Décloisonner les disciplines scientifiques au lycée Victor Hugo – Poitiers publié le 01/12/2008  - mis à jour le 07/10/2011

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Madame Dairay et Monsieur Salomon (Mathématiques),
Messieurs Deboeuf et Frapin (SVT) ;
Messieurs Gratreau, Nieutin et Rousseau (PC) sont les auteurs de cet écrit

Nous constatons au niveau national que le nombre de vocations scientifiques baisse de façon dramatique, ce qui s’explique en partie par une crainte des élèves de seconde devant les exigences de la filière scientifique. Le lycée Victor Hugo mène une politique volontariste pour favoriser le passage en 1°S des élèves de seconde et en particulier des filles pour lutter contre une orientation élitiste et sexiste.
Les élèves ont tendance à cloisonner les disciplines : ainsi l’utilisation de l’outil mathématique leur semble inutile ou malvenue dans un cours de sciences expérimentales, et l’utilisation en cours de mathématiques de données de SVT ou de sciences physiques les déstabilise.
Nos objectifs pour ces séances sont de renforcer les acquis parfois fragiles des élèves, de donner du sens aux trois enseignements scientifiques, qui sont trop séparés pour nos élèves, en montrant leur complémentarité. Et ainsi de favoriser l’orientation vers un bac S et à plus long terme vers des études supérieures scientifiques.
Le caractère innovant de notre démarche est de proposer des séances co-animées par un professeur de chacune des trois disciplines concernées. La présence simultanée des trois enseignants pour travailler sur des compétences communes donnerait une image forte de la cohérence d’ensemble de l’enseignement scientifique.

Quel constat ?

Lors des rencontres disciplinaires en physique-chimie et en SVT en particulier ou lors de
discussions informelles, les enseignants parlent souvent des difficultés qu’éprouvent nos élèves lors de l’utilisation de notions simples de mathématiques. Un autre moment d’observation est l’évaluation des capacités expérimentales où les jurys font le même constat, les élèves fragiles de terminale S buttent sur des difficultés mathématiques simples (modélisation d’une droite, confusion entre fonction linéaire et affine).
Le travail récent mis en place sur l’évaluation des compétences permet de mieux appréhender les points délicats pour nos élèves et nous constatons que les compétences transversales sont souvent sources de difficultés.
Au lycée Victor Hugo, l’équipe éducative mène depuis plusieurs années déjà une politique volontariste pour favoriser le passage en première S, en particulier des filles pour lutter contre une orientation sexiste et élitiste. Les demandes des élèves et des familles sont croissantes depuis plusieurs années (150 demandes en mars 2008, 168 en mars 2007 contre 156 en mars 2006 et 138 en mars 2005). Malgré une augmentation ces dernières années, les filles sont plus timides que les garçons avec 41% de filles inscrites en seconde qui demandent une 1°S contre 51% des garçons inscrits en seconde.


Une volonté d’aider l’élève dans son projet et de favoriser les demandes pour la première S

Afin d’encourager puis d’accompagner les élèves plus fragiles en 1°S, une action de soutien est inscrite depuis plusieurs années au projet d’établissement. Ces heures de soutien sont ouvertes aux élèves qui le désirent ou qui sont désignés par l’équipe pédagogique.
A la rentrée 2007, une nouvelle forme d’accompagnement est mise en place. Cette nouvelle organisation concerne tous les niveaux. L’aide est assurée par des étudiants de l’ESIP (Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Poitiers). Un avantage lié à la présence des étudiants est de renforcer le lien entre l’enseignement supérieur scientifique et l’enseignement secondaire.
Le soutien induit des demandes d’orientation en première S et donne une « marge de
manoeuvre » aux conseils de classe car les élèves, les familles et les équipes éducatives savent que les élèves seront accompagnés et que cette aide peut permettre de résoudre des difficultés individuelles en dehors du cadre de la classe.

