Arts de faire culinaires au collège Marguerite de Valois d'Angoulême publié le 10/02/2014  - mis à jour le 11/02/2014

Un projet fédérateur au service des élèves et des familles

artculinaire

A l’origine du projet

Ce projet a commencé par une volonté de la Principale du collège, Mme Cuisinier, de changer les choses avec le soutien de Marie-Line Huc.1
En effet, l’objectif étant de recréer du lien avec les familles du quartier par les « arts de faire culinaires au collège » qui permettent de valoriser les traditions culinaires des familles et de les inciter à participer davantage à la vie de l’établissement et à faire pleinement partie de la communauté éducative dans ce quartier sensible. Les impacts prévisibles concernent autant les collégiens que leurs familles dans leurs pratiques alimentaires quotidiennes.
Ensuite, s’est posée la question de l’évaluation du projet, en effet, si nous voulions que cette expérimentation puisse être reproduite et valorisée par la suite dans d’autres établissements scolaires, il fallait mettre en place un suivi et une évaluation du projet de A à Z.
Pour ce faire, le CEPE 2 de l’Université de Poitiers, a été sollicité pour participer au projet pilote d’éducation à la consommation alimentaire initié par le collège Marguerite de Valois. C’est pourquoi, au mois d’avril 2013, Emilie Orliange s’est proposée pour mettre en place l’évaluation et le suivi du projet dans le cadre d’une recherche doctorale de 3 ans.
L’aventure s’est alors poursuivie pendant 8 mois pour préparer la mise en œuvre du projet, ceci jusqu’au mois de septembre 2013 où le projet a concrètement commencé.

Le collège Marguerite de Valois en quelques mots...

Le collège Marguerite de Valois est situé dans une cité scolaire regroupant un lycée général, un lycée des métiers et donc un collège.
Le collège compte 335 élèves répartis dans 12 classes (3 par niveau).

Les élèves proviennent pour 1/3 du quartier de la Grand Font /Bel Air d’Angoulême situé en zone urbaine sensible, pour 1/3 de la zone résidentielle de la ville de l’Isle d’Espagnac et pour 1/3 du recrutement sur dossier des élèves alimentant les trois sections sportives du collège (natation, football et handball fille).
Donc une grande hétérogénéité au sein des classes en termes de résultats scolaires, d’origine sociale et ethnique des élèves.
A l’entrée en 6ème, 50% des familles sont issues de catégories socio-professionnelles défavorisées.

Le collège a une forte valeur ajoutée, grâce à l’implication importante de l’équipe pédagogique dans le suivi des élèves et le travail en équipe pluridisciplinaire.
Les résultats au DNB sont dans la moyenne académique voire supérieurs certaines années.

Les partenariats avec le centre social et les collectivités territoriales sont importants et nécessaires pour faire en sorte que le climat scolaire soit le plus apaisé possible.

Le collège ne possède pas de service de restauration, les demi-pensionnaires et quelques internes sont hébergés par le lycée Marguerite de Valois.

Le dialogue avec les familles est parfois difficile, voire impossible. Une méfiance envers les institutions existe. Nous devons souvent faire appel à des intermédiaires pour communiquer avec certaines familles (centre social, assistante sociale, éducateur…).
Le collège souffre d’un défaut d’image ancien. Malgré le travail de qualité réalisé au sein de l’établissement, les résultats et un climat scolaire pas pire ni mieux qu’ailleurs, le collège garde cette « mauvaise réputation » infondée.


Les caractéristiques du projet, la recherche-action d’Emilie Orliange

Une expérimentation :

Il s’agit d’une expérimentation sous la forme d’un projet pilote innovant réalisé sur 3 années. Cette recherche action complète les approches d’éducation nutritionnelle ou des classes du goût - car si ces dernières apportent des connaissances aux enfants, elles restent souvent éloignées de leurs sociabilités alimentaires (goûters, lunch box, cantine, etc.). Son originalité est d’initier le collégien à pratiquer les « arts de faire culinaires » en lien avec sa vie quotidienne – dans le but de susciter et d’accompagner sa participation à la préparation des repas sous la direction bienveillante d’un adulte - pour le préparer à mener une vie autonome et saine.

Ainsi, par la mise en place d’un suivi et d’une évaluation du projet par un travail doctoral sur 3 ans, ce travail débouchera sur l’élaboration d’un guide méthodologique avec la collaboration de tous les acteurs impliqués, pour accompagner la diffusion à une échelle nationale de cette expérimentation dans un grand nombre de collèges.

