Questions réponses sur l'usage responsable du numérique dans un cadre éducatif publié le 24/04/2014  - mis à jour le 28/05/2014

Des questions ont été posées par des enseignants et des formateurs avant et pendant la conférence débat du 2 avril 2014.

Ci-dessous les réponses apportées par Jean Duchaine1, organisées en trois rubriques.

La réflexion sur les usages du numérique à des fins pédagogiques ou éducatives doit se fonder sur la connaissance du cadre juridique, mais elle doit également se nourrir des valeurs portée par la déontologie professionnelle et d’une approche éthique, qu’elle soit individuelle ou collective. Les réponses apportées ici portent cette ambition.

Données personnelles, vie privée

DP1/ A-t-on le droit de surveiller le contenu d’une boîte mel d’élève ?

Oui et non ; tout dépend de la nature de la boîte mél et des usages qui en sont fait car dans ce cas vous mettez en tension la protection de la correspondance privée et la nécessité pour les enseignants de superviser, contrôler le travail de leurs élèves, voire d’assurer leur sécurité.
Dans le cadre pédagogique, mieux vaut utiliser une adresse de courrier électronique fournie par l’établissement ou l’académie, prévoir les usages pédagogiques (dont la surveillance des contenus) dans une charte qui fixe les règles du jeu, informe tout le monde et que chacun signe.
Si vous utilisez une adresse personnelle, il vous faudra alors disposer de l’autorisation écrite préalable des parents et/ou des jeunes concernés.

En ce qui concerne les boîtes mél des personnels, nous sommes dans le même cadre : l’usage privé d’une adresse professionnelle est possible mais le contrôle l’est également potentiellement, sauf pour les messages dont les objets sont clairement indiqués comme personnels.

DP2/ Comment gérer le problème des photos d’élèves ?

L’image des élèves, comme celle des personnels, est une donnée sensible. A ce titre, elle est particulièrement protégée par la loi Informatique et Libertés de 1978 et la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) est très engagée dans cette protection.
En principe, il n’est pas possible de capter, stocker, diffuser l’image d’autrui sans disposer d’une autorisation écrite préalable. Autorisation circonstanciée, qui indique précisément la finalité de la captation et les modalités de diffusion.
Faire une demande d’autorisation globale en début d’année est une bonne idée pour repérer les personnes qui ne veulent pas qu’on utilise leur image ou celle de leur enfant mais cela n’a aucune valeur juridique ! de la même manière, vous ne pouvez pas, par exemple réutiliser une image captée pour illustrer une sortie scolaire, pour enrichir la page d’accueil de votre ENT.

D’un point de vue plus éthique, il faut d’abord s’interroger sur la pertinence de la captation : cette photo est-elle absolument nécessaire à ce que je veux faire ou démontrer ? Est-il absolument nécessaire de la diffuser comme je le prévois ? Puis, il faut absolument s’astreindre à l’information des personnes concernées, avant la captation.
Mettez-vous simplement à la place de celles et ceux dont vous captez les images ou de leurs parents……

DP3/ Faut-il obligatoirement l’autorisation des parents pour avoir une photo d’élève dans le trombinoscope de la classe ?

Oui, sur le plan juridique, il vous faut disposer d’une autorisation écrite préalable car il s’agit d’une donnée nominative sensible. Vous pouvez, à minima, informer les élèves et les parents de votre démarche, de sa finalité, pour éventuellement faire émerger ceux qui ne seraient pas d’accord mais vous ne disposerez pas, dans ce cas, de couverture juridique. En tout état de cause, soyez très vigilant sur d’éventuelles autres finalités des images stockées : elles sont juridiquement interdites sans une nouvelle autorisation !

DP4/ Peut-on conserver au collège un historique des années passées des photos de classes (avec les noms des élèves) ?

Oui, à partir du moment où la présence sur la photo de classe ne peut pas être considérée comme obligatoire. Ceux qui sont présents, acceptent de fait que leur image soit captée et stockée.
Il serait bon de définir une durée et les conditions de la conservation (avec les noms par exemple) et de mettre à disposition des anciens élèves, autant que de nécessaire avec une indication de toutes les précautions d’usage pour éviter toute dérive et toute responsabilité du chef d’établissement sur des usages ultérieurs non maîtrisés.

