L'apprentissage tardif du lire-écrire : un exemple de séquence pédagogique publié le 17/09/2007  - mis à jour le 18/10/2007

Déchiffreurs, petits lecteurs, ayant d'importantes difficultés à l'écrit.

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DEROULEMENT DETAILLE DE LA PREMIERE SEANCE

Le texte est apporté par l’enseignant, suite à une discussion sur le rapport des élèves à la lecture.

Le garçon qui entrait dans les livres

Tout le monde à l’école embêtait Lucas, parce qu’il était malingre et binoclard. Et à la maison, tout le monde le disputait. Tout le temps. Son père, sa mère, et son frère qui avait quatre ans de plus que lui. Sa mère disait que son grand frère était une merveille et que lui, Lucas, était un monstre, un bon à rien, un laideron, un idiot, un fainéant, un chenapan, une erreur. Son père disait que sa mère avait bien raison de dire cela, et son grand frère riait aux éclats puis lui donnait une grande claque dans le dos. Lucas savait bien que sa maman et son papa ne l’aimaient pas. Il savait cela, mais il ne savait pas pourquoi. Ça arrive que des papas et des mamans n’aiment pas leurs enfants, mais généralement, on ne le dit pas. On ne le dit jamais dans les histoires pour les enfants.

Vous allez penser peut-être que Lucas était très triste. Eh bien vous vous trompez complètement ! Et si bizarre que cela puisse paraître, Lucas était le plus heureux des petits garçons, car il avait un secret. Un vrai et somptueux secret. Lequel ? Eh…Un secret, ça ne se dit pas ! Bon d’accord, je veux bien vous le dire parce que c’est vous, mais il faut me promettre de ne pas le répéter. Promis ? Je n’ai pas entendu ! Promis ? Bon, c’est bien, je vais donc vous le dire.

Le secret de Lucas, c’est qu’il parvenait à entrer dans les livres, comme vous vous entrez dans votre chambre, dans la baignoire ou dans la salle de classe. Il avait découvert cela un beau matin, à la récréation. Ce jour-là, comme d’habitude il avait voulu jouer avec les autres, mais une fois encore les autres l’avaient chassé. Alors Lucas s’était assis sur le banc, en dessous du marronnier, tout penaud. Les larmes lui venaient aux yeux. La maîtresse s’en était rendu compte et s’était approchée de lui. « Tiens, avait-elle dit, tu ne seras plus jamais seul. ». Et elle lui avait tendu un livre. Lucas l’avait pris, ouvert, avait lu le premier mot, la première phrase et soudain, pfffffttttt, il avait été comme aspiré ! Il était entré dans le livre, d’un coup, comme s’il avait plongé sur un toboggan qui n’en finissait pas.

Oh la la ! il s’en souviendra toute sa vie de cette première fois. Les autres avaient disparu, leurs jeux, leur méchanceté. La cour de l’école aussi avait disparu, le marronnier, le banc sur lequel il était assis, et même la maîtresse avait disparu….
’Le monde sans les enfants Philippe Claudel