Second Life publié le 03/06/2009  - mis à jour le 28/12/2013

« Le propre de l’image de synthèse, c’est la « visite », ça ne sert qu’à faire visiter les formes. (…) L’image numérique est une endoscopie. »
Paul Virilio

Qu’est-ce que Second Life ?

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Second Life (Grid) est une plateforme de développement élaborée. Elle a été créée par Linden Lab, société fondée en 1999 afin de proposer une forme d’échanges en 3D.
Il s’agit donc d’un monde virtuel habité par un nombre croissant de « Résidents » répartis dans une centaine de pays à travers le monde et reconstituant une sorte de société.
La quasi-totalité du monde virtuel est directement produite par les joueurs, et ce sont eux qui font évoluer leur propre univers. Il faut pour cela avoir créé son propre avatar1 Ce nouveau personnage peut alors acquérir des biens, avoir une maison, travailler, consommer mais peut, avant tout, rencontrer d’autres avatars.
Second Life se démarque aussi par son économie qui dépasse les limites du simple jeu. L’argent qu’on peut y gagner (en Linden) est convertible en dollars bien réels.
Ce qui explique la présence de grandes marques comme Dior, Thierry Mugler, Jean-Paul Gaultier mais aussi Toyota, Peugeot… dans ce monde parallèle.
Mais on peut aussi défendre une cause en adhérant à une association, faire de la politique et apprendre aussi. Le système éducatif s’est en effet implanté avec des grandes universités américaines comme Harvard mais aussi certaines écoles françaises, comme l’Ecole supérieure de commerce de Toulouse, en créant des campus virtuels où les étudiants peuvent suivre des cours, échanger ou encore produire un travail collaboratif.

Une petite histoire de second life sous la forme d’un diaporama réalisé par l’un de ses créateurs.


"Les images virtuelles ne sont jamais seulement des images, elles possèdent des dessous, des derrière, des en-deça et des au-delà, elles forment des mondes. On n’en fait pas le tour. Il faut les explorer sans fin, comme des images mais aussi comme des idées, car elles ont partie liée avec les modèles."
« Le Virtuel, vertus et vertiges », Philippe Quéau

Les artistes dans Second Life

L’odyssée futuriste de Molotov Alva

John Perry Barlow affirmait dans Le Monde diplomatique de mai 1996, que dans le cyberspace, les concepts de propriété, d’expression, d’identité de mouvement et de contexte ne s’appliquent pas car ils sont basés sur la matière. Or dans le « cyberspace », la matière n’existe pas.
Il est par conséquent étonnant de voir que dans l’univers de synthèse de Second Life, la matière, la propriété, la consommation sont partout présentes.

C’est un questionnement qui traverse le travail du réalisateur Douglas GAYETON intitulé « Molotov Alva and his Search for the Creator : A Second Life Odyssey » (2007).
Le protagoniste ayant déserté sa vie réelle, se retrouve confronté à un monde synthétique où la terre, l’eau et le ciel sont à vendre. Un monde qui le renvoie sans cesse au monde réel qui continue de le hanter.

Molotov Alva

Le documentaire de Gayeton se présente comme une sorte de film de science-fiction et porte une réflexion sur le monde virtuel en même temps qu’il lui sert de toile de fond. En laissant croire au spectateur que Molotov Alva est bien celui qui a créé ces « minifilms », le documentaire questionne le rapport de l’illusion et de ce qui est dit réel.

On retrouve dans des films de science fiction, comme « Existenz » de Cronenberg ou encore « Matrix » des frères Wachowski, l’idée de l’aliénation par l’immersion et la quête existentielle menée par un personnage synthétique. La science fiction nous donnerait donc aujourd’hui des clés de compréhension du monde contemporain pour reprendre Pierre Lévy dans « Cyberdémocratie ».

Un lien pour voir les épisodes de la vie de Molotov Alva.


"Le virtuel est ce qui nous aide à faire advenir ce que nous ne sommes pas encore".
Philippe Quéau

Icônes virtuelles et performances synthétiques d’Eva et Franco Mattes

  • "13 Most Beautiful Avatars"

Si Second Life autorise une immersion dans le virtuel et une désertion du réel, cet univers vient aussi faire irruption dans le réel.
Tel est le cas chez Eva et Franco Mattes avec leur série de portraits d’avatars intitulée "13 Most Beaufiful Avatars".
Plutôt que de rendre les représentations plus réalistes ou plus immersives au sein du monde virtuel, les portraits d’avatars, présentés en grands formats dans une salle de la Italian Academy à New-York, font entrer un peu de virtualité dans le monde tangible. On y retrouve l’esthétique léchée de Lichtenstein et surtout une résonance avec le travail artistique de Warhol sur les icônes populaires, ici ce sont les visages des avatars les plus connus du monde virtuel.
Si les artistes ont travaillé méticuleusement le réalisme des portraits, par une observation des petits détails comme les pores de la peau et les veines, c’est la réalité de l’avatar lui-même qui y est générée : sa palpabilité en dehors du monde virtuel.

