Des couleurs aux services des compétences publié le 23/04/2018  - mis à jour le 10/02/2020

Collège Pierre Loti - Rochefort

Collège Pierre Loti

L’origine des classes couleurs

L’entrée en classe de sixième est essentielle, l’élève passe de l’école au collège, il va devoir s’adapter à des interlocuteurs divers. Le garant des savoirs devient multiple, les enseignants se trouvant à côtoyer les jeunes sur des temps discontinus qui ne leur permettent pas d’avoir une vision holistique de leurs savoir-faire ou de leurs savoir-être. De plus, les élèves qui arrivent en sixième, provenant d’horizons divers, ont des profils hétérogènes en termes de connaissances et de compétences.

Partant de ce constat les enseignants du collège Pierre Loti se sont interrogés pour penser différemment les apprentissages et les évaluations des élèves, afin d’uniformiser leurs pratiques et d’avoir une meilleure connaissance des profils pour adapter leur enseignement à chacun des élèves.
Ainsi, au collège Pierre Loti de Rochefort, l’évaluation par compétences n’a pas attendu la réforme pour voir le jour. C’est en 2015 que le projet de la classe couleur a été lancé conduisant les enseignants d’une classe de sixième à évaluer les élèves non pas à travers une note mais à travers des compétences transversales dont la validation s’effectue par le biais d’une couleur correspondant à un niveau de maîtrise.
Fort de cette réussite en 2016 c’est une deuxième classe qui a été testée, puis en 2017 c’est tout le niveau sixième qui a pu bénéficier de cette expérimentation.

Ainsi, l’idée de la classe couleur est née pour favoriser les parcours scolaires des élèves à besoins particuliers en favorisant la solidarité, l’entraide entre les élèves et l’autonomie. C’est donc la lutte pour la persévérance qui a motivé l’équipe enseignante.

Valider des compétences transversales

L’ensemble des collègues de l’équipe pédagogique s’est alors mis d’accord pour utiliser des compétences transversales leur permettant, outre l’interdisciplinarité, d’échanger sur leur mode d’évaluation. Ainsi ce sont six compétences qui ont été élaborées permettant à chacun de s’y retrouver et plus encore, aux élèves de comprendre que les mathématiques et le français, entre autres, relevaient de mécanismes intellectuels semblables.

Compétences, niveau d'acquisition et couleurs correspondantes

Partant de la définition même d’une compétence : capacité à réussir dans un domaine pratique, par ses connaissances ou son expérience, l’équipe enseignante a aussi cherché à définir des facultés liées à des savoir-être nécessaires pour une scolarité réussie.
Les compétences ainsi définies par six verbes étant reliées aux domaines du socle commun sont évaluées par des couleurs correspondantes au niveau de réussite de chacun.
Ainsi, les compétences transversales sont devenues les compétences attendues dans toutes les disciplines. Les enseignants se sont saisis différemment des outils mis à disposition mais cette palette de verbe a permis de nombreux échanges de pratiques qui étaient moins accentués auparavant.

Chacun a donc pu faire correspondre les compétences disciplinaires aux grandes compétences mises en place. Ce qui a conduit à des bilans par domaine plus lisibles et plus significatifs pour les élèves et leurs parents.

Exemple d'un bulletin de compétences

Vers la réforme du collège

L’arrivée de la réforme a presque été facteur de ralentissement pour une équipe pédagogique déjà engagée sur l’évaluation par compétences et qui ne se retrouvait pas dans les compétences imposées par les textes. Cependant, les enseignants ont su rebondir et faire correspondre leur propre système au système plus complexe et moins lisible imposé par les textes officiels.

Bilan de compétences par domaine du socle

Observer pour mieux créer

Ce projet a été nourri par de nombreuses rencontres avec d’autres établissements scolaires déjà accoutumés à l’évaluation par compétences comme le Collège Albert Camus (La Rochelle), le Collège Agrippa d’Aubigné (Saintes) ou encore le Collège Gérard Philippe (Niort).
Ces visites ont enrichi la réflexion pour mettre du sens dans les cases à cocher, pour mieux comprendre les gestes intellectuels, les comportements à évaluer et sortir du carcan de la notation chiffrée.

Outre ces immersions, l’équipe pédagogique a aussi pu se réunir avec des intervenants du Cardie, notamment Cécile Zielgler du collège Gérard Philippe de Niort afin d’appréhender des approches pédagogiques différentes et de se familiariser avec ce nouveau mode d’évaluation.

