Journée académique d'actualités en nutrition publié le 25/11/2019  - mis à jour le 30/12/2022

Pages : 1234

Intervention sur le microbiote

Le deuxième temps a consisté en une conférence intitulée :

Nos microbiotes : nous sommes tous microbiens

par le Pr. Christophe BURUCOA, Chef de service au Laboratoire de Bactériologie Hygiène du CHU de Poitiers (EA 4331 LITEC).

Le microbiote est un sujet de découverte très récente, dont en entend parler de plus en plus, et pour lequel les connaissances évoluent très vite, suivant les progrès du séquençage à haut débit.

Après avoir rappelé que les microbes (bactéries, virus, champignons, archées, parasites, algues) sont des organismes vivants invisibles à l’œil nu donc qui ne peuvent être observés qu’avec l’aide d’un microscope, le Pr Burucoa a replacé les microbes dans la classification actuelle à partir de LUCA, notre ancêtre commun universel.

Les bactéries sont nos ancêtres, elles évoluent sur Terre depuis bien avant nous.

 

  Lorsqu’on observe notre planète terre depuis l’espace,
on ne nous voit pas, nous, les êtres humains. Pourtant, en se rapprochant on constate que les êtres humains peuplent des endroits très différents de la planète. Quand on se regarde, nous, les êtres humains, on ne voit pas nos bactéries. En examinant les êtres humains de plus près, chacun de nous est une planète.

Nous vivons sur une planète, la planète bactérienne.

 

Comme le précise le Pr Burucoa, au cours de sa conférence, il faut vivre avec ses microbes, ne pas essayer de se désinfecter tous les matins car
Nous sommes une planète habitée, une planète microbe, un ensemble de microbiotes.

L’importance de cet univers bactérien que nous hébergeons, qui nous accompagne dans notre vie, qui nous aide à vivre, est prépondérante ; de nombreux axes de recherche émergent et questionnent sur les relations entre les perturbations de notre microbiote et des maladies jusque là inexpliquées.
La découverte du microscope, par Van Leeuwenhoek (XVIIe S), pionnier en son temps, puis les travaux des pères de la microbiologie, Koch et Pasteur 200 ans plus tard, ont permis la découverte des bactéries mais notre flore était loin d’être connue.

La culture bactérienne ne permettait d’explorer que 20% des bactéries qui nous colonisent.

C’est n’est qu’au 20ème siècle suite à la découverte de la double hélice d’ADN par Watson et Crick (1953) puis du séquençage via la PCR (Polymerase Chain Reaction), mise au point par Kary Mullis, qu’a eu lieu la révolution de l’exploration du microbiote.

Avec la culture, nous n’observions que la partie émergée de l’iceberg bactérien ; 80% des bactéries de notre microbiote sont non cultivables mais séquençables.

Actuellement les séquenceurs de plus en plus performants, automatisés, miniaturisés (taille d’une clé USB) à des prix abordables, ont considérablement augmenté le nombre de publications sur le microbiote.


Mais qu’est-ce que le microbiote ?

Étymologiquement, du grec mikros : petit et bios : la vie, le microbiote est l’ensemble des bactéries, champignons et autres microorganismes, dont les bactériophages que le corps humain contient en grand nombre. Le microbiote n’est pas uniquement constituée de la flore bactérienne.


D’où vient le microbiote ?

Le microbiote s’établit par palliers successifs mais c’est surtout à la naissance lors de l’accouchement et durant les 48 h premières heures de vie que le nouveau-né se contamine via le microbiote digestif de sa mère, le microbiote vaginal, lors de l’allaitement... Les bactéries s’installent, avec d’abord des bactéries anaérobies facultatives (streptocoques...) puis anaérobies strictes (lactobacilles...). Un peu plus tard, à 3 mois, l’alimentation orale permet au bébé d’enrichir son microbiote intestinal (entérobactéries, Clostridium..) puis en deux ans ce microbiote se stabilise.


Qu’est-ce que le microbiote intestinal et quel est son rôle ?

Avec plus de 1000 espèces différentes, dont 3 phylums prépondérants (Firmicutes, Bacteroidetes, Actinobacteria), et surtout des anaérobies, le microbiote intestinal est notre microbiote le plus important et le plus étudié. Comme le rappelle le PR. Burucoa,

ce n’est pas Escherichia coli qui est l’espèce quantitativement prépondérante dans le microbiote intestinal !

Le microbiote intestinal est indispensable car :

  • il assure la conversion des aliments en nutriments et en énergie
  • il joue un rôle d’effet barrière vis-à-vis des bactéries pathogènes
  • il assure la maturation du système immunitaire en éduquant nos cellules immunitaires à reconnaître les pathogènes.

Peut-on vivre sans microbiote ?

En théorie, oui, puisque les chercheurs ont réussi à créer des souris axéniques (totalement stériles) qui naissant pas césarienne, sont placées dans des enceintes stériles mais :
 présentent moins d’immunoglobulines sériques, moins de plaques de Peyer que des souris non axéniques ;
 ne sont pas toutes viables ;
 pour certaines ne peuvent pas se reproduire et des modifications importantes de certains organes et tissus apparaissent (tumeurs) ;
 ayant plus de susceptibilité aux infections ;
 ayant des besoins caloriques 20 à 30% supérieurs aux besoins d’un animal non axénique.

Nous avons 10 fois plus de bactéries que de cellules dans notre corps. Ce microbiote intestinal nous permet de mieux digérer, d’absorber plus efficacement les nutriments, de nous protéger immunitairement...

Mais il faut étudier l’axe intestin/cerveau : en effet, les bactéries de notre intestin sécrètent 80% de notre sérotonine, neurotransmetteur qui via le sang, remonte au cerveau. La maladie de Parkinson, l’autisme...pourraient être être en lien avec le déséquilibre du microbiote intestinal.


Qu’est-ce qui influence le microbiote ?

Le microbiote est influencé par de très nombreux facteurs :


Qu’est-ce que la dysbiose ?

La dysbiose, ou déséquilibres du microbiote perturbe notamment l’immunité d’où la recrudescence de certaines maladies :

  • obésité
  • diabète
  • dénutrition
  • maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, syndrome de l’intestin irritable
  • allergies, asthme
  • troubles du spectre autistique
  • anxiété, stress, hyperactivité, et même l’activité sociale...

Prenons un exemple : si on prend une souris obèse, qu’on la traite avec des antibiotiques pour détruire son microbiote intestinal et que l’on implante à cette souris obèse une suspension de selles de souris maigre, la souris obèse maigrit et vice-versa.

Des travaux sont à l’étude et pourraient peut-être à l’avenir permetter de traiter l’obésité : le microbiote intestinal d’un homme obèse implanté à une souris maigre entraine l’obésité de cette dernière.

On a également traité un enfant dénutri avec le microbiote d’un enfant non dénutri : l’enfant dénutri a alors plus rapidement été renutri...

Chaque microbiote intestinal individuel est donc un écosystème complexe dont les composantes microbiennes sont en équilibre dynamique.
À ce jour les liens de causalité entre composition/structure microbienne du microbiote intestinal, et pathologies sont souvent suggérés mais ne sont pas toujours vérifiés voire contradictoires.

Est-ce parce qu’un sujet a un microbiote différent qu’il souffre d’une pathologie ou est-ce parce qu’il souffre d’une pathologie qu’il a un microbiote différent ?

Une certitude : les avancées majeures dans la prise en charge de plusieurs maladies passent par la transplantation de microbiote fécal.