Dans une interview, le couple explique que ces avatars sont des portraits construits, et que contrairement à beaucoup de portraits, ils ne sont pas basés sur la question de la ressemblance mais plutôt sur le désir d’être un autre.

« Nos œuvres ne sont pas vraiment des portraits mais d’une certaine manière, des images d’autoportraits. »

« Dans second life vous êtes forcés de ne pas être vous-même, de porter un masque 3D ultra moderne. Mais les masques ne sont pas là pour masquer votre véritable identité. Au contraire, ils sont là pour montrer qui vous êtes vraiment.
Depuis le temps que nous vivons de fausses identités, il était évident que nous serions attirés par le monde des avatars. »


"L’essence de l’homme est d’être virtuel, parce qu’il ne peut se satisfaire de sa réalité passagère."
Philippe Quéau

  • "Performances synthétiques"
Performance synthétique

Par ailleurs, le couple d’artistes recrée des performances devenues historiques comme celle de Marina Abramovic et Ulay « Imponderabilia », de Joseph Beuys « 7000 Oaks », ou encore de Gilbert&George « The Singing Sculpture »…
Ces « reenactments », comme ils les nomment, questionnent un medium en apparence peu fait pour le virtuel dans la mesure où il concerne le corps.
Proposer une performance où le corps est en jeu dans un espace virtuel où le corps est désincarné permet en effet de questionner le médium lui-même. Ces performances ont montré une réelle participation des spectateur / joueurs de Second Life. L’espace virtuel ainsi utilisé révèle donc une parenté avec l’esthétique relationnelle telle que l’a définie Nicolas Bourriaud.

Voir les performances.


Le Territoire du mètre carré artistique de Fred Forest

Un autre versant de l’art dans second life est l’aspect politique que développe dans une continuité logique l’artiste Fred Forest. L’idée d’un territoire à investir.

Au cours de ses pérégrinations dans Second Life, il nourrit l’idée d’extension et de renouvellement d’un projet déjà existant :

Snapshot forest

« Tout ce que je croisais sur mes pas ressemblait plutôt à des efforts besogneux et bien inutiles de répéter, au plus près, le monde tel qu’il est, avec ses galeries marchandes, ses night-clubs et ses châteaux forts en papier mâché. Une profonde impression d’ennui régnait sur ce monde aseptisé, le plus souvent, pratiquement vide de toute présence. Une sorte de Disneyland morose, inspirant un ennui profond. Loin de me déprimer, cet état des choses, au contraire, m’inspira le désir de m’approprier cette technique, qui me semblait recéler des possibilités de création fantastiques.
La rencontre avec l’autre, toujours imprévisible, ou à mettre en œuvre de façon programmatique dans des dispositifs idoines, me semblait riche de développements collectifs inédits. Pour moi, Second Life pouvait (devait) être un laboratoire d’expérimentation sociale comme le modèle que j’avais mis en place en 1977 avec le Territoire du Mètre carré artistique. »

Les internautes visiteurs du Centre sont invités à s’approprier des parcelles interactives du Territoire, visualisées au sol, pour faire passer leur propre message traitant du problème débattu. Il viendra ensuite remplir une des parcelles libres du Territoire.

Voir en ligne.


Définition de virtuel

La définition courante de virtuel provient de la scolastique du Moyen Âge. C’est notamment à cette tradition, que Gilles Deleuze et Pierre Lévy se réfèrent lorsqu’ils parlent de virtuel.
Est qualifié de virtuel un être ou une chose n’ayant pas d’existence actuelle (c’est-à-dire dans les faits tangibles), mais seulement un état potentiel susceptible d’actualisation.
Ce mot est devenu très à la mode depuis l’explosion des techniques informatiques ouvrant des possibilités quasiment infinies de communication en réseau à l’échelle mondiale, sans contact physique entre les personnes ainsi mises en relation.
Par conséquent, le virtuel ne s’oppose pas au réel mais à l’actuel (ce qui existe dans le concret), alors que le réel s’oppose quant à lui au possible.
Le possible est déjà défini, déterminé, c’est un réel latent auquel il ne manque que la réalisation. Pour reprendre un exemple régulièrement cité, l’arbre est virtuellement présent dans la graine. Le virtuel est ce qui existe en puissance et non, en effet, de manière concrète mais agit par l’actualisation. Ainsi le virtuel se distingue du possible dans ce qu’il n’est pas prédéterminé et, par conséquent, imprévisible, répondant à une multiplicité de paramètres. Le virtuel n’est pas irréel dans la mesure ou le réel ne se résume pas à ce qui est concret ou matériel, il est partie prenante du réel.

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(1) L’avatar est à l’origine un terme employé dans la religion hindouiste et représente une nouvelle incarnation d’un dieu (par exemple Krishna est un des avatars de Vishnu). D’une certaine manière l’avatar développe une nouvelle force, une nouvelle facette d’une personnalité. Dans ce sens, il rejoint l’idée de métamorphose., sorte de projection de soi.