DP5/ A-t-on le droit de faire apparaitre le nom de famille d’un élève sur le site web du collège (résultats du cross, rédaction d’un article, photo d’une œuvre d’élève...) ?

Oui, mais il est préférable de ne pas le faire sur un site public, de se contenter par exemple du prénom suivi de la 1ère lettre du nom. Si ça semble indispensable, il faut contacter la famille pour vérifier que cela ne pose pas de problèmes. Ne préjugez pas du fait que ça puisse poser souci à une famille ou à un élève.

DP6/ Sur une plaquette d’établissement peut-on réutiliser des photos faites dans le cadre d’une vidéo ?

D’un point de vue juridique, non. Puisque la finalité de la captation est différente, il faut disposer d’une nouvelle autorisation circonstanciée, surtout dans le cas d’une plaquette dont la diffusion sera large.

DP7/ Je filme lors d’un championnat scolaire puis-je diffuser les images en léger différé, par exemple pendant une semaine ? le temps est-il précis ?

Puisqu’il s’agit d’un évènement sportif que vous relatez au même titre que le ferait un média, vous pouvez bénéficier de l’exception pour fait d’actualité qui vous autorise à capter et à diffuser des images sans autorisations préalables. Mais il y a malgré tout quelques règles éthiques à respecter : information préalable, pas d’images qui ne soient en lien direct avec l’évènement, pas de cadrage dégradant et surtout soyez attentif à la durée de publication : le temps de l’actualité, s’il n’est pas défini précisément, n’est pas, non plus, extensible à l’envi : une à deux semaines sont raisonnables, pas deux mois. Attention également, à ne pas réutiliser ces mêmes images à d’autres fins…..


Droit d’auteur

Pour mieux cerner ce que sont les droits d’auteur et les quelques exceptions existantes, prenez le temps de regarder ces vidéos :

DA1/ Puis-je demander à des élèves qui font des images de leur lieu de stage de les partager avec moi dans l’intranet ?

Oui. Capter des images sur son lieu de stage ne pose pas de problème particulier car le propriétaire d’un bien n’est pas le propriétaire exclusif de l’image de ce bien, pour le peu que l’usage de ces images ne nuise pas à ses intérêts. En l’espèce, il faut simplement veiller à ce que la diffusion des images ne soit pas associée à des commentaires préjudiciables à l’entreprise.
Par ailleurs, si l’échange est strictement entre deux personnes, nous sommes là dans un cadre privé qui autorise l’échange d’images …et de commentaires.
S’il s’agit de diffuser sur l’intranet, plus largement, alors attention, il s’agit d’une diffusion publique !

DA2/ A qui appartiennent les notes que rédigent les étudiants d’université ?

Les notes appartiennent aux étudiants, en tant qu’ils sont auteurs de leurs créations, qu’elles soient individuelles ou de collaboration. Simplement, il convient de vérifier qu’il s’agit bien de création : une œuvre est la mise en forme originale d’une idée qui doit porter la marque de l’esprit de son auteur. Sans préjugé d’une quelconque qualité !!!!

Si les consignes d’écriture sont telles qu’elles ne laissent aucune place à l’initiative, à l’originalité de la part de l’étudiant alors il n’y pas « création » au sens juridique du terme mais ce cas de figure est extrêmement rare.

Lorsqu’une création est le fruit du travail de plusieurs étudiants, éventuellement avec l’aide d’un enseignant, alors il s’agit d’une œuvre de collaboration dont les co-auteurs détiennent les droits en indivision.

DA3/ Quels sont les droit d’auteur pour les sujets d’examens ?

Les sujets sont créés par des enseignants requis à cette fin dans le cadre de leur mission : ils sont bien « auteurs » mais dans le cadre de l’exécution de leur mission de service public, ils cèdent l’ensemble de leurs droits, sauf le droit de paternité, à l’état employeur.

DA4/ Sommes-nous autorisés a priori à utiliser les vidéos de You Tube (en vidéoprojection en classe, ou dans un autre contexte), à des fins pédagogiques ? (sans mention CC ou Public Domain, et autre que la TNT et chaines ayant passé un partenariat avec le ministère de l’Éducation Nationale.)

