Le silence du professeur dans le cours de langue publié le 20/12/2016  - mis à jour le 13/12/2021

Savoir se taire pour laisser à l'élève l'espace et le temps de construire sa réflexion et sa parole

1ère diapo du ppt de la formation


Organisée essentiellement autour du geste et de la parole, la relation prof élève s’équilibre de manière fragile.
Dans un souci de bien faire et le besoin de contrôler la bonne marche du cours, l’enseignant énonce des consignes, conseils, interroge et donne parfois les réponses quand elles tardent à venir. Les élèves répondent, interrogent l’enseignant sur un point du cours ou non. La distribution entre la parole de l’enseignant et celle de l’élève s’organise parfois autour d’une domination de l’une ou de l’autre et pas nécessairement pour la bonne mise en route des apprentissages de l’élève.

  • Quand l’enseignant se tait, que se passe t-il ?
  • Qu’est-ce que le silence de l’enseignant provoque chez les élèves ?
  • En quoi le silence peut-il être bénéfique pour l’enseignant ?

Laetitia Hauquin, professeure d’éducation musicale, sophrologue et musicothérapeute, accompagnée de Sophie Humeau enseignante de lettres-anglais en LP, apportent des pistes de réflexion et leurs éléments de réponse à ces questions à la demande de Philippe Rambaud (IEN Lettres-anglais) pour la formation proposée au Plan académique de formation de l’académie de Poitiers :

"Le silence du professeur dans le cours de langue".

Le silence

Premier constat, le silence est constitutif du discours. Il le structure en lui donnant son rythme.
Le silence appuyé est signifiant. On le qualifie d’éloquent.

Confrontés au silence de nos interlocuteurs, nous nous interrogeons sur sa signification. Est-il signe de la perplexité de notre interlocuteur, sa compréhension tacite, sa peur, le besoin de construire sa réflexion ? Que fait-il naître en nous ? Que peut-il apporter à nos élèves ?

Le silence et les rituels dans le cours

Le cours se décompose en moments clé : arrivée dans la classe, installation des élèves, sortie du cahier, classeur, ouverture à la bonne page, demande aux élèves de situer la séance dans sa globalité (la dernière fois ? dans quel contexte ? pour quoi faire ?).

Le cours se déroule avec l’enseignant souvent face aux élèves, ils posent des questions, les élèves répondent plus ou moins. L’heure se termine, l’enseignant demande le feedback de la séance. Toujours par souci de bien faire, l’enseignant peut énoncer plusieurs consignes à la fois, peut interrompre l’élève qui intervient à l’oral pour rectifier une erreur, peut attirer l’attention d’un élève qui écrit sur un mot mal orthographié.

Sur une séance, de combien de temps dispose l’élève pour réaliser une tâche sans être interrompu et combien de temps l’élève prend-il la parole sans être interrompu après avoir muri sa réflexion ?
Le temps de parole est souvent réparti de la manière suivante : 2/3 pour le prof, 1/3 pour l’élève.

Or comment mettre l’élève au centre des ses apprentissages, le rendre acteur de sa formation si sa parole est réduite et assistée ?


La relation apaisée avec soi et avec l’autre, la sophrologie comme outil d’écoute de soi et de l’élève

Faire silence en soi par des outils tels que la sophrologie présentés dans ce stage, permet de se mettre à sa propre écoute et à celle de l’autre. L’autre ici, c’est l’élève.

Un expérience proposée lors de la formation a demandé aux enseignants de ne plus communiquer verbalement et de se mettre dans une attitude d’écoute de ses partenaires. A quatre, les yeux fermés, les stagiaires ont écouté la présence des autres et ont échangé leurs ressentis. La communication n’est pas que verbale, les signes extra-verbaux et le silence sont porteurs de sens. Puis, en grand cercle, ils ont après fait silence, émis un son voyelle. Les vibrations ressentis par chacun même par ceux qui n’ont pas souhaité émettre de son, ont permis à chacun de réaliser l’énergie émise par le son et la qualité du silence qui s’établit après et l’immédiate disponibilité de l’écoute de chacun.

Cette écoute insiste sur la prise en compte réelle de l’élève dans sa dimension globale et nous incite à avoir une posture d’aidant. Cette posture implique de ne pas diriger l’élève sous peine de l’assister en permanence, de le mettre en position d’échec et le réduire au silence. Une classe silencieuse n’est donc pas nécessairement une classe concentrée sur une tâche, les élèves usent parfois du silence pour se replier sur eux-mêmes et ainsi échapper aux activités proposées.
Défini par Carl Rogers (pdf de 40 Ko), la relation d’aide incite à entrer dans une relation authentique avec les élèves et à favoriser l’autonomie à partir des ressources qui lui sont propres.

La relation d’aide permet grâce à la sophrologie de retrouver un climat serein en soi et de progressivement inviter les élèves à travailler de manière plus autonome, moins dépendante de la validation/vérification permanente de l’enseignant.

A l’ouverture de la journée de formation, Philippe Rambaud, IEN Anglais-lettres a souligné dans ses propos liminaires que :

"c’est par son silence que le professeur contribue à rendre l’élève locuteur de sa locution."

Dans la classe

  • Pour l’enseignant, le silence progressif et réfléchi dans sa classe lui permet de se préserver, d’observer les élèves, d’individualiser sa relation aux élèves ainsi que la mise en action de ses élèves.
  • Pour l’élève, ces moment de silence leur permet de prendre le temps de la réflexion puis de la parole. Il peut ainsi rassembler ses connaissances, revenir sur des points mal compris, écouter l’intervention des autres et s’en inspirer. Il lui permet aussi de s’armer du courage nécessaire à la prise de parole devant ses pairs.


Diapo de la formation "Quand le prof s'efface, ce la permet.." :
  • La première étape pourrait être chronométrer son temps de parole dans la classe pour prendre conscience de la répartition de son temps de parole. La présence d’un collègue peut s’avérer utile.
  • Si ce n’est pas le cas, déplacer le bureau de l’enseignant sur le côté de salle. Cette disposition permet à l’élève de ne pas fixer son attention en permanence sur lui/elle.
  • Disposer les tables en îlots a été mis en avant comme un moyen pour les élèves de travailler ensemble, de s’aider mutuellement. Elle favorise l’interaction entre les élèves.
  • Instituer un rituel de restitution à la fin de la séance :

    Pour que l’enseignant là encore ne soit pas le "distributeur de parole", les élèves sont invités à prendre la parole spontanément et doivent dire "Je prends la parole" et "Je laisse la parole" pour encadrer leurs interventions.
    Dans le fonctionnement de l’ilot, des rôles sont assignés à chacun et doivent changer d’une séance ou séquence sur l’autre.

D’autres pistes sont à explorer et feront l’objet d’une mise en commun et donc d’une mise à jour de cette publication après la 2ème journée de formation du 10 Mars 2017.