L’Ecole Bongraine, un écosystème au service des enfants publié le 02/03/2018  - mis à jour le 03/03/2018

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La violence est ce qui pousse les individus à agir avec force, à ignorer les lois par le biais de paroles ou d’actes qui contraignent les autres et qui amènent au non respect de ce qu’ils sont.

C’est justement à l’école que les enfants apprennent à contrôler cette violence, à respecter les autres. Mais pour ce faire, c’est l’ensemble de la communauté éducative qui doit agir pour la sauvegarde d’un climat scolaire propice aux apprentissages et vecteur de bien être.
Imposer de l’extérieur des règles supplémentaires, développer des actions pour punir ce n’est pas construire la citoyenneté de demain mais au contraire prendre le risque de renforcer la colère, car dès lors les enfants restent témoins, spectateurs de règles et de codes qu’ils ne s’approprient pas.
Pour ne pas tomber dans cet écueil et pour faire face à une violence grandissante, l’équipe pédagogique de l’Ecole Bongraine de la Rochelle, a eu l’idée de mettre les enfants au cœur de l’action.

Apprendre pour communiquer

Pour ce faire, les enseignants ont cherché à mobiliser les élèves afin qu’ils prennent eux mêmes en charge la régulation des récréations. L’idée qui a émergé, a été d’apprendre aux élèves à devenir des « Gilets Jaunes », autrement dit des médiateurs en charge d’observer, d’écouter et d’apaiser les conflits qui pouvaient apparaître.

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Les élèves ne sont pas livrés à eux mêmes, seuls face aux problèmes qui peuvent émerger en récréation. Ils sont formés et peuvent avoir recours aux enseignants pour les accompagner dans leurs missions.
C’est par l’Éducation Civique et Morale que les futurs « Gilets Jaunes » sont formés. On apprend aux élèves de CM2 et quelques CM1 à énoncer des messages clairs, à travailler sur les émotions et à les verbaliser, à exprimer un besoin et à s’assurer que l’autre, a bien compris.

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Ainsi, chaque semaine on tourne la roue des volontaires, deux élèves sont choisis au hasard, ils seront les « Gilets Jaunes » durant une semaine et prendront en main la récréation pour en faire un moment d’échanges, un lieu hétérotopique où chacun peut vivre dans le respect de l’autre.

Bongraine le message clair

L’École Bongraine, un écosystème au service des enfants.

Ces formations ont donné lieu à la réalisation d’une campagne de sensibilisation avec des affiches qui ont été plébiscitées par l’OCCE et qui ont fait l’objet d’une exposition à l’Oratoire de la Rochelle. Ce travail sur la violence à l’école et la gestion des conflits a circulé dans de nombreuses écoles ce qui a permis aux élèves de partager avec d’autres leur vécu, leur ressenti et la façon dont ils avaient fait face à ce défi.
Certes, la présence des « Gilets Jaunes » par la médiation de la parole a permis d’apaiser les récréations, mais ne permettait pas de créer du lien, de co-construire ensemble pour mieux se retrouver.
Il fallait, en effet, permettre aux enfants de transférer leur attention vers un objet d’étude les amenant à interagir ensemble.
Une autre étape restait donc à construire, celle de l’aventure collective.


Apprendre pour agir

Les familles ont donc été invitées à rencontrer l’équipe pédagogique pour chercher ensemble les centres d’intérêt de leurs enfants.
Très rapidement et sans aucun doute, les sciences et l’observation de la nature ont été plébiscitées. En effet, chaque enfant aime observer les insectes, les oiseaux et est préoccupé de l’avenir de la planète, soucieux de son environnement.
C’est de là qu’est née l’idée de sensibiliser les enfants à l’observation des oiseaux par le biais de perchoirs et grâce à l’installation de plateaux d’argile permettant de récupérer des traces. Autant de matériels de surveillance mis en place avec les enfants et grâce aux partenariats avec la Ligue de Protection des Oiseaux et avec le Relais nature de la Moulinette qui prend en charge l’entretien de ces structures. Mais le rôle du relais nature de la Moulinette ne s’arrête pas là, puisqu’il organise aussi des sorties afin d’observer des espèces locales comme les hérissons, les mésanges, les crapauds, les chauves souris, les écureuils afin d’en assurer la protection et de leur offrir des espaces pour se reposer, se nourrir ou nicher.