Non, juridiquement l’autorisation pour la projection dans l’espace public qu’est la classe d’une vidéo déposée sur Youtube n’est pas prévue dans les conditions d’utilisation et un tel usage n’entre pas dans le champ de l’exception pédagogique.
Youtube prône le principe de « l’usage loyal » qui renvoie à votre responsabilité, à votre éthique et à vos obligations déontologiques : que choisissez-vous de projeter à vos élèves ? les mettez-vous en danger ? portez-vous préjudice à l’auteur de la vidéo, le dénigrez-vous ? autant de questions auxquelles il est simple et rapide de répondre avant de choisir de projeter….

DA5/ Sur le site de la Nouvelle République par exemple la reproduction est interdite, mais est-ce que je peux le montrer en classe directement en ligne, sans aucun enregistrement ? Les mentions légales sont muettes à ce sujet

Oui, la question leur a été posée, la réponse a été rapide et favorable.


DA6/ Est-ce que je peux dessiner avec un TBI2 sur une carte Google ?

Oui en classe, c’est possible dans le cadre présenté ci-dessus d’un « usage loyal » des services Google mais si vous réutilisez la ressource ainsi créée et que vous la diffusez massivement sur internet, par exemple, faites mention du fait que vous avez utilisé un service de Google, sinon vous courez le risque que l’entreprise vous contacte pour faire valoir ses droits.

DA7/ Puis-je montrer n’importe quel site web dont aucune mention n’est affichée, est-ce que je peux par exemple afficher le site Mathovore. Le copyright en bas de page d’accueil a-t-il une signification ?

Non, d’un point de vue juridique vous ne pouvez pas. Je vous renvoie de la même manière à la notion « d’usage loyal » et sur l’estimation du risque que vous faites courir à vos élèves, à vous-même et à l’auteur de la ressource que vous souhaitez utiliser.

DA8/ Puis-je montrer une vidéo YouTube qui dispose à la fin du film d’un copyright ?

Réponse identique au cas précédent ; vous pouvez aussi essayer de joindre l’auteur qui a effectué le dépôt pour s’assurer de son autorisation et, à tout le moins, l’informer de l’usage que vous faites de sa création.

DA9/ Puis-je montrer une publicité (par exemple en langue étrangère), sans demander l’accord à la marque ?

Tout dépend du support de la publicité ; dans le cadre de l’exception pédagogique vous pouvez numériser un support écrit pour le projeter ; vous n’avez en principe juridiquement pas le droit de vidéo-projeter une page d’un site web sans autorisation (celle-ci peut être donnée explicitement dans les mentions légales du site) ;
dans le cas de la publicité, c’est moins la marque qui est concernée, sauf si vous la dénigrez, que le créateur de la publicité, sous forme papier ou sous forme de clip. Là encore, réfléchissez en terme de responsabilité, de risques et d’usage loyal.

DA10/ Puis-montrer des émissions en "replay" des chaines hertzienne depuis leurs sites officiels ou Pluzz France TV par exemple ?

La situation est identique à celle des vidéos déposées sur Youtube. Toutes ces ressources et leurs usages sont pensés pour le cercle privé pas pour une diffusion publique, même à des fins éducatives.

DA11/ Puis-je montrer une émission de la TV hertzienne mise en ligne par un inconnu (j’aurais pu l’enregistrer de chez moi, je sais que c’est légal mais c’est tellement plus pratique en ligne)

La réponse est identique à l’usage des vidéos déposées sur Youtube, donc le plus simple est effectivement d’essayer de l’enregistrer soi-même….

DA12/ Est-ce la même réponse quand il s’agit d’un film ? d’un podcast de radio ?

Oui, un film diffusé sur une chaîne hertzienne gratuite est enregistrable et utilisable en classe dans le cadre de l’exception pédagogique.

Pour une radio française on entre aussi dans le cadre de l’exception pédagogique, mais si c’est une radio étrangère il faut regarder sur le site les conditions d’utilisation. D’une manière générale, si vous intégrez un podcast dans une scénario pédagogique écrit, choisissez de mettre les liens en "embedded" (les sites fournissent en général la ligne à recopier pour cela), pour que les visiteurs sachent bien sur quel site est le podcast

DA 13/ Faire utiliser des espaces de stockage en dehors de l’établissement scolaire aux élèves : les droits d’auteurs sont-ils toujours respectés ?