Rôle des bénéficiaires du projet :

Les principaux bénéficiaires du projet, à savoir les élèves de 5e et leurs parents, sont bien pris en compte au sein du toutes les actions menées et sont acteurs du projet. En effet, ils sont pleinement intégrés, ceci, avant même son lancement, depuis une annonce officielle du projet à l’occasion d’une soirée d’inauguration et d’échange qui a eu lieu le 21 mai 2013 afin de présenter aux parents et aux personnels le projet et son encadrement par une recherche doctorale. Le bilan de la soirée était positif avec des réactions unanimement favorables. De plus, une vingtaine de familles s’étaient déplacées.
Les bénéficiaires de ce projet jouent un rôle concret et utile tout au long des 3 années, nous aidant à le structurer et à l’améliorer par des enquêtes de satisfaction, un carnet de bord et des entretiens aux domiciles des familles.

En ce qui concerne les acteurs institutionnels (la DRAAF, des enseignants d’autres collèges, les inspecteurs de l’Education Nationale), bénéficiaires des résultats de cette étude, ils sont totalement associés au projet et notamment à la réalisation du guide méthodologique et pédagogique afin d’en confirmer la faisabilité, ainsi que les limites du modèle établi dans une visée de diffusion de cette innovation organisationnelle auprès des bénéficiaires concernés. Ils ont également été intégrés à la construction du projet avant même son lancement.

Diversité des acteurs et des compétences :

Le projet est structuré de façon à agréger des savoirs de différentes disciplines complémentaires et à rassembler des acteurs locaux d’horizons différents (nutritionniste, gestionnaire, personnels de restauration, personnels de la santé et du social, enseignants de différentes matières et chercheurs en Sciences de Gestion) afin de favoriser l’émergence de savoirs et pratiques nouvelles, et de permettre l’échange et l’appropriation des connaissances et savoir-faire par l’ensemble des acteurs concernés.
Ce projet d’éducation à la consommation alimentaire des collégiens regroupe donc une série d’acteurs compétents et légitimes dans des domaines complémentaires, qui travaillent ensemble depuis plus de 8 mois à sa conception et mise en œuvre.

Utilité et adéquation avec un besoin :

Le projet répond à l’existence d’un besoin social mal couvert. En effet, l’établissement Marguerite de Valois se situe dans un quartier sensible de la Ville d’Angoulême. Il a besoin de se légitimer aux yeux de la Ville et des parents de collégiens. Pour ce faire, l’équipe pédagogique de l’établissement a décidé de mettre en place ce projet pilote avec comme fil rouge fédérateur « l’alimentation », dans le but de créer du lien avec les familles des élèves lors de moments conviviaux, dans l’espoir d’instaurer une relation durable, stable et paisible avec ces familles victimes d’isolement social et scolaire. La stratégie de recherche mise en place pour suivre l’introduction des cours de cuisine et des activités connexes va permettre, par l’intermédiaire de la doctorante qui deviendra la médiatrice entre les parents, les enfants et l’école, d’instaurer ce lien avec ces familles isolées.

Inscription dans l’environnement local :

Le projet est bien implanté dans son environnement et en relation avec les autres acteurs du territoire et du secteur d’intervention. Il prend en compte les stratégies des autres acteurs de son champ d’intervention et tend à valoriser et à optimiser son positionnement.
Il s’agit d’un projet pilote co-piloté par le CENA (Club Experts Nutrition et Alimentation) et par le CEPE (Centre Européen des Produits de l’Enfant). Il s’agit donc d’un projet 100% local et dans l’intérêt d’une population défavorisée et isolée de la vie sociale et scolaire de leurs enfants. Ce projet s’inscrit également dans le Contrat Local de Santé de la Ville d’Angoulême ainsi que de l’Atelier Santé Ville.

Pérennité du projet :

Cette recherche conduira à proposer un guide méthodologique afin de favoriser la pérennité et la reproductibilité de cette initiative pilote et innovante dans un plus grand nombre de collèges, à une échelle nationale. Cette étape de la recherche doctorale permettra d’associer à la réalisation du guide méthodologique et pédagogique des acteurs clés tels que : la DRAAF, des enseignants d’autres collèges, les inspecteurs de l’Éducation Nationale, le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative, afin d’en confirmer la faisabilité, ainsi que les limites du modèle établi dans une visée de diffusion de cette innovation organisationnelle.


