L’éducation prioritaire : histoire, enjeux, permanences et mutations, spécificités. publié le 07/01/2016  - mis à jour le 05/11/2016

Mieux comprendre l'éducation prioritaire et son évolution depuis 1981

1) Qu’entend-on par « éducation prioritaire » ?

La politique d’éducation prioritaire est une politique territoriale et partenariale. Le fonctionnement en réseau est une manière de mettre en œuvre cette politique : travail en réseau avec les partenaires du territoire et travail en réseau avec des partenaires au-delà du territoire.

Ses principes et objectifs :

  • Réduire l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire des élèves.
  • Mettre en place pour une première fois dans l’Éducation Nationale et même dans le service public une stratégie inégalitaire employée dans un objectif d’équité.
  • Les ZEP- REP oeuvrent pour une meilleure réussite scolaire des élèves.
  • Les ZEP- REP sont des dispositifs de l’Education Nationale qui se déploient dans le cadre des missions imparties aux établissements scolaires : les exigences y sont les mêmes qu’ailleurs.

2) Permanences et mutations

Un peu d’histoire : 3 relances essentielles

  • La politique d’éducation prioritaire a été mise en place en 1981.
    La première circulaire sur l’éducation prioritaire, signée par Alain Savary paraît au Bulletin officiel de l’Education nationale du 1er juillet 1981.
  • Une première relance a eu lieu en 1990.
    Elle a clarifié le dispositif et a instauré un rythme triennal : projet, mise en place avec les moyens adéquats, évaluation. Elle crée les postes de coordonnateurs. La circulaire du 15 février 1990 inscrit le dispositif ZEP dans la politique de la ville.
  • Une deuxième relance en 1998.
    En 1997, le rapport des inspections générales mené par Catherine Moizan et Jacky Simon va ouvrir une réflexion qui se prolonge aujourd’hui : le constat que les ZEP à situation sociale équivalente n’obtiennent pas les mêmes résultats scolaires aux évaluations interroge fortement la nature des projets menés plus ou moins centrés sur les apprentissages.
    La circulaire a, en conséquence, affiné le dispositif en créant les REP (réseau d’éducation prioritaire). La circulaire du 19 juillet 1998 met en place les contrats de réussite et pôles d’excellence, souligne la nécessité d’un suivi académique et propose des indicateurs qui constitueront le tableau de bord de la ZEP tout en accentuant les liens avec la politique de la Ville.
  • Une troisième relance en 2006.
    Le second rapport des inspections générales mené par Anne Bertrand et Béatrice Gille approfondit encore la question des pratiques pédagogiques, du lien entre celles-ci et la réussite des élèves.
    Les élèves de l’éducation prioritaire présentent des difficultés que les professeurs ne comprennent pas toujours. Les enseignants ont donc besoin d’être aidés massivement et accompagnés.
    La circulaire du 30 mars 2006 présente un nouveau plan de relance et crée les réseaux Ambition réussite (RAR). 249 puis 253. Ils sont dotés de moyens supplémentaires, d’un renforcement du suivi et de l’accompagnement et pilotés au niveau national. Les autres REP et ZEP deviennent les réseaux de réussite scolaire (RRS) et sont pilotés au niveau académique.
historique EP

Ces trois relances sont justifiées.

  • Pour la première relance, un élément de réponse se trouve dans la circulaire du 7 décembre 1992 :

« L’expérience de ces dix dernières années montre cependant que ce défi peut être relevé et que les ZEP ont joué un rôle très positif (voir les rapports des inspections générales et de la direction de l’Évaluation et de la Prospective) [...] À partir de cet acquis, très largement reconnu, il faut aujourd’hui consolider la politique éducative dans les ZEP en prenant d’abord le temps et les moyens d’aller plus loin en matière d’évaluation. Il est nécessaire de mener cette année, dans chacune des ZEP, une évaluation interne et externe complémentaire de celles des Inspections générales et de la direction de l’Évaluation et de la Prospective (DEPP) »

  • Pour la deuxième relance (1998), le rapport Moisan-Simon, « résultat d’un an d’étude sur le terrain par une trentaine d’inspecteurs généraux » a apporté des informations pour adapter le système. Les circulaires de 1997 et de 1999 ont largement tenu compte de ce rapport ainsi que des rapports antérieurs de l’Inspection Générale.
  • La réforme de mars 2006, lancée par Gilles de Robien, a été mise en place en partie pour répondre aux violences urbaines d’octobre 2005. Elle s’est largement appuyée sur le rapport de Anne Armand et Béatrice Gille (déc. 2005) La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, lequel n’a été achevé et rendu public qu’en 2006. Ce rapport a sans aucun doute favorisé les interactions entre l’Ecole et la ville, notamment dans le cadre du plan Espoir banlieues.