insectes

Au-delà de ces observations extérieures, les enseignants souhaitaient aussi que les élèves soient attentifs à leurs propres conditions de vie à l’intérieur de l’école en étudiant la qualité de l’air intérieur notamment par le biais de relevés. Cette dernière initiative s’est faite par le biais de Céline Berthier, chargée de mission à la mairie de la Rochelle pour Climact.
L’équipe pédagogique a aussi impulsé l’idée d’une mare pédagogique, d’un carré de potager et la récupération des eaux de pluie, autant de projets pour permettre aux enfants d’échanger, de porter leur attention sur ce qui les rapproche plutôt que sur ce qui les divise.
Désormais, les apprentissages ne s’arrêtent plus à la porte de la classe mais prennent le pas sur les autres espaces collectifs.
C’est ainsi que le réfectoire a lui aussi fait l’objet de toutes les attentions à travers la mise en place d’un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire. Chaque jour, un responsable de table pèse les déchets alimentaires et depuis le 16 Janvier 2018 le pain restant est redistribué au centre social pour le goûter des enfants qui s’y rendent.
Outre ces actes quotidiens, en classe sont présentés deux à trois fois par semaines des fruits et des légumes sur lesquels les enfants font des recherches.
Les savoirs se glissent donc dans ces espaces partagés avec la collaboration de l‘équipe de cuisine qui rééquilibre ainsi ses commandes avec la mairie et qui élabore désormais les menus avec les enfants.
L’ensemble de ces actions s’inscrivent donc dans le présent et permettent de véritables solutions pour lutter contre la violence, pour rassembler les enfants et l’ensemble de la communauté éducative autour d’un projet commun. Au delà c’est une dynamique qui est désormais créé et qui ne va pas s’arrêter en si bon chemin !

Apprendre pour se projeter

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En effet, les projets d’avenir sont nombreux !
Ainsi, les élèves et les enseignants ont commencé à réfléchir à la façon dont ils pourraient transformer les déchets. Le poulailler s’est alors révélé une solution qui permettrait de faire disparaître les déchets restants mais qui serait, aussi, l’occasion d’observer ces animaux et de récolter les œufs pondus tout en nouant un partenariat avec le parc animalier de la Rochelle afin qu’il prenne soin des animaux durant les vacances scolaires. A l’état de projet, cette solution sera demain une réalité.
Tout comme le composteur qui permettra d’enrichir la terre du potager à long terme.

Car, demain, l’ensemble de ces dispositifs pourrait conduire l’école Bongraine à obtenir le label Eco-école. Ce serait une reconnaissance officielle pour les élèves qui, chaque jour, veillent à l’économie d’énergie par des gestes simples et de grands projets.

Demain, par l’entremise de leur partenariat avec la Ligue de protection des Oiseaux, l’école Bongraine sera un refuge pour oiseaux et un lieu d’observations des espèces locales par l’entremise des nichoirs, des traces et de la mare pédagogique.
C’est en effet cette dernière qui suscite le plus d’impatience, prévue pour le mois d’Avril, elle s’intègre parfaitement au dispositif de la Trame Verte Bleu mis en place par la ville de la Rochelle et qui vise à préserver la biodiversité à travers l’observation de la faune et de la flore des parcs, jardins, haies (Verte) et le long des mares et fossés (Bleue).


Apprendre pour partager

A l’origine de cette mobilisation, les familles contribuent activement à ces projets. Elle amèneront des plantes pour s’approprier à leur tour la mare pédagogique et assisteront à son inauguration. Une implication qui permettra de valoriser le travail des élèves qui seront impliqués dans la fabrication de cette mare.

En effet, l’entreprise choisie par l’école n’a pas été prise au hasard, il s’agit « Des filles du vent » qui a pour objectif le développement de la biodiversité dans les points d’eau. Biodiversité qui sera d’autant plus riche qu’à côté de la mare se trouvera une friche fleurie favorisant la flore. Initiative soutenue par l’association Nature environnement 17 qui intervient aussi auprès des élèves.

Car pour étudier des écosystèmes, le parti pris de l’école est d’élaborer un écosystème local dans lequel chacun à sa place, chacun apporte les éléments nécessaires pour que les enfants apprennent et grandissent.