Ce qu’en pensent les familles, les élèves

Nous avons des retours permanents concernant la satisfaction et l’implication des élèves dans ce projet. En effet, par la recherche doctorale, nous pouvons archiver l’intégralité des ateliers réalisés sous forme de notes d’observation, de vidéos et de retranscriptions des échanges des élèves.
De plus, des questionnaires bilan succèdent à chacun des ateliers afin d’obtenir des retours des élèves, soit 12 questionnaires pour la première année. Un système de bulletins de vote est notamment mis en place à la fin de chaque atelier qui permet d’avoir une réponse simple à la question : « Est-ce que cet atelier t’as plu ? », ainsi qu’un espace « remarques » afin que les enfants puissent nous faire des suggestions d’amélioration des ateliers.

D’autres méthodes, d’ordres qualitatifs sont aussi utilisées, comme des tables rondes bilan et des focus groups,3 qui permettent aux élèves de restituer les éléments importants de chaque atelier. La première séance bilan avec l’animatrice de cuisine était organisée le 13 novembre, pour faire le point sur l’atelier « visite des lieux d’achat et de production ». Une prise de note, des diaporamas réalisés par les élèves ainsi que des photos permettent une restitution de ces réunions bilan.
Les focus groups, qui se concentrerons sur l’analyse de la réflexivité des jeunes vis-à-vis de leur montée en compétence, nous permettra de découvrir les bénéfices et les apports réels de ce projet dans leur vie quotidienne. Les premiers focus groups auront lieux au mois de mars 2014.

En 2015 et 2016, des entretiens approfondis auront lieu avec des élèves et aussi avec des familles afin d’avoir une restitution finale des apports et des bénéfices d’un tel projet pour les élèves et pour leurs familles.
La mise en place d’un carnet de bord parents-élèves que les élèves rapportent à la maison à la fin de chaque atelier, nous permet aussi d’avoir des retours des parents et des enfants.

Extraits de commentaires de parents concernant les ateliers cuisine et visite des lieux d’achat et de production :

  • « Il a découvert les variétés de fruits et légumes. De plus, les ramasser l’a beaucoup intéressé »
  • « Cela changeait de d’habitude et se répercute directement sur la vie à la maison. Découverte de nouveaux produits »
  • « Le marché lui a permis de découvrir de nouveaux produits comme les anguilles par exemple »
  • « Elle a pu déguster de bons produits de saison, ils ont pu rencontrer les vendeurs, poser des questions. Découverte de nouveaux produits comme la grenade. »
  • « Meilleure connaissance des formes de conservation et des variétés de produits alimentaires »
  • « Le projet semble très judicieux et très intéressant. Il est grand temps que les enfants aient une approche plus "scolaire" de ce qu’est la "bonne bouffe". Les parents ont, à l’évidence, un rôle prépondérant, mais faire ce genre de sensibilisation dans le milieu scolaire représente un atout indéniable sur leur future vision des choses »
  • « Cette découverte serait à renouveler tous les ans pour le niveau des 5èmes »
  • « Les préparations que Mathieu a refait seul à la maison en toute autonomie étaient excellente. »
  • « A refaire car elle a beaucoup apprécié et aimerait préparer la totalité d’un repas »
  • « C’est la première fois que je goûte ce repas, j’étais très étonnée par ma fille et c’était très bon, j’ai adoré »

Extraits de commentaires d’élèves concernant les ateliers cuisine et visite des lieux d’achat et de production et d’éveil sensoriel :

  • « J’ai aimé la visite parce qu’on a dégusté plein de choses : fromages, viandes… et on a fait plein de découvertes »
  • « J’ai aimé car j’ai appris des choses intéressantes (différentes formes de conservations, de ratatouilles, etc.) Et aussi car nous avons dégusté de la ratatouille et des raisins et la fin de la visite »
  • « J’ai aimé car j’ai fait de nouvelles découvertes. Je crois qu’on devrait faire d’autres sorties comme celle-ci. »
  • « J’ai aimé aller dans les champs pour récolter des aliments »
  • « J’ai aimé car on a fait de la pratique et ça c’est COOL !!! »
  • « Car j’ai bien cuisiner. Éplucher les concombres…etc, et ce qu’on a goûté. »
  • « Moi, j’ai bien aimé cuisiner au self et j’ai apprécié de rentrer dans les salles où nous n’avons normalement pas le droit de rentrer donc j’ai trouvé ça génial. »
  • « Un peu difficile mais très bien, on était tous motivés ! Excellent ! »
  • « J’ai adoré ! Rien à dire (à part le stress quand les lentilles et les compotes chauffaient). »
  • « C’était bien car on a pu faire entièrement nos petits plats en autonomie »
  • « J’ai bien aimé la dégustation avec les colorants ça nous éveille bien les sens »
  • « Oui, ça m’a aidé à ne pas juger trop vite les aliments »
  • « J’ai goûté un nouveau fruit »
  • « J’ai adoré goûter, sentir. On s’est fait avoir par notre vue »

Ainsi en termes d’implication des élèves nous découvrons déjà, à l’heure actuelle (5 mois après la mise en route du projet) que 34% des élèves ont reproduit des recettes vues en atelier à la maison, ce qui est très encourageant.
Ensuite, nous constatons qu’ils acquièrent des connaissances intellectuelles et de terrain par la pratique (saisonnalité des produits, variétés des légumes et fruits, modes de conservation, lecture d’étiquettes, pratique de la cuisine, autonomie, découverte des 5 sens lors de la dégustation, découverte de la cuisine centrale…).