En termes de droit d’auteur, réfléchissez avec vos élèves aux conditions dans lesquelles vous souhaitez, ils souhaitent partager –ou pas- leurs créations avec les internautes ; faites les analyser les conditions d’utilisation du service de dépôt utilisé.
C’est surtout la préservation de la confidentialité et de la sécurité des données personnelles qui sont à examiner de près. Quand les élèves déposent des données personnelles c’est l’hébergeur qui a la responsabilité de la préservation des contenus, votre responsabilité à vous est de vérifier ce que le prestataire fait pour préserver les données et leur confidentialité.
A cette occasion, le travail d’analyse avec les élèves des conditions d’utilisation des services, le paramétrage des clauses de confidentialité, est une démarche éducative tout à fait pertinente.


Responsabilité

Prenez le temps d’écouter ces quelques vidéos, de lire ces quelques fiches de synthèse sur la question large des responsabilités :

R1/ Qui est le responsable éditorial d’un blog pédagogique ?

La responsabilité éditoriale d’un espace d’expression appartient à celui qui en est le propriétaire.
En fait, il faut bien distinguer plusieurs types de responsabilité :
 celle qui peut découler d’un délit de piratage ou de contrefaçon : c’est l’auteur des écrits qui est le responsable
 celle qui découle de ce que nous appelons un délit de presse : injure, diffamation, propos négationnistes, racistes, antisémites…là, c’est d’abord le responsable éditorial de fait qui est le premier responsable, après vient l’auteur des propos ; dans le cas d’un blog pédagogique fourni par l’établissement, c’est d’abord le chef d’établissement, responsable éditorial de fait, qui est concerné, puis vient l’auteur lui-même ;
s’il s’agit d’un blog externe ouvert par un enseignant, le responsable éditorial sera l’enseignant.

Pour mieux connaître les délits de presse, y compris pour bien définir ce qu’est la diffamation ou l’injure, consultez le clip vidéo (responsabilité éditoriale), ou la fiche de synthèse (format pdf).

R2/ Comment rédiger la charte d’un service numérique ? (wiki, forum…)

Une charte est absolument nécessaire dès lors que vous proposez un service numérique, a fortiori quand l’établissement en propose plusieurs.
Une charte, c’est la clarification des règles du jeu : quels sont les droits et les devoirs de chaque utilisateur des services proposés, élèves, personnels, parents, sans oublier de prévoir les éventuelles sanctions au regard des manquements constatés.
Pour être officialisés et avoir une portée de « loi » pour la communauté éducative locale, la charte doit être intégrée au règlement intérieur et donc validée par le CA.
Avant cela, pour qu’elle bénéficie d’une portée maximale auprès des utilisateurs concernés, elle doit être discutée, voire produite par ces mêmes utilisateurs, en profitant des instances existantes, en collègue ou en lycée, si nécessaire à partir d’un modèle existant (sur un site institutionnel par exemple ou sur celui d’un autre établissement).
L’appropriation de la démarche, de son esprit, est toute aussi importante que la compréhension des éléments qui la constituent.
Il faut que les utilisateurs soient les agents de communication de la charte. Consultez le clip vidéo "charte internet".

R3/ Un établissement peut-il avoir un compte Facebook ou Twitter ?

Pourquoi pas mais la première question à se poser est « pour quoi faire ? », pour répondre à quelle stratégie de communication ou de stratégie pédagogique ou éducative ? et au regard de la réponse, réfléchir au choix des supports.

Ces outils peuvent être utiles à condition de les utiliser en connaissant leurs limites ; ce choix peut aussi être l’occasion de formations internes et de réflexions collectives…..

R4/ Est-il "raisonnable" d’utiliser Google Drive avec les élèves ? Si oui, sous quelles conditions ?

Là encore, tout est possible. D’une manière générale, se priver de services pertinents au regard de ses objectifs, est une erreur souvent dogmatique, les utiliser dans n’importe quelles conditions est potentiellement dangereux, pour soi, pour les élèves, voire pour l’institution que nous représentons.
Il faut donc être clair sur ses objectifs et les moyens de les atteindre, vérifier qu’il n’existe pas d’autres services qui offrent les mêmes fonctionnalités et en tout état de cause, travailler avec ses élèves la question des données à caractère personnel, des traces et du modèle économique qui fait la fortune de Google : la valorisation commerciales des données personnelles laissées, plus ou moins volontairement, plus ou moins naïvement, par les internautes.