C’est dans ce cadre, que douze étudiants de l’IUT génie civil de l’université de la Rochelle interviennent dans les classes en vue de travailler sur la construction d’une maison écologique au sein de l’établissement. Une maison respectueuse de l’environnement avec des panneaux solaires, des systèmes de récupération des eaux de pluie et d’isolation. Cette collaboration a été possible grâce à l’accompagnement en sciences et technologies de l’école primaire qui a mis en place au niveau national ces partenariats.
Mais ce partage n’est possible que grâce à la coopération.

Apprendre pour coopérer

Coopérer c’est prendre part, contribuer, participer à un projet commun. Or, l’ensemble de ces actions ont amené l’équipe pédagogique à multiplier ses échanges, à se dépasser, à augmenter son inventivité pour fédérer toujours davantage les élèves.
C’est ainsi que les enseignants ont décloisonné leur classe en échangeant les niveaux afin que les enfants puissent aller à la rencontre de l‘altérité.

De plus, dans le cadre des activités pédagogiques complémentaires, les élèves sont mélangés pour dépasser leur niveau de classe et apprendre à mieux se connaître.
Ce mélange est renforcé par le fait que les élèves volontaires de CM2 sont tuteurs des CP. Dès lors, ils se doivent de les guider, de les recentrer, de les accompagner dans leur nouvelle aventure : l’école primaire.

Cet accompagnement se traduit par du temps passé ensemble, lors des récréations, lors des repas afin que les plus petits acquièrent progressivement l’autonomie voulue. Cette solidarité a même été jusqu’à la mise en place de jeux tels que l’épervier, la balle assise ou le ballon prisonnier, permettant de faire des récréations certes un moment de détente mais aussi un lieu d’échanges, un espace dans lequel la culture de l’école peut se construire. Ces jeux ont émergé durant le conseil des enfants.

En effet, la coopération n’est pas innée, elle nécessite des temps de réflexion, des temps pour co-constuire le vivre ensemble. Le conseil des enfants qui réuni deux enfants de chaque classe permet d’aborder outre les questions de l’environnement, toutes les idées visant à améliorer le climat scolaire et le partage.
Partage qui ne s’effectue pas seulement entre les élèves de l’école primaire, mais dépasse les murs pour faire de l’école un lieu de tous les possibles, notamment pour les enfants des classes maternelles qui sont invités à partager plusieurs temps avec leurs aînés dans le cadre d’actions en classe, de lectures à voix haute, de pique-nique ou d’événements festifs tel que le Carnaval.

Les échanges inter-niveaux vont plus loin ! Ainsi, les élèves de CM2, qui se préparent à intégrer le collège, vont à la rencontre des collégiens :

  • pour les sensibiliser aux enjeux de l’alimentation lorsqu’ils partagent ensemble un petit déjeuner,
  • pour partager leur préoccupations quant à l’environnement grâce à des sorties pédagogiques par le biais du navire océanographiques l’Estran de l’université de la Rochelle,
  • pour participer à des projets pédagogiques comme la réalisation d’une illustration pour la voile de la navigatrice Nolwenn Cazé ou encore l’élaboration d’un livret de survie avec les sixièmes.

Autant de temps d’échanges visant à multiplier les rencontres pour que les enfants s’approprient le collège comme étant un nouvel espace de vie et d’apprentissage qui leur appartient.

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C’est avec les mots que la violence peut disparaître, c’est par la médiation, que les élèves sortent de leur zone de confort pour être à l’écoute, comprendre et respecter leurs pairs. Le message clair a donc changé leur perception, leurs rapports aux autres.
Au delà de l’apaisement des récréations, l’école Bongraine a réussi le pari d’innover en créant un écosystème complexe à travers lequel les enfants s’approprient leur école, leur quartier, leur planète pour en faire un lieu d’échange, de réciprocité et d’entraide. C’est autour des tables du réfectoire qu’ils échangent entre eux et désormais avec tout le personnel, c’est lors de la préparation des conseils de classe qu’ils s’expriment librement en étant soucieux du bien vivre ensemble.

Ils deviennent attentifs aux autres et à tout ce qui les entoure. L’environnement les amène à se décentrer, à voir au-delà d’eux mêmes, de leurs pairs, de leur quartier et à prendre conscience de leur citoyenneté, de leur force d’action, de leur conscience collective.
Nous pouvons dire que l’École Bongraine, comme le colibri, fait bien plus que sa part !