Le système s’adapte donc en recueillant des informations à partir de rapports d’inspecteurs généraux et de publications de différentes directions du ministère, établis après enquêtes menées sur le terrain ou à partir d’informations qui "remontent" du terrain.


3) Spécificités :

Depuis sa création, les circulaires ministérielles recentrent progressivement l’éducation prioritaire autour des apprentissages fondamentaux, tout en prenant en compte l’environnement social et culturel.

L’objectif commun d’égalité des chances est souligné. Cet objectif est considéré commun dans son principe d’égalité, mais individuel dans sa réalisation et sa mesure.

Il conduit à considérer le parcours de chaque élève dans sa continuité et sa cohérence, de la maternelle à la troisième dans le cadre du réseau.

La notion de parcours individualisés est au coeur de la pratique pédagogique, notamment dans le cadre de l’éducation prioritaire.

La question dans un territoire d’éducation prioritaire n’est pas tant l’accumulation de projets mais plutôt la recherche d’une cohérence de la maternelle au collège tant au niveau des équipes que des actions menées et de leur évaluation.

L’enjeu pour un enseignant de réseau est d’appartenir tout autant à une équipe d’école qu’à une équipe de réseau.

Le premier objectif d’un enseignant dans ces secteurs est l’implication dans sa classe tout en prenant en compte l’environnement social. Plus encore plus qu’ailleurs, il est confronté à la question du sens des apprentissages. Il est donc essentiel, dans les secteurs d’éducation prioritaire plus qu’ailleurs de donner du sens à tous les apprentissages.

Pour que l’enfant et sa famille puissent construire un parcours d’apprentissage, ils ont besoin d’identifier les différents temps scolaires. Cela nécessite d’élaborer avec les partenaires de l’école une cohérence des différents temps de l’enfant. Cependant, l’enseignant reste « le pilote » de ce chemin d’apprentissage.

Par exemple, penser la planification des activités, l’explicitation de la démarche,l’adaptation des consignes en vue d’une meilleure compréhension non pas pour un abaissement du seuil de compétences mais pour une plus grande transparence en vue d’une meilleure réussite scolaire.

D’autres éléments contribuent à la réussite des élèves, en particulier le pilotage,l’accompagnement et la stabilité des équipes. La responsabilité incombe tant aux équipes d’enseignants qu’aux hiérarchies intermédiaires : inspection, direction.

4) La refondation en marche

En 2010, le programme expérimental CLAIR (collège lycée ambition innovation réussite) issu des états généraux de la violence est lancé dans 10 académies et 105 établissements mais la circulaire de 2006 reste la référence de la politique de l’Education prioritaire.

En 2011 le programme ECLAIR (Ecole Collège Lycée Ambition Innovation Réussite) étend le programme CLAIR en le faisant évoluer.
Ce programme intègre les écoles et vise à donner plus d’autonomie aux établissements et aux réseaux afin de développer l’innovation. Il crée la mission de « préfet des études », professeur coordonnateur au collège, chargé de renforcer les liens entre le pédagogique et l’éducatif ; les liens avec le 1er degré et les parents. Les ECLAIR comme les RAR sont pilotés au niveau national.

Est souligné le caractère primordial de la continuité 1er/2nd degré à travers la mise en place du socle commun et des expérimentations suivant l’article 34 de la loi d’orientation. D’autres dispositifs sont expérimentés tels les CLAIR, les internats d’excellence et les établissements de réinsertion scolaire.