Compte-rendu des notes d’observation des jeunes sur les différents ateliers :

 Les attitudes : très positives, respectueuses des lieux et des personnes. Tous les élèves (sauf un seul) étaient parfaitement ponctuels le matin à 7h pour la visite de la cuisine centrale, tout en sachant qu’un grand nombre d’élèves arrivent en retard en cours quotidiennement. Ils goûtent presque tous à leurs préparations lors des dégustations. Ils ont un bon esprit d’entraide en cuisine, les tensions qui pouvaient être présentes avant, disparaissent totalement en cuisine, ils sont comme « transformés ». De plus, certains élèves, clairement en résistance avec l’autorité scolaire, sont complètement différents en cuisine car ils parviennent à se valoriser autrement. Le bouche à oreille entre les classes a très bien fonctionné car les élèves savent ce que les autres ont fait en cuisine et cela semble les avoir encore plus motivés à venir aux ateliers (effet de teasing).
 Les réticences : Très peu nombreuses voire inexistantes, les élèves sont curieux et ouverts d’esprit. Ils ne refusent pas les tâches ménagères, Il n’y a pas de résistance à l’autorité en cuisine, ils sont globalement disciplinés et efficaces même si parfois ils manquent encore un peu d’autonomie.
 L’implication : une très forte implication est observable, ils exécutent leurs tâches consciencieusement et professionnellement, ils prennent ça très au sérieux, ils veulent faire des choses bonnes et jolies. Certains sont déjà relativement bien autonomes dans des activités de cuisine (des filles comme des garçons).
 L’enthousiasme : bonne ambiance et les élèves sont vraiment très contents de faire des activités de cuisine ou d’éveil sensoriel. Ils auraient voulu que cela dure encore plus longtemps.

L’équipe de travail

Mare-Line HUC
CHEF DE PROJET : (CENA : Club Experts Nutrition et Alimentation) Apporte son expertise dans l’organisation du projet sur des aspects nutritionnels.
Mme Cuisinier
PRINCIPALE DE L’ETABLISSEMENT SCOLAIRE : Collège Marguerite de Valois : Permet la mise en place opérationnelle et la gestion administrative des ateliers « cours de cuisine » en organisant une équipe transversale.
Mme Bayle
ANIMATRICE DE CUISINE : Permet la mise en place opérationnelle des ateliers « cours de cuisine ».
Mme Raillat-Rouet
PROFESSEUR DE SVT au Collège Marguerite de Valois et CO-ANIMATRICE : Permet la mise en place opérationnelle des ateliers « cours de cuisine », « éveil sensoriel »…
Emilie Orliange
DOCTORANTE : COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR : Mise en place d’une recherche action longitudinale afin de suivre les effets éducatifs et l’évaluation des bénéfices du projet pilote sur les représentations alimentaires et marchandes des collégiens de 5ème ainsi que leurs familles.
Inès De La Ville
SUIVI DE L’EVALUATION DU PROJET : Professeur des Universités, IAE de Poitiers, Responsable de la thématique « Stratégies de marchés et cultures de consommation » du laboratoire CEREGE EA 1722 – Université de Poitiers et Directrice Centre Européen des Produits de l‘Enfant. Elle sera la responsable de la partie évaluation et suivi du projet, avec, sous sa direction, Emilie Orliange, doctorante au CEPE : http://cepe.univ-poitiers.fr/.

 Visiter le Blog dédié au projet
 Visiter le site du collège Marguerite de Valois

(1) CHEF DE PROJET : (CENA : Club Experts Nutrition et Alimentation) Apporte son expertise dans l’organisation du projet sur des aspects nutritionnels.

(2) (Centre Européen des Produits de l’Enfant)

(3) Un focus group (ou groupe de discussion) est une forme de recherche qualitative / étude qualitative qui prend forme au sein d’un groupe spécifique culturel, sociétal ou idéologique, afin de déterminer la réponse de ce groupe et l’attitude qu’il adopte au regard d’un produit, d’un service, d’un concept ou de notices