Enfin, une demi-journée en fin d’année a permis à l’équipe de faire le point sur ce qui fonctionnait et sur ce qui nécessitait des ajustements.
Une réflexion importante a été menée quant aux outils à utiliser pour rendre compte de ce mode d’évaluation, c’est pourquoi l’application pédagogique Gingko a été choisie dans un premier temps sur le conseil du Collège Agrippa D’Aubigné, pour laisser ensuite la place à Pronote.

Gérer l’hétérogénéité sans stigmatiser

Évaluer de cette manière a engendré une bienveillance accentuée du fait d’un meilleur accompagnement des élèves grâce aux fiches de suivi rédigées par les professeurs principaux et de la multiplication des échanges entre les collègues.
Les élèves ayant des difficultés ont alors pu prendre davantage confiance en eux, se sentant capable de réussir des choses, soulagés de n’être pas réduit à une note à un ou deux chiffres. Ils sont désormais conscients « d’être capables de  » et que ces savoir-faire ne se limitent pas à une donnée chiffrée.

Les élèves très scolaires quant à eux, ont déploré dans un premier temps ce système. Mais lorsqu’on les interroge sur leur ressenti, avec le recul ils regrettent, lorsqu’ils sont en cinquième, que les compétences soient moins mises en valeur.
Tous sont unanimes pour réclamer une double notation qui leur permettrait à la fois de se situer dans le groupe classe par le biais des notes mais aussi de se situer en tant qu’individu à part entière par le biais des compétences.

On observe après trois années que la solidarité est plus importante dans les classes où l’évaluation se fait par compétences. D’une part car le travail en groupe est plus important, d’autre part car les élèves sont plus solidaires les uns des autres puisqu’ils peuvent identifier les gestes intellectuels défaillants chez certains et réussis pour d’autres. La remédiation et l’entraide deviennent plus naturelles, rationnalisées par l’identification des capacités et des faiblesses de chacun.

Dès lors l’entrée en sixième est facilitée, accompagnée par une vie de classe qui se déroule chaque semaine et qui permet un véritable dialogue entre les jeunes. Le développement de la communication non violente et les sciences cognitives ne sont pas étrangères à ce changement.
Autant d’effets qui ont permis à chacun d’accroître l’estime de soi par le biais d’une plus grande maîtrise de sa progression.

A chaque séance, chacun est à même de comprendre ce qu’on lui propose d’apprendre, ce qu’on attend de lui, ce qu’il doit mettre en œuvre pour y arriver et le niveau de réussite qu’il a atteint.
De ce fait, il connaît les points précis sur lesquels il doit concentrer son travail pour progresser, voire se dépasser. Il est donc à même de saisir ce qu’il a réussi et ce sur quoi il doit travailler pour mieux réussir.

Chacun trouve sa place, se voit confier des tâches qui lui correspondent et est à même de définir la façon dont il va résoudre les problèmes qu’il rencontre.

Les classes couleurs au CLG Pierre Loti de Rochefort

Jongler avec les couleurs pour mieux accompagner

Les parents quant à eux sont eux aussi intervenus dans la diffusion de cette innovation en venant en début d’année présenter les bienfaits et le fonctionnement de l’évaluation par compétences.
Car ce n’est pas seulement le mode d’évaluation qui a changé mais aussi le rapport aux parents. En effet, ils sont désormais beaucoup plus impliqués dans la scolarité de leurs enfants notamment par le biais des aménagements plus nombreux pour ceux qui en ont le plus besoin.
Les parents sont donc reçus avant le mois d’octobre afin d’établir les contrats et les aménagements nécessaires à leur enfant selon les difficultés qu’il rencontre par l’entremise du PPRE (Plan Personnel de Réussite Educative) entre autres.
Un point est fait chaque mois qui permet les remédiations nécessaires pour mettre en place les outils qui accompagneront leurs enfants vers la réussite.

C’est ce regard croisé de toutes les disciplines qui permet à l’équipe pédagogique de communiquer de façon plus précise avec les familles quant à la progression de chaque élève.

Désormais, l’erreur devient aussi importante que la réussite. Ainsi le fait d’errer ça et là, de se tromper n’est plus montré du doigt mais bien valorisé comme point de départ de la progression de chaque jeune.

Ce sont les erreurs individuelles qui permettent la pédagogie différenciée et les erreurs collectives qui permettent la remise en cause d’une méthode pédagogique associée à une notion précise. L’erreur devient un élément du processus didactique. Ce ne sont donc pas seulement les apprentissages qui sont interrogés mais aussi les méthodes.

Si Marion Grifouillère, l’enseignante d’arts plastiques parle avec bienveillance des classes couleurs c’est sans aucun doute parce que les couleurs réunies bien que différentes parviennent à créer une unité, celle de la salle de classe où les apprentissages différenciés s’adaptent à chacun pour qu’ensemble ils avancent à l’unisson.