2014 : refondation de l’éducation prioritaire

  • 3 axes de progrès :

Des pratiques pédagogiques adaptées aux difficultés rencontrées par les réseaux (prise en charge des difficultés dès le plus jeune âge, accompagnement et suivi renforcés pour les élèves, usage du numérique…)

Des mesures concernant les ressources humaines (du temps pour le travail en équipe, des enseignants spécifiquement formés, accompagnés et soutenus, des incitations fortes pour stabiliser les équipes…)

Une amélioration de l’animation des réseaux et du climat scolaire en éducation prioritaire (une amélioration du pilotage grâce aux projets de réseaux, des adultes supplémentaires dans les établissements pour améliorer le climat scolaire, une école ouverte aux parents, …).

  • REP et REP+

Des moyens nouveaux et importants seront affectés à l’éducation prioritaire. Ils conforteront l’ensemble des équipes des réseaux d’éducation prioritaire (REP) et permettront aux collèges et aux écoles qui rencontrent les plus importantes difficultés sociales de bénéficier de moyens renforcés (REP+).

l'indice social

Chaque réseau s’inscrivant dans cette démarche construira un projet de réseau sur la base du référentiel des meilleures pratiques et verra ses moyens spécifiquement alloués au titre de l’éducation prioritaire garantis pour une durée de 4 ans.

Après une phase de préfiguration engagée au cours de l’année 2014-2015 (102 REP+), la refondation de l’éducation prioritaire entrera en vigueur sur l’ensemble des réseaux concernés à la rentrée 2015.

Axe 1 : des élèves accompagnés dans leurs apprentissages et dans la construction de leur parcours scolaire.

  • Mesure 1. La scolarisation des moins de 3 ans dans chaque réseau
  • Mesure 2. « Plus de maîtres que de classes » dans chaque école
  • Mesure 3. Un accompagnement continu jusqu’à 16 h 30 pour les élèves de sixième
  • Mesure 4. L’extension du dispositif D’Col dans tous les collèges de l’éducation prioritaire
  • Mesure 5. Développer l’ambition et la curiosité des élèves pour les aider à construire leur parcours
  • Mesure 6. Le développement d’internats de proximité pour les collégiens

Axe 2 : des équipes éducatives formées, stables et soutenues

  • Mesure 7. Du temps pour travailler ensemble en REP+
    au collège : pondération à 1,1 (54 heures)
    en primaire : 18 demi-journées (54 heures)
  • Mesure 8. Un plan de formation continue et d’accompagnement pour l’éducation prioritaire
  • 3 jours de formation annuels garantis dans les réseaux les plus difficiles
  • des experts de terrain pour accompagner les équipes (pour Rouen en 2014- 2015, 4 formateurs déchargés à mi-temps
  • Un tutorat pour les nouveaux enseignants
  • Mesure 9. Des incitations fortes pour stabiliser les équipes
  • Une rémunération plus attractive grâce à des indemnités revalorisées
  • Un parcours en éducation prioritaire qui sera valorisé dans la carrière
  • Des affectations ciblées d’après les besoins locaux et le projet éducatif

Axe 3 : Renforcer le pilotage et l’animation des réseaux

  • Pilotage et fonctionnement du réseau : trinôme de pilotage, création des coordonnateurs de réseau, comité de pilotage
  • Évaluation : mettre en place une démarche d’auto-évaluation
  • Valorisation du travail et communication

Un référentiel pour l’éducation prioritaire : 6 priorités, 6 axes.

  • Garantir l’acquisition du « Lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun
  • Conforter une école bienveillante et exigeante
  • Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire
  • Favoriser le travail collectif de l’équipe éducative
  • Accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels
  • Renforcer le pilotage et l’animation des réseaux

Le calendrier

• Rentrée 2014. Préfiguration des mesures destinées aux REP+ sur 102 réseaux parmi les plus difficiles, dans chaque académie, choisis après dialogue avec les rectorats
• Rentrée 2015. Déploiement des mesures (REP et REP+) sur l’ensemble de l’éducation prioritaire (350 REP+ et 732 REP)
• Académie de Poitiers : 10 REP et 4 REP+
• Rentrée 2016. Poursuite du déploiement de certaines mesures

Pour en savoir plus sur les repères historiques et philosophies d’action : site du réseau-canopé consacré à l’éducation prioritaire