Biennale de l’Éducation Nouvelle 2017 publié le 04/12/2017  - mis à jour le 05/12/2017

Echanger pour co-éduquer et innover

biennale

Du 2 au 5 Novembre 2017 se tenait à Poitiers La Biennale de l’Éducation Nouvelle qui regroupait 250 participants venus du GEFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle) de la FESPI (Fédération des Établissement scolaires publics innovants), des CRAPS-Cahiers Pédagogiques, de l’ICEM (Institut Coopératif de l’école Moderne Pédagogie Freinet), des CEMEA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active) ou encore de la FICEMEA (Fédération internationale des CEMEA).
Ces six mouvements d’éducation pédagogique et d’éducation populaire ont cherché à travers ces rencontres, à partager les fondamentaux de l’Éducation nouvelle et leurs pratiques, autrement dit, à réfléchir ensemble pour agir et à analyser leurs actions pour se projeter dans l’avenir, telle était l’optique des ateliers, conférences et débats proposés sur ces journées.

Des valeurs pour se définir

Mais qu’entend-t-on par Éducation nouvelle ? C’est un mouvement d’éducation qui affirme le primat de la bienveillance, de l’écoute, de la co-construction au service des jeunes pour les conduire à être citoyen au cœur de la cité et aptes à la réflexivité.
C’est aussi dans ce sens que cet événement a reçu le prix de l’association des amis de Jean Zay. Ce prix récompense une personne ou une organisation qui par son activité professionnelle et pratique et par la nouveauté de ses idées en matière de pédagogie aura rendu des services signalés à l’Éducation, à la culture et à ce qu’il est convenu d’appeler l’Éducation populaire.

L’histoire pour nous éclairer

La conférence de l’historien Claude Lelièvre illustre parfaitement le primat de ces fondamentaux dans l’éducation telle qu’elle a été conçue par la IIIème République.
Ce sont ces fondamentaux qu’on retrouve chez Jules Ferry dans son discours sur l’Éducation Nouvelle en 1880. Il nous rappelle les origines de l’éducation et nous amène à nous réapproprier ces valeurs à l’aune du siècle qui nous occupe.

Ainsi, Jules ferry suggère qu’il faut changer l’esprit de l’enseignement contre la mécanique de l‘esprit. Il souhaite que les éducateurs amènent à trouver la règle plutôt qu’à l‘apprendre. Il prône le développement de la spontanéité de l’enfant plutôt que son enfermement. Pour lui, le professeur doit entrer en communication intime et constante avec l’élève.
Dès lors il ne s’agit en aucun cas de hiérarchiser les enseignements, car ce sont l’ensemble des enseignements même ceux dits « accessoires » comme la cuisine, le sport qui rendent l’école libérale. C’est cette école libérale qui permet à l’homme de se révéler à lui même par le biais de la réflexivité individuelle et collective.

Dans sa lettre adressée au directeur de l’enseignement supérieur, en 1887, il persiste dans son analyse en affirmant que les programmes ne valent que par la méthode d’enseignement et il rappelle qu’à des méthodes nouvelles il faut des maîtres nouveaux.

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Faisant suite à Jules Ferry, le mouvement de la New School en Angleterre met en avant le fait que l’enfant doit relever par lui même les défis de l’existence. C’est aussi ce que défendra Adolphe Ferrière qui diffusera les 30 règles de l’Éducation Nouvelle en 1915.
Nous n’inventons rien mais nous transformons sans cesse des générations afin de les humaniser car comme le disais Erasme, « on ne naît pas homme on le devient ».

Des ateliers pour échanger

Au delà de cet éclairage historique, les ateliers ont, quant à eux, permis de nombreux échanges sur des thèmes aussi différents que la place de la recherche dans l’enseignement, l’éducation inclusive, la coopération en mathématiques ou en histoire, l’autonomie des jeunes, l’accompagnement des équipes, la pédagogie de projet, les jeux en classe… autant d’ateliers qui ont permis les échanges de pratiques et la circulation des idées.

Nous citerons en exemple l’atelier sur les Future Classroom Lab du LP2I présentant la façon dont l’ergonomie du lieu de travail des élèves peut faciliter les échanges au sein des groupes, l’élaboration d’un projet et sa réalisation.
Outre le mobilier adapté, c’est aussi la manière dont la séance va se dérouler qui est déterminante, amenant chaque groupe à fixer ses objectifs et à définir les moyens à mettre en place pour finaliser sa production.
La modification des espaces amène au développement du co-working facilitant l’émergence des compétences du XXIème siècle.

L’atelier autour des liens avec la recherche a, quant à lui, surtout soulevé des questions quant à la façon d’entrer en contact avec les chercheurs, la mise en place des recherches-actions, la manière dont on peut s’emparer des recherches, les lieux de rencontres entre chercheurs et acteurs de terrain.
La question de la recherche ne s’arrête pas aux méthodes mais aussi aux contenus disciplinaires. Le rôle de la recherche serait dès lors de nous amener vers la complexité pour que les praticiens se nourrissent de ce qui peut être réfléchi par ailleurs et questionnent à nouveau les formes de savoir qu’ils véhiculent.
De la même manière, la recherche de part l’observation des pratiques de terrain peut réinterroger ses protocoles et ses hypothèses.

