Faut-il créer ses propres ressources ? publié le 03/05/2013  - mis à jour le 17/07/2018

Echanges entre enseignants sur l'usage professionnel du numérique

Doute (image Yannick Mahé)

Beaucoup d’enseignants créent eux-mêmes leurs ressources pédagogiques (cours, schémas, animations, exercices, tests…). Elles sont ainsi bien adaptées à leur mode d’enseignement, au public concerné et au contexte.
Mais créer des ressources de qualité prend souvent plus de temps que prévu.
Comment éviter d’y passer ses nuits ?
Faut-il partager ses créations, travailler à plusieurs ?
Ne vaut-il pas mieux apprendre à collecter des ressources mises à disposition par des institutions, des éditeurs ou des associations d’enseignants ?

Des enseignants expérimentés dans l’usage professionnel du numérique ont apporté leurs témoignages et conclusions les 5 et 12 décembre, lors des "Rencontres autour du numérique". Extraits :

Créer soi-même des ressources numériques, est-ce bien raisonnable ?

Marianne S, professeur de mathématiques en lycée :
 On ne devrait le faire que lorsque ça présente vraiment un intérêt. On rêve de préparer des ressources "parfaitement adaptées", mais les supports basiques sont parfois suffisants, et même décalés ils peuvent être intéressants, si on s’en sert bien... En tant qu’élève j’ai eu un professeur qui utilisait quelquefois en classe un vieux manuel. Il commentait devant nous les parties devenues obsolètes, et ce faisant il nous montrait un exemple de distance critique par rapport à un média.
Créer des exercices me parait utile. Notamment pour bien s’approprier les nouveaux programmes. Le temps de préparation est alors aussi un temps de réflexion sur ce qu’on va enseigner.
De même, manipuler des éléments interactifs est intéressant, ça permet d’appréhender des nouvelles techniques pédagogiques.

Philippe D, professeur de sciences de l’ingénieur :
 Personnellement j’utilise un manuel numérique en classe, qui représente l’essentiel du cours. Pendant la séance j’annote les pages de ce manuel avec le tableau blanc interactif et j’apporte des compléments. Au début j’enregistrais le résultat final pour le mettre à disposition des élèves, mais alors ils devenaient moins actifs. Trop d’assistance n’est pas souhaitable, je préfère qu’ils prennent des notes.

Emmanuel A, professeur d’anglais en lycée :
 En langues vivantes les inspecteurs incitent à travailler à partir de l’actualité et de matériaux "bruts", et de construire les exercices.
Les activités interactives ont fait la preuve de leur utilité, mais si on décide d’en fabriquer soi-même il faut avoir conscience du temps que ça va prendre, on a tendance à le sous estimer. Mieux vaut donc choisir un thème qui intéresse un large public et qui ne deviendra pas trop vite obsolète (éviter les élections, des phénomènes de mode éphémères...). L’investissement est plus rentable.
Mais on peut aussi trouver des activités très bien faites par exemple pour l’anglais sur le site de la BBC. Les conditions d’utilisation du site précisent qu’on peut télécharger les fichiers pour les utiliser à des fins éducatives.


Partager des ressources avec des collègues ?

Dominique B, enseignante de mathématique en collège :
 Pour ma part je partage volontiers, mais la démarche ne va pas de soi, il faut dépasser la crainte du jugement.
J’ai constaté qu’il est utile de documenter une fiche d’activités quand on la met à disposition des collègues, par des métadonnées (expliquer pour quels objectifs on l’a créée, les pré-requis et les conditions nécessaires...). Sinon il arrive qu’elle soit mal employée, notamment par les professeurs stagiaires ou débutants.

Emmanuel A, professeur d’anglais en lycée :
 Nous avons créé en 2007 une banque d’exercices interactifs en anglais : BEXI. Ces ressources classées par niveau d’étude sont toujours utilisées par des collègues, essentiellement pour la remédiation (faire retravailler sous une forme nouvelle des points précis de grammaire).
Mais se pose la question du champ lexical : faire utiliser des exercices non associés directement à une leçon peut confronter l’élève à des difficultés (vocabulaire inconnu).
On doit donc aussi apprendre aux élèves à faire face aux nouveautés (à utiliser un dictionnaire en ligne par exemple, ou le module traduction de Firefox) si on veut utiliser ces banques d’exercices.

Christophe B, animateur TICE :
 Quand on veut partager largement des ressources numériques il faut penser à prendre en compte l’interopérabilité, certains cours (construits avec un tableau blanc interactif par exemple) ne peuvent pas être réutilisés avec un logiciel facile d’accès et gratuit, en raison de leur format.

Travailler en équipe ?