Ignorer totalement Google et ses services serait une erreur éducative !

R5/ Puis-je utiliser la messagerie électronique professionnelle pour communiquer avec un élève ? Avec un parent ? Quid de la mention "sous couvert du chef d’établissement" ?

Oui naturellement, elle est même fait pour cela, entre autres choses ! il est vrai que le développement des échanges par messagerie vient totalement perturber la verticalité installée des échanges habituels mais il met également en valeur la responsabilité, dans le bon sens du terme, des enseignants : ces échanges doivent porter la marque de leur déontologie professionnelle et de leur éthique personnelle.

Prenez le temps de consulter ce clip sur Facebook, l’espace public et l’obligation de réserve sur le site de l’ESENESR.

R6/ Si certains de mes élèves disposent déjà d’un compte Facebook ou Twitter, ai-je le droit dans le cadre de mon activité professionnelle en dehors du lieu de la classe de communiquer avec eux ?

Oui, pourquoi pas. Tout dépend de la nature des échanges. Souvenez-vous que vous restez un fonctionnaire, en dehors même de votre temps « officiel » de travail et qu’à ce titre vous êtes tenu à une forme de devoir de réserve, vous restez un éducateur. Là encore, au-delà de votre droit fondamental à la liberté d’expression, votre déontologie et votre éthique doivent guider vos usages.
N’oubliez pas, non plus, les traces que vous laissez et l’identité numérique que vous construisez ainsi peu à peu….

R7/ Puis-je faire inscrire mes élèves à un réseau social en classe et l’utiliser avec eux en classe ? en dehors ?

Oui, pourquoi pas si cela correspond à un projet pédagogique ou éducatif. Simplement, il faut prendre quelques précautions : ne pas oublier la limite d’âge pour l’ouverture d’un compte, informer les familles, votre institution, sur la base de votre projet ; travailler avec les élèves sur l’intérêt et les limites de ces réseaux sociaux (voir plus haut), être particulièrement attentif à ce qui s’échange, ce qui se dépose, édicter avec eux une charte d’usage : profiter de votre projet pour apporter votre pierre à la construction d’internautes avertis….

R8/ A partir de quel âge puis-je laisser un élève dans ma classe naviguer seul sur son poste sur internet ? (derrière le proxy académique)

Il n’y a pas de normes. Le choix devrait s’opérer de manière collective au sein de l’équipe de l’établissement en mettant en tension la nécessité de la protection des élèves et l’objectif éducatif de développer leur autonomie ;
là encore, il faut tendre vers cet objectif en connaissance de cause, en prenant les précautions nécessaires, qui fait que rien ne pourra remettre en cause votre obligation de moyens (valable aussi pour votre chef d’établissement) : avez-vous fait tout ce que vous pouviez faire pour éviter de mettre en danger les élèves en cas de contentieux avec des parents.
Regardez ce clip sur les dangers et la protection des utilisateurs.

R9/ Faire utiliser le matériel numérique personnel (téléphones, tablettes, portables,...) des élèves dans l’enceinte de l’établissement ou dans le cadre d’une sortie pédagogique est-il sans risques pour l’enseignant et les élèves ?

Il ne faut pas raisonner en termes de risques mais de projet, de démarche plus globale. A mon sens, ce choix ne peut pas être le fait d’un seul enseignant mais d’une équipe autour d’un projet éducatif et pédagogique ; l’école ne peut pas durablement continuer à ignorer les équipements des élèves (et des enseignants d’ailleurs…). Plutôt que de tout interdire, il conviendrait de se concentrer sur les difficultés à résoudre pour faciliter l’usage de ces équipements : sécurité, interopérabilité, inéquité éventuelle…lancée dans les pays anglo-saxons sous l’acronyme BYOD (bring your own device), la réflexion naît en France depuis peu sous l’acronyme AVAN (apportez vos appareils numériques).


R10/ N’y a-t-il pas une loi qui précise que l’usage personnel de téléphones portables n’est pas autorisé dans les collèges ??

