Bilan des 22è rencontres de la jeune photographie internationale Niort, jusqu'au 28 mai 2016 publié le 16/05/2016

8 photographes en résidence à la Villa Pérochon avaient carte blanche pour développer leurs démarches

vision mosaïque de l’accrochage 2016

Jusqu’au 28 mai, la Villa Pérochon propose ses 22è RJPI, une manifestation artistique toujours aussi représentative des pratiques photographiques actuelles avec, dans cette édition 2016, une accentuation très nette des dispositifs s’appuyant sur des installations. Tout se passe comme si le médium quittait la posture d’image murale pour infiltrer le champ des pratiques artistiques contemporaines. La présence de volumes, l’éclatement des formats, la pollinisation des murs : autant de surprises qui disent la jeunesse et la capacité de renouvellement de la pratique photographique.


Antoine Bruy

"Parti à la rencontre des habitants d’un quartier niortais, Antoine Bruy disparaissait du groupe [des Résidents] pour ramener des gens. Il fonctionnait comme ça", phrase d’Olivier Culmann prononcée lors de la présentation des Résidents à la presse.
Effectivement, comment ne pas être surpris du retour photographique, quand proximité et inconnu se confrontent au regard public ? Antoine est allé jusqu’à interroger des personnes sur l’actualité et quand on entend un homme s’exclamer : "oh ! oh ! Je suis indigné !"... Il y a de quoi s’interroger sur nos modes de vies !

Antoine Bruy

Enrico Florida

Le photographe, qui s’est intéressé aux mutuelles, s’appuie sur une architecture verbale tirée des mots de la communication, pour déployer une installation à la fois complexe, par ses matériaux et ses postures, et simple dans sa globalité puisque dotée d’une forte identité. On devine un cheminement conceptuel, soucieux de convoquer des informations socio-culturelles ou des données économiques mais conscient des limites d’une (dé)monstration.
Il faut reconnaître que le monde des mutuelles niortaises, ce rassemblement atemporel, reste fascinant par ce qu’il donne à voir sur un petit territoire comme Niort.


Heriman Avy

« Je découvre au début de mon adolescence l’usage personnel de la photographie à travers l’appareil photo de mon téléphone portable. Bien qu’utilisant à l’heure actuelle de “vrais” appareils photographiques argentique, j’entretiens cette pratique à la première personne du singulier, à portée de main accompagnant mon quotidien, mes questionnements et compagnons de ma relation au monde. Dans cette démarche de mise en friction de la réalité à l’imaginaire, je m’intéresse plus particulièrement à la construction de l’identité, l’appropriation et l’accommodation des individus et groupes dans la société. » HA.


Jeannie Abert

"A la rencontre des animaux", tel est le titre qu’a donné Jeannie Abert à sa production, lorsqu’elle s’est présentée. Peut-être les plasticiens y verront-ils un hommage à La Fontaine, tant la démarche s’apparente à une relecture poético-animalière des installations du Land Art et de l’Arte Povera. Fraîcheur, humour, fragilité : le naturel est transposé, l’image est matériau, le propos déplace notre sens de l’observation.
En vérité, le titre final de son accrochage : le replis du vivant montre que Jeannie Abert est une artiste plasticienne qui manœuvre au milieu des interprétations du monde.


Mana Kikuta

La photographe japonaise a tenté de cristalliser l’expérience de la musique en recourant à la technique du collodion humide. Dans l’esprit de Muybridge, elle a superposé plusieurs portraits d’un jeune violoniste sur des plaques de verre et, grâce à la transparence de ces plaques, sous l’effet du collodion humide, l’image se retrouve démultipliée selon deux aspects : si le mur est noir, l’image est positive, si le mur est blanc, l’image est négative.
La technicité est ici au service d’une expression qui interroge le réel dans ce qu’il a de plus difficile à saisir : le mouvement et le son. Que Mana Kikuta ait voulu un adolescent comme modèle et interprète nous laisse à penser que sa démarche fait l’objet d’une écriture soignée, comparable à une recherche d’unité.


Patricia Escriche

« J’ai toujours un appareil photo avec moi comme témoin de mes errances. Chaque photographie est un voyage unique et la raison de mes déplacements. Sans technique ou format préféré, une photo après l’autre crée un pont entre mes émotions et le lieu ou les gens que je rencontre. » PE.
Avec Lusignan, images capturées sur les lieux mythiques de la fée Mélusine, la photographe espagnole fabrique une légende intuitive qui se déploie en autant de fenêtres murales que de sensations intérieures.


Rebekka Deubner

"Dans la série Fragments amoureux le corps forme le signe d’un langage organique qui se déploie en silence dans l’espace selon un pur jeu visuel et sensuel. Capter le geste en plein vol ou appréhender le corps par fragments, rendre compte de sa surface mouvante et émouvante. Ici la photographie traduit une expérience sensible et tactile du corps qui se fait reflet et symbole d’émotions indicibles ; qu’il soit en tension, amoureux ou à l’abandon. Ainsi le geste appelle le geste, la caresse provoque la caresse et le dialogue entamé se prolonge par la juxtaposition des images dans une frise où les signes s’épanouissent et se répondent, esquissant un répertoire subjectif de ce langage sans signifié." RD.
La photographe sait aussi bien développer une écriture de lumière, pour reprendre l’étymologie du médium, qu’une écriture poétique ; sa démarche s’inscrit dans une approche globale de la réalité, ce qui se décline par fragmentations, par démultiplication des points de vues, témoigne de notre rapport au monde.


Soham Gupta

"I started this series of portraits primarily as an ode to our bodies that are real, not plastic. But then, as people opened up to me during long conversations, as we talked of our past and of our pains, as we shared our secrets and our hopes, our moments of jubilation and our failures, we ended up forming a bond based on empathy and vulnerability. And at this very juncture, this series of nudes was no longer just about our bodies, but about our souls, about our memories and our ghosts, our insecurities and our fears, which we struggle against every passing day while seeking liberation." SG.

Je me suis permis d’extraire deux visages sur la très belle série de 17 nus que Soham Gupta a nommée "L’appel du vide"