Des élèves d’option facultative Arts Plastiques au Louvre publié le 08/05/2008  - mis à jour le 02/01/2015

Ou : Deux heures pour plonger dans le temps

Sous la pyramide, samedi 26 avril, la température est estivale, la lumière presque aveuglante.
Notre groupe suit la conférencière jusqu’au département de peintures, écoles du Nord, dans le but de mieux comprendre l’art baroque, son irruption opérée par Rubens dans un contexte agité, les influences artistiques diverses en amont et en aval.

C’est aussi du baroque qui nous attend avec l’exposition d’art contemporain de Jan Fabre, artiste tous azimuts, né à Anvers en 1958 ; il a été invité, jusqu’en juillet 2008, par le Louvre à y installer son œuvre et a fait le choix du département le plus proche de ses origines : les Flandres, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Hollande, lequel occupe une quarantaine de salles des Ecoles du Nord.
Un cartel double feuille explique la démarche et cite l’auteur ; nous apprenons que la mise en scène de ses œuvres dialogue avec des thématiques universelles repérées dans les collections de ces Ecoles : la mort et la résurrection, les vanités, l’argent, le fou, le jeu ; l’agneau mystique, la bataille, l’armure, l’atelier.

Mais laissons à l’entrée du lieu le sosie de l’artiste par lui-même, nez collé sur le portrait reproduit de Philippe Le Bon de van der Weyden. Nous en reparlerons.

Pour plonger dans l’histoire de l’art du XVIIème siècle, nous sommes invités devant Le Baptême du Christ (1588) à considérer la période précédente, le maniérisme, ce « à la manière de » pratiqué par des artistes comme Rosso, le Primatice, Cellini…et nous nous arrêtons devant les figures musclées façon Michel-Ange peintes par Cornelis van Haarlem
L’artiste post-Renaissance s’inspire directement des œuvres le précédant, sans invention vraiment nouvelle, avec talent cependant.

Le Caravage (1573-1610) un des inspirateurs de Rubens - lequel fit un séjour déterminant de huit ans en Italie - défriche une voie d’ombre et de lumière ( le clair-obscur) en s’approchant de la figure humaine dans sa réalité la plus quotidienne ; il traite les sujets religieux avec la proximité d’un familier, retourne à la nature même pour mettre en forme la mythologie grecque et romaine.

Rubens gardera en mémoire la hardiesse de cet artiste, achètera et fera acheter ses tableaux par les grands, flairant avant tous, la qualité innovante de cette peinture.


Dans la galerie Rubens, la série des 22 tableaux de grandes dimensions commandés par la régente Marie de Médicis, réalisés entre 1622 et 1625 pour le Palais du Luxembourg à Paris, est imposante par le luxe des couleurs et des formes. Les mises en scène somptueuses, la plupart construites sur des obliques, nous ramènent au style de L’Erection de la Croix (au programme) dont les personnages brossés avec vigueur suscitent l’émotion.
Ce sont les trois fameuses naïades, vues de très près, du Débarquement de Marie de Médicis à Marseille qui nous offrent l’occasion de comprendre la technique de Rubens : Il donne forme par la couleur. Rembrandt, pourtant protestant et sobre en couleur, montrera la même liberté de contour.

Avec Nicolas Poussin, nous feuilletons ensuite une sorte de livres d’images mythologiques dont est pétrie l’époque ; les formats sont de taille moyenne, et ici c’est le dessin qui précède la couleur.

Une discussion assez vive a suivi la conférence à propos de culture générale : que les élèves constatent un manque de savoir, quoi de plus naturel à 17 ans ? Faut-il pour autant qu’ils en conçoivent de l’amertume et considèrent leur défaut de connaissance comme un trésor irrémédiablement perdu ou rendu inutile ?
Ne faut-il pas plutôt les inviter à accepter la médiation d’une personne dont la formation culturelle est avérée, et à s’emparer des clés qu’elle donne pour s’ouvrir avec bonheur aux œuvres des anciens ?

René Huygues s’exprime à ce propos dans Sens et Destin de l’Art :

« Par l’Histoire de l’art, l’homme apprend à mieux pénétrer, à savoir ce qu’il a été au long des siècles, tel qu’il s’est reflété dans le témoignage direct, irrécusable et toujours vivant de ses œuvres, tel qu’il est aussi dans sa nature profonde et éternelle, car rien mieux que l’œuvre d’art ne permet de sonder la sensibilité de l’esprit, les profondeurs de l’homme ».

Ce sont les profondeurs de l’homme qu’explore à sa manière Jan Fabre ! Ce n’est pas ici que nous chercherons s’il était pertinent ou non qu’il se singularise en se plaçant au milieu d’œuvres anciennes dont les auteurs s’effaçaient pour servir les sujets commandés ; on peut toujours consulter le site des journaux qui en ont parlé. [[Articles du Figaro des 10 et 16 avril ; L’express ; RFI, signature d’Elisabeth Bouvet ; et le site officiel du Louvre]

Revenons au sosie saisissant de Jan Fabre qui attend le spectateur au tournant ! et à la réaction de cette élève qui s’est demandé quelques secondes si tout de même il n’allait pas bouger ?! Cet instant ambigu fait de relative émotion, d’étonnement, renvoie au saisissement d’une autre jeune fille du XVIIème siècle tombant en pâmoison parmi les spectateurs lors du dévoilement par Pierre Puget (1620-1694) de son Milon de Crotone ; nous sommes bien à trois cents ans de distance dans la même veine baroque.

Marie-Noëlle Lepeu,
Paul Guérin.