Un cochon dans les rues de Bruxelles publié le 21/09/2018

 Le roman s’ouvre sur la course effrénée d’un cochon dans les rues de Bruxelles. Avec ce procédé presque filmique, le narrateur nous permet de rencontrer brièvement les principaux personnages du roman. Nous croiserons ainsi les chemins de Fenia Xenopoulou, Chypriote travaillant pour la commission européenne, David de Vriend, octogénaire marqué à jamais par l’Holocauste, Alois Erhart professeur autrichien dont les parents étaient des nazis convaincus ou encore Mateusz Oswiecki, Martin Susman, Gouda Mustafa, Kai-Uwe Frigge …

 Dans ce roman foisonnant, la trame principale est le souhait de la commission européenne de fêter d’une façon originale ses 50 ans d’existence (nous sommes en 2008). Chargé par Fenia de ce travail, Martin Susman, est un jeune homme perdu entre les problèmes de son frère, éleveur de cochons, et l’ambition démesurée de sa supérieure. Il décide d’associer la création de la commission à l’existence du camp d’Auschwitz. Pour lui, l’Union européenne ne serait jamais née si ces atrocités n’avaient pas été commises.
Le roman se veut aussi un roman policier : le commissaire Emile Brunfaut doit résoudre un meurtre dans un grand hôtel bruxellois. Mais il est très vite arrêté dans son enquête par le vol de ses notes et par ses propres supérieurs …


 D’autres personnages apparaissent au fil du roman : Florian Susman, le frère de Martin, éleveur de cochons prêt à commercer avec la Chine, Bohumil Ssmekal, collègue bulgare de Martin et gêné par le mariage de sa sœur avec un nationaliste, Mateusz Oswiecki Mateusz Oswiecki, un tueur à gages polonais, qui se trompe de cible et doit fuir, traqué par tous. Nous suivons également les errements d’un des derniers survivants d’Auschwitz, David de Vriend. Ce personnage est de loin le plus touchant du roman, il vient juste d’emménager dans une maison de retraite, mais ne supporte ni les employés, ni l’enfermement. Il se perd à la fois dans Bruxelles et dans ses propres souvenirs.
Nous faisons aussi la connaissance d’Alois Eerhat, professeur autrichien, convaincu de la nécessité d’une Europe unie, dépassant les nationalismes. Il plaide pour un passeport unique européen et le choix d’Auschwitz comme capitale de l’Union européenne.
In Auschwitz muss die neue europäische Hauptstadt entstehen, geplant und errichtet als Stadt der Zukunft, zugleich die Stadt, die nie vergessen kann. ‚Nie wieder Auschwitz‘ ist das Fundament, auf dem das Europäische Einigungswerk errichtet wurde. Zugleich ist es ein Versprechen für alle Zukunft."
Mais personne ne l’écoute vraiment.
Robert Menasse décrit à travers ces personnages un monde bureaucratique où chacun a certes des ambitions, des aspirations, voire des rêves, mais où personne ne parvient à travailler avec les autres, à partager un projet, une expérience, des souvenirs ou même une enquête.


 Tout comme la course du cochon dans le prologue peut être interprétée de différentes façons, le lecteur est malheureusement vite perdu…L’enquête n’aboutit pas vraiment, le tueur à gages se perd en Europe orientale, le survivant de l’Holocauste décède sans avoir pu échanger avec la commission européenne, le projet du jubilé n’aboutit pas …
Le roman se termine sur les mots (en français dans le texte) "à suivre", alors accordons-lui du temps … Laissons nous emporter par ce plaidoyer à l’écriture élégante et aux arguments parfois si riches, en espérant que la suite nous permettra de retrouver le fil …

 Robert Menasse, né en 1954, est un écrivain et essayiste autrichien. Il publie très régulièrement des essais sur la politique autrichienne et les affaires européennes. Européen convaincu, il a entre autres publié un essai sur ce sujet, "Un messager pour l’Europe" (Der Europäische Landbote : die Wut der Bürger und der Friede Europas).

Die Hauptstadt(2017). Robert Menasse, Suhrkamp Verlag, ISBN978-3518427583, 24 euros (sortie en poche prévue le 2 octobre en Allemagne, 12 euros)
Der Europäische Landbote : die Wut der Bürger und der Friede Europas (2015), Robert Menasse, Herder, ISBN 978-3451068195, 7,99 euros