On ne peut pas totalement interdire l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires, on peut le limiter tout en conservant une part d’usage privé qui ne peut disparaître totalement. La question à se poser collectivement, y compris avec les parents, est plutôt de savoir si cette interdiction est pertinente en termes éducatifs. De mon point de vue, non car elle nie un taux d’équipement très élevé chez les élèves, des usages exponentiels, qui, du coup, sortent du champ éducatif. Ce qui ne signifie pas que la charte ne prévoie pas d’éventuelles sanctions en cas de dérives.

En tout état de cause, nous avons là un bel objet de co-éducation avec les parents, dans l’esprit prôné par la loi de 2013 de refondation de l’école de la république.

R10 suite/ Mais cela pose des soucis pour les examens ?

Oui, effectivement. En France, l’institution est pour le moment schizophrène : elle prône un développement très volontariste des usages du numérique éducatif et, dans le même temps, ne touche pas à la forme sacralisée des examens et concours, tant pour les élèves que pour les personnels d’ailleurs. Le Danemark est le premier pays d’Europe a avoir autorisé l’usage de l’internet pendant les examens, dans une logique cohérente d’éducation aux médias numériques. En France, nous cherchons le meilleur système de brouillage pour protéger les salles d’examen….

R11/ Cela ne pose-t-il pas des soucis de non filtrage du web ?

Effectivement. L’institution se doit de filtrer les accès au web qu’elle met à disposition des élèves, en particulier des plus jeunes : juridiquement elle doit assumer son obligation de moyens pour assurer la responsabilité de protection des jeunes qui lui sont confiés. Mais en même temps, la plupart de ces jeunes sont équipés de smartphone, avec clé 3 ou 4G, et qui surfent sur le net en sautant par-dessus les proxy institutionnels. L’institution aura du mal à gérer cette contradiction pendant longtemps encore (voir plus haut la réponse sur les équipements personnels).

R12/ Le site Web du collège peut-il placer dans ses articles des liens vers des sites commerciaux ?

Oui ou non, tout dépend du contexte. Le principe de neutralité est l’un des piliers de la déontologie professionnelle mais il ne doit pas s’appliquer aveuglément. Le lien peut se justifier sur le plan éducatif ou pédagogique, simplement il faut veiller à ne pas être ni dans le dénigrement de l’entreprise visée, ni dans la publicité outrancière, ni dans l’exclusivité.
N’oubliez pas, non plus, que celui qui pose le lien reste responsable des contenus vers lesquels il dirige les internautes, a fortiori ses élèves.
Par ailleurs, si le lien hypertexte est la nature même du web, la pose d’un lien profond (vers une page intérieure d’un site) répond à quelques règles à respecter (voir la page du site Legamedia sur le sujet).

R13/ Des photos placées sur le réseau afin de travailler dans le cadre d’un compte rendu de visite par exemple sont copiées (clefs usb) et réutilisées (hors collège) par des élèves. La responsabilité du professeur ou du collège est-elle engagée ?

En tant que responsable de l’activité pédagogique, vous devez poser les règles du jeu, en particulier les conditions de collecte, de partage et d’usage des photos ou images utilisées. Vous ne pouvez être responsable d’un éventuel usage déviant mais on pourrait vous reprocher, en tant qu’éducateur, de n’avoir rien fait pour prévenir cette dérive.

R14/ Quels sont les moyens légaux et pratiques dont dispose un établissement pour faire retirer des photos, vidéos... Prises dans le collège et diffusée sur Facebook par exemple ?

Vous adresser à la personne qui a déposé les images pour lui demander de les retirer, si vous parvenez à l’identifier avec l’aide du fournisseur de services ; vous adresser directement à Facebook pour faire retirer ces images pour le peu qu’elles soient problématiques : des formulaires sont prévus pour les deux niveaux d’action.

D’une manière générale, même si vous devez faire le maximum pour faire retirer des images déviantes, sachez qu’elles auront déjà largement circulé et que vous devrez organiser votre riposte » en conséquence.

La conférence sera elle-même consultable prochainement en vidéo sur le site Canopé Académie de Poitiers.

(1) chargé de cours à l’université de Poitiers et de Limoges, cours “management du numérique éducatif” dans le Master2 “Management des Organisations Scolaires”.

(2) tableau blanc interactif