégnante du poète Robert Desnos que le destin place face à ce très jeune survivant du camp de Tezerin (1945) ne parvient pas à juguler la vision nécessaire du poète qui lui seul a le pouvoir de rendre compte de la réalité. Il faut témoigner !

C’est en sollicitant les cinq sens tout au long de son récit que le poète interpelle le lecteur :

  •  « (…) un petit bruit spongieux de cuillère touillant un plat de nouilles. » p.47
  • « Et soudain, il en visualise parfaitement l’ourlet virevoltant sur les mollets ronds et dorés de celle qui deviendra sa femme... » p.35

Les descriptions sont nombreuses et régulièrement émaillées de phrases nominales : le verbe devient un intrus au pouvoir évocateur trop cru, élément syntaxique nécessaire il est régulièrement placé en position de rejet lorsqu’il s’agit de rendre compte d’actes de violence. La scène du viol (p.70) témoigne de ce parti pris. C’est par la déstructuration du langage que le poète rend compte de la folie humaine.

Ce texte ne respecte pas un ordre chronologique, on suit le récit de Desnos dont la définition de l’artiste nous est donnée page 140 : « Bien prétentieux, pauvres artistes, belles limaces, obsédés par la trace que laissera votre sillage !  ».
L’ambition de ce témoignage n’est pas tant de suivre le parcours d’un poète que de revendiquer la place de l’art dans la société :

« L’art était devenu la drogue du ghetto, la seule capable dans un moment de communion extraordinaire de nous permettre à tous de fuir l’implacable réalité » p.146

Proposé en échos avec l’oeuvre de Primo Lévi, il permet de rendre compte de manière crue et réaliste de cette industrie de la mort qu’étaient les camps d’extermination. Il s’agit cependant de veiller à accompagner cette lecture qui peut être particulièrement bouleversante.