Un des points soulevés par les intervenants a été le manque d’espaces d’échanges et de dialogues entre chercheurs et acteurs de terrain.


Des tables rondes pour réfléchir

Outre les ateliers, la biennale a aussi été l’occasion de tables rondes réunissant différents intervenants pour échanger sur : savoir et émancipation, création et/ou culture, éducation nouvelle et formation ou encore éducation nouvelle et innovation.

Arrêtons-nous sur ce dernier thème, éducation nouvelle et innovation.
Catherine Hurtig-Delattre, militante à l’ICEM, Maria Alice Medioni docteur en sciences de l’éducation et Yves Reuter professeurs des universités à Lille 3 ont souligné l’importance de la relativité de l’innovation qui n’existe que dans un milieu donné, un territoire et pour une équipe pédagogique ou un individu en particulier. Autrement dit, innover peut se décliner à l’échelle d’un pays, d’une région, d’une institution, d’un individu. Mais à aucun moment il n’est question de hiérarchiser les innovations, tel n’est pas le propos et une telle approche serait contre productive.

Nous empruntons tous à des mouvements, à des penseurs, à d’autres expériences, mais c’est la façon dont nous nous approprions ces éléments, la façon dont nous allons les mettre en œuvre qui est essentielle.
L’innovation doit demeurer un objet de désir, une aventure qui implique une prise de risque facteur de créativité. Son caractère est certes paradoxal, mais c’est de ce paradoxe que naissent les véritables innovations.
Ce qui importe c’est qu’il n’y ait pas de récupération institutionnelle mais bien un échange entre les différents pionniers pédagogiques les uns se nourrissant des autres. Le point d’orgue de ces échanges étant le mouvement perpétuel, l’abolition des pratiques figées.

Dans une perspective holistique, l’innovation doit donc être pensée de façon pluridimensionnelle :

  • dans sa dimension interne, à travers la coopération entre adultes ;
  • dans sa dimension externe par les apports des chercheurs et des lectures que l’on peut faire ;
  • dans sa dimension technologique par l’intégration et l’interrogation des nouvelles technologies ;
  • dans sa dimension scientifique grâce au retour des actions-recherches dans les domaines scientifiques notamment les neurosciences ;
  • dans sa dimension sociale en questionnant la façon dont on véhicule des changements de société ;
  • dans sa dimension internationale par les apports des différentes formes d’éducation de part le monde.

Ce qui motive à innover c’est le désir profond d’améliorer la société en prenant le pari de l’éducabiltié pour tous par la coopération, le respect de l’élève et de sa famille, par la prise en considération de l’élève, de ses questions, de ses pratiques et de ses représentations pour qu’il puisse faire vivre à son tour la démocratie.

Dès lors, l’innovation devrait conduire les pédagogues à mettre en lien trois approches :

  • approche axiologique : ce que je créé répond-t-il aux convictions, aux valeurs que je souhaite défendre ?
  • approche théorique : sur quels savoirs mon innovation s’appuie-t-elle ?
  • pproche praxéologique : A quelles pratiques mon innovation mène-elle ?

Ces questionnements permettent de définir si le nouveau introduit une rupture suffisamment subversive pour changer les pratiques ou s’il s’agit d’un habillage.
A partir de là, l’innovation sera légitimée si elle respecte les principes dont on se réclame, si les pratiques mises en place sont cohérentes avec ses principes et ses visées et si elle conduit à des effets réels quant à la progression équitable des élèves et à leur bien être au sein du collectif. Ce troisième point est fondamental car sans vérification, l’innovation reste une illusion.

Enfin, pour que l’innovation se développe il faut mettre en œuvre de façon effective l’émancipation des acteurs, poser un nouveau regard sur chacun d’entre eux en leur offrant une posture de « tous capables de ». Il s’agit de concevoir un accompagnement autonomisant, en valorisant l’action des apprenants et en mettant l’évaluation formative au cœur du processus d’apprentissage.

Des conférences pour nous nourrir

Philippe Meirieu qui avait inauguré la manifestation, est venu la clôturer en mettant en avant 12 axes à développer par les acteurs de l’éducation nouvelle :
 Replay Conférence de clôture Philippe Meirieu

Pour lui ce sont ces acteurs qui doivent développer la coopération, la culture comme outils de notre propre réflexivité et moyens de développer une pensée commune solide soucieuse de la probité de ce qu’elle avance.
L’objectif sous jacent étant d’amener les jeunes à devenir meilleur qu’eux mêmes, à construire leur identité sans aliéner leur liberté et à renforcer la solidarité au sein même de nos sociétés.
« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble, par l’intermédiaire du monde »
Paolo Freire
Pédagogie des opprimés

Webographie :

 Replay Conférence de Claude Lelièvre
 L’Éducation nouvelle : chercher, résister, combattre
 Biennale Internationale de L’Education Nouvelle

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Auteur

 Laure Amussat

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