Une action qui s’inscrit dans le projet d’établissement

Le principal objectif de notre action est d’aider l’élève dans son projet ; il sait qu’il ne sera pas abandonné en cas de difficultés avérées, l’intérêt des séances étant d’anticiper et de remédier en amont les difficultés.
En sciences physiques l’équipe pédagogique travaille en utilisant des grilles de compétences pour
identifier clairement les difficultés et favoriser la remédiation en offrant la possibilité aux élèves de travailler en autonomie, à l’aide d’exercices mis en ligne sur le site du lycée.
L’élève va au soutien lorsque les difficultés apparaissent.
Nous avons tenté de faire disparaître les difficultés, en tout cas de les atténuer en réglant les problèmes en amont. Il est illusoire de penser que ces heures peuvent gommer toutes les difficultés mais elles peuvent les atténuer et montrer à nos élèves que les équipes pédagogiques ont un rôle d’aide et d’accompagnement : le professeur n’est pas une personne qui juge mais une personne qui accompagne l’élève et l’aide à mettre ses résultats en cohérence avec son projet.


La mise en place de la coanimation, l’élément innovant

Nous avons fait en juin 2006 une demande d’accompagnement par la MEIPPE et notre dossier a été retenu. L’élément innovant est la présence simultanée des enseignants des trois disciplines scientifiques. Cet accompagnement s’est formalisé par des réunions régulières entre les accompagnateurs MEIPPE et l’équipe éducative ainsi qu’une aide pour mener à bien notre projet (concertation, formalisation).
L’équipe éducative qui a mis en place cette action est « tridisciplinaire », mathématiques,
Science de la Vie et de la Terre et physique – chimie.
La première année, nous avions décidé d’intervenir pendant trois séquences après la « sortie » des élèves avec deux groupes de vingt élèves, soit environ 30% des passages en 1°S.
Les élèves concernés ont été choisis en conseil de classe en concertation avec les enseignants des 3 disciplines en raison de difficultés dans nos matières. Finalement ce sont 36 élèves qui ont été retenus.
Pour la deuxième année, nous avions choisi d’intervenir au cours du troisième trimestre en
regroupant les élèves ayant obtenu un avis réservé pour un passage en première S.
En 2008-2009, le créneau existe pour des élèves volontaires dès le premier trimestre. Au cours du second trimestre, les élèves seront choisis lors du conseil de classe et enfin la session du mois de juin est maintenue comme lors des deux années précédentes. Notre équipe enseignante s’est étoffée cette année. Le projet innovant qui ne concernait que 7 enseignants des disciplines scientifiques a largement trouvé sa place au lycée et a convaincu de son efficacité.


Les perspectives

Nous avons déposé une demande d’expérimentation article 34 dans le cadre d’un travail en réseau avec plusieurs lycées de l’académie pour l’année 2008/2009 car nous avons le sentiment d’aider les élèves à aborder la première S plus sereinement. Le contenu n’est pas seul responsable car nous n’avons pas étudié de choses nouvelles, il y a seulement une réactivation des contenus disciplinaires mais le regard croisé des trois disciplines permet à nos élèves de mieux faire le lien. Mais surtout, la vision des élèves change, ils sont ici plutôt en situation de réussite avec un retour sur des activités déjà abordées au cours de l’année, ils se sentent plus confiants, trouvent du sens à
l’outil mathématique pour les disciplines expérimentales.
En conclusion, nous pensons que cette expérimentation a été positive pour les élèves d’abord et pour les enseignants ensuite. Les élèves ont fait preuve d’une attitude responsable en s’engageant dans notre démarche. Certes ils étaient obligés d’assister mais ils se sont montrés volontaires et ont participé sans faire de résistance passive. Le regard envers nos 3 disciplines est aussi plus positif et peut participer à un engagement dans des études scientifiques.
Nos observations croisées des élèves et des pratiques nous ont permis d’évoluer et nous pensons en tirer des enseignements pour notre pratique quotidienne. Les échanges entre nous ont été très riches car sortis de nos champs disciplinaires respectifs.
Les collègues des autres pôles (littéraires, économiques) sont en questionnement. Que mettre en place pour favoriser la réussite de nos élèves ? Comment encourager des choix d’orientation vers nos sections ?
Il n’y a pas de guerre des filières mais un bouillonnement autour de la réussite, ce qui ne peut profiter qu’à nos élèves.

Vous pouvez lire l’intégralité de l’écrit de l’équipe.