Conférence/débat sur la fin de vie publié le 17/12/2019

Jeudi 12 décembre 2019, deux Classes Préparatoires aux Grandes Écoles ATS (Adaptation Techniciens Supérieurs), EC2 (Économique et commerciale) et une classe de terminale ST2S 2 (Sciences et technologies de la santé et du social), du Lycée Général et Technologique Aliénor d’Aquitaine de Poitiers, accompagnées de Mme Isabelle Charbonnier, proviseure du lycée et de leurs professeurs Mme Muriel Bories, Mme Claire Dieumegard, Mme Marylène Dudognon, Mme Marina Grenier-Lacaze, Mme Sajus et Mme Thibault ont eu le privilège de recevoir M. Alain Claeys, venu présenter sa conférence/débat :

La loi Claeys-Leonetti et la fin de vie

Président de Grand Poitiers et maire de Poitiers depuis 2008, M. Alain Claeys, est surtout un spécialiste de la bioéthique à l’origine de la loi Claeys-Leonetti n°2016-87, adoptée par le Parlement français le mercredi 27 janvier 2016.

Pourquoi faire des lois Bioéthiques ?

M. Claeys a introduit sa conférence par un rappel sur l’ancienneté des lois bioéthiques, qui remontent au procès de Nuremberg : les actes perpétrés par 23 médecins accusés notamment d’avoir réalisé des expérimentations ­médicales sur des êtres humains durant la seconde guerre mondiale, ont permis une prise de conscience bioéthique au niveau international.

Les lois permettent d’encadrer la recherche que l’on doit pouvoir faire librement.

Les lois bioéthiques sont des lois des droits de l’homme qui concilient :

  • le droit du chercheur, à faire ses recherches librement sans contraintes ;
  • le droit du malade, qui espère disposer de traitements face à des maladies incurables ;
  • le droit de respect du corps humain.

Les découvertes avancent à grand pas concernant la recherche sur l’embryon, la PMA (Procréation Médicalement Assistée), les tests génétiques, le stockage des données médicales concernant l’être humain (BigData), l’intelligence artificielle...

Ces lois bioethique sont nécessaires pour encadrer ces travaux, de façon à ce que les recherches se fassent dans la dignité de l’homme mais sans interdiction.

M. Claeys précise que :

La démocratie représentative est la meilleure façon d’aborder ces sujets. Mais pour lui, il faut donner du sens au progrès par rapport à l’humain.

Pour tout citoyen, il est important de discuter librement de sujets comme la GPA (Gestation Pour Autrui) autorisée dans certains pays mais interdite en France car elle expose à un risque de marchandisation du corps d’une femme.

Le progrès oui mais ...

Il faut donner du sens au progrès par rapport à l’humain.

Pourquoi parle-t-on si peu de la mort dans notre société actuelle ?

Aujourd’hui, trois générations ne vivent plus sous le même toit, comme il y a 50 ans. On meurt beaucoup moins à domicile, souvent à l’hôpital donc on cotoie moins les morts qu’avant.

Contrairement à d’autres pays, en France sans qu’elle ne soit un tabou, on parle peu de la mort, voire on l’ignore.

Dans le monde médical la gériatrie n’est pas une spécialité qui attire les médecins, la mort étant considérée comme un échec.


Comment M. Claeys en est-il venu à travailler sur la fin de vie ?

M. François Hollande, alors président de la République, a confié la mission à deux députés, M. Jean Léonetti, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, et M. Alain Claeys, de rechercher un consensus sur la fin de vie et de rédiger une proposition de loi.

Contrat = M. Alain Claeys et M. Jean Léonetti, tous deux députés, rédigeront la proposition de loi et les décrets sur la fin de vie.

Constat = en France, les conditions de décès sont parfois inacceptables suite à des inégalités sociales par exemple.

Missions = peut-on apporter des réponses pour les personnes en fin de vie ?

Méthode de travail = de nombreuses consultations sont prévues, avec audition d’associations de malades, d’aidants, de membres de la communauté médicale, d’intellectuels de tous les courants de pensée, les représentants des 3 religions monothéistes.


Première proposition : les directives anticipées et la personne de confiance

  • La loi Claeys-Leonetti a donné à toute personne majeure et capable la possibilité d’écrire les directives anticipées c’est-à-dire d’exprimer ses volontés relatives à sa fin de vie et notamment sa volonté de refuser, de limiter ou d’arrêter les traitements et les actes médicaux mais aussi sa volonté de poursuivre les traitements. Ces directives anticipées sont mentionnées dans le dossier médical du patient et sont révisables ou révocables par la personne à tout moment.
  • De même afin d’éviter que ce soit le médecin qui prenne la décision, même si un lien patient/famille/médecin a toujours existé, la loi offre également la possibilité à tous les concitoyens majeurs de désigner une personne de confiance (parent, proche ou médecin traitant) qui sera consultée au cas où le patient serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Le témoignage de cette personne de confiance prévaut sur tout autre témoignage y compris sur celui de sa famille.

Deuxième proposition : la sédation profonde et continue jusqu’au décès

M. Alain Claeys a évoqué le cas de Vincent Lambert, affaire médico-politico-judiciaire française des années 2010 liée au débat sur l’acharnement thérapeutique, le droit des handicapés et l’euthanasie.

Lorsque le pronostic vital est engagé, à court ou moyen terme, suite à une maladie incurable ou un accident, où le décès est imminent et inévitable, une personne peut décider qu’il n’y ait pas une obstination déraisonnable afin d’éviter toute souffrance, mais d’être accompagnée.
 Cela suppose :

  • L’arrêt de tout traitement, de toute alimentation ou hydratation artificielle : on arrête les traitements mais pas les soins qui se poursuivent jusqu’à la dernière minute ;
  • L’endormissement du patient jusqu’à son décès  : la sédation via des moyens médicamenteux diminue la vigilance allant jusqu’à la perte de conscience.
    La sédation profonde et continue n’est pas de l’euthanasie, c’est aider la personne à mourir.

La publication de la loi fin de vie

La loi Claeys-Leonetti, publiée au Journal officiel du 3 février 2016, a crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Certes cette loi ne règle pas tous les cas (cas des maladies neurodégénératives...) mais un grand nombre.


À travers cette conférence/débat, M. Alain Claeys aura participé pleinement à la formation de l’esprit critique des élèves et étudiants, tout en montrant que le progrès scientifique est formidable mais qu’il est impératif de l’encadrer pour éviter le scientisme.
La réflexion se poursuit notamment en 2019 avec la révision des lois bioéthiques : le progrès est nécessaire mais avant tout changement, il faut se demander : Quelle est la limite au progrès ? En quoi est-ce une avancée pour l’humain ? pour nos sociétés ?