Franck R, professeur en sciences de l’ingénieur :
 Nous créons des cours en commun depuis plusieurs années (au sein de l’établissement ou en réseau de 4 établissements).
Les conditions :

  • se voir au départ pour définir ensemble ce qu’on veut obtenir. Deux ou trois réunions de visu sont nécessaires au cours du processus, ne serait-ce que pour se connaître, ensuite on peut traiter chacun sa partie et continuer la concertation à distance ;
  • accepter les différences de raisonnement, se dire que plusieurs approches peuvent être valables. Ce n’est pas le plus facile, c’est un état d’esprit à acquérir.

Marianne S, enseignante de mathématique en lycée :
 Nous travaillons en équipe disciplinaire. Le plus simple me semble de se répartir les chapitres. Ensuite chacun fait sa feuille de route (sa progression) pour utiliser ces contenus.

Franck S, professeur de sciences de l’ingénieur :
 Il est difficile de travailler en grand réseau parce qu’il est compliqué de se réunir. Pour ma part je travaille avec un collègue depuis 10 ans, et nous apprécions ce travail commun. Nous avons une arborescence et une feuille de style communes.

Emmanuel A, professeur d’anglais en lycée :
 Quand nous avons créé la banque d’exercices en anglais nous étions deux à définir la structure du projet, les autres contributeurs se sont inscrits dans le cadre que nous avions organisé.

François E, professeur de philosophie en lycée et président de l’ADULLACT1 :
 Des communautés d’enseignants parviennent à réaliser des bibliothèques de ressources pédagogiques numériques, par exemple dans le projet Open Sankore. Cela commence à devenir vraiment intéressant quand la communauté est large. Il y a différentes manières de contribuer à ces projets existants : relectures, développement, mises à jour...
Dans ce type de démarche il y a une réflexion à mener sur la granularité, il faut qu’un enseignant puisse utiliser une partie de cours, un petit module (grain de formation) qu’il pourra inclure dans un scénario original.

Boris L, professeur de lettres en collège :
 Je produis des ressources avec des collègues depuis des années. Ce qui est produit collectivement est plus riche. Pour qu’un groupe produise en commun il faut une structure, un ou deux animateurs, mais aussi que chaque contributeur y trouve son compte. La question de la motivation est en soi importante et complexe.

Pierrick B, documentaliste en lycée :
 Le travail collaboratif et la mutualisation entre enseignants sont nécessaires, pour offrir une alternative aux manuels interactifs fermés.


Ressource sur Planete Sankore

Trouver des ressources sur Internet ?

Emmanuel A :
 On peut s’appuyer sur les sites de services publics, certains ont des rubriques dédiées aux enseignants, par exemple l’INSEE, la Bibliothèque nationale de France, ou France télévisions (des livrets d’accompagnement sont téléchargeables sur la partie accessible sur abonnement : lesite.tv).

Une professeur d’arts plastiques en collège :
 On peut prendre l’habitude de faire de la veille sur certains sites académiques, ce qu’ils publient est en accord avec le cadrage institutionnel.
Chacun peut suivre des sites qui lui conviennent. Pour ma discipline par exemple je consulte notamment "in situ", de l’académie de Nantes, parce que les ressources y sont décrites simplement, et l’organisation est claire.
Je contribue pour ma part à la publication sur le site académique, mais ici le niveau d’exigence est élevé, la validation parfois difficile à obtenir.

Philippe D, professeur de sciences de l’ingénieur :
 Il me parait contre productif de vouloir systématiquement faire "valider" les ressources pédagogiques produites. Les enseignants manquent souvent de matériel quand les programmes évoluent. Quand une ressource est estimée pertinente par ceux qui connaissent bien la discipline, elle devrait pouvoir être publiée rapidement. C’est l’intérêt des associations d’enseignants.
Certaines académies relaient facilement les cours partagés par des enseignants ou équipes d’enseignants, en précisant simplement la provenance. Celui qui va réutiliser cette ressource est un professionnel, à lui d’apprécier si elle est adaptée pour le niveau de ses élèves et le contexte dans lequel il travaille. S’il n’est pas sûr de sa pertinence, il peut demander conseil à des conseillers ou des collègues avertis.
Il faut aussi pouvoir utiliser une plateforme de partage ouverte et simple d’accès.

François E :
 Pour qu’on puisse facilement trouver ce qu’on recherche sur internet il faut aussi une indexation efficace, comme c’est le cas des documents mis à disposition par exemple par Sésamaths.

Michel C, conseiller pédagogique TICE 1er degré :
 Il existe des banques de donnée mise à disposition par le ministère, pour le 1er degré PrimTICE, pour le second degré edu’bases. Mais quelle que soit la pertinence des scénarios pédagogiques et la précision de leur description, il reste souvent difficile pour un enseignant de s’approprier le travail d’un collègue. C’est aussi pour cette raison que beaucoup préfèrent créer.

Pour aller plus loin :

 Trouver des ressources pédagogiques, conseils méthodologiques publiés en mars 2013 sur Eduscol.
 Travailler en équipe, théorie et pratique, guide paru en 1996 mais toujours pertinent, sur le site de l’université de Laval, Québec.

(1) Association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres pour les administrations et les collectivités territoriales.